Dans un entretien donné à La Provence Henri Guaino explique qu'il ne doit pas y avoir de tabou, que l'on peut discuter en démocratie de tout et notamment de la place de la religion dans la société. "Il n'est, dit-il, absolument pas question de remettre en cause ni la lutte contre les sectes, ni la laïcité, mais dans une démocratie on doit pouvoir discuter de tout. À force d'être paralysé par les tabous, on finit par ne plus parler de rien. Dans la République, la possibilité de pratiquer sa religion quand on est croyant est une dimension essentielle de la citoyenneté. La laïcité, ce n'est pas le combat contre les religions, c'est le respect de toutes les croyances. Il faut relire Jules Ferry et se souvenir de Jaurès, qui était socialiste, et qui disait : "Prononcer le mot Dieu ne me fait pas peur." Sans doute, mais plusieurs motifs devraient aujourd'hui nous éviter de relancer le débat sur la laïcité. J'en vois au moins 7 :
- la loi de 1905 n'est aujourd'hui contestée par personne, sinon, semble-t-il par le Président de la République. Aucune autorité religieuse, aucun parti politique, que ce soit à droite ou à gauche, ne la conteste. Même les conflits sur l'enseignement se sont éteints. Il n'y a pas de demande sociale pour revenir dessus. Pourquoi en créer une de manière artificielle?
- le système que cette loi a créé fonctionne de manière satisfaisante. Il a contribué à limiter la constitution de ghettos et le développement de réflexes communautaires : la création d'un ghetto commence lorsque les pouvoirs publics délèguent à des autorités communautaires, souvent religieuses, la police de leur quartier (exemple : la Grande-Bretagne, les Pays-Bas…). Le seul point qui pose problème est l'expression de l'appartenance religieuse dans l'espace des institutions publiques (école, contacts avec des usagers dans la fonction publique). Mais il doit être relativisé : la plupart des musulmanes (puisque c'est d'elle qu'il s'agit) l'ont accepté ;
- la laïcité est vécue par une majorité de Français comme une composante majeure de leur identité nationale à coté de la langue. C'est avec l'apprentissage du français, la première règle que l'on demande aux migrants de respecter. Pourquoi vouloir brouiller l'image que nous avons de nous-même? D'autres vivent avec d'autres règles et s'en accommodent? Soit, mais est-ce un motif pour changer ce qui nous convient ?
- la laïcité à la française a de nombreuses vertus : elle n'interdit à personne de croire ce qu'il souhaite, mais, en traçant une frontière entre le public et le privé, elle a évité la confusion des genres dans un grand nombre de domaines, la politique (voulons-nous vraiment d'un Président qui nous explique comment il a prié avant de prendre une décision grave?), l'enseignement, la science…
- cette règle structure profondément notre espace public et contribue au rôle de l'Etat dans la société française : nous confions à l'Etat des missions (enseignement, oeuvres caritatives, aides aux plus démunis) qui sont ailleurs déléguées à des institutions religieuses, comme en Allemagne où chacun doit payer un impôt religieux qui sert à financer les associations caritatives ;
- prétendre que les religions ont une autorité morale particulière est pour le moins contestable. Depuis Kant, les philosophes qui traitent de morale ont mis entre parenthèses la religion. Des sociétés a-religieuses ne respectent pas moins des règles morales que les sociétés religieuses ;
- les comportements réels des Eglises et leurs effets sur la vie quotidienne des uns et des autres invitent à se méfier de leur influence. Faut-il le rappeler? C'est au nom de Dieu que l'on commet des attentats suicide, que l'on interdit l'usage du préservatif dans des sociétés minées par le Sida, que l'on conteste le darwinisme… De manière plus générale, le bilan des Eglises dans les crises les plus graves du 20ème siècle est particulièrement maigre : on ne voit pas qu'elles se soient mieux comportées que le reste de la société ;
J'ajouterai pour conclure que voir la loi de 1905 remise en cause par un Président qui a divorcé deux fois et s'est remarié trois fois prêt à sourire. Peut-il pourrait-il s'imposer cette règle de fidélité que l'Eglise demande à tous les couples qu'elle marie.
Avoir des opinions est l'un des éléments du bien-être, affirmait il y a une quinzaine d'années, l'économiste A.O.Hirshman. Les blogs sont une bonne manière d'afficher ses opinions mais aussi, et peut-être même surtout, de les construire. C'est ce qui m'a donné envie de tenir celui-ci
vendredi, février 22, 2008
vendredi, février 15, 2008
Sarkozy : y a-t-il eu tromperie sur la marchandise?
Depuis quelques jours, les débats télévisés ne portent plus que sur la chute de Sarkozy dans les sondages. Les commentaires, toujours très savants, tournent en général autour de deux idées :
- la politique n'est pas contestée, à preuve la bonne tenue de François Filllon dans les sondages,
- le problème, c'est Nicolas Sarkozy, la manière dont il exerce son métier, les yachts de ses amis, ses vacances à Pétra (entre nous, quelle hypocrisie de la part de journalistes qui sont tous allés au moins une fois visiter ces lieux splendides!).
Il est possible que ce soit l'explication, mais j'en vois au moins une autre : le sentiment d'une tromperie sur la marchandise. Je m'explique : Nicolas Sarkozy a été élu pour mener une politique de droite classique, avec plus de discipline (qui veut également dire rigueur budgétaire), la récompense de l'effort, une dose de libéralisme et la remise en cause des avantages acquis. Or, lorsque l'on regarde la politique qu'il mène, on découvre :
- qu'il conduit de manière relativement timide ce programme de réformes de droite classique : pas de sélection à l'entrée à l'université, une réforme des régimes spéciaux dont chacun sent bien qu'elle patine, un choc de confiance qui ne vient pas…
- qu'il consacre beaucoup de son temps à une "révolution culturelle" pour laquelle personne ne l'a mandaté. Je fais allusion à ce qu'il dit sur le rôle de la religion (sujet qui le met en porte-à-faux avec l'essentiel de la société française si attachée à cette idée de laïcité que l'on peut dire qu'elle est avec la langue une des composantes de notre identité nationale), mais aussi à son atlantisme affiché qui l'oppose à une opinion qui appréciait l'anti-américanisme de Chirac et à cette ouverture qui va probablement bien au delà de la seule tactique anti-socialiste. Sarkozy a probablement en tête, avec cette ouverture, une réécriture de notre système politique où l'opposition gauche-droite s'effacerait au profit d'une opposition entre écuries présidentielles.
Si cette interprétation est correcte, la désaffection à l'égard de Sarkozy viendrait de ce qu'il fait autre chose que ce pour quoi il a été élu. A contrario, la popularité de son premier ministre viendrait, non pas de sa discrétion sarthoise affichée, mais de ce qu'il tente d'appliquer le programme du Président.
- la politique n'est pas contestée, à preuve la bonne tenue de François Filllon dans les sondages,
- le problème, c'est Nicolas Sarkozy, la manière dont il exerce son métier, les yachts de ses amis, ses vacances à Pétra (entre nous, quelle hypocrisie de la part de journalistes qui sont tous allés au moins une fois visiter ces lieux splendides!).
Il est possible que ce soit l'explication, mais j'en vois au moins une autre : le sentiment d'une tromperie sur la marchandise. Je m'explique : Nicolas Sarkozy a été élu pour mener une politique de droite classique, avec plus de discipline (qui veut également dire rigueur budgétaire), la récompense de l'effort, une dose de libéralisme et la remise en cause des avantages acquis. Or, lorsque l'on regarde la politique qu'il mène, on découvre :
- qu'il conduit de manière relativement timide ce programme de réformes de droite classique : pas de sélection à l'entrée à l'université, une réforme des régimes spéciaux dont chacun sent bien qu'elle patine, un choc de confiance qui ne vient pas…
- qu'il consacre beaucoup de son temps à une "révolution culturelle" pour laquelle personne ne l'a mandaté. Je fais allusion à ce qu'il dit sur le rôle de la religion (sujet qui le met en porte-à-faux avec l'essentiel de la société française si attachée à cette idée de laïcité que l'on peut dire qu'elle est avec la langue une des composantes de notre identité nationale), mais aussi à son atlantisme affiché qui l'oppose à une opinion qui appréciait l'anti-américanisme de Chirac et à cette ouverture qui va probablement bien au delà de la seule tactique anti-socialiste. Sarkozy a probablement en tête, avec cette ouverture, une réécriture de notre système politique où l'opposition gauche-droite s'effacerait au profit d'une opposition entre écuries présidentielles.
Si cette interprétation est correcte, la désaffection à l'égard de Sarkozy viendrait de ce qu'il fait autre chose que ce pour quoi il a été élu. A contrario, la popularité de son premier ministre viendrait, non pas de sa discrétion sarthoise affichée, mais de ce qu'il tente d'appliquer le programme du Président.
jeudi, février 14, 2008
Sarkozy en figurine pour publicité
C'est une vidéo publicitaire qui joue sur toute une série d'allusions, au viagra, à l'énergie un peu fébrile de notre Président, à la virilité, au savant fou qui parle forcément allemand.
C'est plutôt amusant mais je ne suis pas sûr que cela amuse ceux qui pensent que la fonction présidentielle mérite un peu de respect.
On remarquera tout de même la réactivité des publicitaires. Avec les nouvelles technologies de création et, surtout, de diffusion, on peut construire des publicités qui suivent l'actualité au plus près.
C'est plutôt amusant mais je ne suis pas sûr que cela amuse ceux qui pensent que la fonction présidentielle mérite un peu de respect.
On remarquera tout de même la réactivité des publicitaires. Avec les nouvelles technologies de création et, surtout, de diffusion, on peut construire des publicités qui suivent l'actualité au plus près.
"Confier à chaque enfant de CM2 la mémoire d'un enfant victime de la Shoah"
Nicolas Sarkozy a annoncé hier devant le CRIF sa volonté de voir confier, dés la rentrée prochaine, "à chaque enfant de CM2 la mémoire d'un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah". La formule "confier la mémoire" est belle tout comme est juste cette autre phrase du discours : "Rien n'est plus intime que le nom et le prénom d'une personne."
Je n'ai pas très envie de voir là un coup médiatique, une pierre dans la reconstruction d'une image dégradée, même si cela y participe probablement. Et, de fait, je recevrais avec bienveillance cette mesure si elle ne s'inscrivait dans deux des constantes du discours politique de Nicolas Sarkozy qui me paraissent contestables : la construction d'une société des victimes et la hiérarchisation de celles-ci.
Traditionnellement, on demandait aux élèves dans les écoles d'honorer les héros. On les emmenait assister aux défilés du 14 juillet, on donnait à leur école le nom de personnalités qui s'étaient montrées particulièrement héroïques (Guy Moquet, Pierre Guéguin…). On leur demande aujourd'hui d'honorer des victimes innocentes, doublement innocentes parce qu'enfants et juifs. C'est évidemment tout à fait différent. D'un coté, on valorise la volonté, le courage, la révolte contre les injustices, le don de soi pour des valeurs, la patrie, autrui…, on souhaite susciter de l'admiration, donner en exemple, de l'autre, on met en avant la compassion pour des personnes victimes non pas pour ce qu'elles ont fait, non pas même pour ce qu'elles croient ("A Auschwitz, on ne mourrait pas pour sa foi" dit Benny Lévy dans Etre juif et André Néher qu'il cite : "Après que la loi nazie eut défini comme juifs tous ceux qui ont un grand-parent juif, les juifs ont été massacrés à cause de la foi juive de leurs grands-parents. Si ces arrière-grands-parents avaient abandonné la foi juive et n'avaient pas élevé d'enfants juifs, leurs descendants à la quatrième génération auraient pu être parmi les criminels") mais pour ce qu'elles sont.
Je ne sais pas ce qui est le meilleur du point de vue pédagogique, je ne suis pas sûr que la construction d'un imaginaire collectif basé sur les seules victimes soit souhaitable (il faudrait relire dans le détail René Girard et Nietzche), mais cela participe de cette politique de la victime que Nicolas Sarkozy développe et que l'on retrouve dans sa politique judiciaire, dans les propos de Rachida Dati ("Ce sont les victimes qui priment", "Il faut que le préjudice des familles des victimes soit reconnu pour qu'elles puissent faire leur deuil"…) voire même dans la manière dont la justice est présentée par la presse au quotidien, dont on oppose, même dans les cas les plus techniques, la parole des victimes (ou de leurs proches) et celle de ceux que l'on juge (ce matin même, sur France Inter, on opposait la douleur des familles des 5 pompiers morts dans la lutte contre un incendie à la propriétaire du studio dans lequel le feu a pris et dont on ne sait si la négligence est responsable du sinistre, comme si la douleur des victimes devait peser sur la recherche de la vérité, comme si la réparation de leur souffrance ne pouvait passer que par la désignation et la condamnation d'un coupable. Comment ne pas penser à cette phrase de Nietzsche : "Les martyrs ont nui à la vérité").
Cette initiative conforte, par ailleurs, l'étrange et très discutable hiérarchie des victimes que Nicolas Sarkozy pratique. Il y a, d'un coté, celles que l'on honore, dont on prend soin et, de l'autre, celles auxquelles on refuse le statut même de victime, victimes de la colonisation et de l'esclavage (c'est bien ce que veut dire "pas de repentance"), mais aussi enfants juifs exclus de cet hommage parce qu'étrangers : le Président ne parle que des enfants français, mais combien d'enfants étrangers, vivant sur le territoire français, ont été victimes de la Shoa? En ce sens, on peut craindre que cette mesure ne contribue à aiguiser cette guerre des mémoires qui s'est déclarée dans notre pays, guerre d'autant plus dangereuse qu'elle confond en permanence le juif victime d'hier au juif "réel" d'aujourd'hui qui ne se laisse pas faire, ne laisse rien passer et se bat pour ses droits. Confusion qui ne peut que choquer qui éprouve de la sympathie pour ces autres victimes que sont les Palestiniens.
Je n'ai pas très envie de voir là un coup médiatique, une pierre dans la reconstruction d'une image dégradée, même si cela y participe probablement. Et, de fait, je recevrais avec bienveillance cette mesure si elle ne s'inscrivait dans deux des constantes du discours politique de Nicolas Sarkozy qui me paraissent contestables : la construction d'une société des victimes et la hiérarchisation de celles-ci.
Traditionnellement, on demandait aux élèves dans les écoles d'honorer les héros. On les emmenait assister aux défilés du 14 juillet, on donnait à leur école le nom de personnalités qui s'étaient montrées particulièrement héroïques (Guy Moquet, Pierre Guéguin…). On leur demande aujourd'hui d'honorer des victimes innocentes, doublement innocentes parce qu'enfants et juifs. C'est évidemment tout à fait différent. D'un coté, on valorise la volonté, le courage, la révolte contre les injustices, le don de soi pour des valeurs, la patrie, autrui…, on souhaite susciter de l'admiration, donner en exemple, de l'autre, on met en avant la compassion pour des personnes victimes non pas pour ce qu'elles ont fait, non pas même pour ce qu'elles croient ("A Auschwitz, on ne mourrait pas pour sa foi" dit Benny Lévy dans Etre juif et André Néher qu'il cite : "Après que la loi nazie eut défini comme juifs tous ceux qui ont un grand-parent juif, les juifs ont été massacrés à cause de la foi juive de leurs grands-parents. Si ces arrière-grands-parents avaient abandonné la foi juive et n'avaient pas élevé d'enfants juifs, leurs descendants à la quatrième génération auraient pu être parmi les criminels") mais pour ce qu'elles sont.
Je ne sais pas ce qui est le meilleur du point de vue pédagogique, je ne suis pas sûr que la construction d'un imaginaire collectif basé sur les seules victimes soit souhaitable (il faudrait relire dans le détail René Girard et Nietzche), mais cela participe de cette politique de la victime que Nicolas Sarkozy développe et que l'on retrouve dans sa politique judiciaire, dans les propos de Rachida Dati ("Ce sont les victimes qui priment", "Il faut que le préjudice des familles des victimes soit reconnu pour qu'elles puissent faire leur deuil"…) voire même dans la manière dont la justice est présentée par la presse au quotidien, dont on oppose, même dans les cas les plus techniques, la parole des victimes (ou de leurs proches) et celle de ceux que l'on juge (ce matin même, sur France Inter, on opposait la douleur des familles des 5 pompiers morts dans la lutte contre un incendie à la propriétaire du studio dans lequel le feu a pris et dont on ne sait si la négligence est responsable du sinistre, comme si la douleur des victimes devait peser sur la recherche de la vérité, comme si la réparation de leur souffrance ne pouvait passer que par la désignation et la condamnation d'un coupable. Comment ne pas penser à cette phrase de Nietzsche : "Les martyrs ont nui à la vérité").
Cette initiative conforte, par ailleurs, l'étrange et très discutable hiérarchie des victimes que Nicolas Sarkozy pratique. Il y a, d'un coté, celles que l'on honore, dont on prend soin et, de l'autre, celles auxquelles on refuse le statut même de victime, victimes de la colonisation et de l'esclavage (c'est bien ce que veut dire "pas de repentance"), mais aussi enfants juifs exclus de cet hommage parce qu'étrangers : le Président ne parle que des enfants français, mais combien d'enfants étrangers, vivant sur le territoire français, ont été victimes de la Shoa? En ce sens, on peut craindre que cette mesure ne contribue à aiguiser cette guerre des mémoires qui s'est déclarée dans notre pays, guerre d'autant plus dangereuse qu'elle confond en permanence le juif victime d'hier au juif "réel" d'aujourd'hui qui ne se laisse pas faire, ne laisse rien passer et se bat pour ses droits. Confusion qui ne peut que choquer qui éprouve de la sympathie pour ces autres victimes que sont les Palestiniens.
mercredi, février 13, 2008
De la torture à l'intelligence artificielle
Nos lectures parallèles nous amènent parfois à d'étranges questions.
J'ai actuellement sur ma table de travail Brainstorms, un recueil de Daniel Dennett (le philosophe américain) que j'ai consulté pour la deuxième version de mon livre sur le management Google (en deux mots et pour ceux que cela intriguerait, j'y oppose les réserves à l'égard de la technique de la culture et des philosophes européens, comme Heidegger ou Ellul, à la confiance que lui font les Américains, confiance dont je vois un témoignage dans la manière dont Dennett, Fodor, Putnam et quelques autres, ont abordé les questions de l'intelligence artificielle) et la biographie de Jean Améry, un essayiste et romancier autrichien qui a vécu en France, en Belgique et en Allemagne et a écrit des textes importants sur la torture, sujet sur lequel j'ai travaillé il y a peu (voir Tortures en Irak : l'inquiétante candeur américaine publié dans les Temps Modernes).
Dans l'un des articles de ce recueil, Dennett se demande si un ordinateur peut ressentir de la douleur. Cet article s'achève sur ces quelques mot : "thoughtful people would refrain from kicking such a robot". Améry explique, lui, que la torture nous déshumanise, "fait de nous un corps, abolit la contradiction de la mort et nous fait vivre notre propre mort." Et ajoute : "celui qui a été torturé reste un torturé (…) Je pendouille toujours, vingt deux après, suspendu au bout de mes bras disloqués à un mètre du sol."
D'où cette question qui m'est venue à l'esprit et que j'aimerais poser à Dennett : peut-on torturer un robot?
J'ai actuellement sur ma table de travail Brainstorms, un recueil de Daniel Dennett (le philosophe américain) que j'ai consulté pour la deuxième version de mon livre sur le management Google (en deux mots et pour ceux que cela intriguerait, j'y oppose les réserves à l'égard de la technique de la culture et des philosophes européens, comme Heidegger ou Ellul, à la confiance que lui font les Américains, confiance dont je vois un témoignage dans la manière dont Dennett, Fodor, Putnam et quelques autres, ont abordé les questions de l'intelligence artificielle) et la biographie de Jean Améry, un essayiste et romancier autrichien qui a vécu en France, en Belgique et en Allemagne et a écrit des textes importants sur la torture, sujet sur lequel j'ai travaillé il y a peu (voir Tortures en Irak : l'inquiétante candeur américaine publié dans les Temps Modernes).
Dans l'un des articles de ce recueil, Dennett se demande si un ordinateur peut ressentir de la douleur. Cet article s'achève sur ces quelques mot : "thoughtful people would refrain from kicking such a robot". Améry explique, lui, que la torture nous déshumanise, "fait de nous un corps, abolit la contradiction de la mort et nous fait vivre notre propre mort." Et ajoute : "celui qui a été torturé reste un torturé (…) Je pendouille toujours, vingt deux après, suspendu au bout de mes bras disloqués à un mètre du sol."
D'où cette question qui m'est venue à l'esprit et que j'aimerais poser à Dennett : peut-on torturer un robot?
mardi, février 12, 2008
Ségolène : pourquoi tant d'animosité?
Arthur Goldhammer s'interroge dans son excellent blog sur cette animosité que suscite Ségolène Royal à gauche. C'est une bonne question. Lorsqu'on l'interroge Ségolène Royal parle de misogynie, c'est une explication facile, mais sans doute fausse. Faut-il le rappeler, elle n'est pas la première dans ce cas. François Mitterrand en son temps, Laurent Fabius, plus récemment, ont également suscité des réactions très hostiles à gauche.
Sans doute est-ce que tous trois ont un parcours un peu similaire : venus de milieux de droite, ils se sont engagés à gauche. Les milieux sont différents : bourgeoisie provinciale pour Mitterrand, bourgeoisie cultivée et raffinée pour Fabius, droite catholique, autoritaire et traditionnelle pour Ségolène Royal. Mais tous trois ont conservé quelque chose de cette origine qui rappelle en permanence d'où ils viennent : les bonnes manières de Fabius, une certaine raideur chez Ségolène, des amitiés pour Mitterrand. Or, ce quelque chose leur fait doublement tort : cela fait douter de leur légitimité de gauche (un ouvrier sera toujours pour des néo-marxistes plus naturellement à gauche qu'un bourgeois) mais aussi de leur engagement. Quoiqu'ils fassent, il n'est pas complet puisqu'ils continuent de partager valeurs et comportements avec l'adversaire.
Ségolène a, de plus, sur ses deux prédécesseurs un handicap majeur : elle s'exprime mal en public, elle a du charisme mais elle n'est pas bon orateur alors que s'exprimer correctement, avec élégance et naturel, ce que faisait François Mitterrand, ce que fait Laurent Fabius dont les discours sans notes suscitent toujours autant d'admiration, est un atout majeur à gauche surtout pour qui est en décalage par rapport à l'image traditionnelle du militant de gauche : cela permet de séduire, de bluffer les intellectuels, les fonctionnaires, les professeurs, les journalistes, tous les faiseurs d'opinion qui peuvent juger en expert de l'habileté rhétorique d'un politique. Une belle langue est nécessaire pour réussir à gauche quand on n'a pas cette légitimité que donnent une naissance populaire ou l'appartenance à une corporation qui fait profession de servir l'intérêt général.
On dira que Ségolène Royal n'est pas la première à mal s'exprimer. Et l'on aura raison. Mais la comparaison avec d'autres est intéressante et instructive.
On se souvient des phrases alambiquées, très longues et parsemées de vocabulaire technocratique de Michel Rocard. Personne n'y comprenait rien, mais il en ressortait une impression de compétences, de connaissance des dossiers qui donnaient envie de lui faire confiance : lui comprenait, maîtrisait ce que nous ne comprenions pas.
Dominique Strauss-Khan ne s'exprime pas non plus très bien, mais ses discours donnent une impression d'intelligence qui fait oublier ses pataquès et autres faiblesses grammaticales.
Il n'y a rien de pareil chez Ségolène Royal. Ses défauts d'expression deviennent chez elle des faiblesses de caractère ou, pire encore, de ses capacités intellectuelles. La bravitude, joli mot-valise, qui prononcé par De Gaulle, Fabius ou Mitterrand aurait enchanté les journalistes, aurait porté à leur crédit (quelle invention! quelle liberté avec la langue avec les conventions!) est devenu, chez elle, barbarisme, objet de moquerie. Et pour un motif tout simple : personne n'a cru à un jeu de mot volontaire tant elle pratique l'à peu près dans son expression publique.
Parce qu'elle maltraite la langue, on la soupçonne de ne pas maîtriser ses dossiers et d'être incompétente. C'est naturellement injuste. Mais comment juger de l'authenticité et de la capacité d'un politique sinon par la manière dont il exprime ses vues?
Sans doute est-ce que tous trois ont un parcours un peu similaire : venus de milieux de droite, ils se sont engagés à gauche. Les milieux sont différents : bourgeoisie provinciale pour Mitterrand, bourgeoisie cultivée et raffinée pour Fabius, droite catholique, autoritaire et traditionnelle pour Ségolène Royal. Mais tous trois ont conservé quelque chose de cette origine qui rappelle en permanence d'où ils viennent : les bonnes manières de Fabius, une certaine raideur chez Ségolène, des amitiés pour Mitterrand. Or, ce quelque chose leur fait doublement tort : cela fait douter de leur légitimité de gauche (un ouvrier sera toujours pour des néo-marxistes plus naturellement à gauche qu'un bourgeois) mais aussi de leur engagement. Quoiqu'ils fassent, il n'est pas complet puisqu'ils continuent de partager valeurs et comportements avec l'adversaire.
Ségolène a, de plus, sur ses deux prédécesseurs un handicap majeur : elle s'exprime mal en public, elle a du charisme mais elle n'est pas bon orateur alors que s'exprimer correctement, avec élégance et naturel, ce que faisait François Mitterrand, ce que fait Laurent Fabius dont les discours sans notes suscitent toujours autant d'admiration, est un atout majeur à gauche surtout pour qui est en décalage par rapport à l'image traditionnelle du militant de gauche : cela permet de séduire, de bluffer les intellectuels, les fonctionnaires, les professeurs, les journalistes, tous les faiseurs d'opinion qui peuvent juger en expert de l'habileté rhétorique d'un politique. Une belle langue est nécessaire pour réussir à gauche quand on n'a pas cette légitimité que donnent une naissance populaire ou l'appartenance à une corporation qui fait profession de servir l'intérêt général.
On dira que Ségolène Royal n'est pas la première à mal s'exprimer. Et l'on aura raison. Mais la comparaison avec d'autres est intéressante et instructive.
On se souvient des phrases alambiquées, très longues et parsemées de vocabulaire technocratique de Michel Rocard. Personne n'y comprenait rien, mais il en ressortait une impression de compétences, de connaissance des dossiers qui donnaient envie de lui faire confiance : lui comprenait, maîtrisait ce que nous ne comprenions pas.
Dominique Strauss-Khan ne s'exprime pas non plus très bien, mais ses discours donnent une impression d'intelligence qui fait oublier ses pataquès et autres faiblesses grammaticales.
Il n'y a rien de pareil chez Ségolène Royal. Ses défauts d'expression deviennent chez elle des faiblesses de caractère ou, pire encore, de ses capacités intellectuelles. La bravitude, joli mot-valise, qui prononcé par De Gaulle, Fabius ou Mitterrand aurait enchanté les journalistes, aurait porté à leur crédit (quelle invention! quelle liberté avec la langue avec les conventions!) est devenu, chez elle, barbarisme, objet de moquerie. Et pour un motif tout simple : personne n'a cru à un jeu de mot volontaire tant elle pratique l'à peu près dans son expression publique.
Parce qu'elle maltraite la langue, on la soupçonne de ne pas maîtriser ses dossiers et d'être incompétente. C'est naturellement injuste. Mais comment juger de l'authenticité et de la capacité d'un politique sinon par la manière dont il exprime ses vues?
samedi, février 09, 2008
Sarkozy ; cherche Ségolène désesperément
L’absence de leader à gauche, le silence du PS que la presse dénonce à longueur de colonnes ont sans doute contribué à la chute vertigineuse de Nicolas Sarkozy dans les sondages. S’il avait eu en face de lui un(e) adversaire de sa taille, plusieurs des facteurs qui ont contribué à ce dérapage dans l’opinion lui auraient été épargnés :
- les élus de l’UMP, ses ministres auraient serré les rangs autour de lui. Leurs réponses aux aux attaques de la gauche auraient caché, masqué leurs divergences, mis en au second plan plusieurs des faiblesses du Président. On aurait oublié, ou négligé, son coté bling bling au profit de ses résultats, du traité européen, notamment, dont on aurait beaucoup plus parlé.
- ses électeurs auraient fait de même, gardant pour eux leur déception,
- quant aux journalistes ils se seraient rangés dans leur camp, ceux de droite évitant les critiques trop frontales.
Faute d’un adversaire bien identifié, les critiques se sont libérés, ils sont partout, chez les amis comme chez les autres. Et pas moins cruels chez les plus proches. Ce qui rend beaucoup plus compliquée la riposte. Faut-il s’en prendre aux ministres qui ruent dans les brancards? aux députés qui boudent? aux journalistes qui font circuler des bruits peu aimables? Nicolas Sarkozy a choisi de répondre à tous les coups. Il ne peut sans doute pas faire autrement, mais à tirer ainsi sur tous les buissons qui bougent, l’artilleur épuise ses munitions, donne le sentiment de perdre son sang froid et ajoute de l’eau au moulin des critiques qui s’interrogent sur sa dimension d’homme d’Etat.
Beaucoup disent déjà qu'il aura du mal à rebondir. Qu’il est, pour reprendre une expression que j’ai entendue dans la bouche d’un de ses électeurs, “carbonisé”. C’est sans doute aller un peu vite en besogne. Mais il aura du mal à se reconstruire sans le soutien d’un adversaire qui soude autour de lui ses amis, les aide à hiérarchiser ses priorités, à donner du sens à une action que plus personne ne comprend bien. Vu l’état du PS, ce n’est pas pour demain.
- les élus de l’UMP, ses ministres auraient serré les rangs autour de lui. Leurs réponses aux aux attaques de la gauche auraient caché, masqué leurs divergences, mis en au second plan plusieurs des faiblesses du Président. On aurait oublié, ou négligé, son coté bling bling au profit de ses résultats, du traité européen, notamment, dont on aurait beaucoup plus parlé.
- ses électeurs auraient fait de même, gardant pour eux leur déception,
- quant aux journalistes ils se seraient rangés dans leur camp, ceux de droite évitant les critiques trop frontales.
Faute d’un adversaire bien identifié, les critiques se sont libérés, ils sont partout, chez les amis comme chez les autres. Et pas moins cruels chez les plus proches. Ce qui rend beaucoup plus compliquée la riposte. Faut-il s’en prendre aux ministres qui ruent dans les brancards? aux députés qui boudent? aux journalistes qui font circuler des bruits peu aimables? Nicolas Sarkozy a choisi de répondre à tous les coups. Il ne peut sans doute pas faire autrement, mais à tirer ainsi sur tous les buissons qui bougent, l’artilleur épuise ses munitions, donne le sentiment de perdre son sang froid et ajoute de l’eau au moulin des critiques qui s’interrogent sur sa dimension d’homme d’Etat.
Beaucoup disent déjà qu'il aura du mal à rebondir. Qu’il est, pour reprendre une expression que j’ai entendue dans la bouche d’un de ses électeurs, “carbonisé”. C’est sans doute aller un peu vite en besogne. Mais il aura du mal à se reconstruire sans le soutien d’un adversaire qui soude autour de lui ses amis, les aide à hiérarchiser ses priorités, à donner du sens à une action que plus personne ne comprend bien. Vu l’état du PS, ce n’est pas pour demain.
jeudi, février 07, 2008
Taxis : la réforme à reculons
Les taxis ont gagné : leur profession ne sera pas déréglementée et leurs tarifs vont augmenter. Pour un gouvernement qui dit vouloir réformer la France, il y quelque chose qui ressemble à un contre-exemple. Mais reprenons le fil.
Pour la troisième fois en quelques mois (en septembre dernier, le 30 janvier et le 6 février), les taxis se sont mis en grève bloquant la circulation un peu partout en France. Leur cible : les projets de déréglementation contenus dans le rapport Attali. On remarquera l'insolite de cette grève qui vise non pas une loi, pas même un projet de loi mais quelques lignes d'un rapport dont nul ne sait s'il sera appliqué. Ajoutons qu'en septembre dernier, les taxis n'avaient même pas l'excuse de ce rapport pour bloquer la circulation et faire rater leur train ou leur avion à des dizaines de malheureux qui n'y pouvaient mais.
Le succès de ces mouvements s'explique sans doute par la sociologie de cette population de travailleurs indépendants qui se fréquentent beaucoup dans les stations, ne manquent jamais une occasion de se plaindre (à les entendre personne ne travaille plus qu'eux) et ne gagnent pas très bien leur vie. Le chiffre d'affaire de la profession (55 590 conducteurs) ne dépasse pas les 3 milliards d'$, ce qui fait un CA de l'ordre de 54 000€ annuel par conducteur. Une fois payées leur voiture, l'essence et remboursé leurs emprunts, il n'y a effectivement pas de quoi rouler sur l'or même si certains s'en tirent mieux que d'autres. Cela pourrait les inciter à rechercher une autre organisation de leur profession. S'ils ne le font pas, c'est que le système actuel les enrichit sans rien faire. Oui, sans rien faire!
Le nombre de "plaques" délivrées par les préfectures, plaques indispensables pour travailler, étant depuis des années bloqué, les prix de celles-ci ont monté jusqu'à atteindre des sommes absurdes (190 000€ à Paris, 300 000€ à Nice). Cette augmentation du prix des plaques de taxi est un effet secondaire, inattendu du chômage de masse qui a introduit dans le métier une nouvelle population : des salariés qui ont perdu leur emploi, perçu des indemnités et qui doutent de la possibilité de retrouver un emploi rapidement. Le métier de taxi leur parait "facile" (conduire un taxi ne demande pas de grandes compétences, il suffit de trois mois pour se former) et sans grands risques (investir dans un commerce est certainement plus risqué que d'investir dans une plaque de taxi). Résultat de ce décalage organisé de l'offre et de la demande, l'achat de la plaque est devenu un excellent placement. La même plaque parisienne qui vaut aujourd'hui 190 000€ en valait 120 000€ en 2000, soit une progression de 60% en 7 ans. Qui dit mieux? Il n'y a pas que les capitalistes qui s'enrichissent en dormant!
Pour financer cette plaque, mais aussi leur voiture, les taxis empruntent. Les remboursements réduisent leurs revenus, d'où ces plaintes et protestations permanentes. Comme ils ne veulent pas d'une déréglementation qui réduirait la valeur de leur plaque, qu'ils sont pris à la gorge par des coûts toujours plus élevés, que les tarifs sont administrés, ils demandent aux pouvoirs publics de régler leurs problèmes. Un jour, ils manifestent et obtiennent la détaxation du carburant, le lendemain une augmentation des tarifs plus ou moins déguisée (comme il y a quelques mois par la modification du début et de la fin des heures de nuit). Mais qui dit augmentation des tarifs dit réduction du nombre de courses. En 1960, les taxis effectuaient 20 prises en charge par jour, ils n'en réalisent plus que 13 par jour.
Il serait intéressant de calculer l'effet d'une baisse des prix des taxis sur la circulation automobile. A partir de quel moment, il serait plus intéressant pour les parisiens de prendre un taxi plutôt que leur voiture. Si des études de ce type existent, elles sont bien cachées. En attendant, les pouvoirs publics que les derniers sondages ont affolé, cèdent, rendant un peu plus illisible leur politique. Mais c'est une autre affaire.
Pour la troisième fois en quelques mois (en septembre dernier, le 30 janvier et le 6 février), les taxis se sont mis en grève bloquant la circulation un peu partout en France. Leur cible : les projets de déréglementation contenus dans le rapport Attali. On remarquera l'insolite de cette grève qui vise non pas une loi, pas même un projet de loi mais quelques lignes d'un rapport dont nul ne sait s'il sera appliqué. Ajoutons qu'en septembre dernier, les taxis n'avaient même pas l'excuse de ce rapport pour bloquer la circulation et faire rater leur train ou leur avion à des dizaines de malheureux qui n'y pouvaient mais.
Le succès de ces mouvements s'explique sans doute par la sociologie de cette population de travailleurs indépendants qui se fréquentent beaucoup dans les stations, ne manquent jamais une occasion de se plaindre (à les entendre personne ne travaille plus qu'eux) et ne gagnent pas très bien leur vie. Le chiffre d'affaire de la profession (55 590 conducteurs) ne dépasse pas les 3 milliards d'$, ce qui fait un CA de l'ordre de 54 000€ annuel par conducteur. Une fois payées leur voiture, l'essence et remboursé leurs emprunts, il n'y a effectivement pas de quoi rouler sur l'or même si certains s'en tirent mieux que d'autres. Cela pourrait les inciter à rechercher une autre organisation de leur profession. S'ils ne le font pas, c'est que le système actuel les enrichit sans rien faire. Oui, sans rien faire!
Le nombre de "plaques" délivrées par les préfectures, plaques indispensables pour travailler, étant depuis des années bloqué, les prix de celles-ci ont monté jusqu'à atteindre des sommes absurdes (190 000€ à Paris, 300 000€ à Nice). Cette augmentation du prix des plaques de taxi est un effet secondaire, inattendu du chômage de masse qui a introduit dans le métier une nouvelle population : des salariés qui ont perdu leur emploi, perçu des indemnités et qui doutent de la possibilité de retrouver un emploi rapidement. Le métier de taxi leur parait "facile" (conduire un taxi ne demande pas de grandes compétences, il suffit de trois mois pour se former) et sans grands risques (investir dans un commerce est certainement plus risqué que d'investir dans une plaque de taxi). Résultat de ce décalage organisé de l'offre et de la demande, l'achat de la plaque est devenu un excellent placement. La même plaque parisienne qui vaut aujourd'hui 190 000€ en valait 120 000€ en 2000, soit une progression de 60% en 7 ans. Qui dit mieux? Il n'y a pas que les capitalistes qui s'enrichissent en dormant!
Pour financer cette plaque, mais aussi leur voiture, les taxis empruntent. Les remboursements réduisent leurs revenus, d'où ces plaintes et protestations permanentes. Comme ils ne veulent pas d'une déréglementation qui réduirait la valeur de leur plaque, qu'ils sont pris à la gorge par des coûts toujours plus élevés, que les tarifs sont administrés, ils demandent aux pouvoirs publics de régler leurs problèmes. Un jour, ils manifestent et obtiennent la détaxation du carburant, le lendemain une augmentation des tarifs plus ou moins déguisée (comme il y a quelques mois par la modification du début et de la fin des heures de nuit). Mais qui dit augmentation des tarifs dit réduction du nombre de courses. En 1960, les taxis effectuaient 20 prises en charge par jour, ils n'en réalisent plus que 13 par jour.
Il serait intéressant de calculer l'effet d'une baisse des prix des taxis sur la circulation automobile. A partir de quel moment, il serait plus intéressant pour les parisiens de prendre un taxi plutôt que leur voiture. Si des études de ce type existent, elles sont bien cachées. En attendant, les pouvoirs publics que les derniers sondages ont affolé, cèdent, rendant un peu plus illisible leur politique. Mais c'est une autre affaire.
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