lundi, janvier 28, 2013

La nature… menaçante hier, décharge aujourd'hui

On peut actuellement voir à Strasbourg deux expositions qui mieux que bien des discours illustrent combien notre perception de la nature a changé. La première, au musée des Beaux-Arts, est consacrée à un peintre français peu connu du 18 ème siècle qui a fait l'essentiel de sa carrière en Grande-Bretagne, Philippe-Jacques de Loutherbourg, qui nous présente, dans la plupart de ses tableaux une nature menaçante, l'homme est soumis aux éléments qui le surplombent, comme dans ce tableau :


L'autre, au musée d'art contemporain, est consacrée à Annette Messager. On y trouve cette pièce composée d'une série d'objets noirs recouverts d'une feuille de plastique que des ventilateurs animent, donnant le sentiment d'une vague sur une mer remplie de déchets.


En quelques générations nous sommes passées d'une nature imposante à une nature dominée, abimée, esclave de notre consommation.

dimanche, janvier 27, 2013

La stratégie Buisson éclairée…

Laurent Ruquier avait hier invité dans son émission qui n'est plus tant de divertissement que cela, Michèle Tabarot, n°2 de l'UMP, copéiste de choc, ce qui nous a permis d'apprendre qu'elle était la fille d'un des responsables de l'OAS à Oran, l'une des villes où les terroristes pied-noir ont été les plus violents.


Les journalistes présents ont essayé, sans le moindre succès, de lui faire dire qu'elle condamnait les méthodes de son père et de ses amis (assassinats de civils, de militaires français…), mais rien n'y a fait. Elle est restée droite dans ses bottes.

C'est, bien sûr, son affaire, mais l'on comprend mieux, lorsque l'on connait son histoire et l'activité de son père dans l'Espagne franquiste, la stratégie de Nicolas Sarkozy et de Patrick Buisson qu'a reprise Copé : récupérer le vote Front National dans le Sud-Est en s'appuyant sur ceux qui contrôlent les associations, les amicales, tout le tissu associatif pied-noir, tissu longtemps mis au service du Front National, d'où les succès de celui-ci dans la région qu'ils voudraient aujourd'hui détourner au profit de l'UMP. Est-ce que cela peut marcher? Les nostalgiques de l'Algérie française sont aujourd'hui très âgés et leurs enfants, bien intégrés, ont pour l'essentiel, retrouvé les réflexes politiques de leurs grands-parents qui étaient plus au centre et à gauche qu'à droite.

Ceci dit, on aurait aimé savoir pourquoi cette anti-gaulliste de conviction a rejoint la famille libérale plutôt que le FN. 

jeudi, janvier 24, 2013

Ségolène en aiguillon tandis que Valérie Trierweilier restaure lentement son image

Ségolène Royal a choisi de jouer le rôle de l'aiguillon, ce qu'elle faisait il y a deux jours dans un entretien aux Echos où elle presse le gouvernement d'aller plus dans la création de la BPI :
Le régions souhaitent que les choses aillent plus vite car les entrepreneur se sentent mal aimés et souffrent de l'absence de moyens pour agir. Il y a eu beaucoup de bisbilles entre Oséo, la CDC, le FSI pour savoir qui doit diriger. Il est temps que tout cela cesse et que l'on se mette en ordre de bataille ! On nous annonce que le dispositif sera opérationnel en mai dans les régions, c'est un peu tard. D'autant que toutes les régions se sont organisées comme, par exemple, dans la mienne avec l'agence PME qui réunit 21 opérateurs compétents, dont Oséo, la CDC et et les fonds d'investissements, et qui fonctionne très bien puisque 115 projets, représentant 123 millions et 2.100 emplois en ont bénéficié cette année. Cette BPI des régions, nous l'avions déjà comme dans d'autres régions, préfigurée. Ca marche, Il n'y a donc plus de temps à perdre, l'intelligence des territoires est là. La BPI, c'est simple : elle doit permettre de démultiplier ces efforts.
Pendant ce temps là, Valérie Trierweiler reconstruit patiemment, lentement, discrètement son image. Première brique de ce lent travail de reconstruction : l'interview de Jean-Luc Romero chez Pascale Clark sur France Inter à l'occasion de la libération de Florence Cassez (de 2'30 à 4'30). Le conseiller régional d'Ile de France PS, ex UMP et prédisent du comité de soutien de la jeune française n'a pas eu de mots assez aimables pour la première dame.

mercredi, janvier 23, 2013

Hollande, Merkel, coté province


Que penser de cette photo? Si nous ne connaissions les deux personnages du milieu, comment interpréterions-nous cette photo? Deux enseignants, profs d'un lycée de province plutôt bienveillants, devant leurs élèves à la fin d'une fête de fin d'année? Sans doute. Et l'on s'attarderait sur la jeune fille à droite de Hollande qui n'est pas tout à fait là et sur le léger décalage entre Hollande et Merkel (elle est un demi-pas derrière lui) : respect de la hiérarchie ou machisme ordinaire? Ils ont en tous cas l'air aussi empruntés l'un que l'autre, lui, les bras le long du corps, elle, l'index de la main droite serré dans sa main gauche.

La presse a abondamment souligné le manque d'enthousiasme des festivités organisées à l'occasion de cet anniversaire. Il est vrai que cette photo de fin de classe n'invite pas au mythe comme celle de Kohl et Mitterrand main dans la main.



Autres temps, autres personnalités, autres ambitions… autre élégance, aussi.

Mali : le risque est moins l'enlisement que les suites d'une victoire

Nous avons les yeux fixés sur les risques d'enlisement militaire, face à des troupes qui pratiquent la guérilla. Mais le vrai danger de l'opération malienne n'est sans doute pas là.

La guerre contre les djihadistes devrait être assez facilement gagnée. Ils ne sont pas si nombreux que cela, la fermeture des frontières de tous les voisins du Mali leur interdit d'aller se "resourcer" dans des zones protégées, inaccessibles aux militaires français et maliens et le désert, vide d'habitants ou presque, ne leur apportera pas le soutien des populations nécessaire aux guérillas pour se protéger, trouver des forces et renverser l'opinion à leur avantage (à défaut de pouvoir cibler les adversaires, on tape dans la foule suscitant rapidement l'opposition de ceux que l'on est censé protéger). Bien loin d'une situation à la vietnamienne, à la chinoise ou à l'algérienne, les djihadistes risquent de se retrouver dans la situation des guérillas latino-américaines condamnées à végéter dans des zones peu peuplées.

Mais une fois "gagnée" cette guerre (gagner pouvant vouloir dire : cantonner les groupes djihadistes dans des zones où ils peuvent difficilement survivre et se développer), il faudra gagner l'autre : celle de la reconstruction du Mali qui passe par la reconnaissance de l'autonomie du Nord du pays pour régler la question touareg, l'installation de la démocratie et d'un Etat efficace. Or, les choses promettent d'être beaucoup plus compliquées :

  • la reconnaissance d''une certaine autonomie du Nord du Mali va se heurter aux craintes des voisins du Mali, notamment de l'Algérie, de voir pareilles revendications s'installer chez eux,
  • la reconstruction d'un Etat et de la démocratie au Mali même sera difficile du fait même de la fragmentation politique et ethnique de ce pays, des pratiques clientélistes de sa classe politique, de ce qui rend si instable tant de pays de l'Afrique subsaharienne depuis qu'ils sont devenus indépendants,
  • la France deviendra alors la première cible, accusée de néo-colonialisme, de vouloir s'insérer dans les affaires intérieures de l'Etat.
C'est à ce moment là, la guerre contre les djihadistes gagnée qu'il faudra trouver une solution et que la FRance aura vraiment besoin d'alliés, tant en Europe qu'en Afrique pour se libérer de ce qui pourra alors apparaître comme un piège.



dimanche, janvier 20, 2013

Jamais on n'est parti en guerre avec aussi peu de fleurs au fusil…

Si personne ou presque, ce qui est exceptionnel, n'a critiqué l'intervention française au Mali, on ne peut pas dire que la France soit partie la fleur au fusil. Rarement opération militaire aura été accompagnée d'autant d'avertissements quant à ses risques. Dès les premiers jours, les commentateurs, un peu partout dans le monde, se sont inquiétés des risques d'enlisement mais aussi, ce qui est plus nouveau et un effet du Rwanda, des risques de génocide, de massacres de touaregs commis non par l'armée française mais par ses alliés maliens (c'est l'un des motifs avancés pour expliquer les réserves des Européens). Tout se passe comme s'il y avait plusieurs fronts :

  • un front djihadiste,
  • un front africain. Tout le monde serait enchanté que les Africains prennent leurs responsabilités sur le plan militaire, mais est-ce envisageables alors que cette guerre promet de raviver les conflits ethniques?
  • un front intérieur : comment éviter que le djihad ne se transporte chez nous et ne prospère sur les difficultés que rencontrent les jeunes issus de familles sub-sahariennes?

Cette conscience aigüe des risques devrait inciter militaires et politiques à travailler très vite sur les buts de cette guerre. Maintenant que la marche en avant des colonnes djihadistes est interrompue, que faut-il faire? S'agit-il d'éradiquer les mouvements djihadistes ou, de manière plus modeste, et peut-être plus réaliste, de sécuriser le sud Mali et de cantonner djihadistes dans un bout de désert? de réorganiser un Etat malien qui préserve les intérêts des Touaregs (un des mouvements indépendantiste serait prêt à négocier une forme d'autonomie)? Mais jusqu'où aller sans céder au néo-colonialisme? François Hollande puisque c'est lui qui est en première ligne va devoir faire preuve de beaucoup de finesse pour se sortir de cette affaire.

samedi, janvier 19, 2013

Mali : quelques questions…

Les journalistes se plaignent de ne pas avoir accès au champ de bataille au Mali, de ne pouvoir en rapporter des images. Je ne sais pas si ce serait mieux avec des images, mais la manière dont cette guerre est rapportée, commentée laisse un drôle de sentiment. Pour dire les choses simplement, on se pose mille questions auxquelles la presse n'apporte aucune réponse. En voici quelques unes.

Qui sont, d'abord, ces "terroristes"? des brigands qui font des trafics de toutes sortes dans le Sahara, des miltants radicaux islamistes, des soldats perdus orphelins de Kadhafi (d'après ANI, une agence mauritanienne il y aurait eu dans le groupe intervenu en Algérie des Egyptiens, des Algériens, des Canadiens, des Mauritaniens, des Maliens et des Nigériens), des Touaregs en quête de liberté? Chacun donne son opinion divergente. On a le sentiment que personne ne sait vraiment qui est en face. Pas plus pouvoirs publics qui se contentent de parler de terroristes, que les quelques experts de cette région. Ce serait pourtant utile pour pouvoir 1) engager, dans un avenir plus ou moins proche, des négociations avec l'un ou l'autre de ces groupes, ce qui finira par arriver mais aussi pour 2) anticiper les conflits au sein de ces bandes. Si le Sahara est une plaque tournante importante du trafic de drogue (voir sur cette question, ce reportage de Ousmane Wague), on peut supposer que les trafiquants ne voient pas d'un très bon oeil l'intervention française qui va, entre autres effets, forcer algériens et marocains à renforcer le contrôle leurs frontières méridionales.

Comment se fait-il, ensuite, qu'un site gardé par l'armée algérienne, site important, semble-t-il pour l'économie algérienne, ait pu tomber si facilement aux mains d'une trentaine de "terroristes" venus de Lyvie (source algérienne) ou une quarantaine venus du Niger (source mauritanienne)? Système de sécurité défaillant? personnel de sécurité en nombre insuffisant? Mauvaise organisation? Les autres sites de la région sont-ils aussi vulnérables? On a l'impression que nul ne le sait. Les spécialistes de la sécurité des entreprises installées dans cette région ont sans doute une opinion. On ne les a pas interrogés (ou ils n'ont pas voulu répondre). Cette faiblesse algérienne n'est en tout cas pas de bonne augure pour la France si elle doit permettre aux terroriste de trouver refuge en Algérie.

Les terroristes ont un accès semble-t-il facile aux médias mauritaniens. Pourquoi ceux-là plutôt que d'autres? Comment se fait-il que ce soit eux qui aient annoncé la mort du chef du commando? Y a-t-il dans ce pays des spécialistes qui connaissent bien ces groupes? qui entretiennent des contacts réguliers avec leurs porte-parole? Il doit être plus facile de les joindre et de les interroger que de participer aux opérations militaires. Le président de la République mauritanienne est actuellement à Paris pour une visite médicale (suite à l'attentat dont il a été victime en 2012). Rencontrera-t-il des officiels français à l'occasion?

lundi, janvier 14, 2013

Une manifestation bien rangée

340 000 (chiffres de la police)? 800 000 (chiffres des organisateurs)? Peu importe. Il y avait du monde. Mais pouvait-il en être autrement alors que l'Eglise et la droite mobilisaient leurs troupes? De cette longue journée, je retiendrai surtout le coté sage et propre sur soi de ces manifestations. Pas de dérapages homophobes, comme lors des manifestations contre le Pacs, pas d'hystérie collective, juste des manifestants que l'on avait admirablement encadrés, auxquels on avait vivement recommandé de ne pas parler aux médias et auxquels on avait distribué des pancartes sages.

De ce point de vue aussi, cette manifestation aura été une réussite. Mais une réussite d qui? De la droite, mais aussi de la société française qui ne tolère plus l'homophobie et l'a fait comprendre aux organisateurs.


samedi, janvier 05, 2013

Depardieu, Bardot, Poutine et une cathédrale

Ce  n'est pas le comportement erratique du comédien, auquel les récentes sorties de Brigitte Bardot ont donné un coté burlesque, qui est, dans l'affaire Depardieu le plus inquiétant, mais l'attitude de Poutine qui vient de faire un pied de nez frisant l'insulte à François Hollande. On savait Poutine guère regardant en matière de démocratie, de droit des peuples et assez indifférent à l'opinion du reste du monde mais il vient une nouvelle fois de le montrer. On espère simplement que François Hollande saura tirer parti de cette mauvaise manière que vient de lui faire le nouveau petit père des peuples pour annuler le projet de centre culturel orthodoxe engagé en 2010 avec Nicolas Sarkozy qui prévoit la construction d'une cathédrale (mais oui!) avec des bulbes dorés sur le quai Branly, à coté du champ de Mars (voir sur ce projet ici).


jeudi, janvier 03, 2013

Triste presse…

Après Le Monde, c'est Libération qui augmente ses prix. La presse va mal, ce n'est pas un scoop, mais ce qui, dans ce processus de destruction créatrice qu'elle vit, étonne le plus est l'étrange aveuglement de ses dirigeants, aveuglement dont le papier de Nicolas Demorand pour annoncer cette hausse est un trop triste exemple.

Que nous dit-il?  que "la production d’informations de qualité coûte cher, comme une photographie inédite, à la une ou en pages intérieures, qui marquera durablement l’œil et l’esprit de celui qui la regarde. La mise en scène, la mise en forme, la stylisation des «news» requièrent des équipes douées de savoir-faire rares, aux confins de l’art, qui concourent pleinement à l’identité d’un journal comme Libération." C'est exact, mais où sont, dans Libération, les informations originales? les reportages qui nous éclairent? On trouve dans ce quotidien des éditoriaux, des papiers de style (comme les excellents portraits de la dernière page), des reprises de dépêches d'agences de presse et des commentaires politiques, mais pas beaucoup d'articles que l'on ne trouve ailleurs, dans le Monde, Le Figaro ou le Parisien. Et c'est sans doute ce qui éloigne les lecteurs. Cela et une titraille à base de calembours et jeux de mots terriblement vieillie (comme ce "trop falaise dans ses baskets" de ce matin à propos d'Obama).

Si Libération perd des lecteurs c'est qu'il n'innove plus depuis longtemps, ne joue pas avec ses lecteurs, comme il le faisait lorsque les secrétaires de rédaction intervenaient dans les textes et se moquaient des journalistes, ne nous dit rien de nouveau sur la France, le monde et ne nous apprend rien.

Plus grave, peut-être, on ne sait en le lisant à qui il s'adresse, avec quel lecteur il entretient ce lien original qui en a fait, un temps, le quotidien d'une génération. Ses positions politiques actuelles témoignent d'une direction erratique. Est-ce bien malin de critiquer si sévèrement Hollande et de parler de son incompétence quand la plupart de vos lecteurs ont voté pour lui? Rien, en fait, ne donne envie de l'acheter sinon l'habitude et le souci de ne pas rester désoeuvré dans le métro.

Demorand annonce pour les mois à venir "d’autres manières de faire du journalisme." Mais rien sur l'articulation entre le journal imprimé et internet, alors que le plus intéressant du journal est souvent à chercher dans les blogs de ses journalistes qui peuvent publier sur internet ce qui ne trouve pas place dans l'édition papier (on pense aux Coulisses de Bruxelles de Jean Quatremer ou Secret Défense de Jean-Dominique Merchet aujourd'hui chez Marianne). Rien non plus sur la taille des papiers, qui paraissent longs dans la version imprimée et si courts sur un ipad. Je crains que ces nouvelles "manières de faire du journalisme" ressemblent comme deux gouttes d'eau aux anciennes.