mardi, juin 26, 2012

Une passion française : le SMIC

Le gouvernement a donc choisi de donner un tout petit coup de pouce au SMIC, tout juste 2%. On devine déjà les protestations de FO, de Mélenchon et le soupir de soulagement du Medef. Le plus surprenant est certainement cette passion française pour le salaire minimum qui nous aveugle sur la réalité des rémunérations. S'il est vrai qu'il est difficile de vivre avec un Smic, comme le rappellent régulièrement les journaux, il l'est encore plus de vivre sans travail, avec un temps partiel ou, ce qui revient au même, des CDD suivis de période de recherche d'un emploi.  A revenus équivalents, un salarié qui a un emploi régulier peut obtenir des prêts de ses fournisseurs, de la banque qui seront refusés au salarié avec un emploi précaire. Un salarié avec un CDI peut également espérer une promotion, des augmentations liées à son ancienneté ou à l'acquisition de compétences spécifiques à l'entreprise qui l'emploie, toutes choses interdites au salarié précaire.

Bien plus que le niveau du Smic, c'est la précarité qui appauvrit, c'est contre elle qu'il conviendrait de lutter en incitant les entreprises à recruter en CDI (ce qui pourrait se faire en simplifiant les procédures de licenciement). Mais le Smic nous donne régulièrement l'occasion d'échanger les mêmes arguments sur le coût du travail (oubliant que les hausses du Smic ont été largement compensées par les exonérations de cotisations sociales), la difficulté de vivre avec un petit salaire, la productivité des entreprises (en oubliant que les plus menacées par la concurrence internationale versent des salaires en général largement supérieur au Smic)… Une passion française, en somme!

mardi, juin 19, 2012

Les riches des entreprises

On nous dit que les dirigeants des groupes publics s'organisent pour contester la limitation de leurs rémunérations que voudrait leur imposer le gouvernement. Non pour eux-même (voyons donc!) mais pour le bien de leur entreprise : ils ne sont pas forcément ceux qui ont les plus hautes rémunérations au sein même de leur entreprise (ce qui est sans doute vrai dans plusieurs cas). La mesure, si elle était appliquée risquerait donc 1) de laminer leur autorité et, 2) de réduire les incitations des meilleurs à devenir dirigeant. Deux arguments assez contestables : s'il est vrai qu'ils n'ont pas aujourd'hui les plus gros salaires sans que cela affecte leur autorité, pourquoi en irait-il autrement demain? et, par ailleurs, qui a dit que le désir d'une grosse augmentation est le seul moteur de l'ambition? Dans de nombreuses  entreprises commerciales les promotions entrainent régulièrement une réduction de rémunération (tout simplement parce que changeant de statut, on perd les primes calculées selon le chiffre d'affaires réalisé que perçoivent les commerciaux), cela n'a jamais empêché les meilleurs de se battre pour obtenir ces promotions.

Mais cette ligne de défense met en évidence l'émergence dans les grands groupes (et sans doute aussi dans les les ETI, les entreprises de taille intermédiaire) d'une catégorie que C.Wright Mills avait identifiée dans L'Elite au pouvoir que viennent (enfin) d'éditer en France les éditions Agone : celle des cadres dirigeants d'entreprise, de ces cadres supérieurs qui font fortune grace à l'entreprise et gagnent, disons plus d'un million d'€ par an. Combien sont-ils? Je ne connais pas de statistique qui donne ce chiffre, mais on les compte sur les doigts d'une main ou deux dans les grands groupes et ils ne doivent guère être plus de quelques centaines, chiffre que confirme l'étude d'Olivier Godechot ("les 0.01% les mieux payés dans le secteur privé (1692 personnes), touchaient, écrit-il, au minimum 867 000 €, et en moyenne 1 682 000 € par an"). Ce ne sont ni des héritiers (même si beaucoup sont issus de la meilleure bourgeoisie) ni des entrepreneurs, ce sont des cadres qui ont atteint les plus hauts niveaux de la hiérarchie, ceux où l'on peut capturer une partie de la richesse produite par l'entreprise.

Ils ont un même profil de carrière : issus de bonnes écoles (mais plutôt de HEC, de l'ESSEC ou d'une bonne école d'ingénieur que de l'ENA ou de l'ENS), ils ont été identifiés très rapidement comme de "hauts potentiels" par les DRH de leur entreprise qui leur ont organisé une carrière rapide leur permettant de découvrir très rapidement tous les postes de responsabilité, à commencer par ceux liés à la finance. Ils ont progressé parce qu'ils ont su donner l'impression de compétence et montré leur loyauté (il n'est pas rare qu'ils aient été amenés, au cours de cette carrière à licencier des collègues, des amis, épreuve fatale aux plus sensibles). Ils y ont gagné une certaine irresponsabilité (ils vont si vite d'un poste à l'autre qu'ils ne supportent jamais les conséquences de leurs décisions, c'est toujours au successeur de rattraper leurs éventuelles bourdes) et beaucoup d'arrogance : leur carrière rapide témoigne de leurs qualités.

Ils ne se sentent pas forcément riches (et ne se vivent pas toujours comme tel) mais ils le sont infiniment plus que ceux qui occupaient les mêmes postes il y a quinze ou vingt ans. Ils ne sont ni avides ni cupides, juste attachés à des rémunérations qui sont comme autant de signes de leurs "qualités supérieures", d'indices de la confiance qu'on leur fait. Leur richesse leur permet d'accéder aux produits de luxe (montres, bons restaurants, voiliers de plaisance…) mais ils ont, en général, l'argent discret.

S'ils sont sur un marché de l'emploi, celui est étroit et essentiellement national : on voit peu de cadres dirigeants d'origine étrangère dans les entreprises françaises, et guère plus de français ou de britanniques à la tête des entreprises allemandes, suédoises ou espagnoles.

Leurs rémunérations élevées sont moins dues à leurs talents et à la compétition sur le marché du travail qu'à une idéologie, celle qui veut que la création de valeur pour l'actionnaire soit le premier objectif de  l'entreprise et que seules permettent de l'obtenir des politiques de rémunération qui alignent les revenus des dirigeants sur l'intérêt des actionnaires. Politiques encouragées par les mesures prises depuis plusieurs années pour réduire le taus d'imposition des plus riches.

Le taux d'imposition à 75% que propose François Hollande et les mesures prises dans le secteur public forceront probablement les entreprises à revoir le mode de rémunération des cadres dirigeants (à quoi bon gagner tant si c'est pour le donner à l'Etat?) et sans doute à s'interroger sur leurs principes : la création de valeur pour l'actionnaire doit-elle être vraiment leur objectif principal? Mais cela ne devrait guère avoir d'impact sur la qualité de leur management.

lundi, juin 18, 2012

Drôle de victoire?

Cette belle victoire de la gauche n'a pas suscité l'enthousiasme. D'excellents commentateurs, comme Arthur Goldhammer se demandent même ce qui a pu, dans le programme de François Hollande, la justifier. Il n'a pas tort, mais si victoire il y a eu c'est peut-être parce que la droite ne s'est pas mobilisée, convaincue de l'échec des politiques conservatrices à la Sarkozy, déboussolée par sa campagne ultra-droitière. Les échecs multiples des membres de la droite populaire et les performances somme toute médiocres des candidats FN l'indiquent : les électeurs de droite n'ont pas voulu se radicaliser. Hollande ne leur fait pas peur, plus même ils sont prêts à lui faire confiance pour peu qu'il réussisse à faire plier Angela Merkel quand Sarkozy lui cédait si facilement. Les choses changeront sans doute dans les mois qui viennent quand il dévoilera son programme, mais pour l'instant il profite du peu de confiance que les électeurs de droite ont en leurs dirigeants politiques.

dimanche, juin 17, 2012

Génération Hollande

François Hollande a ce soir doublement gagné les législatives : il a une majorité absolue PS à l'assemblée et réussi le renouvellement d'une bonne partie de la classe politique : on ne compte pas le nombre de politiques d'hier et avant-hier (Lang, Alliot-Marie…) qui ont été battus. L'Assemblée de demain sera rajeunie, féminisée avec un peu plus de représentants de la diversité, plus proche donc de la France de tous les jours. Cela devrait aider Hollande à réussir le reste, tout le reste qui n'est pas mince, et l'inciter à prendre très rapidement quelques mesures symboliques qui ne coûtent pas cher (mariage homosexuel, vote des étrangers non communautaires, contrôle plus strict des comportements de la police lorsque ceux-ci sont contestables, taxation à 75% des revenus les plus élevés…) mais sont susceptibles de lui donner plus de liberté pour agir comme il l'entend sur le plan économique.

Quant à la droite, les échanges, par médias interposés entre Juppé et Copé l'annoncent, elle n'est pas au bout de son travail de redéfinition de ses valeurs.  

Et s'ils allaient chercher ailleurs leur compagne…

Hollande, Montebourg, DSK, Borloo, Sapin, Chalandon, Baroin… La liste des politiques de haut vol qui convolent (ou vivent) avec des journalistes n'en finit pas de s'allonger. Au point que cela en devient presque gênant. Tant pour ces journalistes qui à force de tomber sous le charme des animaux politiques qu'elles ont pour mission d'observer et analyser vont finir par nous faire douter de leur capacité à se tenir à l'écart que pour ces politiques dont on se demande s'il leur arrive de rencontrer d'autres femmes que des journalistes politiques. Combien de dentistes, d'expert-comptables, de notaires, de cadres plus ou moins supérieurs sont aussi charmantes, intéressantes, intelligentes qu'une journaliste? Beaucoup  certainement. Mais voilà, nos hommes politiques ne les voient pas tant ils vivent dans un cercle étroit et terriblement provincial, celui de ce Paris où médias et politiques se croisent, se fréquentent loin des Français ordinaires.  

mardi, juin 12, 2012

La première dame est une garce…

Il y a quelques années, Arnaud Montebourg s'était fait taper sur les doigts pour avoir expliqué que le principal défaut de Ségolène Royal était son compagnon. On a aujourd'hui envie de retourner le compliment. Le principal défaut de François Hollande est peut-être sa compagne. Nous l'avions vue éjecter manu militari Julien Dray d'une soirée, voilà qu'elle soutient ouvertement l'adversaire socialiste de Ségolène Royal alors que François Hollande, Martine Aubry et Cécile Duflot tentent de lui donner un coup de main. Ce n'est ni élégant ni intelligent et cela témoigne, pour le moins, d'un caractère déplaisant, hargneux, voire méchant, ce qui est l'une des définitions du mot "garce" (l'autre étant, d'après le TLF, compagne hors mariage, ce qui tombe à pic).

lundi, juin 11, 2012

Faut-il, pour cause de défaite électorale, jeter le message de Mélenchon ?

L'échec cuisant de Mélenchon suscite aujourd'hui de nombreuses analyses. A-t-il commis une erreur tactique en allant, sans préparation ni organisation locale, affronter Marine Le Pen sur des terres que le FN laboure depuis des années? ou a-t-il commis une erreur stratégique en développant en direction des classes populaires un argumentaire plutôt destiné à la petite bourgeoisie intellectuelle comme le suggère Laurent Joffrin lorsqu'il écrit qu'un "candidat qui proclame à tous vents que l’immigration ne pose aucun problème ne saurait remporter un grand succès auprès des ouvriers et des employés, qui craignent la concurrence d’une main d’œuvre sous-payée et corvéable à merci."? Sans doute les deux.

Cet échec ne doit cependant pas être surestimé. Mélenchon ne sera pas député, mais il s'est créé un espace politique qu'il pourra continuer d'occuper. Ce qu'il fera sans doute, une fois passé le goût amer de la défaite. Il est de tous les hommes politiques le seul à avoir su remettre les débats sur l'immigration à leur juste place, celle de l'usine à fantasmes et il faut qu'il poursuive ce combat et qu'il continue à nourrir le débat politique de ses analyses souvent très fines, bien plus fines que ne le suggère ses attaques désolantes à l'égard des médias.

Ce n'est pas évident. On peut craindre que sous couvert de réalisme le Front de Gauche et le PC remisent ce théme comme semble le leur suggérer Joffrin. Ce serait tout simplement désolant. On peut faire de la politique sans être élu. Et Mélenchon aura dans les années qui viennent un rôle à jouer. Il peut contribuer à faire évoluer le débat démocratique sur une des questions qui le minent depuis des années. Il doit continuer pour rendre confiance à tous ceux qui ne se satisfont pas de la stigmatisation des étrangers. Surtout chez les ouvriers et les employés qui ne sont pas tous convaincus, tant s'en faut, que l'immigration est la mère de leurs difficultés.

vendredi, juin 08, 2012

Le défi politique de François Hollande : ramener la droite au centre

En cette veille d'élections législatives, on s'interroge naturellement sur les résultats de la gauche, sur la capacité de la gauche socialiste d'avoir une majorité qui lui permette de gouverner, mais le véritable défi politique de François Hollande est, sur le long terme, ailleurs. La politique et la campagne très à droite qu'ont menées Nicolas Sarkozy et son gouvernement ces derniers mois ont favorisé une dérive de leur électorat vers les terres du Front National, comme le signale Marianne dans son dernier numéro. Dérive inquiétante parce qu'elle annonce, à l'occasion de la prochaine alternance une droite dure, sur les positions de la Droite Populaire dont Jean-François Coppé semble se rapprocher chaque jour un peu plus.

Ces électeurs de droite aujourd'hui tentés par l'alliance avec le Front National (tentation que l'on pourra sans doute vérifier dans quelques triangulaires) ne voteront jamais à gauche, mais il est de la responsabilité de Hollande et de son gouvernement de les guérir de ce tropisme réactionnaire et de les ramener vers des positions plus consensuelles. Il peut le faire en calmant le jeu politique, en luttant contre la défiance à l'égard d'autrui (l'étranger, le jeune…), en donnant à la négociation avec toutes les parties le temps nécessaire, ce qui ne veut pas dire céder.

Ce ne sera pas facile parce que l'on voit aujourd'hui se radicaliser les trois droites : la droite économique (le Medef et tous ceux qui annoncent qu'ils vont voter avec leurs pieds), la droite culturelle (l'Eglise catholique et tous ceux qui s'opposent aux évolutions en matière d'avortement, de droit des femmes, de mariage homosexuel…), la droite populiste et sécuritaire (qui s'en prend aux immigrés, aux chômeurs…).

D'une certaine manière, je dirai que le principal défi de Hollande est pour les années qui viennent, non pas de séduire les électeurs de droite, mais de les ramener vers le centre-droit. 

mercredi, juin 06, 2012

Les journalistes politiques s'ennuient…

Depuis quelques jours, nous les voyons en peine, les journalistes politiques. Plus rien à se mettre sous la dent, les ministres sont discrets, se gardent de toute déclaration fracassante, le Président s'est fait photographié, ce qui nous a valu une avalanche de commentaires de photographes dont on ne sait s'ils appréciaient la photo ou le photographe. On nous a raconté en long, en large et en travers que Nicolas Sarkozy était allé au cinéma. La belle affaire! Mais rien d'autre, aucune petite phrase, aucune brouille de bout de couloir à se mettre sous la dent, rien sinon ces quelques mots insignifiants de Cécile Duflot (dont les tenus ont discrètement changé) sur la dépénalisation du cannabis.

Ils n'osent encore dire que le gouvernement fait rien, mais ils en brûlent d'envie. Alors même que cette fadeur d'un juin pluvieux est le meilleur signe qu'Hollande et son gouvernement puissent donner, le meilleur gage que les corps intermédiaires auront leur mot à dire, que les ministres vont travailler sur les dossiers. Ce qui pourrait d'ailleurs les mettre en difficulté : parce que plus que des journalistes politiques, ce sont des journalistes spécialisés (en économie, transports, éducation, énergie…) qu'il faut pour interroger des ministres qui travaillent vraiment. Ces journalistes existent, ils peuvent s'imposer, comme l'a montré François Lenglet lors de la campagne présidentielle. Leurs questions sont souvent plus pointues, plus difficiles, plus intéressantes aussi, que celles des spécialistes des petites phrases. Mais le débat démocratique a tout à y gagner. La meilleure nouvelle de ces premières semaines est sans doute le spleen qui gagne les journalistes politiques.