samedi, juillet 30, 2011

Intransigeances, polarisation…

En réponse à mon dernier mot sur l'intransigeance, Sébastien Turban renvoie à un post qu'il a écrit en avril dernier sur la polarisation croissante de la vie politique aux Etats-Unis qu'il attribue au développement de l'internet et de médias partisans, comme Fox News. Il s'appuie notamment sur un article de Della Vignola et Kaplan (The Fox News effect, media biass and voting, Berkeley, 2006).

Cette polarisation favoriserait le développement de l'intransigeance et de l'extrémisme, une thèse qu'a développée Carl Sunstein dans Going to Extremes: How Like Minds Unite and Divide, livre dans lequel il explique : "When people find themselves  groups of like-minded types, they are especially likely to move to extremes."

Cette polarisation est régulièrement dénoncée. Est-elle aussi forte qu'on le dit? Plusieurs auteurs l'ont contesté, notamment Page et Shapiro qui écrivaient en 1992 que, pour l'essentiel, "the policy preferences of different social groupings generally in parallel with each other". D'autres sociologues ont, depuis, développé la même idée, expliquant que l'on confondait polarisation sur quelques thèmes (avortement, opposition à la guerre…) avec une polarisation généralisée (Baldassari et Bearman in Dynamics of political polarization, 2007). Peut-être… reste que l'évolution de la Belgique, des Etats-Unis, du Moyen-Orient, celle des Balkans, il y a quelques années, suggèrent bien une polarisation croissante des opinions.  

Faut-il l'attribuer aux médias comme le suggère Sébastian Turban? Ils l'expriment et la caricaturent certainement. En sont-ils l'origine? Je n'en suis pas certain. L'article de Della Vignola et Kaplan qu'il cite met en évidence "a significant effect of the introduction of Fox News on the vote share in Presidential elections between 1996 and 2000. Republicans gain 0.4 to 0.7 percentage points in the towns which broadcast Fox News." Mais on peut retourner l'argument : Fox News est aussi une entreprise commerciale et l'on peut imaginer que ses responsables ont choisi de s'installer dans les villes ou les régions dans lesquelles l'opinion leur était le plus favorables et dans lesquelles ils avaient le plus de chance de se développer rapidement. C'est ce que ferait n'importe quelle entreprise. Et quoique disent les journalistes (surtout en France), un journal est aussi (et d'abord) une entreprise attachée à sa croissance.

Sébastian Turban souligne également l'impact d'internet qui permet de se retrouver entre soi. Cette thèse est cependant à prendre avec prudence : Gentzkow et Shapiro (Ideological Segregation Online and Offline) soulignent que "ideological segregation of online news consumption is low in absolute terms, higher than the segregation of most offline news consumption, and significantly lower than the segregation of face-to-face interactions with neighbors, co-workers, or family members. We find no evidence that the Internet is becoming more segregated over time."  En fait, ce qui distingue internet d'autres médias est tout à la fois la possibilité de réagir rapidement et de le faire anonymement, caché derrière un pseudonyme, sans filtre. Ce qui n'est pas le cas des courriers de lecteurs de la presse. Cela peut donner le sentiment d'une radicalisation de l'opinion, mais peut-être internet permet-il seulement de mieux voir ce que le travail des journalistes spécialisés dans la préparation des rubriques courrier du lecteur cachait.

Si ce n'est pas les médias, à quoi attribuer cette polarisation? Gentzkow et Shapiro mettent en avant l'aggravation de la ségrégation spatiale et le maintien des ségrégations traditionnelles qui rendraient plus compliqués les échanges entre personnes ayant des opinions différentes. Encore faudrait-il que cette ségrégation aggravée réduise les échanges sur les sujets sensibles. Mais y en avait-il autrefois plus entre bourgeois et prolétaires qui se croisaient régulièrement dans la rue?

A défaut donc de se satisfaire de ces premières hypothèses, il faut en explorer d'autres, à commencer par l'impact de la perte de confiance dans les institutions que l'on observe un peu partout dans le monde développé.

Dans un régime démocratique ordinaire, on voit alterner des périodes de forte polarisation, à la veille des élections, et de détente au lendemain, lorsque les jeux sont faits : les vaincus acceptent leur défaite, mettent de l'eau dans leur vin et finissent par trouver quelques vertus aux dirigeants qu'ils n'ont pas élus. Or, il semble que cela n'a pas été le cas au lendemain de la dernière élection présidentielle aux Etats-Unis, comme le suggère ce graphique de Mike Sances sur Monkey Cage où l'on voit qu'Obama n'a pas su consolider à un niveau élevé la confiance de ses électeurs alors que la défiance de ses adversaires atteignait des niveaux très élevés :



Cela tient sans doute à sa manière de faire de la politique, à sa recherche de compromis avec ses adversaires qui lui aliènent ses partisans sans pour autant séduire des adversaires qui se sont fait d'autant plus intransigeants qu'ils l'ont vu reculer. 

Obama aurait pu compenser cette perte de confiance avec des succès sur la scène internationale. C'est ce qui avait permis à Mitterrand, jugé illégitime par des pans entiers de la droite au lendemain du 10 mai 1981, de se refaire lorsque même ses adversaires les plus déterminés ont du lui reconnaître du courage physique (lorsqu'il était allé au Liban au lendemain de l'attentat du Drakkar contre des soldats français), de la détermination, de la fermeté (lorsqu'il a, dans les jours qui ont suivi ce même attentat, envoyé des avions de la marine bombarder une caserne du Hezbollah ou lorsqu'il a, à peu près au même moment, expulsé 47 diplomates soviétiques) et une stature d'homme d'Etat.

Cette recherche de compromis explique sans doute la prise de distance des électeurs démocrates, elle n'explique pas toute la polarisation de l'opinion aux Etats-Unis, et moins encore ailleurs. C'est que la polarisation de l'opinion ne se construit pas seulement au sommet, elle se fabrique surtout à la base, au plus près des citoyens, là où les militants les plus déterminés agissent. 

Sans doute faut-il, si l'on veut comprendre cette montée de la polarisation et de l'intransigeance, chercher du coté de ces associations de toutes sortes qui contrôlent les institutions de proximité d'une société (conseils d'écoles, associations de parents d'élèves, associations caritatives, culturelles, municipales…) que des groupes radicaux ont investies massivement, imposant leurs principes, leurs valeurs aux institutions qu'ils contrôlent. Alors même que l'on se félicite de l'autorisation du mariage gay à New-York, à quelques centaines de kilomètres de là, dans le Minnesota, dans le canton de Michele Bachman, une égérie du Tea Party, on met en place des politiques régressives qui conduisent de jeunes gens, garçons et filles que leurs camarades accusent d'homosexualité, au suicide (voir, sur ce sujet, cet article assez effrayant de Mother Jones : The teen suicide epidemic in Michele Bachmann's district). De la même manière, en Belgique, le conflit linguistique tourne autour des écoles et des municipalités : c'est au niveau local que sont prises les décisions qui enflamment les deux parties. 

Robert Putnam a expliqué dans Making Democracy Work : Civic Traditions in Modern Italy que la démocratie se construisait dans ces structures associatives où l'on pouvait rencontrer et dialoguer avec des gens qui ont des opinions différentes des notres. Encore faut-il que ces associations laissent vivre cette diversité d'opinion. Lorsque ce n'est pas le cas, lorsque quelques militants particulièrement déterminés chassent ou incitent à la démission ceux qui ne partagent leurs avis, cette hétérogénéité disparait et le mécanisme de radicalisation que décrit Carl Sunstein se met en place. Pour peu que ces associations aient un peu de pouvoir, elles peuvent prendre en otage une opinion qui n'a guère de moyens de résister.

vendredi, juillet 29, 2011

Intransigeances…

Sommes-nous entrés dans l'ère de l'intransigeance? A lire la presse, on a le sentiment que Benjamin Netanyahou a fait des émules un peu partout, en Belgique avec ces dirigeants flamands qui refusent toute concession et condamnent le pays à vivre depuis des mois sans gouvernement, aux Etats-Unis où les extrémistes du Tea Party interdisent tout compromis entre démocrates et républicains sur la dette…

Les spécialistes de la théorie du jeu et des conflits ont souvent décrit cette montée aux extrêmes. Certains ont même apporté à ces intransigeants leur caution théorique. Je pense à Robert Aumann, prix Nobel d'économie et inventeur du paradoxe du maitre-chanteur qui justifie le comportement des dirigeants israéliens : A et B sont dans une pièce avec une valise remplie de billets. Le propriétaire de la valise leur dit : je vous donnerai le contenu de cette valise à condition que vous vous mettiez d'accord sur son partage. B dit, c'est très simple, faisons 50/50. A répond : non, ce sera 10 pour toi et 90 pour moi. L'autre refuse. A ne cède pas. B finit par accepter : mieux vaut 10% que rien du tout. Le même Robert Aumann milite pour la politique d'intransigeance de Netanyahou et s'offusque qu'on la critique : on risque sinon, dit-il, un autre Munich. Se retirer des colonies est à ses yeux un signal négatif envoyé aux Palestiniens.

Le problème est que ces positions prennent en otage des majorités qui ne partagent absolument pas les positions extrémistes des plus intransigeants. La plupart des Belges, Flamands compris, préféreraient sans doute avoir un gouvernement, la majorité des Américains, Républicains compris, aimeraient certainement voir relever le plafond de la dette, fut-ce au prix d'une augmentation des impôts des plus riches. Et qu'elles peuvent se heurter à l'intransigeance d'un adversaire qui en a assez de reculer.

Ce qui frappe aux Etats-Unis comme en Belgique, c'est le refus de quelques uns d'accepter tout compromis et donc de jouer les règles classiques du jeu politique. Et l'on peut se poser à leur propos deux questions :
- pourquoi sont-ils si intransigeants?
- comment sont-ils arrivés à occuper des positions qui leur permettent de prendre en otage tout un pays?

La presse américaine a expliqué que les nouveaux élus américains qui refusent de voter tout compromis sur la dette ne se souciaient pas de leur réélection, que leurs principes passaient avant tout. Dans le cas des Flamands, on peut imaginer que l'absence de gouvernement fait la démonstration que la Belgique est ingouvernable et qu'il faut donc procéder à une partition. Dans d'autres cas, l'intransigeance est le fait d'une contrainte que le décideur se donne, un peu à l'image d'Ulysse se faisant attacher au mât de son bateau pour ne pas céder aux chants des sirènes.

Encore faut-il pouvoir tenir ces positions. Etre inflexible ne va pas de soi quand on est au gouvernement. Surtout dans un régime démocratique. On a beaucoup dit, ces derniers temps, qu'Angela Merkel ne voulait rien céder sur la dette grecque. Elle a fini par le faire parce que ses soutiens, en Allemagne même commençaient à s'effriter. A contrario, Hitler avait pu, en son temps, se montrer intraitable à Munich parce qu'il savait bien que le régime policier qu'il avait installé en Allemagne interdisait toute contestation intérieure : ses adversaires, français et britanniques, ne risquaient pas de trouver des alliés ou des relais en Allemagne. Ceux qui auraient pu affaiblir la position du Fürher étaient en camps de concentration.

La position des Flamands et des extrémistes républicains qui sont dans l'opposition est plus simple : ils n'ont pas à se soucier de l'opinion de leurs adversaires.

Mais comment en sont-ils venus à occuper ces positions stratégiques? Je ne sais pas s'il y a là-dessus de la littérature. Si elle existe, je ne la connais pas, mais on peut imaginer que leur intransigeance est ce qui leur a permis d'accéder à la position qu'ils occupent aujourd'hui. Le compromis, à la base de la vie politique dans les régimes démocratiques, peut facilement être confondu avec des compromissions.

Dans des situations de crise où chacun souffre, il est facile d'expliquer à ses électeurs que c'est aux autres de payer et de faire des efforts surtout lorsque l'on peut espérer attribuer à son adversaire les conséquences d'un blocage des institutions. L'intransigeance peut séduire en période de crise, lorsque l'on a déjà beaucoup donné et que l'on a le sentiment d'avoir donné plus que les autres : s'ils sont dans la difficulté, disent d'une même voix tea party, populistes allemands et extrémistes flamands, parlant des pauvres, pour les uns, des grecs pour les autres, des wallons pour les derniers, ils n'ont qu'à s'en prendre qu'à eux-mêmes. Sans doute, mais à ce petit jeu, il n'y a que des perdants.


mardi, juillet 26, 2011

Mais non, la démondialisation n'est pas un concept ringard

Manuel Valls s'est trouvé une nouvelle cible : la démondialisation de son "ami" Montebourg qu'il qualifie de "concept ringard et réactionnaire." Une bonne occasion de revenir sur ce concept que l'on confond trop volontiers (y compris chez ses partisans) avec le bon vieux protectionnisme.

Si ce concept a du sens, c'est dans la mesure où il s'inscrit dans une analyse des limites et des faiblesses de la mondialisation que nous vivons depuis une trentaine d'années.

Lorsque l'on l'on parle des méfaits de la mondialisation, on envisage en général son impact social, les délocalisations d'usines, les destructions d'emplois… et l'on cite de nombreux exemples, le dernier en date étant le projet vaguement démenti de fermeture de l'usine de Citroën d'Aulnay sous bois. Mais deux autres aspects, plus rarement soulignés, doivent être pris en compte :
- La mondialisation, telle qu'est développée, a considérablement fragilisé nos économies. Elle s'est accompagné d'un éclatement des processus de production. Le moindre produit industriel, le plus banal est l'assemblage de composants qui viennent des quatre coins du monde. On pense aux ordinateurs, mais aussi aux automobiles, à l'électro-ménager… à la poupée Barbie qui réunit des composants venus des Etats-Unis, de Chine, des Philippines, de Malaisie, d'Indonésie… Or, le moindre incident dans cette chaine a des répercussions à l'autre bout du monde. On en a eu deux belles illustrations tout récemment avec le tsunami japonais et les épidémies allemandes. Dans les deux cas, des acteurs installées à des centaines ou des milliers de kilomètres ont subit, parfois lourdement, les contrecoups de catastrophes lointaines ;
- Cette même mondialisation a contribué à faire exploser les transports aériens et maritimes. Nokia a calculé que le transport des composants depuis les usines de ses fournisseurs jusqu’aux usines d’assemblage représentait 6% de l’énergie consommée par ses téléphones portables pendant leur cycle de vie, auxquels il convient d’ajouter les 5% d’énergie consommés pour transporter ces mêmes téléphones de ces usines d’assemblage jusqu’aux points de distribution. 11% de l'énergie consommée par un téléphone pendant toute sa durée de vie est liée aux transports. Et ce qui est vrai d'un téléphone l'est, bien sûr, de mille autres produits.

Bien loin d'être ringarde, comme l'affirme un peu rapidement Manuel Valls, la démondialisation pourrait bien être demain l'objectif poursuivi par les acteurs économiques à la recherche de plus de robustesse et d'une réduction de l'empreinte écologique de leurs produits. Ce qui ne veut pas dire qu'ils cesseront de produire en Chine, au Brésil ou ailleurs, mais qu'ils s'attacheront à produire en Chine ou au Brésil d'abord pour des marchés locaux qui seront d'autant plus demandeurs qu'ils bénéficieront de l'enrichissement de la classe moyenne.

Le mouvement est probablement, d'ailleurs, déjà enclenché. Deux indicateurs ne trompent pas : le Baltic Chart Index, indice du coût du transport maritime international qui donne une indication sur les tensions sur le marché du transport des matières premières, est toujours très en dessous de son niveau de 2008 avant l'éclatement de la crise. Même chose pour le Harpex qui mesure  les transports par container :

Harpex chart

Le protectionnisme est ringard, la démondialisation ne l'est pas. On peut même, bien au contraire, penser qu'elle est une des tendances des années à venir.

mardi, juillet 19, 2011

Fillon, Sarkozy et la double nationalité

La sortie de François Fillon sur la double nationalité, sur la "profonde méconnaissance des traditions et de l'Histoire de notre pays" dont aurait fait preuve Eva Joly a supris : on l'avait connu plus "raisonnable." Plus surprenant est peut-être le silence de Nicolas Sarkozy qui s'est bien gardé de s'engager dans cette polémique. Ce silence qui ne lui ressemble pas est certainement voulu. On l'aura remarqué, il laisse depuis quelques semaines ses ministres s'engager à fond dans la (re)conquête de l'électorat d'extrême-droite (déjeuner saucisson pinard, déclarations sur Eva Joly…) et se tient à l'écart comme s'il se réservait le soin de reprendre dans quelques jours, quelques semaines, la main pour replacer le ballon au centre et ainsi se concilier la bienveillance de tous ceux de ses électeurs que le virage à l'extrême-droite de pans entiers de l'UMP exaspère. L'objectif est clair : occuper tout le terrain, de l'extrême-droite au centre pour mieux étouffer, dans un premier temps, avec les seconds couteaux, Marine Le Pen et, dans un second, directement, Jean-Louis Borloo. La stratégie est classique et habile. Peut-elle réussir? Le défi est moins pour Nicolas Sarkozy d'empêcher des électeurs du centre de voter pour un candidat de gauche (les électeurs de droite continueront de voter à droite) que d'éviter que trop d'électeurs de droite ne s'abstiennent. Or, son déficit d'image, la méfiance qu'il suscite dans des pans entiers de l'opinion sont trop importants pour être balayés d'un coup. Il lui faudrait susciter de nouveau l'enthousiasme à droite. On dit qu'il prend modèle sur François Mitterrand. C'est oublier que celui-ci avait en face de lui un Jacques Chirac particulièrement agressif qui inquiétait. Qui peut dire que François Hollande ou Martine Aubry inquiètent?

La culture a moins besoin d'argent que d'enthousiasme

Martine Aubry a donc annoncé son intention, si elle était élue, d'augmenter le budget de la culture de 30 à 50%. C'était certainement la meilleure recette pour séduire le public et les acteurs d'Avignon. Mais est-ce raisonnable et… nécessaire? Et pour quoi faire?

En quelques décennies, le monde de la culture a considérablement changé. Paris n'est plus la capitale culturelle mondiale qu'elle fut, alors même que des efforts considérables ont été réalisés pour aider les créateurs à vivre.

Ces efforts se sont traduits tout à la fois par une multiplication des acteurs (compositeurs, romanciers, poètes, peintres, cinéastes, comédiens…) et par une amélioration sensible de leurs conditions de vie. Hier, les romanciers, peintres et poètes qui voulaient vivre de leur plume devaient multiplier les expédients, ils enseignent aujourd'hui dans les conservatoires, les écoles des beaux-arts et vont de résidence en résidence. Jamais il n'y a eu, tant à Paris qu'en province, autant de spectacles, d'expositions, de concerts. Il ne se passe pas de soirée à Paris sans un concert de musique contemporaine (musique savante, j'entends). Il n'est pas un département qui n'ait son musée d'art contemporain, pas une ville qui n'ait son festival. Mais pour quel public? La demande n'a pas suivi l'explosion de l'offre. Ce n'est pas, comme on le dit parfois, que les oeuvres proposées soient trop difficiles ni que le public se soit évanoui mais l'offre est infiniment plus importante que la demande : l'amateur le plus intéressé ne peut passer toutes ses soirées au concert! Il lui faut choisir. L'offre est d'autant plus importante que les mécanismes qui la limitaient hier ont disparu : s'il est plus facile de vivre (chichement) de son art aujourd'hui qu'il y a quarante ans, il est aussi (et par voie de conséquence) plus difficile de sortir du lot. On compte par dizaines les compositeurs de musique contemporaine (les peintres, les poètes…). N'importe quel adolescent curieux pouvait, dans les années soixante, citer les noms des quatre ou cinq compositeurs de quarante ans qui comptaient. Il lui suffisait de lire les programmes du Domaine Musical, les critiques de Jacques Bourgeois ou d'Antoine Goléa pour se faire une idée. Qui peut aujourd'hui prétendre en être capable?  Les avant-garde ont disparu et avec elles l'engagement du public. Plus rien ne scandalise mais plus rien n'enthousiasme non plus. La culture est devenue consommation aimable de la bourgeoisie diplômée. C'est elle qui applaudit aux promesses de Martine Aubry. C'est elle que ses promesses, si elles se réalisent, satisferont. Mais est-ce cela que l'on veut?

Répondant à Martine Aubry, Frédéric Mitterrand indique que la "politique culturelle relève d'abord du soutien à la création, à l'idée de l'art, de la beauté et de leur mise à disposition à l'ensemble des citoyens." Une définition que ne désavouerait probablement pas la candidate socialiste. Manque cependant l'essentiel : ce qui fait un style, une marque, un signe et donne aux artistes et créateurs d'ailleurs l'envie de venir vivre et travailler en France… La réussite d'une politique culturelle se mesure moins à son budget qu'au désir des créateurs étrangers de s'y associer.

Si Paris n'est plus la capitale culturelle qu'elle fut, ce n'est certainement pas faute d'argent. Celui-ci n'est, d'ailleurs, pas, en matière de création, le nerf de la guerre. Le budget ridicule du Centre d'Essai de la radio de Pierre Schaeffer a plus fait pour la création musicale en France que ne feront jamais toutes les classes de composition ouvertes dans les conservatoires. C'est faute de vie et d'enthousiasme.

samedi, juillet 16, 2011

Eva Joly serait-elle une habile politique?

Avec ses remarques plutôt insignifiantes mais tout à fait dans la ligne des écologistes sur les défiles du 14 juillet, Eva Joly a su s'attirer tout à la fois les foudres des plus ringards à droite, mais aussi à gauche, et la sympathie de tous ceux que les célébrations du 14 juillet, même dans leurs versions rugbystiques (ah ces soldats dansant devant le Président comme des neo-zélandais!), ennuient profondément. Elle a su tout à la fois faire la une, ridiculiser ses adversaires et s'attirer des sympathies à gauche et au delà chez tous ceux qui sont de près ou de loin bi-nationaux (combien de centaines de milliers de personnes?). Bravo.

mardi, juillet 12, 2011

Peut-on augmenter les impôts des entreprises?

L'endettement de la plupart des grands pays industrialisés devrait être l'occasion de réhabiliter et revoir à la hausse l'impôt sur les sociétés un peu partout en Europe et aux Etats-Unis. On sait que la fuite devant l'impôt est depuis quelques années un des facteurs majeurs des délocalisations : les entreprises multinationales installent leurs sièges sociales là où elles paient le moins d'impôts. Et là où elles restent, elles font tout pour en payer le moins possible, comme le montrent les exemples de Total, Danone et de sans doute bien d'autres grandes entreprises qui ne paient pas d'impôts en France (voir cet article de Libération) alors même qu'elles profitent (elles, leurs salariés, leurs fournisseurs…) des investissements de la collectivité. Je ne sais pas très bien comment les candidats à l'élection présidentielle pourraient faire, mais ils devraient aborder ce sujet et demander une réforme de l'impôt des sociétés qui supprime toutes ces niches et astuces fiscales. Pour l'heure, les plus audacieux (et, notamment, François Hollande) parlent surtout de l'impôt sur le revenu et de la CSG. Mais la situation économique, les purges annoncées ou actées chez tant de nos voisins pourraient être une occasion de demander aux entreprises et, d'abord, aux plus grandes d'être plus solidaires et de montrer du doigt ceux qui, en Europe, notamment, usent et abusent de la concurrence fiscale. Il y a là un beau sujet de débat qui pourrait mettre en difficulté une droite qui a creusé les déficits.

lundi, juillet 11, 2011

Silence sur "l'affaire" Copé, mais pour combien de temps?

Mediapart a publié hier après-midi une série de documents, notamment des photos, plutôt gênants pour les dirigeants de l'UMP. Il s'agit de photos privées, de courriers qui mettent en évidence les liens étroits que plusieurs proches de Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux, Thierry Gaubert, Claude Guéant et, surtout, Jean-François Copé ont entretenu avec Ziad Takieddine, le financier franco-libanais soupçonné d'avoir organisé les rétrocommissions en provenance du Pakistan ayant servi à financer la campagne d'Edouard Balladur. Rien ce matin dans la presse, ni dans les journaux (peut-être fabriqués avant) ni à la radio dont les journaux sont fabriqués dans la nuit. Inattention des journalistes? inertie des médias? ou manque d'intérêt pour une affaire un peu ancienne, très compliquée? On ne sait.

dimanche, juillet 10, 2011

Martine Aubry et les 35 heures

Voilà que la droite relance le débat sur les 35 heures au plus grand plaisir de ses électeurs (voir, par exemple, Thierry Desjardins). Débat sans fin puisque voilà bientôt dix ans que la droite est au pouvoir et qu'elle aurait eu mille fois l'occasion de revenir dessus. Si elle ne l'a pas fait, c'est que c'est probablement impossible.

Dans sa dernière mouture, l'UMP propose de renégocier dans les branches le temps de travail. On imagine mal les syndicats revenir sur cette durée légale sauf à penser que les entreprises consentent en échange des hausses de salaire (de près de 12% si l'on revenait aux 39 heures, sans compter les cotisations sociales!). Mais peu importe, l'objectif est moins de modifier un temps de travail auquel les entreprises se sont adaptées sans vraies difficultés que de rappeler à ses électeurs, notamment aux chefs d'entreprise, commerçants, artisans et autres petits patrons, que cette mesure qu'ils ont tant détesté fut portée par Martine Aubry. La droite n'a pas oublié la manifestation qui a réuni, en 1999, à l'appel du MEDEF et de la CGPME, 25 000 patrons porte de Versailles contre Martine Aubry. Plus la campagne avancera, plus on y reviendra. Il faut dire que cette mesure est restée très impopulaire dans ces catégories même si les entreprises de moins de 20 salariés en sont aujourd'hui exonérées..

Cette impopularité durable des lois Aubry tient probablement à la manière dont cette opération a été menée. On parle beaucoup de réformes, on insiste souvent sur la difficulté de réformer, on le dit peu, mais les 35 heures sont un exemple de réforme doublement réussie : les entreprises ont, en moins de quatre ans, modifié profondément leurs méthodes de travail, et les objectifs poursuivis, la création d'emploi, ont été à peu près satisfaits (la réduction du temps de travail a permis de créer de 300 à 400 000 emplois et a relancé la croissance qui en a créé d'autres).

Cette réussite, mais aussi l'impopularité de ces lois Aubry, tient, je crois, à quelques facteurs :
- à la détermination de Martine Aubry qui n'a jamais varié au grand dam des grands patrons qui la connaissaient et pensaient, tel Jean Gandois, pouvoir l'assouplir,
- à la solidité du dispositif mis en place. On sait que les chefs d'entreprise se plaignent beaucoup de l'insécurité juridique en matière de droit du travail. Cette insécurité tient, pour l'essentiel, à ce que le droit se fait, non pas sur des textes, mais au terme d'un processus long au cours duquel les juges sont amenés à revoir, interpréter, éventuellement corriger les textes votés par le Parlement. La jurisprudence qui modifie lentement les textes gêne les entreprises dans la mesure où elles s'intéressent moins à l'esprit des textes qu'à la meilleure manière de les utiliser, de les contourner, d'y échapper. A la lecture d'un article du code du travail, un employeur ne se dit pas : "voilà ce que je dois faire" mais : "voilà ce que je risque si je ne fais ce qui est demandé." Or, les lois sur les 35 heures ont échappé à cette insécurité. Les textes étaient clairs, précis et ne prêtaient pas ou peu à contestation. La jurisprudence en a, pour l'essentiel, confirmé le contenu,
- à l'impossibilité pratique de contourner le dispositif comme c'est souvent le cas (pour ne prendre que cet exemple, l'embauche de salariés en CDD rend tout simplement caducs les plans de sauvegarde de l'emploi et les dispositifs en faveur de la Gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences introduits dans la loi de cohésion sociale de janvier 2005) : les entreprises ont du recruter alors même que toute leur politique consistait depuis des années à réduire leurs effectifs (d'après l'INSEE, les établissements de plus de 1 000 salariés, qui représentaient 23 % de l’emploi en 1979, n’en constituaient plus que 13 % en 1994!)
- à l'entrée en force de la loi et des salariés dans le domaine réservé des directions. Il faut avoir assisté à la fin des années 90 à des comités de direction ou à des conseils d'administration pour voir combien cela a hérissé les patrons.

C'est ce dernier point qui a, sans doute, le plus compté. Martine Aubry a, en effet, forcé les entreprises à revoir leur organisation avec les syndicats dans des négociations difficiles puisqu'il ne s'agissait pas seulement de donner quelques jours de congé supplémentaires aux salariés mais de revoir la distribution du temps travaillé dans les détails. C'est le coeur même de leurs règlements que les entreprises ont du retravailler avec les représentants des salariés, ce qu'elles n'avaient jamais fait. L'un des objectifs avoués des 35 heures était de renforcer le pouvoir syndical. Et, de fait, dans toutes les entreprises, même dans les petites PME, les directions ont du se mettre autour d'une table avec des délégués du personnel en situation de force pour négocier les horaires, l'organisation, les plannings, les rotations des effectifs, les heures d'arrivée ou de départ… Et cela a paru insupportable à tous ces patrons qui pensaient comme Yvon Gattaz, l'ancien Président du MEDEF : "à chacun ses compétences, au tourneur de tourner, au chef d’entreprise de gérer."

La gauche a souvent éprouvé une certaine gêne à l'égard des 35 heures. En témoigne, entre autres, le désir de Manuel Valls de les "déverouiller". Elle a tort. Cette mesure a été une grande avancée sociale, elle est un modèle de réforme profonde réussie et elle donne un exemple de politique économique efficace. Les lois sur les 35 heures, dans leur première mouture, ont, en effet, incité les entreprises à recruter pour compenser les heures perdues mais aussi à réaliser des investissements de productivité puisqu'il suffisait pour bénéficier des aides associées au passage aux 35 heures de recruter 6% d'effectifs supplémentaires quand elles perdaient  10% du temps de travail. Ce sont les deux moteurs de la croissance que cette mesure allumait en même temps. Ceci explique sans doute que l'industrie française n'en ait pas, à l'inverse de tous les pronostics, souffert. Bien au contraire : elle a connu dans les mois qui ont suivi une croissance plus rapide que le reste de l'Europe et les Etats-Unis.

mercredi, juillet 06, 2011

Francois Hollande, l'autonomie du dialogue social et la constitution

Les propos récents de Francois Hollande sur le dialogue social ont fait polémique. Sont-ils néo-libéraux, comme l'ont pensé plusieurs à l'extrême-gauche mais aussi des observateurs comme Arthur Goldhammer, ou plus simplement socio-démocrates comme je le crois?

Pour en décider, il faut revenir à la proposition de Francois Hollande : "La Constitution devrait, dit-il, garantir à l'avenir une véritable autonomie aux partenaires sociaux." Il voudrait que le parlement et le gouvernement soient juridiquement liés par les conventions signées entre partenaires sur, précise-t-il, "des sujets bien précis et avec la vérification des mécanismes de représentativité."

Il ne propose donc pas la complète liberté de négociation (on ne pourrait pas négocier sur tout et n'importe quoi n'importe comment) mais une transformation du rôle de l'Etat qui devrait beaucoup plus se soucier du respect de la procédure que de la substance des accords.

En affirmant la prééminence de l'autonomie des acteurs, Francois Hollande est en ligne avec toutes les réformes engagées depuis les lois Auroux de 1982 qui donnaient déjà aux partenaires sociaux la possibilité de déroger à la loi notamment en matiere d'aménagement du temps de travail. Le processus a été poursuivi avec notamment la loi Fillon de 2004 qui permettait, sous certaines conditions, des dérogations moins favorables aux salariés. Ce qui avait, à l'époque, suscité les protestations extrêmement vives des syndicats mais aussi des juristes spécialisés.

Cette quête d'autonomie s'inscrit dans le cadre plus large d'évolution du droit social vers plus de décentralisation, plus de négociations avec des obligations plus nombreuses de négocier, la création d'instances susceptibles de le faire dans les entreprises (77% des entreprises de plus de 20 salariés ont des représentants du personnel) et l'ouverture de la négociation à de nouveaux domaines dont les conditions de travail. Cette autonomie est le pendant du développement du dialogue social : on ne peut à la fois vouloir plus de dialogue et brider complètement celui-ci.

La crainte de ses critiques est que la contractualisation accrue des relations de travail conduise à une dégradation des positions des travailleurs. Mais est-ce le cas? Si dégradation il y a, est-elle liée a ces possibilités de dérogation? La loi de 2004 ouvrait la porte à des accords dérogatoires. Il y en a eu très peu pour deux motifs :
- les branches qui ont rédigé des accords depuis ont pris en compte ce risque de dérogation et l'ont très vigoureusement encadré : soit elles interdisent les dérogations, soit elles les limitent. Les négociations d'entreprise ne peuvent que difficilement défaire les conventions signées au niveau de la branche professionnelle,
- les entreprises et leurs DRH hésitent à utiliser ces possibilités qui supposent une grande maîtrise technique de textes juridiques complexes quand on peut obtenir le même résultat en jouant sur le contrat de travail (recours à l'intérim, aux CDD...) ou sur l'organisation sans dégrader le climat social.

La non utilisation de cette possibilité ouverte par la loi amène à une autre remarque : la non effectivité de beaucoup des textes publiés dans le domaine social jugés trop complexes par la plupart des acteurs. Si le dialogue social parait si médiocre en France alors que tant a été fait pour le développer depuis les lois Auroux, c'est qu'il est miné par une réelle insécurité juridique. Les acteurs ne comprennent pas des textes que la jurisprudence fait souvent évoluer dans un sens inattendu. Dit autrement : la plupart des acteurs, dirigeants ou syndicalistes ne savent à quel saint se vouer. Ce qui explique que malgré tous les textes généreux sur, par exemple, la parité home-femme, les écarts de salaires entre sexes restent aussi importants. Plutôt que de se lancer dans des opérations périlleuses, les directions cherchent d'autres solutions et vident, ce faisant, le dialogue social de l'essentiel de son contenu.

Et c'est là que la proposition de Francois Hollande parait intéressante : en proposant de garantir par la Constitution une véritable autonomie aux acteurs sociaux, il apporte un élément qui pourrait réduire cette insécurité qui rend le dialogue si difficile alors même que tous les outils pour le mener sont disponibles. C'est en ce sens que sa proposition me parait moins néo-libérale que soucieuse de rendre le dialogue social plus efficace, ce qui est un souci plutôt socio-démocrate.  Il serait bon qu'il poursuive sa réflexion et amène des propositions qui simplifient le code du travail et incitent les partenaires sociaux à revenir à la table de négociation.

lundi, juillet 04, 2011

F.Hollande a-t-il une approche neo-libérale du syndicalisme?

A plusieurs reprises, Arthur Goldhammer, excellent observateur de l'actualité française, a analysé les positions de Francois Hollande en matière de syndcialisme comme relevant d'une sorte de néo-libéralisme alors même qu'il souligne, pour s'en étonner, la présence dans son entourage de plusieurs syndicalistes de la CFDT, de la CGT et de l'UNSA. Cette critique qui n'est pas éloignée de celles de J.L.Melenchon me surprend tant elle me parait faire fi de la réalité du syndicalisme à la française, de son extrême faiblesse et de ses rapports avec le politique.

La faiblesse du syndicalisme français a de nombreuses causes : vieille tradition antisyndicale du patronat, structure de l'économie avec le poids des petites entreprises dans lesquelles il est difficile pour un syndicat de s'implanter, mais aussi politisation. A l'extreme-gauche, le syndicalisme a longtemps été considèré comme une simple courroie de transmission du politique. Et il a fallu des annees pour que la CGT gagne son autonomie. Ailleurs, les syndicats se sont accommodés de l'intervention de l'Etat parce qu'elle leur permettait d'étendre à toute une profession les accords signés dans quelques grandes entreprises. Le patronat lui-même n'y est pas hostile puisque cela lui permet de limiter les distorsions de concurrence et de tergiverser sans fin dans les négociations dans l'attente d'une intervention du politique. Mais cette solution n'a évidemment rien de satisfaisant : elle favorise la division syndicale, les positions radicales et la "paresse" syndicale. Pourquoi se battre dans les boites si l'on peut espérer obtenir gain de cause au Parlement? Ajoutons, par ailleurs que l'intervention de l'Etat conduit à des solutions souvent inadaptées : ce qui vaut dans la métallurgie ne vaut pas forcement dans le bâtiment...et favorise les solutions qui conviennent aux secteurs que les syndicats peuvent le plus facilement mobiliser en soutien d'une action politique, soit le secteur public.

La position de Hollande et celle des syndicalistes qui le conseillent n'est en rien neo-libérale (ce qui le serait serait de demander une réduction du rôle des syndicats), elle vise, ce qui est tout différent, à renforcer l'autonomie des syndicats, à rendre au dialogue social, c'est-à-dire la recherche de compromis entre partenairers sociaux toute sa place, et à rapprocher la recherche de compromis des acteurs et des situations. En ce sens, elle se situe pleinement dans la tradition social-démocrate. Et j'imagine qu'elle s'appuie sur une réflexion approfondie tant de ce qui s'est passé avec les 35 heures que de la lenteur des négociations engagées sur les retraites, la pénibilité au travail... qui ont montré les limites d'une intervention autoritaire de l'Etat. Si les partenaires sociaux avaient effectivement négocié la reforme de la retraite, on aurait sans doute abouti à quelque chose de plus satisfaisant.

samedi, juillet 02, 2011

Il y a donc bien eu complot, mais organisé par qui?

A mesure que les révélations se multiplient sur la personnalité de la femme de chambre, ce qui n'était qu'une hypothèse un peu farfelue se confirme : Dominique Strauss-Kahn a bien été victime d'un complot. Reste à savoir qui l'a organisé? Cette jeune femme sulfureuse et quelques uns de ses amis pas très recommandables trop contents de profiter de l'opportunité? ou quelqu'un d'autre? et si tel est le cas, qui? et pour le compte de qui? C'est là-dessus que l'enquête dans l'enquête devrait maintenant se focaliser.  

La femme de chambre se prostituait…

C'est ce qu'annonce le New-York Post, journal qui a pas mal de choses à se faire pardonner dans cette affaire. L'article est un peu bizarre, il indique qu'elle a été placée dans cet hôtel du centre ville par son syndicat, ce qui devrait permettre d'accuser celui-ci de proxénétisme. Mais voici ce que dit le journal : "The Sofitel housekeeper who claims the former IMF boss sexually assaulted her in his room was doing double duty as a prostitute, collecting cash on the side from male guests, The Post has learned. "There is information . . . of her getting extraordinary tips, if you know what I mean. And it's not for bringing extra f--king towels," a source close to the defense investigation said yesterday. The woman was allegedly purposely assigned to the Midtown hotel by her union because it knew she would bring in big bucks. When you're a chambermaid at Local 6, when you first get to the US, you start at the motels at JFK [Airport]. You don't start at the Sofitel," the source said. "There's a whole squad of people who saw her as an earner." The woman also had "a lot of her expenses -- hair braiding, salon expenses -- paid for by men not related to her," the source said."

Cela confirmerait donc que la relation sexuelle fut consentie mais payée. Je ne sais pas si cela rend DSK plus présidentiable, mais cela n'en fait certainement pas un violeur.

Si tel est bien le cas, on peut imaginer que des clients se seraient manifestés une fois qu'on l'aurait vue à la télévision. Il est, d'ailleurs, assez bizarre que personne ne se soit manifesté pour dire à la presse ou sur internet que l'on trouvait dans cet hôtel des femmes de chambre pas très farouches.

Il manque aux centristes plus qu'un leader…

Les derniers rebondissements de l'affaire DSK ont rejeté au second plan les spéculations sur la présence d'un candidat centriste au premier tour de la présidentielle. Mais on peut être sûr qu'elles reprendront dés que la poussière sera retombée. Ira, ira pas? Sarkozy laissera-t-il Borloo, Bayrou ou Morin faire le pas? Cela donnera de la matière aux éditorialistes et aux journalistes politiques mais le plus surprenant est peut-être que l'on se pose ces questions. Dans notre système institutionnel, si le centre existait, il aurait naturellement un candidat. C'est bien, d'ailleurs, ce qui fut le cas tant que celui-ci a eu un semblant d'existence. Mais il faut bien en convenir : il s'est évaporé.

La droite n'est pas plus unie aujourd'hui qu'hier, il y a toujours deux droites, mais le centre ne compte plus.  Si elle aujourd'hui divisée, c'est entre le Front National et l'UMP. Pour qu'un mouvement politique existe, il lui faut un leader, et le centre en a pléthore, mais aussi un parti qui représente, dans lequel se reconnait, une classe sociale, et c'est ce qui lui manque.

Si le Front National pèse aujourd'hui tant dans la politique, s'il séduit une partie des troupes de l'UMP, la droite populaire, c'est qu'il a un leader convaincant et incontesté dans son camp (Marine Lepen après son père), un parti (composé de militants venus de l'extrême-droite mais aussi des franges les plus conservatrices de la droite traditionnelle), un corpus idéologique (simplet mais cohérent basé sur le rejet de la mondialisation, de l'Europe, de l'euro…) et, surtout, une classe sociale à laquelle il apporte un corpus d'idées et de solutions, en un mot une idéologie pour traiter ses problèmes : toute cette frange de la population qui est ou se sent victime de la mondialisation et des élites qui l'ont mise en place et en profitent.

Le centre n'a rien de tout cela : ses troupes militantes, ceux que Gramsci appelait les "caporaux" de l'action politique, ont été absorbées par l'UMP qui en a fait des élus au siège bancal et, pour les plus en vue, des ministres susceptibles d'être à tout moment privés de leur voiture de fonction et de leur gyrophare (est-ce vraiment insulter Sauvadet et Leonetti que de dire que leur entrée au gouvernement ne changera pas grand chose à quoi que ce soit aux politiques en matière de fonction publique ou d'affaires européennes?). Quant à la classe sociale qu'il pourrait représenter, on a beau chercher, on ne trouve pas. Et ceci de quelque manière que l'on s'y prenne. Que l'on analyse la société en terme d'opinion politique, de classes d'âge ou de classes sociales, aucune place ne leur est laissée : les réformistes et socio-démocrates sont plutôt tentés par le PS et les écologistes, les libéraux et les traditionalistes par l'UMP, les plus âgés trouvent leur bonheur à l'UMP, les plus jeunes à gauche, les classes populaires qui profitent de la mondialisation (salariés des grandes entreprises internationales, des secteurs en croissance) ou en sont protégées (fonctionnaires) sont attirées par le PS ou les écologistes, les petits patrons, artisans, commerçants par l'UMP, celles qui en souffrent par le FN. Ce qui ne laisse aucune place pour un centre qui mène exactement la même politique que la droite, a les mêmes valeurs et les mêmes objectifs.

Moralité : le centre ne représente rien et ne sert à rien. Il ne doit son existence qu'à un mode d'élection en deux tours qui incite les candidats qui l'ont emporté dans chacun de leur camp au premier tour à se rapprocher de l'électeur médian au second pour l'emporter. Qui peut au premier tour réunir quelques uns de ces électeurs médians peut toujours espérer les négocier au second. Cela fait une ambition personnelle, pas un projet politique.

vendredi, juillet 01, 2011

DSK : maintenant que la messe semble dite…

Maintenant que la messe semble dite (comment croire qu'une femme victime d'un viol continue de travailler comme si de rien n'était comme l'indique la lettre du procureur?), quel peut être le rôle de DSK dans la politique française? Peut-il redevenir candidat du PS aux prochaines présidentielles? Il faudrait d'abord qu'il en ait envie, mais "l'épisode" pourrait lui avoir donné un désir que l'on disait parfois lui manquer. Et si tel était le cas, quelle serait sa position?

Ses compétences n'ont pas disparu en trois semaines. Il sera beaucoup plus difficile à la majorité de pointer ses faiblesses, son goût des femmes et de l'argent, comme elle semblait vouloir le faire. Reste une vieille déclaration sur Israël qu'on pourrait lui reprocher, mais qui osera lui chercher des poux après ce qu'il vient de vivre.

La droite que l'on ne manquera pas de soupçonner sera pour le moins mal à l'aise, surtout si l'on découvre que Claude Guéant (ou quelqu'autre Buisson) avait constitué une cellule pour "dégommer" DSK du temps où il passait pour le concurrent le plus dangereux.

Reste à savoir ce qu'il en sera de ce qui était, au moins à mes yeux, sa principale faiblesse politique : l'opposition féroce de la gauche de la gauche à un candidat qu'elle soupçonnait de libéralisme. Que penseront ces électeurs de tout l'argent dépensé par la famille Strauss-Kahn dans cette affaire? Le lui reprocheront-ils? ou se diront-ils que pour une fois une fortune a été utilisée à bon escient? Les premières réactions de Mélenchon qui, si j'ai bonne mémoire, avait été dans cette affaire tout à fait correct, seront à suivre avec intérêt. Tout comme celles d'Eva Joly qui pourrait, si elle n'y prend garde, se suicider d'un mot mal placé…

Un coup monté?

A peine la nouvelle du probable retrait de l'accusation dans l'affaire DSK, que la rumeur enfle : il aurait été victime d'un coup monté. Et le premier à lui donner quelque consistance est un financier américain, Nouriel Roubini, connu pour ses analyses souvent pessimistes de la situation économique. Il suit l'affaire depuis Aspen où il est pour une conférence et une signature de livre et dans l'un de ses tweets il fait état de soupçons formulés par des services secrets de coup monté contre DSK par des proches de Sarkozy : "Our mid-may RGE note reported that few intelligence sources were suggesting that DSK was likely set-up." Dans un autre tweet, il se fait plus précis : "One cannot rule out a setup as smear campaign against him in french press close to Sarko." On peut imaginer que cette rumeur pour l'instant sans le moindre fondement risque d'avoir un certain succès. 

DSK innocent?

Nouveau coup de tonnerre : selon le NewYork Times les accusations contre DSK seraient sur le point de s'effondrer. Il y aurait bien eu relation sexuelle, mais consentie, l'accusatrice serait engagée dans différents trafics, dans des opérations de blanchiment d'argent. A l'heure où j'écris, rien n'est encore sûr, mais si tel est le cas, si dans quelques heures, quelques jours ou quelques semaines, la justice américaine abandonne toute poursuite que se passera-t-il?

Les cartes de la présidentielle seront-elles de nouveau rebattues? On peut imaginer que les soupçons se tournent vers des rivaux politiques (ils ne seraient pas en cause, d'après le NYT mais…), que DSK de retour en France revienne au premier plan avec une personnalité enrichie d'une descente aux enfers inédite. Aura-t-il le courage et l'envie de participer aux primaires? ou sera-t-il choisi par acclamations par une gauche tout à la fois soulagée et un peu confuse (quoiqu'elle ait été dans l'ensemble correcte)? Il est bien évidemment bien trop tôt pour se poser ce type de questions, mais comment y échapper?

Quant à la justice et à la police américaine, qu'en dire? On est tout à la fois effrayé de sa brutalité et admiratif de sa rigueur (au moins dans ce cas). Est-ce la personnalité de l'accusé? Elle a manifestement su travailler à charge et décharge, comme on l'attend ici d'un juge d'instruction. La première victime sera la presse américaine qui pendant des semaines a littéralement lynché DSK. Mais elle a vendu du papier. N'est-ce pas, à ses yeux, la seule chose qui compte vraiment.