mercredi, février 29, 2012

1 million d'euros…

La proposition de François Hollande d'imposer à 75% les revenus annuels supérieurs à 1 million d'euros suscite une désapprobation forte à droite en France (voir les titres du Figaro, les chroniques de Dominique Seu sur France Inter) mais aussi en Allemagne. "Le cauchemar Hollande" titre Die Welt. Les réactions étaient attendues, elles surprennent cependant : qui est vraiment concerné? Combien de personnes? Quelques dizaines de vedettes sportives, quelques chanteurs ou animateurs de télévision, quelques dizaines ou centaines de dirigeants de grandes entreprises? Sans doute, mais guère plus. Et voilà qu'il faudrait aller défendre ces rémunérations que l'on trouvait hier encore extravagantes?

Le principal argument avancé contre cette mesure est le risque d'exil fiscal. Le risque n'est pas nul comme l'illustraient un titre du Figaro la semaine dernière, un article d'il y a deux mois dans la Tribune et cette information venue cette fois-ci de Grèce, trouvée dans Libération de ce matin : "Fin d’une semaine de suspense sur le nom du député grec accusé d’avoir viré un million d’euros sur un compte à l’étranger au moment même où le gouvernement tentait d’éviter une course aux retraits des banques helléniques. L’affaire s’est terminée, hier, lorsque Dora Bakoyannis, ex-maire d’Athènes et leader du parti centriste Alliance démocratique, a révélé qu’il ne s’agissait pas d’un élu, mais de… son époux, l’armateur Isidoros Kouvelos."

Quelque forme qu'elle prenne, l'évasion fiscale rend la sortie de crise plus difficile. Et si l'Europe pouvait servir à quelque chose dans cette période de pénurie budgétaire, ce serait bien d'aider ses membres à lutter contre. Plutôt que de s'en prendre aux mesures annoncées par François Hollande, nos voisins seraient mieux inspirés de se demander comment éviter une concurrence fiscale qui rend plus difficile la sortie de crise pour tous. Cela passera probablement par un changement de majorité dans plusieurs pays et un tour de vis supplémentaire sur ceux de nos voisins, Irlande, Suisse, Luxembourg, Monaco… qui profitent de la situation.

Bien mauvaise journée pour Nicolas Sarkozy

Cette élection présidentielle est une vraie guerre de mouvement, avec des escarmouches que l'un ou l'autre gagne. Hier, Nicolas Sarkozy était à la peine. Tout avait mal commencé la veille par une grossière erreur sur les effectifs des lycéens et des enseignants  : il a gonflé exagérément sur RTL la diminution des effectifs élèves (- 400 000 alors qu'il n'y en a que 149 000 de moins) et parlé d'une augmentation du nombre d'enseignant (+ 45 000) alors que celui-ci a diminué d'un peu plus de 32 000. Mauvais présage à la veille d'une journée qui devait se conclure par un grand meeting sur l'école. Il n'avait manifestement pas eu le temps de relire ses fiches et de travailler le dossier.

Puis cela a continué dans la soirée avec la prestation réussie de François Hollande sur TF1 où on l'a vu notamment expliquer à une buraliste qu'il avait rencontré le Président de la sa chambre professionnelle et où on l'a surtout entendu annoncer une nouvelle disposition fiscale qui renvoie la droite à la défense des plus riches et occupe les éditorialistes tout le mardi et tout le mercredi. On disait de Hollande qu'il avait appris à esquiver les coups, il sait également les porter là où cela fait mal, non pas en attaquant mais en forçant l'adversaire à se caricaturer.

Le lendemain, cafouillage sur la situation de la journaliste du Figaro que Nicolas Sarkozy annonce au Liban avant que le journal qui l'emploie ne démente. Puis, il y a le Conseil Constitutionnel qui revient sur la loi sur le génocide arménien et met sans doute un terme aux lois mémorielles.

Reste pour conclure cette journée calamiteuse, cette proposition de mieux payer les enseignants en échange de plus d'heures. Idée que Nicolas Sarkozy emprunte à Ségolène Royal qui parlait, s'en souvient-on?, en 2007 des 35 heures pour les enseignants. Idée qui peut séduire les parents mais hérisse les enseignants. Idée, de plus, impraticable : les établissements scolaires n'ont tout simplement pas les locaux nécessaires pour accueillir les enseignants en dehors des heures de classe. Sauf à en faire des pions chargés de patrouiller dans les couloirs pendant les heures de cours, on ne voit tout simplement pas où les proviseurs les installeraient.

Pendant ce temps là, François Hollande se promenait au salon de l'agriculture. S'il n'y a probablement grapillé aucune voix, il a montré qu'il savait être simple et sympathique.

mardi, février 28, 2012

La chance de Nicolas Dupont-Aignan?

On sait que Nicolas Sarkozy ne séduit pas, mais alors pas du tout une partie de l'électorat de droite trop à droite pour choisir Bayrou ou Hollande, trop gaulliste et républicain pour voter Marine Le Pen.

Nationaliste et républicain, cet électorat qui se reconnait dans les billets de Thierry Desjardins, ne pardonne pas à Nicolas Sarkozy le retour dans l'OTAN et ne supporte pas le tropisme collaborationniste du FN. Que représente-t-il? Sans doute pas grand chose. Il partage aujourd'hui ses intentions de vote entre Dominique de Villepin et Nicolas Dupont-Aignan, soit de 2 à 3 ou 4% des voix. Guère plus. Mais cela devrait suffire à assurer à celui qui saura les réunir en avril prochain une promesse de carrière.

Des deux, le plus flamboyant, le plus excitant est certainement Dominique de Villepin, mais c'est aussi le plus fragile et le plus inquiétant. Fragile parce qu'il est seul et n'est pas assuré d'obtenir ses 500 parrainages, fragile également parce qu'il n'est pas identifié au non à l'Europe, ce qu'est, très nettement, Dupont-Aignan. Inquiétant, Dominique de Villepin l'est, même pour cet électorat, tant il traine derrière lui une image de cabinet noir, de coups tordus et d'échecs (du CPE à la dissolution).

Nicolas Dupont-Aignan n'a aucun de ces handicaps. Il semble (du moins, l'affirme-t-il) en passe d'obtenir ses parrainages, il ne traîne pas de cadavre, est plutôt sympathique, modeste et franc du collier dans ses choix. Enfin, il a travaillé avec Bayrou (il était conseiller technique dans un de ses cabinets), ce qui suggère une certaine ouverture d'esprit. Cette élection pourrait être sa chance. Un petit succès accompagné d'un échec de Nicolas Sarkozy et d'une déroute de l'UMP aux prochaines législatives pourrait lui donner l'occasion de participer à la reconstruction de la droite en créant quelque chose comme un RPF canal historique qui saurait s'opposer au mariage attendu de la droite populaire et du FN.

lundi, février 27, 2012

Faux amis, exercice de dictée…

On dit parfois que le français est une langue difficile. Je n'en suis pas certain même si souvent je doute… comme à la lecture de ce billet de deux correcteurs du Monde (fr, je crois) qui animent depuis quelques années un blog succulent où ils s'amusent de la langue. Ils y donnent un texte en deux versions orthographiques, la première mille fois fautive, la seconde correcte :

Ledit Tonton, après qu'il se fut emparé des rennes du pouvoir en 1981, sacrifia les intérêts des travailleurs et du "peuple de gauche" sur l'hôtel de la rigueur, encore appelé du Vieux-Morvan, sis à Château-Chinon dans la Nièvre, dont il avait fait son repère, et où il se retirait pour résonner tout à loisir, nourrissant les plus noirs dessins, tout en étant en but à une forte opposition car il n'avait pas l'heure de plaire à tous, ce qui avait fini par nuire à sa côte électorale et singulièrement compliqué sa tache

Ledit Tonton, après qu'il se fut emparé des rênes du pouvoir en 1981, sacrifia les intérêts des travailleurs et du "peuple de gauche" sur l'autel de la rigueur, encore appelé du Vieux-Morvan, sis à Château-Chinon dans la Nièvre, dont il avait fait son repaire, et où il se retirait pour raisonner tout à loisir, nourrissant les plus noirs desseins, tout en étant en butte à une forte opposition car il n'avait pas l'heur de plaire à tous, ce qui avait fini par nuire à sa cote électorale et singulièrement compliqué sa tâche.




dimanche, février 26, 2012

Les ouvriers préfèrent Hollande

Les sondages inquiètent les journalistes, comme en témoignent les titres du Monde d'il y a qulques jours et celui du JDD d'aujourd'hui. Ils nous donnent pourtant des indications assez précises : Nicolas Sarkozy n'a pas vraiment réussi son entrée en campagne, Bayrou et Le Pen sont en perte de vitesse, Hollande voit son capital s'effriter lentement mais sûrement, d'où la réduction de l'écart avec le Président candidat, Mélenchon ne progresse que peu, Joly reste très bas. Mais il est vrai que peu de choses ont vraiment bougé ces dernières semaines et que cela rend plus difficile l'interprétation.

Peut-être faut-il, pour en savoir un peu plus et comprendre les mouvements d'opinion, chercher des sondages plus fins comme celui que vient de publier TNS-Sofres sur les ouvriers. Ses résultats devraient faire parler tant ils surprennent : on attendait Marine Le Pen en favorite des ouvriers, voire Mélenchon. Hé bien, non, c'est François Hollande qui arrive en tête devant Mélenchon et loin devant Sarkozy ou Le Pen.


Ce qui fait penser que les commentateurs qui nous expliquent depuis des années, derrière les analystes du Cevipof et de Pascal Perrineau, que le vote ouvrier est devenu propriété du Front National se trompent. Le tournant ouvriériste de Nicolas Sarkozy et de Marine Le Pen n'a pas convaincu les premiers intéressés. Bien au contraire, semble-t-il, puisque 75% des ouvriers interrogés choisissent, dans ce sondage un candidat de gauche lorsqu'il s'agit de choisir le candidat qui défend le mieux les ouvriers. Ce qui ne veut évidemment pas dire qu'ils voteront pour eux : on peut penser que François Hollande défend mieux les ouvriers et cependant voter pour Nicolas Sarkozy parce qu'on le pense plus énergique ou pour Marine Le Pen par détestation des immigrés. Mais tout de même, cela fait penser que les lignes ne sont pas si nettes qu'on dit. 

Autre surprise, les candidats protectionnistes (Le Pen et Mélenchon, 37% à eux deux) arrivent loin derrière les candidats du libre-échange (Hollande, Bayrou, Joly, Sarkozy, 65%), ce qui fait penser que cette thématique n'est pas aussi puissante qu'on a pu le penser.

La bonne tenue des candidats de gauche, et notamment de Hollande, vient sans doute de ce qu'ils visent la finance, ce que ne font ni Sarkozy ni Le Pen, or les ouvriers qui perdent leur emploi ou craignent de le perdre mesurent très bien son poids dans les décisions qui les affectent. Et sans doute savent-ils mieux que quiconque combien la production industrielle dépend aujourd'hui de l'extérieur. Quand on est dans un atelier, on sait ce qu'il en coûterait de mettre des barrières aux frontières. Non seulement, on aurait du mal à vendre ses produits à l'étranger mais ceux-ci seraient encore moins compétitifs du fait de l'augmentation du prix des composants venus de l'étranger qui entrent dans leur fabrication.

Du Fouquet's à Lejaby

Les liens entre pouvoir politique et pouvoir économique ont toujours été étroits, surtout lorsque la droite est au pouvoir, mais aucun Président ne les avait mis en scène avec autant de désinvolture, de fatuité et d'outrecuidance que Nicolas Sarkozy.

Il nous dit regretter la soirée du Fouquet's, mais ses amis de l'époque sont en première ligne pour le soutenir que ce soit dans leurs journaux (Le Figaro dont les titres sont comme autant de tracts de l'UMP) ou dans la reprise d'entreprises au bord de la fermeture (Lejaby).

Cette séquence nous aura en tout cas éclairé sur les moeurs de cette oligarchie, sur sa brutalité et sur la nature des relations qu'entretiennent ses membres. On aura appris que l'on y utilise volontiers un vocabulaire qui sent bon les mafias des séries télévisées ("mon frère" : Borloo/Proglio, Lagardère/Sarkozy), qu'on y entretient des liens étroits qui ne sont pas seulement d'affaires, mais aussi d'amitié, avec des hommes d'affaire dont la réputation laisse à désirer (Proglio/Guérini, Copé/Takkiédine, Sarkozy/Tapie/Bolloré…), qu'on y parle éventuellement corse et qu'on utilise des méthodes de barbouze pour éliminer les adversaires qu'il s'agisse de journalistes (affaire Woerth) ou de dirigeants qui n'appartiennent pas à la famille (Areva). De là au népotisme et à la corruption, il n'y a qu'un pas qui semble avoir souvent été franchi.


samedi, février 25, 2012

Lettre de Casablanca

Je viens de passer deux jours au Maroc où j'ai donné une conférence, ce qui m'a donné l'occasion de rencontrer des marocains, à Paris, d'abord, le chauffeur de taxi qui m'emmenait à Orly, puis à Casablanca où j'ai croisé quelques cadres dirigeants de ce pays.

Le chauffeur de taxi, jeune français d'origine marocaine, sachant que je me rendais dans le pays de sa famille, m'a raconté les difficultés de son grand-père qui mourrait de faim si sa famille ne l'aidait pas, celles de sa tante qui n'ayant pas de travail chez elle avait du émigrer, s'installer en France où elle avait trouvé, grâce à sa soeur, mère de ce jeune homme, en un mois seulement, un emploi de femme de ménage avant d'acheter (grâce à un mariage blanc payé, me dit-il, 10 000€) la nationalité française. Il n'était pas amer, trouvant même que nous avions bien tort de nous plaindre tant la vie était plus facile en France que de l'autre coté de la Méditerranée.

A Casablanca, je déjeune, avant la conférence, avec les trois jeunes femmes qui m'ont invité, brillantes, intelligentes, charmantes. Nous bavardons, elles me parlent de leur entreprise, de ses difficultés, de leurs enfants, de leurs problèmes domestiques. L'une sort d'une des meilleures écoles d'ingénieur françaises, l'autre a fait ses études au Maroc, mais après avoir suivi un cursus primaire et secondaire dans des écoles françaises, la troisième, la plus âgée, a fait ses études à Lyon et à Paris. Toutes trois connaissent parfaitement la France, parlent un français impeccable. Nous pourrions être n'importe où dans l'hexagone.

Elle sont jeunes, la conversation tourne autour de leurs enfants (de 3 à 5 ans) qu'elles envoient dans des écoles françaises, très demandées tant l'école publique marocaine s'est, me disent-elles, dégradée, écoles françaises si demandées qu'elles font passer des tests aux enfants (des enfants de quatre ans) avant de les accepter. Une sélection féroce dés le début qui explique sans doute que l'on trouve tant d'enfants issus de cette bourgeoisie d'Afrique du Nord dans nos meilleures classes préparatoires. Comment ne seraient-ils pas meilleurs que beaucoup de nos élèves?

L'une d'elles se plaint de ce que sa fille de cinq ans refuse de parler arabe à sa femme de ménage (des femmes de ménage qu'il est, explique-t-elle, difficile de trouver à Casablanca, si difficile que certaines familles font appel à des Philippines), mésaventure qui ne parait pas si banale puisque les deux autres ont des histoires comparables. Elles se demandent si ce n'est pas la faute de l'école. Je n'ose leur dire que leurs enfants ne font probablement que reproduire leurs propres comportements, qu'il y a dans ce refus de parler leur langue maternelle quelque chose de symptomatique du néo-colonialisme sans colons qui s'est installé dans tant d'ex-pays colonisés où vivent côte à côte un peuple qui se débat dans les pires difficultés et une élite internationale, aussi à l'aise à Casablanca qu'à Paris, aussi aveugle aux difficultés de ce peuple que pouvaient l'être les colons. Ce dont j'ai confirmation, quelques minutes plus tard, lorsque la conversation glisse vers la situation sociale (quiconque le veut peut s'en sortir dans la société marocaine explique l'une de mes convives) puis vers la situation politique qui ne les inquiète pas plus que la situation en Algérie n'inquiétait, à la fin des années cinquante mes camarades pieds-noirs avec lesquels, tout jeune adolescent, je passais mes vacances en Suisse (Pour dire vrai, ces propos optimistes ont été fortement nuancés un peu plus tard par le dirigeant de la filiale marocaine d'un groupe français, bien plus prudent, sinon plus inquiet).

De retour à Paris, j'en parle à une de mes proches qui me rappelle que les Tunisiens avaient été un peu choqués de voir des compatriotes installés en France, diplômés de nos meilleures écoles, se précipiter au lendemain de la révolution à Tunis pour prêter main forte au nouveau régime.

NKM et le ticket de métro

Nathalie Kosciusko-Morizet est donc tombée dans le piège.

A un auditeur d'Europe n°1 qui lui demandait : "Vous, la porte-parole du 'candidat du peuple' (qualificatif utilisé par Nicolas Sarkozy pour se décrire), pouvez-vous dire quel est le prix d'un ticket de métro ?" elle a répondu, après avoir hésité : "4 euros et quelques". Ce qui a suscité l'ironie de l'auditeur qui lui a répondu que le ticket de métro vendu à l'unité coûtait 1, 70€. Ironie d'autant mieux venue qu'elle était, il y a quelques semaines encore, ministre de l'écologie, du développement durable et des transports.

On peut être surpris qu'une politique ne se soit pas préparée à cette question si banale et si fréquente. Et même si elle ne souhaite pas mémoriser tous les tarifs de la RATP (tarifs qu'il n'est d'ailleurs pas si facile de trouver sur le site de la régie), du moins aurait-elle pu imaginer quelques réponses dilatoires. Elle aurait pu, par exemple, dire qu'il existe de nombreux tarifs, que l'on peut acheter un billet à l'unité (1,70€) mais aussi en carnet de dix (12, 70€) ou un passe navigo (62, 90€ pour un nombre de voyages illimité dans la zone 1 (Paris intramuros et la banlieue la plus proche) pendant un mois). Elle aurait pu ajouter que les salariés sont remboursés d'une partie de ce prix. Elle aurait pu également se défausser en expliquant qu'élue d'une banlieue lointaine (Longjumeau dans l'Essonne), elle connaissait beaucoup mieux le prix du billet de RER pour se rendre à Paris. Mais elle a tenté de répondre, a trébuché, et sa réponse est moins stupide que l'on pourrait le croire.

Ignorant manifestement le prix du billet de métro, elle a essayé de l'imaginer. Et le chiffre qu'elle a donné n'est pas complètement absurde puisqu'il se situe quelque part entre le prix du ticket parisien et le prix du ticket de métro londonien (5£, soit 6€). Il l'est d'autant moins qu'il n'est pas très éloigné de ce que devrait être le prix du transport à la RATP si celle-ci devait se financer exclusivement avec ses recettes (aujourd'hui, les ventes de titres de transport correspondent à la masse salariale de l'entreprise, soit, à peu près à la moitié de son budget global).

Ce chiffre n'est pas non plus complètement absurde si on le rapporte au budget d'un ménage appartenant aux classes moyennes avec deux enfants, dont l'un va à l'université à l'autre bout de Paris, qui dispose de revenus mensuels de 4000€. Si trois de ses membres achetaient tous les jours deux tickets pour aller travailler et en revenir au prix imaginé par NKM, ils paieraient en transport en commun 528€ par mois (4€ par voyage x 2 voyages par jour x 3 personnes x 22 jours). Le ménage consacrerait donc, hors vacances et week-ends, 13% de ses revenus aux transports. Or, les transports représentent en moyenne 15% des budgets des ménages.

Sans doute a-t-elle confondu les budgets transport des parisiens et ceux des provinciaux, notamment de ceux installés dans les zones rurales, qui doivent emprunter tous les jours leur voiture pour aller travailler et qui dépensent beaucoup plus que les Parisiens qui bénéficient d'économies d'échelles : ils peuvent emprunter des transports collectifs, très largement subventionnés par la collectivité.

Pour se justifier, NKM a expliqué que depuis qu'elle était ministre, elle ne prenait plus souvent le métro. Soit, mais on peut supposer qu'elle le prenait étudiante, lorsqu'elle allait à Louis le Grand, au début des années 90. Si elle avait pioché dans ses souvenirs, elle aurait tout de suite vu que son chiffre ne collait pas : 4€ font un peu plus de 26 francs. Chiffre exorbitant que l'inflation et les évolutions tarifaires de ces vingt dernières années ne sauraient expliquer. Un peu de bon sens, l'aurait incitée à le diviser par un peu plus de deux, ce qui lui aurait permis d'échapper au ridicule.

vendredi, février 24, 2012

Face à Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon a trouvé la formule

Drôle de débat hier soir avec Marine Le Pen sur France 2. Alerte au début et efficace, notamment dans sa critique de Nicolas Sarkozy auquel elle a reproché, non pas d'avoir dîné au Fouquet's, mais d'avoir fêté son élection avec des membres de l'oligarchie qui viennent aujourd'hui à sa rescousse en sauvant (mais pour combien de semaines?) des emplois, elle s'est enferrée dans le débat sur l'économie, a repris un peu d'air face à un Guaino gêné aux entournures dont la mission semblait être de retourner ses électeurs et s'est, enfin, effondrée devant Mélenchon. Comme elle l'avait annoncé, elle a refusé de débattre avec lui, a longuement expliqué et à plusieurs reprises, à la manière d'un enfant en colère, ce qui tenait en une petite phrase (il m'a insultée) alors même qu'il l'attaquait sur des points précis de son programme avec, comme toujours chez Mélenchon, ce mélange de brutalité à la Marchais, et de subtilité, d'intelligence et de connaissance des dossiers. Avec ses questions, reprises par David Pujadas auxquelles Marine Le Pen a refusé de répondre il a mis en évidence les contradictions, l'hypocrisie d'un programme qui, sous couvert d'aider les femmes, ne peut que les appauvrir. Il a souligné les faux semblants de son populisme et a osé dire la vérité : cette obsession du FN sur l'immigration est tout simplement pathologique. De la belle ouvrage!

lundi, février 20, 2012

Homeland, l'autre Amérique…

A force d'entendre les sottises des républicains et les excès du tea party on peut avoir le sentiment de ce coté-ci de l'Atlantique que l'Amérique des classes moyennes est entrée dans une sorte de délire réactionnaire, incapable de penser ses échecs, ses erreurs et ses drames. Mais est-ce bien le cas? Je viens de regarder une série télévisée, Homeland, qui a reçu de nombreux prix. Cette série produite par Fox, une chaine du groupe Murdoch (que l'on associe plutôt à des éditorialistes familiers des investives et dérapages extrémistes), raconte l'histoire d'un marine fait prisonnier en Irak, resté de nombreuses années prisonnier  d'Al Quaïda, qui rentre aux Etats-Unis. Il y retrouve sa famille mais est rapidement soupçonné par une agent de la CIA d'avoir été retourné.

A la fin de la première saison, ce marine s'apprête à commettre un attentat suicide qui vise le vice-président des Etats-Unis dont on découvre qu'il a organisé sciemment le bombardement d'une école et le massacre de 82 enfants et qu'il a menti sur cette affaire. Ce massacre qui a tué le fils de chef d'Al Quaïda auquel le marine enseignait l'anglais dans une maison élégante et raffinée, explique qu'il soit prêt à commettre cet attentat.

Tout au long de cette série, on entre progressivement dans la personnalité d'un terroriste potentiel, on s'identifie à lui, on lui trouve de bonnes raisons de se comporter comme il fait, on en vient presque à espérer qu'il libère l'Amérique de ce vice-président menteur et manipulateur qui n'a aucun respect de la vie humaine. Puissance d'un récit bien construit : le spectateur ne peut sortir de cela sans s'interroger sur le bien fondé de la politique américaine.

Je ne sais si cette série a été beaucoup vue, elle a eu assez de succès pour qu'une deuxième saison soit prévue, mais j'imagine qu'elle a touché bien au delà des cercles progressistes habituels. Elle confirme, en tout cas, ce que l'on savait depuis longtemps : l'Amérique si prompte aux dérives est aussi capable, et bien mieux que nous, de réfléchir collectivement sur ses erreurs et ses faiblesses.


samedi, février 18, 2012

La stratégie du Casse toi pauv' con

Du Kärcher au Casse toi pauv'con Nicolas Sarkozy nous a montré qu'il savait manier la violence pour se faire entendre. Il semble avoir choisi de renouer cette manière de se battre qui consiste, au fond, à se choisir un adversaire sur lequel on tape, tape, tape en espérant que le public applaudira cela qui l'emporte parce que plus agressif et déterminé.

Cette stratégie qui rappelle celle des caïds des cours de récréation, comme le rappelait hier Edwy Plenel sur Canal Plus, va  bien avec cette politique de coups de menton auxquels il nous a habitués : on crie haut et fort que l'on va faire quelque chose quand on ne fait en fait rien, et pour cause : il y a ces corps intermédiaires qui resistent et se mettent en travers. Parce qu'ils défendent des intérêts catégoriels, sans doute, mais aussi parce qu'ils maîtrisent mieux qu'un Président la complexité des choses et les dangers d'une politique qui, sous couvert d'urgence et de réactivité, va dans tous les sens. Faut-il le rappeler au nouveau converti aux vertus du référendum (mais surtout pas sur sujets qui fâchent l'opinion, qu'il s'agisse de la TVA social ou de la règle d'or!) sans corps intermédiaires il n'y a pas de démocratie, juste des régimes autoritaires qui peuvent, à l'occasion d'un plébiscite, se réclamer du peuple.

Bien loin de corriger sa pratique politique, une pratique qui tient autant à sa personnalité qu'à son expérience d'avocat (métier où l'exercice de la violence est monnaie courante), Nicolas Sarkozy semble avoir choisi d'en faire le meilleur argument de sa campagne. Cela ne peut fonctionner qu'en opposant, en clivant, en désignant des adversaires à la vindicte, en traitant Hollande de menteur, en envoyant ses snippers parler de nazisme (oui de nazisme!) lorsque François Hollande a, dans le même paragraphe consacré aux Roms, utilisé les mots camps et solution. Est-ce ce dont la France a besoin en ces temps de crise?

vendredi, février 10, 2012

Où donc est le populisme?

Le Monde titrait hier sur les deux populismes, celui de Marine Le Pen et celui de Jean-Luc Mélenchon. Titre absurde et surtout faux : le vrai populisme se trouve aujourd'hui à l'Elysée avec ces propositions de référendum sur le chômage et l'immigration. Passer outre les corps intermédiaires et les institutions chargées de contrôler les impulsions du politique, c'est cela le populisme. Mais peut-être ne faut-il pas prendre au sérieux ces propositions que Nicolas Sarkozy a distillées dans un entretien au Figaro Magazine. Qui peut croire un instant que la question de l'emploi sera réglée par la formation obligatoire de ceux qui perdent leur emploi à 55 ans? par l'obligation faite aux ouvrières de Lejaby qui vivent à Yssingeaux de prendre les emplois qui leur seront proposés, quand elles vivent dans une commune de moins de 7000 habitants? Qui peut enfin ne pas sourire de ces idées sorties d'un chapeau après 5 ans d'échec en matière d'emploi? Personne. Ces projets de référendum ne sont là que pour détourner l'attention, pour créer un nuage de fumée qui occupe les médias en attendant le début de la campagne. Et ils montrent une méconnaissance des mécanismes du chômage qui laissent pantois. On peut, d'ailleurs, se demander ce que ceux qui, à droite, connaissent ces questions, pensent de ces propositions. Leur silence, celui de Xavier Bertrand, celui du Medef, vaut sans doute réponse.

jeudi, février 09, 2012

Guéant nazi?

En évoquant le nazisme à propos des remarques de Claude Guéant, Serge Letchimy est évidemment allé trop loin, mais il me semble qu'il a, en même temps, mis le doigt sur ce que la personnalité de Claude Guéant, sa politique et ses portraits évoquent si facilement : ces préfets qui ont pendant la guerre continué d'obéir aux autorités de Vichy sans la moindre hésitation. Il y a chez lui quelque chose du bureaucrate sans âme qui fait froid dans le dos. Chaque fois que je vois une de ses photos je pense au René Bousquet qu'avait composé pour un film Daniel Prevost. Tout cela est bien sûr injuste et frôle le délit de sale gueule, mais une politique, ce sont aussi des visages. Celui de Guéant est aussi fermé, insensible, dur et hautain que celui que s'était façonné le comédien pour jouer ce rôle.



PS. On a, par ailleurs, appris que Guéant n'était pas l'auteur de ce discours, mais un certain Yves Roucotte, professeur à Paris X (Nanterre) dont Wikipedia nous dit qu'il est "partisan du retour du courant moraliste en science politique et d'une vision humaniste du sens de l'Histoire par ses thèses sur la convergence des grandes spiritualités, contre l'idée d'un "conflit des civilisations", ce qui en fait un néo-conservateur bon teint ami, nous dit toujours Wikipedia, de Norman Podhoretz, un des néo-conservateurs américains les plus en vue. Qu'un ministre demande à une universitaire de rédiger ses discours surprend déjà un peu, mais qu'il n'ait pas assez de sens politique pour voir que certaines phrases ne "passeront" pas en dit long sur son talent.

mercredi, février 08, 2012

Les français, race inférieure?

Arthur Goldhammer cite dans le post qu'il consacre aux propos de Guéant sur les civilisations un échange entre Clémenceu et Jules Ferry dans lequel le premier dit : "Races supérieures ! Races inférieures ! C’est bientôt dit. Pour ma part, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande, parce que le Français est d’une race inférieure à l’Allemand. Depuis ce temps, je l’avoue, j’y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation et de prononcer : homme ou civilisation inférieure ! [...]" Ce qui sonne étrangement en cette saison de germanophilie échevelée…

mardi, février 07, 2012

Le retour de l'Amérique?

Detroit a convoqué Clint Eastwood, l'un des meilleurs cinéastes de sa génération, l'un des meilleurs analystes de la société américaine (je pense notamment à Gran Torino, un film splendide sur l'immigration), pour une de ces publicités qui ne vendent aucun produit, pas même une marque, juste une idée : l'Amérique est de retour, si Detroit a pu le faire (la publicité est financée par Chrysler) alors l'Amérique peut le faire. Imagine-t-on EDF, Danone ou L'Oréal tenter la même aventure sans sombrer aussitôt dans le ridicule?

lundi, février 06, 2012

Angela Merkel fait campagne pour Nicolas Sarkozy

Angela Merkel a donc choisi de faire campagne pour Nicolas Sarkozy. Elle avait annoncé qu'elle participerait à un de ses meetings alors même qu'il n'est pas encore candidat déclaré et voilà qu'elle sera ce soir à la télévision en sa compagnie. On peut trouver cela formidable, signe que l'Europe avance vraiment et que les électeurs français devraient dans leur choix aussi tenir compte de l'opinion des Allemands. On peut trouver cela détestable, signe de la vassalisation de la France dans une Europe chaque jour un peu plus dominée par l'Allemagne. On peut encore se demander ce que Merkel devra payer pour se faire pardonner cette immixtion dans la campagne française si François Hollande est élu. Il sera, en effet, en droit de lui demander de faire oublier ce soutien si affirmé à son adversaire par quelque compromis européen. A moins que Nicolas Sarkozy ait laissé la France tellement affaiblie devant l'Allemagne qu'Angela Merkel se sentira autorisée à lui rire au nez.

Reste que cette Europe où l'Allemagne s'autorise à intervenir si directement dans les affaires de ses voisins, de la Grèce qu'elle veut mettre sous tutelle aux élections françaises pour lesquelles elle affiche si officiellement ses préférences en passant par le choix des dirigeants italiens, est inquiétante.

dimanche, février 05, 2012

Guéant et les civilisations…

Qu'un ministre de l'intérieur parle devant les jeunes apprentis fascistes de l'UNI (organisation de jeunes patriotes dont la secrétaire générale vit depuis 1981 aux Etats-Unis, pays dont elle a pris la nationalité et dont le "supplémant" est un retraité!) est en soi surprenant. Imagine-t-on un instant les hurlements de la droite si Moscovici était allé faire un discours devant les militants de Lutte Ouvrière? Mais non content de les fréquenter, voilà qu'il tente de les séduire avec des propos indignes et qu'il entraine la droite sur un terrain tellement glissant qu'on attend de voir lequel osera, le premier, se démarquer. Juppé a tenté de le faire discrètement (jugeant "inadéquat" l'utilisation du mot civilisation), Rachida Dati également mais du bout des lèvres et avec tant d'euphémisme que cela ne compte pas. Raffarin, peut-être, ou Sarkozy qui nous expliquera, demain ou après demain, qu'il n'a pas vraiment apprécié ce dérapage. Mais il est vrai que le sondage qui met Sarkozy et Hollande au coude à coude en cas d'absence de Marine Le Pen au premier tour a du convaincre quelques uns qu'il fallait labourer ces terres xénophobes au risque de passer à coté d'une société qui me parait (mais je me trompe peut-être) de plus en plus tolérante et ouverte.

vendredi, février 03, 2012

Débat Aubry-Fillon

Que retenir de ce débat passablement brouillon (souvent par la faute de Martine Aubry) venu conclure une soirée ennuyeuse (le format de cette émission n'est manifestement pas le meilleur)? Deux choses :
- que la droite s'est mise en mouvement. Après un Juppé passablement décevant, Fillon a su défendre son bilan avec clarté et précision, sans rien céder même lorsque Martine Aubry sut le mettre en difficulté (sur le rapport Malinvaud, montrant qu'il y avait plusieurs politiques possibles, sur le Front National),
- que la droite n'a que peu de choses à répondre au volontarisme de François Hollande qui dit vouloir renégocier le traité européen sinon que l'on ne peut pas faire grand chose, ce qui jure avec l'activisme du Président et sonne comme un aveu d'échec.

mercredi, février 01, 2012

Rafale : Cocorico à Paris, ironie en Inde



La vente du Rafale, succès si longtemps attendu de la technologie française, a fait pousser plus que des soupirs de satisfaction à Paris, mais peut-être faut-il lire la presse indienne pour avoir une vision plus objective de ce "contrat du siècle." The Hindu, le grand journal anglophone de l'Inde du Sud (il est publié à Chennaï) y consacre un long article qui tire ses informations du concurrent malheureux, EADS. On y apprend :
- que cet avion a 26 ans et qu'il n'est plus de la dernière jeunesse (son concurrent proposé par EADS serait plus moderne), ce que la presse française dit peu ;
- que cette vente qui avantage Dassault dont on sait les liens étroits avec l'Elysée a été poussée par Nicolas Sarkozy au point que Louis Gallois, alors Président d'EADS, avait demandé au journal de repousser la publication de l'interview qu'il lui avait accordé au lendemain du voyage de Nicolas Sarkozy en Inde. “We are both pushing competing products. It could complicate matters,” lui aurait-il dit ;
- que cette vente devrait sauver Dassault Aviation qui connaîtrait selon le journal de sérieuses difficultés financières ;
- que cette préférence indienne aurait, enfin, une dimension politique : la France a un siège au Conseil de Sécurité de l'ONU et cela aurait compté, l'Inde ayant des visées dans ce domaine. C'est, en tout cas, ce qu'a affirmé une source chez EADS au journal.