lundi, décembre 26, 2011

Nombrilisme américain

Dans les pages nécrologie du Monde de ce jour (le Carnet), il y a un anniversaire de décès. Alain Touraine, Marisol Touraine, ses enfants, neveux… rappellent qu'ils ont perdu il y a vingt et un ans déjà Adriana Touraine née Arenas. Devinant que c'était l'épouse d'Alain, mais voulant le vérifier, je vais sur Google où je tombe sur cet article de l'Encyclopedia of World Biography qui raconte la vie de Touraine vue par des Américains. Je m'en voudrais de faire preuve du moindre anti-américanisme primaire, secondaire ou tertiaire mais… à le lire on a le sentiment que Touraine n'existe que par les Etats-Unis, que tous les intellectuels français ont fait leurs classes rue d'Ulm, que 1968 est une affaire américaine, surtout pour un français enseignant à Nanterre, ce qui était alors le cas de Touraine… Tout cela prêterait à sourire si ces biographies étaient insignifiantes. On peut malheureusement craindre qu'il ne reste que cela de Touraine, ce qui serait dommage…

PS. Ayant eu tout récemment eu l'occasion de relire le petit livre de Touraine sur la société post-industrielle, j'ai été frappé de ce qu'il paraissait daté, non par les idées qu'il défend mais par sa manière d'écrire. Ses textes seraient-ils aujourd'hui publiés dans les revues savantes? Ce n'est pas certain. Ce qui me rappelle une anecdote que me racontait ma fille à propos d'Howard Becker, autre sociologue de grande qualité. Présent à Paris, ville qu'il fréquente semble-t-il beaucoup, il est invité  parler à l'EHESS. Il y raconte qu'un de ses amis, responsable de l'American Sociological Review, lui reproche de ne pas lui avoir envoyé récemment de papier. Becker lui répond : mais je pense que vous n'en voudriez pas. Mais si, mais si, répond l'autre. Becker s'exécute donc et envoie deux papier, l'un sous son nom, l'autre sous un pseudonyme. Il craignait que un refus pour le second mais pensait que le premier serait accepté au seul vu de son nom. Erreur : aucun des deux ne fut retenu. Etaient-ils moins bons que ce que l'on publie d'ordinaire dans cette revue? C'est possible mais… peu probable tant Howard Becker dépasse de la tête et des épaules tous ceux qui écrivent depuis quelques années dans cette revue. Mais peut-être ne respectait-il pas les nouvelles normes scientifiques… Ces normes qui oblige à tout sourcer. Vous voulez dire que le ciel est bleu, vite une référence récente, forcément récente, pensez aux carrières qui se construisent. Résultat, cela donne : "le ciel est bleu (Tartempion, 1998)." C'est mieux, non?

La Turquie, le commerce extérieur

Notre commerce extérieur touche le fond. C'est une des causes de notre endettement. C'est le moment que choisit le parlement pour voter un texte dangereux : quelle autorité ont donc des parlementaires pour décider de ce qu'est un génocide? C'est l'affaire des historiens, des philosophes, certainement pas des politiques.

Texte dangereux et imbécile : la Turquie est un pays en croissance forte, avec lequel notre commerce extérieur était tout à la fois en croissance et excédentaire. Et voilà que l'on veut casser tout cela pour faire plaisir à quelques groupuscules arméniens qui se sont déclarés porteurs du vote communautaire, ce qui serait à vérifier, même si l'on peut comprendre que les Arméniens soient particulièrement sensibles à ces questions.

Pour ajouter la maladresse à la sottise, voilà que l'on apprend que Nicolas Sarkozy a promis au premier ministre turc que jamais le Parlement ne voterait ce texte.

Beaux dégâts pour des voix qui ne seront même pas acquises : qui peut en effet penser une seconde que les Français d'origine arménienne dont beaucoup sont installés en France depuis plusieurs générations se détermineront en fonction de ce seul texte?

La mort d'un dictateur

Les dictateurs sont capables de faire beaucoup de choses, obtenir de leur armée qu'elle tire sur le peuple, comme aujourd'hui en Syrie, affamer celui-ci, comme en Corée du Nord, l'embarquer dans des guerres sans fin, mais il est une chose qu'ils ne savent pas faire : cacher leur mort plus de quelques heures. On pourrait imaginer qu'ils réussissent à construire un régime qui leur survive et les maintienne, quoique mort, au sommet. Ce n'est pas faute d'essayer. Dans l'Egypte ancienne, ils se déclaraient divinité et se faisaient construire des temples mortuaires qui, s'ils ont passé les siècles ont rapidement été oubliés des contemporains. En l'URSS et dans le monde communiste, on les embaumait et faisait défiler devant des dépouilles admirablement conservées des foules silencieuses et forcément recueillies. Dans le monde contemporain, leurs proches tentent de les maintenir en vie aussi longtemps que possible, comme ce fut le cas pour Franco, mais dés qu'ils disparaissent, impossible de cacher la nouvelle très longtemps. Deux jours, pas plus en Corée du Nord, pays pourtant très secret. Le temps sans doute d'organiser la communication sur la succession et la succession elle-même pour donner le sentiment que tout est bien huilé, bien maîtrisé. Pas question que le peuple puisse, une seconde, imaginer une vacance à la tête de l'Etat. C'est sans doute cela qui force à annoncer cette mort. Le seul soupçon d'une absence à la tête de l'Etat lui ferait perdre aussitôt toute légitimité et toute force.

On connait depuis Kantorowicz la théorie des deux corps du roi, le corps politique qui ne peut pas mourir, et le corps physique qui est lui mortel. Cette succession coréenne semble confirmer sa thèse. Sauf, qu'elle s'appliquait au Moyen-Age et traitait de thématiques développées par les théoriciens, théologiens et canonistes d'avant la Renaissance.

mercredi, décembre 21, 2011

Quand la presse buvait les paroles de Nicolas Sarkozy

Les journalistes se plaignent régulièrement de ne pas avoir la confiance des Français. Mais comment pourrait-il en être autrement lorsque l'on voit une photo comme celle-ci, publiée ce matin dans Libération, qui pourrait servir de modèle à une représentation de la complaisance, comme en faisaient autrefois les peintres.

 Pas un ne marque la moindre réserve, la moindre distance. On peut imaginer que Nicolas Sarkozy ait été en la circonstance particulièrement drôle dans cette évocation du pénitent béat, mais tout de même… si l'on pouvait être séduit par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, pouvait-on l'être par Claude Guéant que l'on devine derrière dans une position qui évoque celle du manipulateur de marionnettes. 

mardi, décembre 20, 2011

Europe : la panne démocratique

L'Europe est au bord de l'implosion, plus rien ne va et nous voyons cela passer devant nos téléviseurs sans rien y comprendre, sans que l'on nous informe. Nous sommes démunis, incapables d'agir, de retenir ce radeau qui sombre. Nous en serons victimes sans être pour rien responsables de quoi que ce soit. Il serait sans doute difficile, inutile et contre-productif d'organiser des referendum sur l'Europe tant le sujet est difficile, mais est-ce trop demander que de souhaiter voir les dirigeants européens, les Angela Merkel, Mario Monti, David Cameron, Nicolas Sarkozy… se réunir devant une caméra pour nous expliquer leurs différends, leurs projets, leurs ambitions. Ils nous doivent bien cela, non?

jeudi, décembre 15, 2011

Nicolas Sarkozy sauvé par l'Europe? Pas si sûr…

La crise européenne est souvent présentée par les éditorialistes comme une chance pour Nicolas Sarkozy de se refaire dans l'opinion, d'occuper le premier plan et de retrouver une image de Président qui s'occupe des affaires du monde quand son adversaire règle la dette de la Corrèze et se retrouve empêtré dans les affaires du PS. Mais est-ce bien sûr?

Quelle image ressort de ces sommets à répétition, de ces déclarations alarmistes, de ces chants de victoire qui se succèdent sans discontinuer? Une image positive. Pas si sûr.

Le Sarkozy que l'on voit à l'oeuvre se révèle brutal, pas très diplomate et plutôt mal élevé (faire attendre Papandréou, refuser de serrer la main de David Cameron), jamais en reste d'une contradiction (les eurobonds indispensables puis inutiles, le AAA capital, secondaire…), faible devant Angela Merkel, acceptant un renforcement des contrôles sur les budgets nationaux qui ne peut que hérisser les eurosceptiques, hâbleur (toutes ces proclamations définitives de victoire) et somme tout incompétent.

Brutal, faible, hâbleur, mal élevé, incompétent… Cela fait beaucoup pour un seul homme.

Drôle d'Hadopi à l'Elysée

C'est un post d'Arthur Goldhammer qui m'a intrigué : on aurait illégalement téléchargé des films à l'Elysée. Ce qui prête à sourire chez les inventeurs d'Hadopi. Arthur G., qui tenait l'information de Frédéric Martel, renvoie à un site (http://www.nikopik.com/cgi-sys) qui a mystérieusement disparu depuis qu'il l'a cité.


En d'autres temps, on aurait parlé de censure. Mais là…

mercredi, décembre 14, 2011

Noël sans décoration dans le 19ème arrondissement

La crise ne se voit guère dans les beaux quartiers mais elle se devine à de petits signes lorsqu'on les quitte pour des quartiers plus populaires, comme cette affichette collée le long de la station de métro Gambetta dans le vingtième arrondissement : les commerçants du quartier y indiquent que, crise oblige, ils ne financeront pas cette année les décorations lumineuses dans la rue, mais qu'ils verseront un chèque de 5000€ aux Resto du coeur.


L'Europe ne peut qu'être allemande

Cette crise de l'euro est aussi, et peut-être surtout, une crise de l'Europe qui vient de se conclure par la victoire de l'Allemagne et de son projet européen, victoire que vient de signer le départ de la Grande-Bretagne. On a beaucoup insisté sur l'opposition entre la France et la Grande-Bretagne, sur cette main de David Cameron qu'un Nicolas Sarkozy exaspéré a refusé de serrer. Et il est probable que la France n'a rien fait pour retenir les britanniques. Il me semble, cependant, qu'à l'inverse de ce qu'affirment à peu près tous les analystes, les britanniques étaient sur le fond du projet plus proches des Français que des Allemands. A l'inverse de l'Allemagne, de l'Italie ou de la Belgique, la Grande-Bretagne et la France sont deux pays anciens, organisés autour d'un pouvoir central puissant qui s'est trouvé de longues décennies à la tête d'empires coloniaux considérables. La souveraineté nationale, le contrôle par le centre du pays sont des notions qui ont, en Angleterre comme en France, nourri des dirigeants politiques qui n'imaginent pas l'Europe autrement que comme une extension de leur puissance. L'idée que celle-ci puisse être bridée par des institutions indépendantes, supranationales les hérissent au plus point. Sur ce point, nous sommes tous peu ou prou gaullistes. Ce que De Gaulle disait en 1962 pourrait être repris aujourd'hui par tous nos dirigeants : "C’est sur des éléments d’action, d’autorité, de responsabilité qu’on peut construire l’Europe. Quels éléments ? Eh bien, les États ! Car il n’y a que les États qui soient à cet égard valables, légitimes et capables de réaliser. J’ai déjà dit et je répète, qu’à l’heure qu’il est il ne peut pas y avoir d’autre Europe que celle des États, en dehors des mythes, des fictions, des parades."

Les Allemands (mais aussi les Italiens, les Espagnols, les Belges) sont dans une position toute différente. Ils ont l'expérience du fédéralisme, d'un pouvoir central contrôlé par des pouvoirs régionaux et par des institutions indépendantes. Or, on imagine mal pour l'Europe un autre modèle que celui-là. On ne voit pas quel européen pourrait accepter que Paris ou Berlin devienne la capitale de l'Europe comme Paris l'est de la France ou Londres de l'Angleterre. On ne voit pas comment on pourrait faire vivre ensemble tout un continent sans une bonne dose de fédéralisme. C'est ce modèle que les Allemands avaient en tête lorsqu'ils ont imposé l'indépendance de la banque centrale, c'est celui qu'Angela Merkel a défendu lorsqu'elle a voulu, au delà des considérations économiques, des dispositifs qui renforcent les contrôles sur les Etats membres. C'est ce modèle, naturel aux Allemands, c'est le leur depuis toujours, qu'a refusé la Grande-Bretagne. C'est sans doute aussi ce qui fonde l'hostilité grandissante à l'égard de l'Europe en France et les réserves qu'exprimait Hubert Védrine dans un article du Monde (Le fédéralisme n'est pas la solution miracle à la crise). L'Allemagne, l'Italie, l'Espagne ou la Belgique ont des modèles nationaux qui peuvent s'étendre à la dimension d'un continent. Ce n'est le cas ni de la Grande-Bretagne ni de la France malgré nos timides tentatives de décentralisation. Les Allemands n'ont pas seulement une économie plus forte, ils ont aussi un modèle démocratique mieux adapté à la construction européenne. Et, qu'on le veuille ou non, cela nous condamne à les suivre. Dit autrement, et malgré tous les discours sur l'axe franco-allemand, l'Europe s'inspirera plus des institutions allemandes que des notres.

mardi, décembre 13, 2011

Une carte pour expliquer le vote Le Pen

L'Usine Nouvelle, magazine industriel que la presse cite rarement mais dont les informations sont souvent intéressantes vient de publier une carte des emplois menacés en France. Il apparait à sa lecture qu'il n'est pas une partie du territoire qui soit épargnée mais aussi, et surtout, que les emplois menacés sont souvent dans des zones semi-rurales ou dans de petites villes, c'est-à-dire dans des régions où le marché du travail ne donne aux salariés qui perdent leur emploi aucune chance d'en retrouver un (même dégradé) à proximité de leur logement.



A la lire, on découvre que la France ne souffre pas tant de désindustrialisation, comme nous le disent aujourd'hui tous les candidats (les effectifs ouvriers diminuent partout, même en Chine) mais d'une politique d'aménagement du territoire qui a conduit les entreprises, depuis le début des années soixante, à s'installer dans des zones industrielles éloignées qui leur offraient mille avantages (terrain gratuit, main d'oeuvre bon marché, impôts locaux réduits…) mais qui n'étaient pas de taille suffisante à créer un marché de l'emploi susceptible de pallier les déficiences de l'un ou de l'autre.

Sur la désindustrialisation, voir également cette chronique.

mercredi, décembre 07, 2011

A qui la candidature de François Bayrou va-telle profiter?

En 2005, la candidature de François Bayrou avait largement mordu sur l'électorat socialiste et séduit tous ceux, nombreux, qui ne supportaient pas Ségolène Royal. Ce faisant, il avait facilité le transfert vers Nicolas Sarkozy d'électeurs qui penchent plutôt à gauche. Cette fois-ci, sa candidature pourrait avoir l'effet inverse : inciter des électeurs de droite qui ne supportent plus Nicolas Sarkozy à le délaisser, ce qui réduirait d'autant son score au premier tour et rendrait plus difficile son élection, surtout si une partie de ces électeurs choisissent de voler au secours de la victoire. Peut-elle faciliter l'arrivée de Marine Le Pen au second tour? Les sondages ne le suggèrent pas pour l'instant puisque l'écart entre la candidate du FN et Nicolas Sarkozy est de l'ordre de 7 points (17 contre 24) mais l'accord européen, ce qui ressemble à une victoire par KO d'Angela Merkel et l'annonce de pertes de souveraineté peuvent réveiller le sentiment national chez ces électeurs de droite qui avaient choisi le non au référendum sur Maastricht et qui aimeraient aujourd'hui revenir au franc (ils seraient un tiers, dit-on, à reprendre cet élément du programme de Marine Le Pen). Nicolas Sarkozy risque, en l'affaire, de se retrouver face à une coalition très large qui associe, dans le refus de ce rabibochage dont chacun devine qu'il ne tiendra pas longtemps, l'extrême-gauche, l'extrême droite et le Parti Socialiste, ceux qui se soucient de démocratie et ceux qui s'inclinent chaque matin devant le drapeau. Il aura bien du mal à justifier des pertes de souveraineté autrement graves que l'oubli de la marseillaise sur les terrains de foot.  

mercredi, novembre 30, 2011

La droite s'emballe…

Lorsque l'on fait de l'équitation, on sait qu'il arrive que les chevaux s'emballent et qu'il est alors très difficile de les ramener à la raison. C'est ce qui arrive aujourd'hui à la droite parlementaire. Obsédée par le risque d'un mai 2002 à l'envers, elle s'est déportée vers le Front National. Le risque de voir Marine Le Pen au second tour semble s'éloigner, mais pour éviter un mauvais report des voix, la droite continue sur la même pente et fait de l'étranger et des jeunes (surtout s'ils sont délinquants) un bouc émissaire. Hier Jean-Pierre Raffarin, que l'on a connu plus raisonnable, évoquait des gamins de douze ans armés de Kalachnikoff attaquant les braves citoyens. Et l'on se demande jusqu'où l'on ira dans l'absurdité.

L'UMP veut rendre plus difficile l'accès à la nationalité pour les enfants nés en France de parents étrangers et "rendre possible les travaux de réparation des actes commis dès 12 ans" mais ses juristes ont-ils oublié que le droit international du travail interdit d'imposer le moindre travail avant 16 ans et ses élus ont-ils perdu tout bon sens? Comme l'expliquait Nadine Morano, que l'on ne peut cependant pas soupçonner de tendresse à l'égard des délinquants, jusqu'où va-t-on descendre? Jusqu'aux enfants de 8 ou 9 ans?

Tout cela se situe bien dans la droite ligne des propositions du FN. A ceci près que celui-ci n'a pas besoin d'en faire état et de le crier sur tous les toits puisque cela fait partie de son ADN. Ce qui lui permet d'avancer sur d'autres fronts, de se présenter comme le premier parti ouvrier et le digne héritier de Georges Marchais (on n'y est pas encore, mais j'imagine bien Marine Le Pen ayant un jour ou l'autre quelque mot aimable pour celui qui déclarait en 1981 : "En raison de la la présence en France de près de quatre millions et demi de travailleurs immigrés et de membres de leur familles, la poursuite de l’immigration pose aujourd’hui de graves problèmes. Il faut les regarder en face et prendre rapidement les mesures indispensables. La cote d’alerte est atteinte. (…) C’est pourquoi nous disons : il faut arrêter l’immigration, sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage. Je précise bien : il faut stopper l’immigration officielle et clandestine.Il faut résoudre l’important problème posé dans la vie locale française par l’immigration." Les sites d'extrême-droite, comme ici, ou ,  font d'ores et déjà leurs délices de cette déclaration reprise de l'Humanité).

En se laissant déporter ainsi de plus en plus à droite, l'UMP prend le risque de se couper du monde des entreprises qui sait, mieux que quiconque, les vertus d'une politique d'immigration ouverte, mais aussi, ce qui est sans doute plus grave, d'une opinion bien plus libérale et ouverte que ne le disent les ténors de la droite populaire. Ainsi, vient-on de découvrir qu'elle était dans sa grande majorité (61%) favorable au vote des étrangers aux élections municipales (Le Parisien Libéré). D'autres sondages nous diront sans doute demain qu'elle est favorable au maintien de l'acquisition automatique de la nationalité aux enfants nés de parents étrangers.

Tout se passe comme si la droite ignorait la réalité sociologique des classes populaires de plus en plus composées de gens dont les parents sont venus d'ailleurs. La société française n'est pas scindée, clivée, elle est mêlée, il suffit de se promener dans les rues du Paris populaire pour le découvrir.

En tapant sur étrangers et leurs enfants elle s'enferme dans un piège dont le Front National est en train justement de sortir en laissant à d'autres le soin de développer son discours populiste traditionnel pour en développer un nouveau sur le protectionisme qui touche directement les salariés qui ont perdu leur emploi ou qui craignent de le perdre.

lundi, novembre 28, 2011

Pour la défense d'Eva Joly

Peu de gens ont pris la défense d'Eva Joly qui parait bien seule (et seule, elle l'est effectivement : je l'ai croisée l'autre jour au Select seule avec un journaliste sans personne pour l'accompagner, la soutenir, voire la protéger. Imagine-t-on cela au PS ou à l'UMP?). Mais a-t-elle eu tort de refuser de dire pour qui elle voterait pour  au second tour? On comprend l'agacement des socialistes, mais la réaction des écologistes laisse pantois. Pourquoi avoir un candidat si ce n'est avec l'espoir de l'emporter? Pour mieux négocier un programme de second tour avec le candidat arrivé en tête? Mais il ne fallait pas alors signer un accord électoral avec les socialistes.

Si Eva Joly prend au sérieux sa candidature, et pourquoi continuer un marathon épuisant si l'on ne garde un petit espoir de gagner?, elle ne peut évidemment pas annoncer avant même le début de la campagne qu'elle n'a aucune chance d'être au second tour.

On lui a également reproché son intransigeance sur le nucléaire. On peut là encore penser qu'elle a tort, mais le combat contre le nucléaire est génétiquement associé à l'écologisme. A trop l'oublier, les Duflot et autres Placé ont surtout montré leur ambition politique. Leur programme compte moins que des circonscriptions susceptibles d'être gagnées.

J'ajouterai qu'à ainsi la déconsidérer, les écologistes ont rendu sa candidature inutile et affaibli celle de François Hollande qui n'aura pas, au second tour, de réserve de voix du coté des écologistes, et qui ne trouve pas aujourd'hui, sur sa gauche, une candidate qui réponde fermement à Nicolas Sarkozy et tacle ses déclarations imbéciles sur le retour à la bougie. La position centrale qu'a choisie François Hollande sur de nombreux sujets, dont celui du nucléaire, suppose qu'il trouve sur sa gauche des gens qui le tirent de ce coté et lui permettent de passer pour raisonnable. Le pire qui pourrait lui arriver est que ses deux adversaires de gauche s'effondrent et deviennent inaudibles.

samedi, novembre 26, 2011

Critiques cultivés? A demi…

Je regardais tôt ce matin une émission culturelle sur Paris-Première : Ca balance à Paris, une sorte de masque et la plume qu'anime Eric Naulleau avec quelques jolies frimousses (dont celle de la très blonde Adélaïde de Clermont-Tonnerre) et plusieurs quinquagénaires mal rasés et plutôt négligés. La formule est convenue, mais l'ensemble est vif et parfois amusant. On y parle théâtre, cinéma, littérature, toujours en quelques secondes, mais aussi de musique, de rock, de chanson, de variétés, jamais de musique classique ou contemporaine, d'opéra, de concert ou de danse. N'est-ce pas de la culture? Ou n'est-ce pas plutôt que nos critiques tous terrains sont d'une ignorance crasse en la matière? Mais sont-ils les seuls?

Ivo Malec me faisait récemment remarquer que les gens cultivés n'ont souvent, en France, de références musicales que dans la chansonnette. C'est vrai. Mais pourquoi? On peut avancer plusieurs explications sans qu'aucune soit vraiment convaincante :
- L'éducation musicale depuis toujours négligée en France? C'est vrai, mais les salles de concert sont pleines ;
- A l'inverse d'un film ou d'une pièce de théâtre, les concerts se donnent rarement plusieurs fois, ce qui interdit au critique de les recommander? Sans doute, mais cela ne vaut pas pour les disques ;
- Les critiques n'ont aucune formation musicale et seraient donc bien en peine de porter un jugement ayant quelque apparence de sérieux? Probable, mais il existe des critiques de musique qui savent lire et vont aussi au cinéma. Ils seraient tout à fait à leur place dans ce genre d'émission ;
- Cela ennuierait le public? Peut-être, mais pourquoi plus que des discussions sur une pièce de théâtre ou un roman?
- Il est difficile de parler de musique? C'est vrai, mais la tribune des critiques d'Armand Panigel et toutes les émissions construites depuis sur le même modèle, que l'on peut entendre sur France Musique, montrent que ce n'est pas impossible (que l'on peut même y faire preuve de beaucoup de méchanceté) ;
- La critique, partie prenante de l'industrie culturelle, privilégie les niches les plus "rentables"? C'est l'explication la plus convaincante. Je ne suis cependant pas sûr qu'elle suffise…


DSK : le feuilleton continue

L'affaire DSK ressemble de plus en plus à un de ces feuilletons télévisés qui se nourrissent, semaine après semaine de nouveaux rebondissements. C'est, cette fois-ci, la thèse du complot qui ressurgit depuis les Etats-Unis avec le travail méticuleux d'un de ces journalistes d'investigation qui refont le travail de la police et que l'on aime tant voir à la télévision : seul contre tous, ils réussissent à démêler ce que la police, avec tous ses inspecteurs, a laissé passer.

La lecture des extraits de son article que donne Le Monde est effectivement troublante (et bien plus facile à comprendre que les longs développements sur l'affaire Takiedine que raconte régulièrement Médiapart). Le plus étonnant est, sans doute, ce passage qui fait penser que l'UMP avait accès aux conversations privées de DSK : "Une amie de l'ancien directeur du FMI, qui travaille comme documentaliste au siège parisien de l'UMP, lui a envoyé un message dans la matinée pour le prévenir "qu'au moins un de ces e-mails privés récemment envoyés depuis son BlackBerry à son épouse, Anne Sinclair, avait été lu dans les bureaux de l'UMP à Paris."

Si c'est avéré, ce serait effectivement très grave, à peu près aussi grave que le Watergate, et pourrait donner un cours nouveau à l'élection présidentielle. L'avantage est que cela devrait pouvoir être facilement vérifié : DSK doit pouvoir le confirmer et la documentaliste, si elle existe, doit être assez facile à retrouver. Quant au blackberry trafiqué, il doit être assez facile de savoir s'il a effectivement disparu.

vendredi, novembre 25, 2011

La création d'un marché du travail européen

L'un des effets inattendus de la crise européenne, rarement souligné, est l'émergence d'un marché du travail européen, qu'illustrent les queues pour s'inscrire au Goethe Institut de Madrid depuis qu'Angela Merkel a déclaré que l'Allemagne manque de médecins, d'informaticiens et, en général, de travailleurs qualifiés.


L'Allemagne va mieux que l'Espagne, les diplômés espagnols apprennent donc l'allemand pour aller travailler de l'autre coté du Rhin. Ce n'est pas nouveau. 300 000 Français, de tous niveaux de qualification, des jeunes gens qui servent dans les bars aux financiers de haut vol, sont aujourd'hui installés à Londres, ce qui fait de la capitale britannique, la sixième ville française, juste derrière Nice, devant Nantes, Strasbourg, Montpellier, Lille ou Bordeaux. Et ce qui est vrai des Français et des Espagnols l'est certainement de bien d'autres, des Roumains, des Polonais, des Italiens et des Grecs. Mais la crise semble accélérer ce mouvement au point que pour beaucoup de jeunes diplômés la perpective d'aller s'installer quelques années (ou plus) ailleurs dans le monde (et, d'abord, dans la Communauté européenne) est une hypothèse à prendre en compte.

Nos politiques ne semblent pas l'avoir compris qui tentent, partout en Europe de freiner ces mouvements et de rendre plus difficile l'entrée d'étrangers au grand dam du patronat (voir, par exemple, les protestations du Medef contre la politique d'immigration du gouvernement). Leur réaction nourrie de populisme est stupide. La fluidité du marché du travail est l'un des atouts majeurs des Etats-Unis qui donne à ses habitants la possibilité d'aller là où il y a du travail. Et il y en a partout, même là où il y a du chômage. La médecine dans nos zones rurales en est un bon exemple. Les jeunes médecins français ne souhaitent pas, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, s'installer à la campagne, mais des médecins espagnols, portugais ou roumains qui ne trouvent pas de travail satisfaisant chez eux seraient sans doute très heureux de s'installer en Creuse, en Lozère ou dans le Maine et Loire. Cela aurait le double avantage de donner des médecins à ceux qui en manquent et de forcer leur pays d'origine à trouver des politiques pour les retenir.

L'Europe se fait sous nos yeux, avec et grâce au citoyens, alors même que l'impéritie de dirigeants obsédés par des élections proches pousse à sa déconstruction. C'est, pour le moins, un paradoxe.


jeudi, novembre 24, 2011

L'identité nationale, vue du coté d'Israel…

Nous avons eu nos débats sur l'identité national, vides et manipulés. J'y pensais ce matin en bavardant avec un jeune compositeur israélien qui me disait avoir croisé à Berlin plus de musiciens israéliens qu'à Tel Aviv et se plaignait de ne pouvoir oublier un instant qu'il était juif en Israël. "Je suis, me disait-il, laïque, j'aimerais pouvoir me dire israélien et pas juif, comme vous pouvez vous dire français et pas chrétien…" Comme c'est impossible il a choisi, comme beaucoup d'autres, d'émigrer, de s'installer en Europe puis en Amérique du Nord.

Cette conversation m'a fait penser que nos débats sur l'identité nationale auraient pu être intéressants. Mais peu importe, ils sont aujourd'hui bien oubliés.

Pompidou à Metz, une déception

Le centre Pompidou a choisi de s'installer en province, à Metz. Excellente idée qui lui permet tout à la fois de faire circuler ses collections et d'amener des touristes dans une ville qui n'en reçoit guère alors qu'elle a de quoi retenir l'attention du visiteur pendant deux ou trois heures, le temps d'une promenade dans la vieille ville. Le résultat est décevant tant le bâtiment est peu à la hauteur. Il aurait pu devenir le nouvel emblème de la plus allemande des villes françaises. Il y a peu de chances que ce soit le cas.


Sa forme en chapeau (ou patisserie montée en meringue) aurait pu être séduisante. La longue hampe qui le surmonte casse le rythme. On devine que l'architecte a voulu tout à la fois évoquer le centre Pompidou à Paris avec ses rappels de tuyaux et le Guggenheim de Bilbao, mais n'est pas Franck Ghery qui veut. Peut-être était-ce aimable sur la planche à dessin, mais une fois construit, cela manque singulièrement de grâce. Sur la photo, cela ne se voit pas vraiment, mais c'est pataud, lourd et mal chauffé (au moins le grand hall). Peu importerait si l'architecture intérieure était adaptée. Elle l'est si peu que les conservateurs ont du confier à deux jeunes artistes le soin d'occuper tous les culs de sac et autres espaces inutilisables.

Quant à l'exposition en cours, je devrais dire les expositions, car il y en a fait deux, l'une sur l'art cinétique, intéressante, qui mérite le déplacement, et une autre sur le labyrinthe qui illustre ce que sont de plus en plus souvent les expositions : des oeuvres de conservateurs nourris de philosophie et de théorie plus que des expositions d'artistes. On y trouve un peu de tout, des plans d'architecte à peu près aussi illisibles qu'une partition musicale pour qui n'est pas spécialiste, des tableaux importants de Marcel Duchamp et Isidore Isou (très beau tableau qui donne envie de voir une exposition rétrospective de cet artiste qui n'a pas encore trouvé sa place), et plein d'autres choses qui mettent surtout en évidence l'intelligence du conservateur.

Le centre Pompidou attire tous les regards, mais au centre de la vieille ville, il y a un autre lieu d'exposition, celui du FRAC, beaucoup plus modeste, mais très intéressant avec une conservatrice qui a fait des choix audacieux, elle privilégie le minimalisme, et s'y tient.


mercredi, novembre 23, 2011

Nicolas Sarkozy veut-il donc interdire les licenciements?

Les mauvaises habitudes ont la vie dure. Voilà que Nicolas Sarkozy et son ministre de l'économie et des finances (pas celui de l'industrie qui semble avoir disparu) veulent interdire les licenciements dans les entreprises que contrôle l'Etat (soit plusieurs centaines). C'est le retour de l'autorisation administrative des licenciements, au moins de son ombre, et un clin d'oeil à l'interdiction des licenciements boursiers dont Ségolène Royal avait fait son cheval de bataille et que François Hollande a heureusement rangé au placard des slogans inutiles.

Faut-il rappeler une nouvelle fois ce que les économistes répètent sans cesse : une entreprise qui ne peut pas licencier ne recrute pas. Ou pas avec des contrats à durée indéterminée. Elle fait appel à l'intérim, aux contrats précaires… Cela ne veut pas dire que les dirigeants des entreprises qui licencient prennent toujours les bonnes décisions lorsqu'ils choisissent de licencier, tant s'en faut, mais ils sont certainement mieux informés des besoins et de la situation réelle de leur entreprise que des fonctionnaires ou politiques qui ne la voient que de très loin.

Faut-il ajouter que des dirigeants qui jugent nécessaire de licencier et qui savent qu'un de leurs actionnaires va s'y opposer seront tentés, non pas d'abandonner leur projet, mais de charger la barque, d'expliquer qu'il leur faut licencier 1000 personnes quand en licencier 200 suffirait, pour se garder une marge de négociation? Le gouvernement qui aura obtenu que l'entreprise réduise ses exigences et ne licencie que 200 personnes pourra chanter victoire, mais l'entreprise aura obtenu ses fins.

Donner à l'actionnaire public ce rôle, surtout lorsqu'il est minoritaire, c'est, enfin, négliger les droits et intérêts des autres actionnaires et envoyer un très mauvais signal à tous ceux qui seraient tentés d'investir dans ces entreprises : ils sauront que peu importe leur opinion, celle d'un actionnaire, l'Etat, fut-il minoritaire, l'emportera toujours.

Plutôt que de se mêler de la gestion des entreprises dont il possède une partie du capital, l'Etat ferait mieux de réfléchir au moyen de lutter contre le chômage et d'aider au développement d'activités susceptibles de créer dans un avenir proche des emplois. 

lundi, novembre 21, 2011

Le bonheur au travail

J'intervenais ce matin sur France culture dans l'émission Culture Monde sur un sujet insolite : le bonheur au travail. Emission intéressante avec des reportages sur le Japon (depuis Montréal) et sur les Best places to work (depuis Rio). On peut l'écouter ici 

vendredi, novembre 18, 2011

Fraude sociale : la guerre d'images

La lutte contre la fraude sociale serait donc devenue la nouvelle cause de la droite. Si la sécurité sociale va mal, si les comptes sociaux sont si dégradés, c'est que beaucoup trop de gens trichent. Thèse un peu courte mais bien dans l'esprit populiste de la campagne qu'amorce Nicolas Sarkozy. Sauf que le sujet est glissant et prête à confusion comme on a pu le voir ces derniers jours avec ces hésitations des médias, des journalistes et des commentateurs sur cette fraude.

On devinait, à travers les reportages télévisés (notamment l'un sur la cinq il y a quelques jours nous montrant des piles de papiers truqués) et les propos des dirigeants de droite qu'il s'agissait de taper sur ce bouc émissaire éternel qu'est l'étranger, l'immigré, le clandestin qui abuse de nos régimes sociaux très (trop?) généreux. On nous a même montré (toujours dans ce même reportage) une dame dont le métier est de traquer ces faux papiers. Et l'on a bien vu à cette occasion comment le pouvoir et la presse vont main dans la main : le trafic de faux papiers fait toujours un bon sujet à cheval sur l'information et la fiction.

Mais il n'y a pas que des reportages à la télévision, il y a aussi des experts qui en savent un peu plus que le journaliste moyen. Et que nous ont-ils dit? Que la fraude existe, naturellement, mais qu'elle est pour l'essentiel le fait des entreprises et des professions de santé (médecins, cliniques, hôpitaux…). Sur les 20 milliards d’euros de fraude sociale, 2 à 3 milliards seulement seraient, d'après les meilleurs experts, y compris de l'UMP comme Dominique Tan, auteur d'un rapport publié en juin dernier, liés aux prestations versées aux allocataires… Exit le clandestin, le sans papier… Ce n'est évidemment plus la même chose.

PS Ayant eu, il y a quelques années, à m'occuper de ces questions dans le cadre d'une étude réalisée pour un grand groupe, j'en ai retenu deux ou trois idées :
- que les excés les plus courants (les absences maladie contestables) sont à peu près incontrôlables : lorsque l'arrêt maladie est court (le cas de la majorité), le médecin contrôleur ne reçoit l'information que bien après le retour au travail du salarié. Et comme il ne peut guère en être autrement (il faut tout de même un peu de temps pour que circule l'information), il est à peu près impossible de vérifier que le salarié était effectivement malade.
- que beaucoup d'excés sont liés à l'absence de services publics (cas des parents célibataires confrontés à la maladie d'un enfant que personne de leur entourage ne peut garder) ou à des situations de travail pénibles (l'arrêt-maladie devient alors une forme de retrait),
- que l'absentéisme dans la fonction publique territoriale (celle qui connait les plus hauts taux d'absentéisme) est souvent lié au laxisme de la hiérarchie et notamment des élus qui, toutes étiquettes confondues, ferment les yeux. Ce qui veut dire que ce n'est pas en tapant sur les salariés que l'on obtiendra  une amélioration mais en montrant aux élus le coût réel de l'absentéisme qu'ils tolèrent.

dimanche, novembre 13, 2011

Après la crise économique, des crises politiques

La crise de 1929 a amené le fascisme, celle d'aujourd'hui pourrait bien nous conduire à d'autres crises démocratiques.

Ce qui frappe, dans la situation de ces derniers jours, c'est la mise à l'écart des peuples auxquels il n'est certainement pas question de demander leur avis dans le choix de leurs dirigeants. Ce ne sont plus les militaires ou des ligues factieuses qui imposent leurs candidats mais les marchés ou plutôt des politiques (non résidents comme on dit des investisseurs) qui tentent de les dompter, je pense à Nicolas Sarkozy et à Angela Merkel et à la manière dont le premier (la seconde, plus maline, en sous-main sans doute) s'est engagé pour choisir le premier ministre grec et faire nommer Mario Monti à la tête du gouvernement italien sans que les premiers concernés, les Italiens et leurs représentants, députés et sénateurs, aient eu vraiment leur mot à dire. Jusqu'à présent le choix d'un premier ministre se faisait en interne sans intervention de l'extérieur, or voici que Nicolas Sarkozy s'est entrepris ou a proposé de s'entremettre entre les différents leaders italiens pour faciliter, accélérer le choix de son candidat.

Le choix de ces nouveaux dirigeants est le triomphe de la technocratie, de ce que Max Weber appelait rationalisation et dont Marcuse nous a montré, dans les années soixante, qu'elle était une forme de domination qui ne dit pas son nom.

Contre cela, la seule résistance possible est celle des peuples, mais ceux-ci se désengagent de plus en plus de la politique. La montée de l'abstention aux élections en témoigne régulièrement. Les électeurs (et pas seulement ceux que la politique n'intéresse pas) s'éloignent de la politique au motif que l'on ne tient aucun compte de leur opinion, que tous les politiques se valent, qu'ils sont incompétents, incapables ou menteurs… mais plus les électeurs se désengagent plus il sera difficile aux élus d'avoir la moindre légitimité démocratique. Et si disparait cette légitimité que donne l'adhésion populaire, pourquoi préférer un politique à un autre : seule la compétence compte, celle des technocrates… qui n'ont pas besoin du peuple pour gouverner. Qui n'en ont pas besoin, comme l'ont découvert les Grecs, tant que celui-ci paie ses impôts et respecte les règles. Mais que cette abstention devienne désobéissance civile et plus rien ne va.

On a beaucoup insisté ces derniers temps sur les dangers du populisme, on voit s'en dégager un autre : celui de la technocratie.

mercredi, novembre 09, 2011

L'attentat contre Charlie hebdo et le G20

Drôle d'écho dans le Canard Enchainé de ce matin : les policiers de la brigade antiterroriste auraient envisagé de protéger Charlie hebdo qui avait annoncé haut et fort la couleur de son numéro sur la charia. Mais rien n'a été fait faute d'effectifs disponibles, tous les policiers de cette brigade étant réquisitionnés pour assurer la sécurité du G20. On veut bien, mais était-il donc impossible demander à un autre service, au commissariat du quartier par exemple, d'assurer une protection des locaux du journal?

La police va mal. Les affaires Neyret et Carlton nous l'ont montré. Ce dysfonctionnement le confirme.

Hollande : exercices d'autorité

François Hollande a donc choisi de faire preuve d'autorité, de faire mentir tous ceux qui l'accusent de mollesse. Premières victimes : les écologistes. Loin de céder à leurs demandes, il refuse d'abandonner l'EPR, position de bon sens dans un pays qui a fait le choix du nucléaire et n'a pas tant d'industries de pointe sur lesquelles construire son avenir. Les écologistes n'ayant guère d'autre choix que de voter pour lui au second tour et de trouver un accord s'ils veulent des places gagnables aux prochaines législatives, il joue sur du velours.

Deuxième chantier : l'affaire Guérini que la droite agite comme un chiffon rouge chaque fois qu'elle en a l'occasion (hier encore à l'Assemblée contre Vauzelle). Hollande tient là une occasion de s'imposer dans l'opinion et dans le parti. Il lui suffirait de tenir, à l'occasion d'une prochaine interview, un langage simple, de distinguer le temps long du juridique qui en permettra de savoir si Guérini est innocent ou coupable que dans plusieurs mois et incite donc à se garder de tout jugement et le temps court du politique qui exige des mesures rapides.. Inutile d'exclure Guérini du PS (d'autres, à commencer par Juppé ont été condamnés et continuent de faire de la politique au plus haut niveau), il suffirait de le contraindre à abandonner la Présidence du Conseil général et la direction du PS dans les Bouches du Rhône. Là encore, Hollande a tout à gagner (une image plus ferme, un signe à Montebourg, une prise d'autorité sur Aubry) et rien à perdre : la fidélité des électeurs socialistes à Guérini n'ira pas jusqu'à les faire voter pour la droite lors des prochaines élections.

Il s'en trouvera d'autres dans les mois qui viennent. L'important dans cet entre-deux est de fiare évoluer son image pour faire taire les critiques de la droite sur sa personnalité.

L'incertitude plus forte que la crainte de la prison

Les économistes disent volontiers que les marchés détestent l'incertitude. Il ne sont pas seuls. La presse nous apprend qu'un jeune homme s'est présenté à la gendarmerie, hier soir, afin de demander à ce qu'on vérifie s'il n'était pas "l'auteur du meurtre d'Océane, 8 ans, dont le corps avait été retrouvé dimanche matin à Bellegarde. "Il ne souvenait plus de ce qu'il avait fait samedi soir [soir de l'enlèvement d'Océane]", a expliqué le procureur de la République de Nîmes, Robert Gelli, confirmant une information de RTL. Cependant, contrairement aux informations données par la radio, le "jeune homme ne s'accuse pas du meurtre", a affirmé M. Gelli. "Il a eu un trou noir", il était ivre dans la nuit de samedi à dimanche, a ajouté le procureur. En apprenant que des prélèvements ADN avaient été effectués pour démasquer le meurtrier, le jeune homme s'est présenté à la gendarmerie de Bellegarde à 22h30 et a demandé à ce "qu'on fasse des prélèvements sur lui pour vérifier que ce n'était pas lui" l'auteur des faits, a poursuivi le procureur." (Le Monde) Ce n'est donc pas un sentiment de culpabilité qui l'a amené à se présenter à la gendarmerie mais une insupportable incertitude, celle-là même qui nous conduit parfois à prendre des décisions folles, à nous jeter dans la gueule du loup pour échapper à l'inquiétude. Trancher, décider, agir pour ne pas se ronger indéfiniment les sangs… C'est, bizarrement, un thème que les romans policiers ont rarement exploré.

mardi, novembre 08, 2011

Europe : l'erreur stratégique de Nicolas Sarkozy


Papandréou a abandonné son projet de référendum? Le G20 s'est achevé sur un vague communiqué. Tout le monde est content et le Figaro, jamais en reste d'une flagornerie a pu titrer sur une victoire de Nicolas Sarkozy qui aurait une nouvelle fois sauvé l’Europe. Drôle de victoire, cependant, qui a vu la France céder à toutes les demandes de l’Allemagne et son Président se comporter en chien aboyeur de la puissante Merkel.

L’opération de communication aura été efficace puisque nul n'a remarqué la formidable erreur stratégique de Nicolas Sarkozy. À confondre l’Europe avec le couple franco-allemand, il a humilié tous les autres européens, à commencer par les Grecs qui ont dû se demander si leur pays n’était pas devenu un protectorat de la France et de l’Allemagne. Et il s’est mis dans la position internable de celui qui se lance dans un bras de fer avec beaucoup plus fort que soi.

Il aurait été mieux inspiré d’être plus modeste, de chercher des soutiens auprès de l’Espagne, de l’Italie, du Portugal, des pays de l’Est pour faire passer ses idées qui étaient plutôt bonnes comme celle qui consistait à demander à la banque centrale d’intervenir massivement sur les marchés pour racheter les obligations des pays en difficulté et monétiser leur dette.

Cette erreur stratégique nous coûtera sans doute très cher parce que la crise n’est pas finie. Et les rustines imaginées pour sauver la zone euro de la banqueroute grecque ne suffiront pas à la sauver d’une crise de la dette italienne. Elles risquent bien au contraire de l'aggraver. Qui peut vraiment croire que c'est en augmentant les impôts et en réduisant les prestations sociales que l'on va répondre à la récession qui s'annonce? Plutôt que d'inciter les agents économiques à dépenser on leur envoie tous les signes qui incitent à épargner,  à se mettre à l'abri, à remettre au lendemain les dépenses envisagées et à surtout ne pas dépenser. Ce plan d'austérité imaginé par François Fillon va à contre-courant. Plutôt que de nous inciter à nous serrer la ceinture dans une période de forte incertitude, il aurait dû nous donner confiance et, ce faisant, donner confiance aux autres. Nos dirigeants ont bien intégré l'idée que l'inflation était souvent le fruit de prédictions auto-réalisatrices. Ils n'ont manifestement pas compris que la récession pouvait aussi l'être.

vendredi, novembre 04, 2011

A quoi ressemble le couple franco-allemand?

Un bouledogue puissant (l'Allemagne de Merkel) et hargneux (Nicolas Sarkozy) qui affole ses voisins, aboie sur tout le monde et fait du surplace, voilà à peu à ce quoi ressemble aujourd'hui le couple franco-allemand. Pas très réjouissant.


jeudi, novembre 03, 2011

Ce que peut faire la peur des peuples…

Il aura donc suffi que Papandréou annonce un référendum pour que la droite grecque jusqu'alors hostile tant aux plans d'aide européens qu'à la formation d'un gouvernement d'union nationale vire de cap et se déclare prête à voter le plan de sauvetage européen et à participer à un gouvernement "de transition" avec la gauche… Ce que peut faire la peur des peuples! Il est vrai qu'un non au référendum aurait jeté la Grèce dans quelque chose de pire encore que même les plus politiciens des politiciens ne se sont pas risqués à tenter.

Reste à appliquer les mesures prévues dans ce plan de sauvetage et cela ne dépend plus seulement des élus mais aussi des Grecs eux-mêmes, des fonctionnaires, notamment ceux des impôts…

Les Européens qui ont eu très chaud seraient bien inspirés de proposer maintenant un plan qui donne aux Grecs des raisons d'espérer. L'austérité c'est bien si on en devine vite la sortie, sinon…

Refrendum grec : la révolte contre les marchés financiers

Le ton des réactions de la presse, des experts, des gouvernements après l'annonce du référendum grec a quelque chose de profondément déprimant et inquiétant. Depuis des mois les Grecs nous disent qu'ils n'en peuvent plus de cette austérité qu'on veut leur imposer de force, qu'ils en sont assez d'être traités comme un vague protectorat franco-allemand, qu'ils aimeraient bien que l'on tienne aussi compte de leurs intérêts. Il n'y a pas, nous disent-ils en somme, que les marchés financiers.

Et plutôt que de les entendre, de se dire qu'ils n'ont peut-être pas complètement tort, voilà que Sarkozy (qui se garde bien de demander son avis aux Français) et Merkel (qui a su, elle, organiser un débat démocratique au Parlement) décident de la question qui sera posée au référendum. Si j'étais grec, je l'aurais franchement mauvaise. Sont-ils encore des citoyens européens comme les autres?

Ce référendum n'est pas une folie, comme on dit trop, c'est la manière qu'a choisie, avec habileté et brutalité, Papandréou pour canaliser une révolte contre la dictature des marchés financiers qui a commencé en Grèce, mais qui pourrait s'étendre demain ailleurs. En imposant son référendum, Papandreou a tout simplement voulu nous rappeler que l'opinion des peuples compte plus que celle des agences de notation.

Il n'est pas encore certain que ce référendum se tienne. Mais s'il devait se tenir, il devrait inciter les différents dirigeants européens à travailler fissa sur une révision des institutions, notamment de la BCE. Cette crise que nous traversons a révélé la faiblesse des institutions européennes, leurs graves défauts et leur incapacité à résister aux marchés financier. 

Google rend hommage à Malraux

Google a choisi de rendre aujourd'hui hommage à André Malraux en lui consacrant son logo du jour :


Ceci à l'occasion du 110ème anniversaire de sa naissance, il est né le 3 novembre 1901, ce que tout le monde a, de ce coté-ci de l'Atlantique, oublié. On dit que c'est l'un des auteurs les plus lus, c'est certainement l'un de ceux devant lesquels les génuflexions indifférentes sont les plus fréquentes, mais qui le connait vraiment aux Etats-Unis? L'idée de le fêter est plutôt sympathique, surtout en ces périodes que certains disent pré-révolutionnaires, mais qu'est-ce qui a pu déterminer les gens de Google à l'avoir choisi?  Comme ils utilisent probablement leurs outils pour désigner les personnalités ou les événements qu'ils mettent ainsi parfois en avant, quelle question ont-ils donc posé à leur machine?  

vendredi, octobre 28, 2011

Un Président qui soliloque, une chancelière qui débat…

Nicolas Sarkozy a donc parlé, hier soir, pour la première fois depuis longtemps de la crise. Il l'a fait avec habileté et talent, même si ses attaques contre les socialistes, la retraite à soixante ans, les 35 heures paraissent bien usées et à coté de la plaque. Mais qu'il était seul! La presse internationale (et française) souligne à l'envi son second rôle en Europe et la prééminence d'Angela Merkel en général attribuée au poids économique de l'Allemagne. A entendre Nicolas Sarkozy soliloquant devant des journalistes complaisants, je me demande si sa faiblesse (et la force d'Angela Merkel) ne vient pas d'un déficit de démocratie. Il n'y a pas eu de débat en France sur la question européenne, sur le traitement de la dette, sur la Grèce. Les socialistes occupés à leurs primaires ont à peine abordé le sujet, quant à la droite, elle n'a pas eu son mot à dire. A l'inverse, les Allemands en ont longuement parlé, leur Parlement en a débattu, il a voté, donnant à Angela Merkel une légitimité qui a manqué à Nicolas Sarkozy. C'était toute l'Allemagne qui parlait avec elle, qui lui avait donné un mandat. Qui donc parlait avec Nicolas Sarkozy? Certainement pas la France, indifférente et tenue à l'écart, seulement quelques hauts fonctionnaires au service d'un Président contesté de toutes parts que l'on pouvait de plus soupçonner d'être au service exclusif de banques directement menacées par un défaut de la Grèce. Or, dans des négociations européennes, surtout des négociations entre chefs d'Etat la légitimité populaire compte. Celui qui se sait soutenu par son opinion, et qui peut avancer des preuves tangibles de ce soutien (comme un vote au Parlement) a un avantage décisif sur ceux dont la position peut à tout moment être contestée. Faire reculer Angela Merkel, c'était faire reculer l'Allemagne. Faire reculer Nicolas Sarkozy, c'était toucher un Président à l'avenir compromis. Ce n'est pas la même chose.