mardi, octobre 30, 2012

Ayrault : maladroit ou différent?

La dernière "bévue" de Jean-Marc Ayrault sur les 35 heures (répondant à un lecteur du Parisen Libéré sur le retour aux 35 heures, il répondit en substance : il n'y a pas de sujet tabou. Pourquoi ne pas en discuter) laisse rêveur. Est-il terriblement maldroit? N'a-t-il pas compris le fonctionnement des médias? Ou a-t-il tout simplement décidé de tordre le cou à la langue de bois? Prise telle que la rapportent les titres de la presse et, notamment le Monde, l'information suggère qu'il ne serait pas forcément hostile au retour aux 39 heures, ce qui n'est sans doute pas ce qu'il a voulu dire. Mais nous sommes tellement habitués à surinterpréter les discours politiques que nous voyons des intentions là où il n'y en a pas forcément. S'il s'agit bien de cela, il serait bien qu'il nous le dise. Après tout, ce serait une bonne manière d'en finir avec cette approche de la politique qu'imposent les journalistes politiques qui plutôt que d'aller dans le fond des dossiers s'attachent surtout aux petites phrases et aux accidents d'expression.

PS : il est bien sûr une autre hypothèse, c'est qu'il ait avec cette petite phrase lancé un signe en direction de ces patrons qui sont montés au créneau ces derniers jours. Ce serait plus que maladroit désolant et stupide.


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lundi, octobre 29, 2012

Après le tournant de la rigueur, celui de la compétitivité?

L'hésitation que l'on devine au sommet de l'Etat sur la compétitivité me rappelle celle qu'avait connu en 1983 François Mitterand lorsqu'il a du choisir entre l'Europe et la rigueur d'un coté et la poursuite de ses réformes de gauche de l'autre. Le pouvoir balance, il a pris la mesure des enjeux et s'interroge. Va-t-il engager ce "pacte de productivité" comme l'appelle Hollande ou va-t-il se contenter de mesures cosmétiques? On remarquera que comme en  1983, la décision risque de mettre le Président en porte-à-faux avec sa majorité sans lui attirer la sympathie de l'opposition. On remarquera également, et c'est une bonne nouvelle, que c'est la première fois que la question se pose de manière aussi ferme en France.

dimanche, octobre 28, 2012

Ne pas se tromper de compétitivité

Choc ou pas? Rapport mis au rancart ou pris au sérieux? Le débat sur la compétitivité de l'industrie française prend une drôle de tournure. Plutôt que de réfléchir au déficit de compétitivité, ce que fait probablement le rapport Gallois, on se laisse entraîner dans deux discussions annexes, celle sur les modalités de la réduction du coût du travail (choc ou pacte) et celle des hésitations du gouvernement. Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur la compétitivité. Il suffirait, d'ailleurs, d'écouter les industriels, ce que fait régulièrement  l'Usine Nouvelle, magazine professionnel dont la lecture est toujours instructive pour le voir.

On y découvre que le monde de l'industrie est partagé entre :
- ceux qui insistent sur une baisse du coût du travail (industrie agro-alimentaire, chimie)
- et ceux qui mettent en garde contre l'obsession du coût produit et insistent plutôt sur l'innovation comme les patron de l'Air liquide (qui déclare en aparté : "il ne faut pas limiter la compétitivité à un facteur, il faut aussi considérer la compétitivité hors-prix"), de Michelin, de Danone (qui investit massivement dans ses usines de Brive la Gaillard et du Nord), des matières plastiques ("en termes de compétitivité, l'enjeu n'est pas le coût du travail" déclare le patron de la Fédération européenne du secteur) et de l'industrie du logiciel. Innovation que n'ignorent pas ces 50 d'industriels qui ont innové ces deux dernières années (voir là dessus Enfin de la lumière au bout du tunnel).

Prendre la question de cette manière inviterait à regarder l'impact d'une baisse du coût du travail. Si l'on peut penser que toutes les entreprises en profiteront, ce ne sera pas pour toutes de la même manière. On peut craindre que les premiers bénéficiaires en soient les services qui ne souffrent pas ou peu de la concurrence internationale mais qui sont de gros employeurs. Recruteront-ils plus? Verseront-ils de manière salaires à leur personnel pour compenser l'impact d'une augmentation de la CSG ou de la TVA? Réduiront-ils leurs efforts de modernisation? Se lanceront-ils dans des  opérations dispendieuses et sans intérêt? se contenteront-ils de reverser ces surplus à leurs actionnaires?

Prendre la question de cette manière permettrait également de regarder du coté des emplois. Baisser les cotisations sociales, les transférer, d'une manière ou d'une autre vers les ménages, permettra-t-il de créer des emplois? lesquels? où? dans de nouveaux services peut-être, mais dans l'industrie, cela ne va pas de soi comme le suggèrent les propos du patron de Michelin dans l'Usine Nouvelle : il lui faut être près de ses clients.

Peut-être pourrait-on également dans ce débat se souvenir de cette phrase de Michaël Porter :
The paradigm defining competitiveness has been shifting, particularly in the last 20 to 30 years, away from this static model. The new paradigm of inte national competitiveness is a dynamic one, based on innovation. (…) Competitiveness at the industry level arises from superior productivity, either in terms of lower costs than rivalsor the ability to offer products with superior value thatjustify a premium price.' Detailed case studies of hundreds of industries, based in dozens of countries, reveal that internationally competitive companies are not those with the cheapest inputs or the largest scale, but those with the capacity to improve and innovate continually. (Toward a New Conception of the Environment-Competitiveness Relationship, The Journal of Economic Perspective, 1995)

samedi, octobre 27, 2012

L'herbe des nuits


La lecture de Modiano suscite toujours le même léger embarras, le plaisir d’une langue sobre, élégante, presque fade, celui de retrouver d’un livre à l’autre les mêmes histoires ou presque, les mêmes figures, cette plongée dans un Paris perdu et ce même jeu de piste entre souvenirs partagés, inventés, rêvés. 

Dans L’herbe des nuits, son dernier roman, on devine la figure de Ben Barka, celle des truands qui l’ont kidnappé, de Georges Boucheseiche que Modiano appelle, au détour d’une conversation Rochard, mais dont il nous dit qu’il peut être le propriétaire de l’Unic hotel, hôtel dont était justement propriétaire Boucheseiche (voir ici), et dont on se demande, à voir ses photos, s'il ressemblait vraiment au personnage du roman.


On y retrouve également un poète qui sort de l’hôtel Taranne, aujourd’hui disparu, juste à coté de chez Lipp, qui s’appelle Jacques, ce pourrait être Prévert, c’est Audiberti. Cette hésitation sur les identités revient tout au long du livre, elle frappe même le narrateur qui avoue “à cette époque là je n’étais pas sûr de mon identité, et pourquoi l’aurait-elle été plus que moi?” et donne à ce texte, comme à tous ceux de Modiano, le charme un peu désuet de cette brume, de ce flou que l’on associe en général à la myopie. Rien n’est net chez cet auteur, et c’est ce qui plait chez lui.

Il y a plus agaçant : ces souvenirs qu’on ne partage pas et qui intriguent. Y a-t-il jamais eu un jardin rue de Rennes, il où est aujourd’hui le Monoprix? Je n’en ai aucun souvenir. Quant à ces numéros de téléphone qui parsèment ses livres, les invente-t-il ou les trouve-t-il dans l’un de ces vieux annuaires qu’il semble tant affectionner?


Tout cela dans une sorte de mise en abîme discrète puisqu’il s’agit d’une histoire de faux papiers qui auraient été fournis à une certaine Dannie dont on devine qu’elle a été la maîtresse du narrateur. Dannie, prénom ambigu puisqu’il pourrait s’agir d’un diminutif d’Annie, dont on apprend, mais est-ce une surprise? qu’elle s’appelle en réalité Mireille Sampieri, soit le  nom même d’une maitresse de Lafont, le chef de la Gestapo française. Ce ne peut évidemment être un hasard même si les dates ne concordent pas vraiment.  


Si Modiano donne le sentiment d'écrire toujours un peu le même livre, il donne à ses lecteurs le même plaisir qui n'est pas sans rapport avec celui que l'on prend lorsque à essayer de résoudre des intrigues sans enjeu.


vendredi, octobre 26, 2012

Jean-Marc Ayrault à l'Alpe d'Huez


Jean-Marc Ayrault me fait aujourd'hui penser à ces cyclistes qui se battent pour atteindre le sommet à l'Alpe d'Huez et qui doivent en même temps faire avec des concurrents agressifs, ce qui est légitime, et une foule insistante, ce qui l'est moins. Notre malheureux Premier Ministre a dit tout haut ce que tout le monde disait depuis plusieurs jours, le Conseil Constitutionnel allait retoquer pour une question de forme la loi de Duflot sur le logement. Maladresse? si l'on veut. Et encore. Il s'est essayé au parler vrai, il a voulu en finir avec la langue de bois et patatras, voilà qu'il a parlé trop vite, qu'il n'est plus qu'un amateur ou, comme l'écrivait hier Libération, un apprenti. N'est-ce pas un peu exagéré et, surtout, contre-productif : comment un premier ministre peut-il être efficace si chacun de ses propos maladroit fait la une pendant quelques heures? 



jeudi, octobre 25, 2012

Insupportables années 70

Je lis L'absolu littéraire, livre de Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy sur le romantisme allemand, publié une première fois en 1978, que les éditions du seuil viennent de rééditer. Moins  pour le texte de Lacoue-Labarthe et Nancy que pour ceux des frères Schlegel, de Novalis et Schelling qu'ils présentent.

Comme il s'agit d'une période que je connais mal, j'ai assez naturellement entrepris de lire les introductions de nos deux philosophes. Mal m'en a a pris. Ce qui saute aux yeux, dès les premières lignes, c'est combien les commentaires de nos deux universitaires sont vides, creux, pompeux, redondants, prétentieux, en un mot, insupportables. Les tics de langage abondent, la simplicité qui permettrait de comprendre ce qu'ils veulent dire toujours absente. Le lecteur exaspéré se dit que les auteurs auraient pu couper, aller à l'essentiel, supprimer toutes les mises en abime de leur pensée s'ils en ont une ce dont on finit par douter.

Heureusement qu'il y a les textes des romantiques allemands avec leurs perles comme celle-ci de Friedrich Schlegel que nos deux auteurs auraient du méditer :
Des auteurs médiocres qui annoncent un petit livre comme s'ils s'apprêtaient à exhiber un géant devraient être contraints par la police littéraire à apposer sur leurs produits cet avis : This is the greatest elephant in the world, except himself.
Si j'en parle, c'est que ces tics "post-modernes" bien loin d'avoir disparu sont toujours présents dans les textes et les propos publics de quelques uns de nos universitaires comme j'ai encore pu le constater il y a quelques jours. Et contribuent à ce qu'il faut bien appeler notre provincialisme.


mercredi, octobre 24, 2012

Gallimard censure l'éditeur d'Aragon dans la Pleïade

L'histoire est cocasse, un peu absurde. Gallimard (et J.B.Pontalis, directeur de la collection dans laquelle ce livre est publié) vient de censurer le livre sur Aragon que Daniel Bougnoux, l'éditeur des romans de ce même Aragon dans la Pléiade (dont le dernier volume vient de paraître) vient de publier : La confusion des genres. Livre plein d'admiration, d'analyses fines qui témoignent d'une connaissance parfaite de l'auteur. Mais voilà ce chapitre a eu l'heur de déplaire à Jean Ristat l'exécuteur testamentaire de l'écrivain. Mais le Canard Enchaîné ayant parfaitement décrit la situation, voici son article :


Toute cette affaire est ridicule et témoigne de l'étrange sensibilité de Ristat. Pour en juger voici le texte qui semble avoir posé problème :


Depuis 1971, Castille prenait ses vacances d’été à Toulon entouré d’une cour de jeunes gens auxquels il distribuait chatteries, caresses et coups de griffe comme un pianiste réhausse son jeu à coups d’apoggiatures et d’effets de pédale. Je m’y trouvais mêlé en juillet 1973, habitant moi-même cette ville depuis mon affectation de professeur de philosophie au lycée Bonaparte ; j’avais, pour la collection Poche-critique créée par Georges Raillard, écrit un petit ouvrage sur Blanche ou l’oubli qui avait plu à son auteur, nous avions échangé quelques messages, il m’avait reçu rue de Varenne et, puisque j’étais toulonnais, invité à passer le voir au cap Brun quand lui-même y serait. Je me retrouvais donc sur la corniche de la résidence-hôtel, pour un déjeuner pris en terrasse à l’ombre entêtante des pins ; au loin sur la grande nappe bleue, les voiliers faisaient un semis de petites mites, tandis que dans la minuscule piscine en contrebas quelques jeunes gens juraient et s’ébrouaient avec de grands splashes. J’imaginais avant de venir Castille entouré d’artistes, de fins causeurs ou de critiques experts, mais je tombais autour de la table sur ces « charlatans de Gallipoli (…) des gens, des gens, des gens encore (…) des paltoquets et des pécores » évoqués dans Le Roman inachevé ; je revois deux hurluberlus fraîchement débarqués du festival d’Avignon, soudain séduits par le décor et décidés à y prendre racine, auquel notre hôte débitait des anecdotes qu’ils écoutaient en feignant l’intérêt. La conversation languissait, aussi fus-je soulagé quand Castille me lança gaiement au café, qu’il buvait en y ajoutant une quantité effroyable de sucre : – Eh bien jeune homme, je suis content de vous ! Vous plairait-il d’entendre la suite ? Attendez-vous à pire…, et il m’avait entraîné sans façon dans sa chambre, en escaladant l’escalier avec une vigueur surprenante.
Sur une table devant la fenêtre étaient disposées des liasses. Castille les soupesa avec la circonspection d’un haltérophile, puis d’un paquet tira prestement quelques feuilles qu’il commença à lire d’une voix emphatique, le dos tourné au jour. A cette époque, il laissait encore pousser ses longs cheveux blancs en crinière. Pourtant ce n’était pas le lion qu’évoquait le visage de Castille, malgré son profil arrondi de félin et la fente parfois cruelle des paupières filtrant un regard bleu. Son port de tête n’était pas assez noble ou tranquille, les expressions les plus contraires couraient sur ses traits avec la rapidité de l’araignée sur sa toile. Cette déconcertante cinématographie de la face semblait prendre naissance à la base onduleuse du cou : tout en lisant Castille branlait du chef, et coulait de côté des regards en lame de faux. Sa voix légèrement nasale découpait les mots avec la précision d’une dague ; non contente de dire elle semblait décortiquer et déguster chaque phrase, suspendue à d’invisibles guillemets, ou élevée jusqu’à la lumière comme un joaillier vante un bijou de prix qu’il détache pour le faire tourner aux yeux de l’acheteuse. Il était difficile d’échapper à son charme hypnotique, tant la haute silhouette dépassait la mesure ordinaire de l’homme ou de la femme et suggérait l’apparition mélodieuse de la Sphinge, ou de quelque serpent à sonnettes à la morsure sucrée. Je m’efforçais de ne rien perdre de cette mise en scène, mais son étrangeté même nuisait à l’intelligence des paroles, dont le fil se rompait souvent. Les sautes de ton et les syncopes caractérisent le maniérisme lyrique du dernier Castille, qui me faisait profiter là de son dernier roman, en se plaisant à souligner et à dramatiser les accidents de sa prose, partout où ça disjonctait.  – Tu vois petit, ce bouquin me déborde, quel désordre bon Dieu quel désordre, jamais je ne m’y retrouverai…
Car soudain dans la chambre il m’avait tutoyé, tout en piochant parmi les feuillets qu’il battait comme un jeu de cartes – pour anticiper sur l’image que répèteront tous les commentateurs de Théâtre/roman. Puis, dans un grand geste théâtral le poète rejeta impatiemment le manuscrit et se dressa vivement. Le peignoir s’ouvrit sur le slip de bain. Castille nageait chaque jour en mer, assez souvent seul et droit vers le large, et je vis que le grand âge n’avait pas ruiné son corps bronzé, à la stature athlétique. Il me tourna le dos et disparut sans un mot dans la salle de bains.
Plusieurs minutes s’écoulèrent, avec des bruits d’eau. Une bouffée de parfum envahit la pièce, d’un musc lourd dominé par la rose. Quand Castille regagna son siège pour reprendre sans autre explication le fil de sa lecture, j’eus du mal à contenir ma stupéfaction : le Vieux s’était fardé et fait les yeux en y collant, par un détail de coquetterie inconcevable, des faux-cils dégoulinant de rimmel. Il avait abandonné le peignoir et troqué son slip pour un cache-sexe rouge vif. J’avais à présent devant moi une drag queen qui se mit à rythmer de plus belle les propos d’Eurianthe ou de quelque Lélio, tout en se caressant la poitrine et la toison ventrale. Le parfum, un gel plutôt, n’avait pas été appliqué au hasard et il était facile, à la courte distance où j’étais, de deviner de quel orifice copieusement enduit émanait l’entêtante invite. Dans mon dos, le grand lit blanc à la courte-pointe impeccablement tirée se chargea soudain d’une présence redoutable ; en quelques minutes, la confusion des genres avait changé de caractère.
Que faire ? Je jugeai prudent de ne rien laisser paraître, me levai dès la fin de la lecture, remerciai et cherchai l’air au dehors, en tirant la porte sur les vociférations du baroque opéra dont, par une chaude après-midi de juillet, Castille m’avait fait l’unique spectateur. Ses lèvres aux accents rugissants et suaves avaient déployé pour moi l’éventail du désir amoureux sans lésiner sur l’orchestre, ponctuant par les clochettes de la douleur le largo langoureux des stances, tressant ses trilles au frémissement des cordes, ça me remettait quatre vers en mémoire, « Dites flûte ou violoncelle / Le double amour qui brûla / L’alouette et l’hirondelle / La rose et le réséda », amour double en effet puisque par derrière… Comment jamais te dire Je t’aime ? modulait de mille façons le poème, tandis que le colimaçon parfumé de la rose implorait Défonce-moi ! Ou, dit avec plus d’emphase dans Le Paysan de Paris : « Bats-moi, effondre-moi (…). Saccage enfin, beau monstre, une venaison de clartés ».
L’abîme ouvert par Castille ne me détourna pas de le revoir, et je me mis à fréquenter davantage ses livres. « Sexuellement je l’avais percé à jour et il ne me le pardonnait pas », écrivit Drieu la Rochelle de son ancien ami ; pour moi au contraire, le mélodieux frelon me parut plus proche, et presque fraternel, du jour où il me révêla sa fêlure. En ce temps-là, le veuvage de Castille était récent, et le plus exposé des secrets mondains n’était pas encore devenu le Polichinelle de Paris ; la fable pourtant s’en répandait, et le poète ne fit rien pour la démentir ; il s’affichait au contraire en diverses mondanités avec son secrétaire ou d’autres garçons de moindre calibre, semant chez les vieux grognards d’un réalisme qu’ils appelaient toujours socialiste l’embarras de ne plus savoir, devant le nouveau couple, sur quel pied danser.
Je croisais le secrétaire – appelons-le Raoul – qui fumait nerveusement au pied de l’escalier ; il faisait le guet je crois bien, mais pas comme Leporello veillant sur les amours de son maître. Son regard m’instruisit mieux que les chamailleries du caravansérail sur les supputations et les jalousies qui peuplaient le petit monde de Castille. Le jeune homme composait sur son protecteur des vies parallèles aux détails suggestifs qui tiraient de Castille, dont le regard fatigué ne savait plus reconnaître la peinture, des cris d’extase. « Hourra Raoul ! » avait titré quelques années plus tôt sur deux pages Les Lettres françaises. Ensemble ils promenèrent ce livre, dont ils firent des lectures publiques à deux voix pour inaugurer ici un Centre culturel, là une bibliothèque Elsa Triolet. Plus tard il y aurait l’exhibition télévisée et les bredouillements sous le masque. Une suite funèbre de paroles à côté et de bouffonneries jusqu’à la décomposition finale. Castille toujours sublime et pathétique faisait le sourd quand on le suppliait d’intervenir fût-ce d’un mot dans les affaires du Parti ou de l’U.R.S.S., mais sur son œuvre et dans ses amours il se parodiait désormais lui-même, comme pour remettre sa fameuse fidélité à l’échelle de la grimace discordante et du « ratage carnavalesque du temps ». Face à ses détracteurs et ennemis qui étaient légion, il avait toujours eu la passion d’en rajouter, façon de prendre les devants disait-il, ou pour le bizarre plaisir d’armer l’adversaire.
Je rencontrais Castille une dernière fois, dans une librairie de Grenoble où il venait lire quelques poèmes, dont le très touchant « Voyage d’Italie » où passe la voix blessée de Marceline Desbordes-Valmore. Les demandeurs d’autographes s’écrasaient sur son passage et je revois Raoul, costumé en cocher, empilant dans un grand sac les livres que Castille dédicacerait plus tard. Je m’avançais vers lui pour lui redire mon attachement, avec à la main un exemplaire d’Irène dans l’édition de Régine Deforges où je le priais de me mettre un mot. – Pourquoi voulez-vous, mon petit, que je vous dédicace un livre qui m’est étranger puisque j’ai toujours refusé d’en endosser la paternité – ou devrais-je dire la maternité ? Et en effet, Castille résista jusqu’au bout, pour des raisons que je m’explique mal, à reconnaître l’un de ses plus beaux cris. Après cela, peut-être découragé, je ne le revis jamais plus.
Il fallait un certain héroïsme pour lamper ainsi à petites gorgées la cigüe lente du suicide. On avait bien ri quand, profitant d’un discours officiel où il remettait ses manuscrits à la nation française, il avait solennellement institué Raoul son « prolongateur ». Un cordon électrique ! Un échotier s’en empara et un bon mot courut Paris, « la prise de la Castille », ah ah ! Prolongateur, Raoul ? Un rouage tout au plus de cette machine à se moudre soi-même, un Sganarelle de rencontre à la table du séducteur, à l’heure où les Commandeurs de marbre se bousculent aux portes. Dans ce théâtre de marionnettes où Raoul était le dernier du casting, Castille avait toujours occupé tous les emplois, à la fois l’idolâtre et l’idole, la cantatrice et son amant, persécuté-persécuteur… Castille à la voix de cristal maintenant sous les tubes, aux mains des hommes en blanc. Et autour de la bibliothèque, des tableaux et des manuscrits, le vol pesant des charognards.
On se demande ce qui dans ce texte a le plus gêné Ristat, de la scène avec Aragon (scène qui ne doit guère le surprendre si l'on en juge parce qu'il dit de ces séjours à Toulon dans ses entretiens avec Francis Crémieux) ou des remarques sur Raoul, le secrétaire, qu'il a pu prendre pour lui.

Il est en tout cas dommage qu'un éditeur de la taille de Gallimard cède aux fantaisies d'un héritier abusif et que d'autres, ailleurs, arguant de leur amitié pour Ristat, hésitent à organiser des émissions radiophoniques sur Aragon à l'occasion de la sortie de ce livre.

Voici sur le sujet ce qu'en dit Pierre Assouline dans son blog : Effet collatéral de confusion des genres en Aragon.

mardi, octobre 23, 2012

Hollande : un président vraiment démocrate

François Hollande ne ressemble à aucun de ses prédécesseurs. Il n'a pas l'élégance de Giscard (oh non! même s'il parle aussi bien), rien de l'ironie glacée et tellement aristocratique de Mitterand (même s'il sait être aussi drôle), rien non plus du gosse de riche que les pauvres trouvent sympathique que cultivait Chirac (même si on les rapproche souvent). Ce n'est pas non plus un héros à la De Gaulle. C'est peut-être à Pompidou qu'il ressemble après tout le plus : comme lui il a été bon élève, est extrêmement intelligent quoique jamais flamboyant (le charisme n'est pas sa première force). Mais il est tellement plus sympathique! Ses adversaires n'arrivent pas à le détester, le trouvent charmant, accueillant, à l'écoute (il fallait entendre il y a quelques jours Jean d'Ormesson en parler). Ce pourrait être un dirigeant social-démocrate comme en connaissent tant les démocraties du nord de l'Europe (ce que pourrait être Ayrault) s'il n'avait été un adolescent révolté contre une famille très réactionnaire. C'est malgré les apparences un homme dont les convictions sont profondément ancrées dans cette expérience initiale, un homme qui s'est, tout comme d'ailleurs Ségolène Royal, construit contre sa famille, contre son père, c'est-à-dire contre l'autorité et qui, de ce fait, respecte ceux qui ont le courage de s'opposer à lui. En somme, un vrai démocrate, le premier de nos présidents, peut-être, qui le soit naturellement, du fond de lui-même. Et cela explique qu'il calme systématiquement le jeu, qu'il arrondisse si facilement les angles, qu'il pacifie la société française même s'il n'est pas évident qu'il réussisse tous ses paris.

vendredi, octobre 19, 2012

Dans l'ombre ou, plutôt, derrière les rideaux

Lorsque l'on achète dans une gare un roman policier, on hésite toujours, se demandant si on va le finir. J'ai ainsi longuement hésité à acheter Dans l'ombre d'Edouard Philippe et Gilles Boyer. Ce sont les biographies de ces deux auteurs qui m'ont convaincu. Le premier est maire du Havre, le second conseiller politique d'Alain Juppé. Ce n'était pas une garantie de qualité, mais cela a excité ma curiosité qui a été pleinement satisfaite. Voilà un excellent roman policier dont on ne peut se détacher dés les premières pages, qui nous parlent d'un monde, celui de la politique vue par les conseillers des puissants, que l'on ne devine, d'ordinaire, que dans les articles des journalistes politiques. Et c'est passionnant.

Edouard Philippe

Tout se passe pendant la campagne présidentielle (le livre ayant été publié en 2011, il ne parle donc pas de la dernière) après qu'il y ait eu des primaires à droite que le candidat a gagné de justesse, d'où des rumeurs de fraude. C'est l'occasion d'une multitude de portraits qui ont ceci de formidable que ce sont de vrais personnages de fiction : on ne cherche jamais à mettre un nom dessus, ce qui permet de se plonger dans le roman, de s'intéresser à l'intrigue, aux professions décrites (conseillers politiques, attachées de presse…). Et ces personnages sont saisis dans leur vie professionnelle (pas de ces coucheries interminables que l'on rencontre dans tant de romans "sérieux")
Gilles Boyer
Ce qui ne gâche rien, c'est plutôt bien écrit et les deux auteurs se sont manifestement amusés.

mercredi, octobre 17, 2012

Cannabis : des éditorialistes schizophrènes

La lecture de la presse à propos de "l'affaire Peillon", je veux dire de ses déclarations sur la nécessité de tenir un débat sur le cannabis, illustre la schizophrénie des rédactions, surtout celles de gauche. D'un coté, on dénonce les cafouillages du gouvernement, les couacs et autres boulettes, mais, de l'autre, dans le même papier, quelques lignes plus loin, on explique que ce débat est nécessaire, que 13 millions de Français ont fumé un jour ou l'autre un joint et que la politique toute répressive de la France ne mène nulle part. Il faudrait savoir : si un débat est nécessaire (et sans doute l'est-il), Peillon a eu raison de l'appeler de ses voeux, fut-ce contre les désirs du Président. La solidarité gouvernementale n'était en rien menacée par cette déclaration et les hurlements de la droite ne sont que cela, des hurlements. Il aurait suffi au Premier Ministre de dire que le sujet méritait effectivement d'être discuté mais que l'agenda du gouvernement était suffisamment chargé pour que l'on remette à plus tard réflexion et débat. Tout le monde aurait compris et on aurait évité ce mini-drame. Mais au delà de la succession de maladresses gouvernementales, c'est le comportement de la presse qui fait sourire : j'imagine bien les débats dans la tête des éditorialistes partagés entre des journalistes politiques orphelins de Sarkozy qui cherchent à créer des événements à partir de rien et des journalistes société qui savent, parce qu'ils connaissent le dossier, que la politique actuelle doit évoluer. Et comme entre dans la rédaction d'un éditorial beaucoup de gestion des réactions des uns et des autres, il leur a fallu entamer ce délicat pas de deux. Ce n'est pas la première fois et ce ne sera sans doute pas la dernière. Mais peut-être devraient-ils trancher et donner un peu plus la priorité aux journalistes spécialisés qui connaissent les dossiers et demander à leurs journalistes politiques de prendre un peu de distance : tout ne fait pas information. (Ce matin sur France Inter, l'ineffable Anna Cabana du Point se plaignait de ce que François Hollande n'avait pas parlé plus de cinq minutes aux journalistes qu'il avait invités dans son avion! Voilà une information, Madame!)

mardi, octobre 16, 2012

L'Islam radical manque de relais intellectuels

Dans un livre écrit à la suite des émeutes de 2005, Banlieues, Insurrection ou ras-le-bol?, je soulignais le silence des jeunes révoltés dont la parole avait été confisquée par des représentants de la bourgeoisie beurre en phase de promotion sociale. 7 ans plus tard, la situation ne s'est pas améliorée. Les jeunes révoltés n'ont toujours pas trouvé de voix pour exprimer leur révolte. Aucun intellectuel n'a pris la plume pour les défendre, pour justifier leur engagement en Afghanistan ou en Syrie, pour donner à leur révolte du sens.

Lorsque dans les les années trente, des jeunes gens allaient se battre en Espagne contre le fascisme, ils trouvaient des défenseurs en France. Même chose dans les années cinquante, lorsque d'autres jeunes gens portaient les valises du FLN ou, plus tard, lorsque d'autres encore, prenaient fait et cause pour le maoïsme ou les khmers rouges. Rien de tel aujourd'hui avec les jeunes révoltés des banlieues qui, à l'image de Mohammed Merah, n'entretiennent de relations qu'avec des policiers.

On se plaint souvent, pour la regretter, de la disparition des intellectuels. A voir les dérives de ces jeunes gens qui les conduisent à des attentats, à des meurtres ou à une plongée dans la délinquance ou la drogue, on comprend mieux le rôle qu'ils ont pu jouer. S'ils disaient des bêtises (et Dieu sait s'ils en ont dites), ils ont aidé les jeunes révoltés à penser leur révolte, à s'éduquer (à lire Marx, Lénine, Fanon…), à s'organiser mais aussi à prendre la parole et à s'intégrer dans le jeu démocratique. Ils ont noué des liens avec le reste de la société. Si la France a échappé dans les années 70 au terrorisme de la bande à Baader ou des Brigades rouges, elle le doit à l'influence apaisante de ces intellectuels, Sartre, Foucault… qui donnaient aux militants les plus radicaux d'autres solutions que la violence aveugle pour faire avancer leur programme.

On peut aujourd'hui regretter ou sourire des propos excessifs de tel ou tel représentant de l'extrême-gauche d'alors, on peut les dénoncer, reste qu'ils s'inscrivaient dans une structure débat qui confrontaient leurs auteurs à d'autres opinions. Les jeunes révoltés de nos banlieues d'aujourd'hui n'ont rien de tout cela. Parce qu'ils ne prennent pas la parole et que personne ne la prend pour eux, avec eux, ils s'enferment dans leur ignorance (du Coran ou de tout autre texte qui pourrait les aider à penser), ils vont chercher leur inspiration chez de piètres penseurs dont ils ne parlent même pas la langue et s'enferment dans la réaction la plus immédiate : la violence. Et cela les condamne à s'éloigner de plus en plus d'une société dont ils sont une "production" puisque nés, élevés et éduqués en France.

S'ils existaient, ces intellectuels ne seraient certainement pas commodes, ils nous obligeraient à nous interroger sur plusieurs de nos valeurs et, d'abord, puisque l'Islam semble être ce qui rapproche ces jeunes gens, sur la laïcité. On pourrait les accuser de tous les maux de la terre et les combattre, reste qu'ils nous forceraient à tenir compte de ces jeunes gens, de leurs aspirations et aideraient à les réintégrer dans une communauté nationale dont ils sont pleinement partie prenante.

Cannabis : le gouvernement tombe dans le piège

Jean-Marc Ayrault devrait se calmer. Répondant à une question de journaliste, Vincent Peillon explique qu'à titre personnel il serait favorable à une dépénalisation du cannabis :
Cette interrogation mérite d'être menée, et je suis très étonné parfois du côté un peu retardataire de la France sur un sujet qui pour moi est d'ampleur.
Immédiatement la droit s'enflamme tout comme la gauche : ce n'est pas dans le programme de François Hollande. La belle affaire! Le sujet n'est pas inintéressant et le programme de François Hollande n'est tout de même pas la bible.

Vincent Peillon aurait-il du se taire, mettre son opinion dans sa poche? Un ministre de l'éducation a peut-être de bons motifs de s'intéresser à cette question. Après tout, ce sont plutôt les jeunes qui fument.

Le Premier Ministre est tombé dans le piège que lui tendent depuis quelques semaines les journalistes politiques qui dénoncent son manque d'autorité. Il aurait pu se contenter de dire que le sujet n'était pas d'actualité. Il a voulu faire preuve de fermeté et, ce faisant, il a fait d'une phrase insignifiante un couac qui affole les parlementaires et nourrit le sentiment que ce gouvernement est un peu brouillon. Il aurait été tellement plus simple de reconnaître aux ministres une certaine marge de liberté dans leur expression…

Seul bénéfice : on parle de cela plutôt que de du budget, mais pour combien de temps?

samedi, octobre 13, 2012

La dénégation, les structuralistes et Aragon

Dans les années soixantes, les philosophes français se sont passionnés pour un texte court de Freud de 1925, Die Verneinung, la dénégation, dont il existe plusieurs traductions en français, dont une de Jean-François Lyotard.

On y lit :

"La façon dont nos patients présentent ce qui leur vient à l'esprit pendant le travail analytique nous donne l'occasion de faire quelques observations intéressantes. "Vous allez penser maintenant que je veux dire quelque chose d'offensant, mais je n'ai réellement pas cette intention". Nous comprenons que c'est le refus d'une idée qui vient d'émerger, par projection. Ou, "vous demandez qui peut être cette personne dans le rêve. Ma mère, ce n'est pas elle". Nous rectifions donc, c'est sa mère. Nous prenons la liberté, lors de l'interprétation, de faire abstraction de la négation et d'extraire le pur contenu de l'idée. C'est comme si le patient avait dit "pour moi, c'est vrai, ma mère m'est venue à l'esprit à propos de cette personne, mais je n'ai nulle envie de laisser prévaloir cette idée".

Je me suis souvent demandé la raison de cet intérêt un peu démesuré pour ce texte. Il me semble l'avoir découverte en lisant L'élégie à Pablo Neruda d'Aragon. Dans ce trés beau poème qu'Aragon a écrit au lendemain d'un trembleent de terre qui a ébranlé la maison de Neruda, il compare au moins implicitement le tremblement de terre aux tempêtes sous le crâne que la politique soviétique avait suscitées chez les intellectuels communistes et autres compagnons de route. Et ceci juste avant d'ecrire : surtout ne croyez pas qu'il y ait dans mes propos quoi que ce soit de politique.

J'imagine que tous ces intellectuels qui faisaient alors l'apologie des totalitarismes vivaient au quotidien cette ambiguïté que décrit Freud, d'où leur intérêt pour ce texte qui leur permettait de parler de manière abstraite, savante et tout à fait masquée de leurs tourments intérieurs.


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jeudi, octobre 11, 2012

Traité budgétaire européen : sauter pour mieux reculer?

On voit se développer depuis quelques temps chez les commentateurs et les partisans du Traité budgétaire européen un étrange argument que l'on pourrait résumer de la manière suivante : il faut le signer pour ne pas le respecter. On trouve cette variante de l'argument de Cohn-Bendit (il faut le signer pour rendre l'Europe plus démocratique) dans cet éditorial de Sébastien Julian dans l'Expansion titré "Un réajustement des objectifs budgétaires possible d'ici quelques mois" :

Jusqu'ici, seuls l'Espagne et le Portugal ont obtenu (un délai supplémentaire pour l'appliquer). (…) Les gouvernements français, italiens ou espagnol font encore mine de pouvoir respecter leurs engagements, même s'ils n'y croient plus. (…)  La France n'est pas encore en mesure de lancer le débat sur un éventuel délai, précise un diplomate. Mais d'ici à quelques mois, les pays européens auront validé le traité budgétaire. Ils pourront donc utiliser en toute légalité les souplesses de ce document, qui permet de s'affranchir de la règle d'or à cause de la récession. Par ailleurs, d'ici à 2013, l'Europe aura avancé sur les dossiers grec et espagnol, et le fonds de secours MES sera pleinement opérationnel. La France aura alors toutes les cartes en main pour demander un réajustement de ses objectifs budgétaires. Et le gouvernement français aura alors le FMI de son côté.

Le raisonnement est le suivant : avouer que la France ne respectera pas ses objectifs budgétaires serait saper les efforts entrepris ces derniers mois pour rassurer les marchés. Il en faut donc en passer par la signature. Mais une fois ce traité adopté il sera possible d'en renégocier l'application, d'introduire des délais supplémentaires pour tous. Et tout le monde sera alors content : les marchés qui auront réussi à imposer plus de rigueur à l'Europe, l'Allemagne qui aura fait avancer son modèle fédéraliste (là dessus, voir Rigueur en Europe, les bonnes raisons des Allemands) et les Européens qui auront retrouvé les coudées franches pour négocier des aménagements. Tout le monde pourra donc applaudir des deux mains. Seuls les citoyens (ceux, du moins, qui s'intéressent à ces questions) se sentiront (un peu) bernés. C'est que les logiques de la diplomatie s'accommodent mal des positions franches.


mercredi, octobre 10, 2012

Marine Le Pen en ministre de Sarkozy?

C'est un livre à paraître qui nous le dit, à la veille du débat de second tour entre François Hollande et Nicolas Sarkozy, l'équipe de celui-ci aurait imaginé de proposer à Marine Le Pen de devenir ministre de l'intérieur du prochain gouvernement de Sarkozy réélu. L'idée n'aurait jamais été proposée au candidat, mais elle en dit long sur l'inquiétude de ses collaborateurs les plus proches et sur la vision étrangement déformée de la droite et de ses électeurs qu'ils pouvaient avoir. Comment ont-ils pu une seconde imaginer que cela passerait comme lettre à la poste auprès des moins droitiers de leurs électeurs?

Le plus inquiétant dans cette affaire est que Camille Pascal, l'auteur de cette idée, ne vient pas d'un milieu d'extrême-droite : ses grands-parents ont été décorés de la médaille des justes à titre posthume. Il a été collaborateur de Philippe Douste-Blazy et de Dominique Baudis, deux politiques plutôt centristes qu'on n'a jamais classés à la droite de la droite. Ce n'est pas, comme d'autres, un ex d'Occident ou du Front National, un nostalgique de l'Algérie française ou un nationaliste borné, mais un homme de droite classique qui a fait sa carrière dans les médias. Ceci explique, d'ailleurs, peut-être cela. Reste que cela éclaire les propos copiés-collés du FN de Jean-François Coppé (dont la famille, qui ne vient pas non plus de l'extrême-droite, sait combien il convient de se méfier de ces dérives) : les barrières idéologiques entre la droite et l'extrême-droite sont tombées, ne restent que les "barrières de convenance", de bienséance. C'est  une très mauvaise nouvelle pour la droite dont tous les électeurs ne sont pas disposés à se laisser tirer ainsi du coté de la xénophobie et du nationalisme. Le centre à la Borloo a une chance historique de reconstituer une famille de droite libérale, centriste, européenne, 

lundi, octobre 08, 2012

Il n'y a pas si loin du Capitole à la roche tarpéienne

"La grande gabegie de l'ère Descoings" titre Le Monde à propos du dernier rapport de la cour des comptes, ce qui suscite chez moi une double question :

- comment se fait-il qu'on ne l'ait vu plus tôt alors qu'il suffisait de se promener dans le septième arrondissement pour voir comment Sciences-Po a successivement récupéré les locaux de l'ENA, de l'école des Ponts et Chaussées, du cours Pollés (ou de je ne sais quelle autre boite à bac installée boulevard Saint-Germain au 199) et pour s'interroger sur les ressources de l'école pour se lancer dans de tels investissements (question que je me pose d'autant que tous les membres de la Cour des Comptes et tous les responsables des tutelles sont passés par cette école qu'ils connaissent sur le bout des doigts);
- mais en même temps, pourquoi reprocher à Descoings ces largesses ? En quelques années cette école a changé de dimension, le nombre d'étudiants a explosé, on ne peut plus passer rue Saint-Guillaume sans entendre des jeunes gens parler quinze langues différentes.

Tout cela me rappelle les propos d'un chauffeur de taxi à propos de Jean-Michel Boucheron, le maire socialiste d'Angouléme accusé il y a quelques années de corruption : "c'est vrai qu'il n'a pas été très regardant avec les finances publiques et que nous devons aujourd'hui rembourser les emprunts, mais nous n'avons pas à nous plaindre, grâce à lui la ville a vraiment changé, regardez le lycée, le musée de la bande dessinée…", phrase que l'on entendait il y a quelques années à Lyon à propos de Michel Noir et que l'on entend peut-être à Levallois-Perret à propos des Balkany : "ce sont des voyous mais qui savent utiliser leur enregent pour le bien-être de tous."

Ce n'est évidemment pas une excuse, mais que vaut-il mieux? un comptable qui ne dépense pas un centime de plus que nécessaire et qui ne fait rien et un conquérant ambitieux mais peu regardant? Descoings mérite beaucoup d'indulgence pour tout ce qu'il a fait. Les entrepreneurs dans le monde de l'éducation ne sont pas si nombreux! 

dimanche, octobre 07, 2012

Mauvaise nouvelle pour les vins français

Mauvaise nouvelle pour les vins français, Nicolas (ou, plutôt, la maison mère de ce caviste) a vendu 38 de ses 46 magasins londoniens à une société dirigée par de ses anciens collaborateurs, Wines and Spirits. Pas grand chose a changé dans les magasins, dans ceux du moins que je connais, certains ont même conservé l'enseigne et l'on y parle toujours français, mais les vins français, s'ils sont toujours à l'honneurs, y sont bien plus concurrencés par des vins du nouveau monde, vins qui ne sont pas forcément moins bons. Les Anglais boivent bien de vin qu'autrefois, mais plus seulement des Bordeaux…

jeudi, octobre 04, 2012

Boutin et les handballeurs de Montpellier, même combat

A défaut de partager ses idées, on créditait Christine Boutin d'une certaine rigueur morale, voilà qu'il nous faut déchanter et la ranger du coté des handballeurs de Montpellier blessés que l'on puisse les accuser d'avoir triché quand ils pariaient (ou faisaient parier leur petite amie) contre leur club.
PARIS (Reuters) - L'UMP a promis de verser 800.000 euros à Christine Boutin en compensation du retrait de sa candidature à la présidentielle face à Nicolas Sarkozy, mais la présidente du Parti chrétien-démocrate (PCD) dément avoir été "achetée". L'ancienne ministre déclare dans l'hebdomadaire Valeurs actuelles, paru jeudi, qu'elle doit encore toucher trois chèques de 60.000 euros chacun d'ici à la fin du mois de novembre. "Après avoir touché ces trois chèques, l'UMP me devra encore 120.000 euros, dette que (François) Fillon devra honorer s'il est élu président du mouvement", explique-t-elle. Le parti avait déjà versé 500.000 euros sur les 800.000 euros promis. "J'ai malheureusement dû me battre pour commencer à en voir la couleur", dit-elle. Christine Boutin avait annoncé le 13 février dernier le retrait de sa candidature et son ralliement à Nicolas Sarkozy. "Tout candidat à l'élection présidentielle au premier tour touche de l'Etat 800.000 euros. A partir du moment où je me suis alliée à Nicolas Sarkozy, je lui ai demandé de porter mes idées, et naturellement (..) que l'UMP se substitue à l'Etat sur le montant de ces 800.000 euros parce que je l'avais intégré dans mon budget de campagne", a-t-elle expliqué jeudi sur Europe 1. La législation sur le remboursement des frais de campagne prévoit un dédommagement de 800.000 euros pour les candidats effectifs du premier tour de l'élection présidentielle qui ont obtenu moins de 5% des suffrages exprimés. "La campagne était engagée depuis le mois d'octobre et je peux vous dire que mes fournisseurs sont bien contents de pouvoir être payés et il a fallu que j'avance. Cet argent, je ne le touche pas personnellement bien sûr, c'est le Parti chrétien-démocrate, et c'est dans le cadre d'un échéancier tout à fait normal", a poursuivi Christine Boutin. Cette somme, a-t-elle assuré, "ce n'est pas pour le retrait de ma candidature". "Une campagne ça coûte cher". Christine Boutin, qui soutient Jean-François Copé pour la présidence de l'UMP face à François Fillon, assure que son ralliement est étranger à cet accord financier. "Je suis blessée que l'on ait pu imaginer une seule seconde que j'étais 'achetable'", déclare-t-elle dans Valeurs actuelles.
Je ne suis même pas sûr que l'on puisse parler de corruption au sens propre, juste, Boutin et son catholicisme intransigeant obligent, une pollution des âmes. Entre Copé qui empunte au Front National ses pires saillies et Boutin qui ne se fait pas acheter mais accepte tout de même de l'argent pour ne pas se présenter, l'état moral de la droite (de nos élites?) est désespérant.

L'Europe est déjà fédérale, ce qui explique beaucoup de choses

Avec la création de l'euro, de la BCE et Maastricht nous sommes entrés, sans vraiment le savoir et sans oser nous le dire, dans une Europe Fédérale.

On retrouve dans l'Europe telle qu'elle existe aujourd'hui tous les ingrédients du fédéralisme : des pouvoirs partagés entre Bruxelles, les Etats-nation et les régions, des institutions supra-nationales (la BCE, la Cour de Justice Européenne, le Parlement Européen, la Commission, le haut-représentant pour les affaires étrangères). Tout n'est pas encore lisible pour les Français qui ne connaissent pas bien ce type d'organisation, mais l'est bien plus pour les Allemands dont l'Etat est construit sur un modèle fédéral. Ce qui explique peut-être que l'Allemagne soit bien plus moteurs dans son développement.

Ce fédéralisme de fait a déjà eu de nombreuses conséquences. Il a contribué et continue de contribuer à l'effritement des Etats nation un peu partout en Europe, en Italie (avec la ligue du Nord), en Espagne, en Grande-Bretagne, en Belgique… La  France a échappé, pour des motifs institutionnels, historiques et culturels (une seule langue, une longue histoire commune, la laïcité…) à ce mouvement centrifuge, mais pas à l'érosion du sentiment national qui l'accompagne et qu'illustre le développement de l'évasion fiscale.

L'impact économique de ce fédéralisme est important, comme ont pu le montrer Charles Tiebout dans les années cinquante et, plus près de nous, à propos de la Chine, Barry Weingast et ses collaborateurs .

Ce que nous vivons aujourd'hui en Europe est une illustration de ce que Weingast a appelé le "market-preserving federalism" qui introduit la concurrence entre Etats, bride les gouvernements nationaux, protège les droits de propriété, interdit d'utiliser comme on voudrait l'arme monétaire, force à la rigueur budgétaire (nous y sommes), introduit la contrainte fiscale (nous y serons bientôt si nos voisins ne nous suivent pas dans les augmentations d'impôts) et facilite la mobilité du capital.

La crise n'explique pas seule les politiques aujourd'hui menées. L'autre jour, un journaliste demandait à Arnaud Montebourg pourquoi le gouvernement ne nationalisait pas Florange si cette usine méritait vraiment d'être sauvée. La question a surpris. Il y a quelques années, elle aurait été naturelle et le gouvernement s'y serait sans doute résolu. Dans une Fédération qui impose la rigueur budgétaire et interdit de faire fonctionner la planche à billets, c'est tout simplement impossible.

La France, comme d'autres, doit apprendre à se plier à de nouvelles règles du jeu plus contraignantes. Elle le fait dans la douleur.

Si l'on en croit les économistes qui se sont intéressés à ces questions (comme Quian et Weingast), le fédéralisme a contribué à la croissance rapide de la Chine. D'autres sont plus réservés comme Blanchard qui souligne dans Federalism with and without political centralization. China versus Russia (2000) le rôle déterminant d'un pouvoir central fort. Le cas européen sera naturellement différent, mais le mouvement est si bien engagé que l'on voit mal comment les crispations nationalistes peuvent le dérouter longtemps.  

Et maintenant, grâce aux pigeons, la compétitivité…

Lorsque j'ai, le week-end dernier, préparé ma chronique radiophonique sur la compétitivité, chronique que j'ai titrée Et maintenant la compétitivité, je me suis dit que j'étais un peu à contre-temps, que l'actualité, c'était le Traité européen et le budget, qu'il serait toujours temps d'en parler au moment de la sortie du rapport Gallois. J'avais tort de m'inquiéter (ou, plutôt, raison de choisir d'en parler) puisque dés le lendemain, Le Monde titrait sur les réflexions de l'Elysée sur le sujet. Réflexions menées en parallèle de celle de Louis Gallois? Probablement pas. Reste que le "timing", l'échéancier est étonnant : pourquoi ne pas attendre quelques semaines que Gallois et ses collègues aient eu le temps de terminer leur rapport?

La réponse est sans doute à chercher dans cette autre information qui occupe depuis 24 heures (guère plus) les journalistes économiques : le succès d'une pétition lancée par quelques entrepreneurs qui ne veulent pas payer plus d'impôts (les pigeons). Pétition dont ces journalistes répètent à l'envie les arguments (on va tuer l'esprit d'entreprise et le développement des start-up) sans une seconde s'interroger sur le modèle économique de ces start-up du secteur informatique (moteurs de cette pétition) qui ne se créent que pour mieux se vendre, qui ne créent le plus souvent aucune richesse (où est leur chiffre d'affaires?) et dont les fondateurs (et investisseurs) ne font fortune que parce qu'ils ont su impressionner les dirigeants de quelque grand groupe traditionnel qu'internet fascine alors qu'ils n'y comprennent pas grand chose.

Le gouvernement a bien envoyé au front Fleur Pellerin pour désamorcer la contestation et montrer qu'elle était surtout politique, cela n'a pas suffi. Il fallait un geste fort. L'annonce précipitée des 40 milliards de baisses de charges étalées sur cinq ans a fait l'affaire. J'imagine que de l'entendre a soulagé beaucoup de chefs d'entreprises et que cela a attristé la droite (il fallait entendre NKM sur le sujet, expliquant que ce serait une mauvaise idée sauf que c'était copié de Sarkozy). Mais le gouvernement a pris un risque : celui de s'obliger à réaliser ces baisses de cotisations sociales ou de se dédire et de décevoir.

mercredi, octobre 03, 2012

Ayrault ou la fadeur…

Il y a quelques années, Roland Barthes avait fait, à propos du Japon, l'éloge de la fadeur, thème qu'il a repris en 1978 au Collège de France dans une série de cours consacrée au neutre  (cours que l'on peut trouver sur internet ici). Dans ces cours, il parle du "désir de neutre" avant d'ailleurs de lire un texte de Joseph de Maistre sur la torture et à l'inquisition.

Je ne sais si Ayrault désire cette fadeur, mais c'est bien cette impression de neutralité, de fadeur qu'il donne et c'est d'ailleurs à la torture médiatique qu'il se trouve pour ce même motif soumis.

Barthes définissait le neutre comme ce qui déjoue le paradigme, c'est bien ce que fait notre premier ministre lorsqu'il refuse tout effet de manche, toute envolée vers l'imaginaire et assume, avec placidité, une sorte de platitude. Drôle de manière de faire de la politique. On a l'impression de retrouver l'un de ces dirigeants des pays nordiques gris, sérieux, solide mais terriblement ennuyeux et sans personnalité apparente. Fillon n'était pas un mousquetaire de la rhétorique, mais dans ce registre notre premier ministre le bat à plate couture.

Est-ce ce dont l'Europe et le pouvoir ont besoin dans ces moments de grand scepticisme? On peut en douter. Reste donc à Hollande, auquel on ne peut reprocher tout cela, de reprendre son baton de pèlerin.

mardi, octobre 02, 2012

Le Non à l'Europe annonce-t-il une renconfiguration de l'espace politique?

Dans une note de Telos et dans un entretien au Monde, Gerard Grumberg, spécialiste du PS, annonce la "rupture de notre système politique" : la gauche s'est brisée sur l'Europe comme la droite le fera demain (si ce n'est déjà fait). Il en conclut que "la notion de gauche n’a plus de signification politique déterminante au niveau de l’action gouvernementale." Et ajoute-t-il :
"S’il n’y a plus de gauche, il n’y a toujours pas de droite. Il y a des gauches et des droites. Et, aucun des problèmes essentiels que la France a aujourd’hui à résoudre ne passe plus désormais d’abord par un affrontement gauche/droite. Ce que la plupart des autres pays européens ont compris ou sont en train de comprendre, la France doit le comprendre à son tour. Ceci ne signifie pas que la gauche socialiste et la droite UMP sont d’accord sur tout ni qu’elles doivent cesser de s’opposer. Mais, ceci signifie que l’avenir de notre pays, dans les temps qui viennent, dépendra, pour une large part, des compromis que ces deux partis passeront, notamment sur l’avenir de l’Europe."
 On reconnait là un thème ancien qui situe l'avenir au centre, avec de chaque coté des extrêmes condamnées à l'impuissance et au populisme. Derrière cette thèse ancienne, on retrouve des idées assez largement répandues et que François Bayrou a portées tout au long de la dernière campagne électorale  : gauche et droite feraient in fine les mêmes politiques, des alliances entre l'une et l'autre sont nécessaires dans les moments de grande crise, des majorités d'idées sont sur de nombreux sujets possibles voire nécessaire.

Grunberg reconnait que son modèle est aujourd'hui freiné par le mode de scrutin qui force les deux blocs à se rapprocher. Il en conclut qu'il conviendrait d'introduire une dose de proportionnelle
"Si les deux grands partis veulent s’affranchir de la nécessité de nouer des alliances électorales avec les extrêmes, il faut donc modifier profondément le mode de scrutin afin de dé-rigidifier le clivage gauche/droite tout en permettant l’alternance. La proportionnelle est l’un des remèdes à cette situation. Il faut créer en effet les conditions où chaque parti sera libre au moment des votes au Parlement de créer des majorités d’idées."
Tout cela me parait pour le moins contestable. Prétendre que la position face à l'Europe structure la vie politique française me parait aller bien vite en affaires. Pour que ce soit le cas, il faudrait que cette position serve de colonne vertébrale à un ensemble de positions idéologiques. Or, je ne vois pas que ce soit le cas. Les nonistes de gauche peuvent se retrouver dans une manifestation mais quoi de commun entre les écologistes et les communistes sorti de ce non?

Le plus frappant dans ce qui se passe aujourd'hui est l'extrême fluidité des positions : Mélenchon était pour Maastricht, il appelle à voter non au Traité européen. Fabius a appelé à voter non au référendum sur l'Europe, il est aujourd'hui partisan du pacte budgétaire. Les écologistes qui appellent à voter non sont probablement le plus européen des partis français. Et ce qui est vrai des dirigeants politiques l'est de beaucoup d'électeurs.

Cette fluidité est renforcée par l'absence d'ancrage des partis qui soutiennent le non dans l'opinion. Le PC a disparu, les organisations syndicales qui portaient sa voix se sont faites bien discrètes. Les opinions sur l'Europe, quoique largement sceptiques, ne sont pas construites, consolidées, elles vont et viennent au sein d'espaces idéologiques qui restent marqués par une opposition de fond entre la gauche et la droite, opposition que le projet de budget du gouvernement illustre à merveille. S'il est confronté aux mêmes défis que ses prédécesseurs il a choisi des solutions radicalement différentes pour atteindre le même objectif : la réduction du déficit et la mise à l'abri des marchés.


lundi, octobre 01, 2012

Après Kennedy, Kadhafi?

On sait combien la mort de Kennedy a suscité d'enquêtes contradictoires, d'interrogations de toutes sortes, d'hypothèses et d'accusations plus ou moins voilées mais jamais confirmées (deuxième tueur, pétrolier, CIA…). La mort de Kadhafi pourrait bien susciter le même phénomène si l'on en croit le Correire della Sera repris par Mediapart : le dictateur aurait été tué dans l'ambulance après la capture par un agent secret français. Et de là à supposer que celui-ci aurait agi à la demande du pouvoir en place et, d'abord de Nicolas Sarkozy, pour cacher le financement de sa campagne électorale, il n'y a qu'un pas que tout dans l'article invite à franchir :
"Corriere della Sera cite ensuite les milieux diplomatiques internationaux en Libye, pour lesquels, si un service étranger avait un intérêt à la mort de Kadhafi, il ne pouvait s'agir que des Français. (…) La piste française prend d'autant plus de sens qu'elle renvoie aux accusations portées par les principaux dirigeants libyens eux-mêmes peu avant le déclenchement de la guerre sous l'impulsion de la France, en mars 2011. Mouammar Kadhafi, son fils Saïf al-Islam et un ancien chef des services secrets, Abdallah Senoussi, avaient en effet tous trois affirmé publiquement détenir des preuves d'un financement occulte du président français."
Vrai? Faux? Plausible ou pas? On imagine mal Nicolas Sarkozy ordonnant l'exécution d'un dirigeant qu'il avait connu et, semble-t-il, apprécié. Pas plus qu'on ne l'imagine, d'ailleurs, organisant, le guet-apens qui a mené DSK là où l'on sait, mais on n'imaginait pas non plus Balladur utilisant des rétro-commissions pour financer la sienne. Et comme il est probable que l'on n'aura, ni dans un cas ni dans l'autre, de confirmation le soupçon durera aussi longtemps que l'ombre de Nicolas Sarkozy pésera sur la scène politique.