mercredi, août 31, 2011

Bonnet d'âne pour Frédéric Lefebvre

Personne n'a jamais pris Frédéric Lefebvre pour un économiste. Et il dit comme tout un chacun des bêtises (plus souvent que d'autres, toutefois). Cette fois-ci il attribue notre taux de chômage élevé à la démographie : c'est parce que la France ferait plus d'enfants que l'Allemagne qu'il y aurait plus de chômeurs chez nous. C'est, bien évidemment, une sottise, une de ces évidences de bon sens que l'on émet en fin de repas lorsque l'on se laisse aller, entre tarte et digestif, à des propos définitifs sur des questions dont on ne sait rien. On lui pardonnerait donc s'il n'était ministre. Sa position devrait l'inciter à la prudence et à se garder de toute déclaration sur un sujet aussi sensible et difficile, surtout en ces temps de caméras partout. Il devrait laisser cette question délicate (de tous points de vue) à ceux dont c'est la fonction. Il y a un ministre du travail que l'on aimerait voir réagir. Peut-être pourrait-il lui rappeler que c'est parce que nous avons un peu plus d'enfants (et donc plus de travailleurs susceptibles de payer des cotisations sociales) que nos voisins que nous avons une réforme des retraites moins dure que d'autres.


Ce dérapage montre en tout cas que sur ce sujet, le gouvernement n'a pas développé "d'éléments de langage", faute sans doute d'une explication satisfaisante de notre fort taux de chômage structurel.  

Sarkozy m'a tuer : leçon pour le prochain Président

Lancement réussi pour le prochain livre de Lhomme et Davet (4 pages et un éditorial dans Libération dont la formule change lentement sous nos yeux, c'est la deuxième fois en quinze jours qu'un livre fait l'objet de pareil traitement) : Sarkozy m'a tuer, livre faits d'entretiens avec des personnalités que Nicolas Sarkozy a poursuivies de sa vindicte et dont il a cassé la carrière. La vedette de ce livre, si j'en crois Libé (mais le livre ne sort que demain, je ne l'ai donc pas lu), est Isabelle Prevost-Déprez, cette juge d'instruction qui a traité un temps de l'affaire Bettencourt. Elle affirme qu'un des témoins, l'infirmière de Madame Bettencourt, aurait dit à sa greffière, après son audition, avoir vu Nicolas Sarkozy recevoir de l'argent des mains de Madame Bettencourt. Ce sera parole contre parole, et il n'en sortira probablement pas grand chose, mais cette révolte de la juge (et sans doute des autres fonctionnaires dont parle ce livre) est inédite. En général, les hauts fonctionnaires mécontents des politiques réservaient leurs piques pour leurs conversations privées (je me souviens, entre tant d'autres, de ces confidences acerbes d'un ancien patron de la SNCF qui racontait comment il avait du faire avancer le projet TGV en cachette de Giscard qui y était, dit-il, totalement opposé). Ils acceptent aujourd'hui d'en parler en public et trouvent des journalistes et des éditeurs prêts à publier et à faire connaître ces confidences. Et pas seulement vingt ans plus tard, une fois à la retraite, mais alors qu'ils sont encore en activité. Cela signifie tout à la fois la volonté d'autonomie et d'indépendance de ces fonctionnaires et, notamment, des magistrats et la perte de considération et d'autorité des politiques. Si Madame Prévost-Desprez avait le moins du monde respecté la fonction présidentielle, elle se serait tue. Et son exemple, celui des autres fonctionnaires cités dans ce livre, feront sans doute des émules. Le prochain Président devrait y penser et tenter de renouer ce lien de confiance et de respect entre la haute administration et le pouvoir politique sans lequel un Etat ne peut correctement fonctionner. Car, il ne faut pas s'y tromper, l'éclat de Madame Prévost-Desprez est un symptôme : combien de fonctionnaires, dans leur coin, refusent d'appliquer ou appliquent a minima des mesures qu'ils jugent mauvaises?  

lundi, août 29, 2011

Que regarde donc Ségolène Royal?

Les photos sont un peu comme l'inconscient des journalistes. Pourquoi choisir celle-ci plutôt que celle-là? Pourquoi, par exemple, Libération a-t-il choisi de publier ce matin cette photo où l'on voit le regard de Ségolène Royal, mince et élégante, un peu ironique, s'attarder sur les rondeurs callipyges de Martine Aubry (vacherie de fille soulignée par un macho?) tandis que Manuel Valls regarde désespérément ailleurs ?


Ou est-ce parce que sur même cette photo, François Hollande parait avancer seul vers son destin, les épaules déjà courbées par la difficulté de la tâche?




dimanche, août 28, 2011

François Hollande, Martine Aubry, une bataille de personnalités


François Hollande semble mieux s’en tirer que Martine Aubry dans les derniers sondages sur les primaires socialistes. Sondages qu’il faut naturellement prendre avec prudence, comme nous le disent et le répètent les commentateurs. Mais dans la mesure où les deux candidats ont, par force, un programme voisin, celui du PS (ainsi en ont décidé ceux qui ont tout fait pour que le PS ait un programme avant que ses candidats se déclarent, sans doute pour éviter que DSK ne les entraîne trop «à droite»), la différence se fait sur les personnalités. Et ce qui les distingue n’est sans doute pas négligeable. Martine Aubry a attaché son nom à la réforme des 35 heures. On le lui reproche (trop souvent, après tout cette réforme était populaire, elle a créé des emplois et a été réussie), mais ce devrait être un atout : elle a montré qu’elle savait mener une réforme et conduire le changement, avec ténacité, vigueur et force sans jamais céder malgré une opposition déterminée. François Hollande mène depuis des mois une campagne sur la réforme fiscale et la rigueur qui le met en phase avec la situation actuelle. On lui reproche son art du compromis et de la synthèse pendant qu’il était premier secrétaire du PS. Mais là encore, on devrait le créditer d’avoir su maintenir un parti profondément divisé, traversé de haines farouches entre les héritiers de Mitterrand. Ni l’un ni l’autre n’ont donc démérité.  Reste à savoir ce dont la France et les Français le plus besoin dans les années qui viennent, d’une Présidente qui n’hésite pas à violer l’opposition pour faire les réformes qu’elle juge pertinentes ou d’un Président qui apaise les conflits, qui reste toujours courtois, n'hésite pas à faire rire et sait rendre la politique joyeuse. Les sondages semblent suggérer que dans la phase difficile qui se présente les Français préfèrent quelqu’un de drôle, d’attentif aux souffrances et aux difficultés des uns et des autres, quelqu’un d’humain, comme disait la mère de Tristane Banon. 

jeudi, août 25, 2011

L'Etat crée-t-il du chômage

Dans la même intervention que je citais dans un post précédent, Pissarides se demande pourquoi l’Europe a créé moins d’emplois que les Etats-Unis? question classique à laquelle il apporte une réponse originale : parce qu’elle en a moins créés dans les service, l’éducation et la santé. Et pourquoi? parce que ces activités y sont largement dominées par l’Etat qui les finance. Les coûts en sont élevés, les contribuables insistent donc pour qu'ils soient maîtrisés. On n’a pas cette contrainte aux Etats-Unis où ces services sont fournis par le secteur privé : des coûts plus élevés de l’éducation et de la santé permettent de créer plus d’emplois. Mais ceci a un revers : tout le monde n’en profite pas. Ce qui me fait penser à une conversation avec un banquier anglais qui me disait que ses collègues étaient hostiles à la gratuité de l’enseignement dans les lycées français à l’étranger : si c’était payant, ils étaient assurés d’avoir une place pour leurs enfants, si c’était gratuit, les critères appliqués ne leur garantissait pas une place...

Il faudrait donc, si je comprends bien ce que suggère Pissarides choisir entre chômage et inégalités. Un choix désespérant. Mais peut-être ai-je mal compris. Je l’espère.


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Un Prix Nobel, la durée du travail et le chômage

Le rédacteur de la rubrique Free Exchange de The Economist est actuellement à Landau, ville d’Allemagne où se réunissent régulièrement des économistes de haut vol. Parmi ceux-ci, Chris Pissarides, l’un des trois lauréats du prix Nobel d’économie en 2010. Spécialiste du marché du travail enseignant à la LSE, il explique que, à l’inverse de la vulgate économique, l’allongement de la durée du travail n’est pas forcément synonyme de création d’emplois. Bien au contraire, il montre que la Grèce, pays au taux de chômage élevé (54% seulement de la population en âge de travailler a un emploi) a également une durée du travail élevée (1135 heures par an en moyenne pour ceux qui ont un emploi) tandis que les Pays-bas, pays au taux de chômage relativement faible (75% de la population en âge de travailler a un emploi) ont une durée du travail courte (1066 heures par an). En Grèce, explique-t-il, une réglementation qui rend difficile le recrutement en temps partiel freine le recrutement de personnel lorsque le besoin s’en fait sentir : l’employeur préfère donner plus de travail à ses personnels. A l’inverse, l’économie hollandaise ajoute des emplois chaque fois que la charge de travail augmente. Elle est donc plus efficace.

Je ne suis pas sûr que Pissarides irait jusqu’à défendre la réduction du temps de travail, il milite plutôt pour l’introduction de plus de flexibilité dans le contrat de travail. Dans un papier de 2008 (The Ins and Outs of European Unemployment), il attribue le chômage en France à une réglementation qui protège les salariés et rend leur licenciement difficile, mais son exemple apporte de l’eau au moulin de tous ceux qui pensent que la promotion des heures supplémentaires était une sottise et qu’il faut revenir dessus.

J’ajouterai qu’en ces matières, il faut être prudent tant les statistiques du chômage peuvent être trompeuses. Dans plusieurs pays, la réalité du chômage est masquée par toute une série d’artifices : prisonniers américains (0,7% de la population), handicapés néerlandais (9% de la population était considérée comme inapte au travail aux Pays-Bas en 2003 du fait d’un handicap contre 4,1% en Allemagne), étudiants français…


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mardi, août 23, 2011

La crise de la dette et les programmes électoraux

Le poids de la dette publique devrait amener les candidats à la prochaine élection présidentielle à revoir profondément leurs programmes. Il n’y a pas mille solutions pour s’en sortir : la mutualisation qui l’étale sur un plus grand nombre de pays mais suppose un approfondissement de la construction européenne qui ne dépend pas seulement de nous, l’inflation contre laquelle la BCE luttera bec et ongle, l’augmentation drastique des impôts ou la diminution, tout aussi drastique des dépenses publiques. Autant de sujets qui devraient donner aux politiques l’occasion de débats intéressants.

On peut imaginer que la droite mettra l’accent sur la réduction des dépenses. Dans sa dernière livraison, Le Point rappelait ce qu’écrivait Claude Imbert, un de ses fondateurs, en 1992 : «Dans l’Etat français, la graisse de l’assistance a ruiné le muscle de l’autorité… il faut maigrir l’Etat avant qu’il ne nous entraîne dans la misère» et, quelques années plus tard, un autre de ses éditorialistes, Nicolas Baverez : «La France reste le dernier pays développé à refuser de moderniser son modèle économique et social.»

Sous leur plume, moderniser est un euphémisme pour couper dans les aides, prestations sociales et autres dépenses publiques. C’est heureusement (ou malheureusement) plus facile à dire qu’à faire : les amis d’Imbert et de Baverez sont au pouvoir depuis de nombreuses années et bien loin d’avoir réduit les déficits, ils les ont creusés malgré la multiplication des partenariats public-privé, la vente d’une partie du patrimoine national, le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux, la fermeture d’hôpitaux et le déremboursement de dizaines de médicaments.

Les difficultés majeures à laquelle s’est heurtée la droite sont sa politique fiscale qui, sous couvert de favoriser l’investissement, a creusé les inégalités et réduit les recettes, son incapacité à imposer aux lobbies et groupe de pression de toutes sortes sa loi, mais aussi la décentralisation qui a dispersé les centres de décision et donc les sources de création de l’endettement.

La gauche aura d’autres difficultés, mais elle se heurtera comme la droite à un problème majeur que met bien en évidence l’étude que viennent de publier deux chercheurs de la Brookings Institution, Eswar Prasad et Mengjie Ding, repris dans le Financial Times (Debt burden in advanced economies now a global threat, FT, 31 juillet 2011) : la question démographique. Les pays développés vont devoir faire face dans les années qui viennent à un double défi qui n’est pas fait pour faciliter la question de la dette : une augmentation des dépenses de santé, du fait du vieillissement de la population et une croissance faible voire négative de la population active (elle était de 27, 6 millions en 2005, elle sera de 28, 5 millions en 2050 d’après les projections de l’INSEE en France pour un taux d’activité inchangé de l’ordre de 70% des 15-64 ans). Il n’y aura plus en 2050 que 1,4 actif pour un inactif contre 2,2 en 2005. Ce qui en pratique veut dire que le poids de la dette pèsera de plus en plus lourd sur les actifs et notamment sur ceux qui entrent aujourd’hui sur le marché du travail.

Cela devrait inciter la gauche à la prudence quant aux promesses sur le retour à la retraite à soixante ans mais aussi amener ses candidats à travailler :

- sur la réduction des coûts de la santé et de la dépendance. Sauf à imaginer une euthanasie généralisée ou une réduction de l’espérance de vie (qui n’est pas forcément impossible comme l’ont suggéré plusieurs études, notamment celles de Jay Olshansky, qui mettent en avant l’impact de l’obésité sur l’espérance de vie), il va bien falloir trouver une solution pour maîtriser des coûts appelés à augmenter avec le vieillissement de la population. Une piste pourrait être la rationalisation des filières du médicament qui favorisent la surconsommation médicamenteuse chez nous (le médicament représente à peu près 20% du coût de la santé en France). Les marges de progrès sont considérables : si  90% des consultations de médecins se traduisent par une ordonnance chez nous, ce n’est le cas que de 43% de celles-ci aux Pays-Bas. Mais cela suppose d’agir tout au long de la chaîne, sur l’industrie pharmaceutique, sur la distribution (pourquoi vendre plus de médicaments qu’en a vraiment besoin le malade?), sur les pratiques des médecins, sur la demande des patients. Une autre piste devrait être la lutte contre les comportements qui favorisent la dégradation de la santé. Comme l’explique Michel Grignon dans une étude sur les conséquences du vieillissement de la population sur les dépenses de santé (Questions d’économie de la santé, mars 2003), «si l’allongement de la vie s’accompagne d’une amélioration de l’étant de santé, l’accroissement de la proportion de personnes âgées conduira à une augmentation moindre de la dépense par tête. Réciproquement, si l’amélioration de l’état de santé par âge est «achetée» par un accroissement de l’intensité des soins, l’augmentation de la proportion de personnes âgées pourrait se traduire par une augmentation forte de la dépense par tête» ;

- et sur la manière d’augmenter la proportion d’actifs dans la population, ce qui passe par la lutte contre le chômage mais aussi par une ouverture des frontières à l’immigration. Ce qui va exactement à l’encontre de la thèse dominante à droite qui associe immigration et destruction de l’emploi mais aussi à l’encontre de ceux qui accepteraient une immigration de travailleurs qualifiés dont nous manquons : du fait de notre système scolaire qui maintient longtemps jeunes et moins jeunes à l’écart du marché du travail, nous avons aussi et surtout besoin de travailleurs dans des emplois peu qualifiés et mal rémunérés que refusent ceux qui ont eu la chance de faire des études plus ou moins longues. Là encore la crise de la dette devrait amener à des révisions déchirantes des programmes conçus avant qu'elle n'explose.




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lundi, août 22, 2011

L'étrange stratégie de Manuel Valls

Chacun des candidats socialites tente de se différencier. Arnaud Montebourg joue, avec un certain succès la partition imagination : il amène de nouvelles idées, comme la VIème République, la démondialisation, Ségolène tente de construire sur les thèmes de sa précédente campagne (ordre juste, quartiers populaires...), Aubry semble avoir fait le pari de la compétence et Hollande celui du sérieux austère dans un mélange de Jospin et de Mendés-France. Ces stratégies devraient leur permettre de se différencier dans les mois qui viennent et de séduire les électeurs de gauche sans insulter l'avenir. Toutes sont, en tout cas, compréhensibles et plutôt en phase avec leur personnalité. Celle retenue par Manuel Valls laisse, au contraire, rêveur. Chauque fois qu'il en a l'occasion il se met en porte-à-faux et reprend pour leur trouver quelque vertu des propositions de la droite. Dernier exemple : ses déclarations sur la "régle d'or". Mais qui compte-t-il donc séduire à gauche avec ce type de déclaration? Car c'est bien les électeurs de gauche qu'il faut séduire dans ces primaires! pas ceux qui hésitent entre la droite et la gauche.


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samedi, août 20, 2011

Le tango des marchés et de la social-démocratie

Le comportement des marchés boursiers donne le tournis tant ils nous envoient d'informations inattendues, contre-intuitives. On les croyait farouchement hostiles à l'impôt et voilà qu'ils sanctionnent impitoyablement les Etats qui les ont trop diminués. On les pensait les meilleurs amis des banquiers et voila qu'ils dégradent si violemment la valeur des banques (-49% pour la Société Générale, -42% pour le Crédit Agricole en moins de 2 mois) que l'on en vient à se demander s'ils n'anticipent pas (ne poussent pas? ne désirent pas?) leur nationalisation.

Ils voteraient pour le retour des bonnes vieilles solutions socio-démocrates qu'ils ne s'y prendraient pas autrement...


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vendredi, août 19, 2011

Relire Voltaire en ces temps d'affolement

La dette affole. Après les gouvernements voilà que les ultra-riches s'inquiètent et que des nouveaux venus en politique comme Laurence Vicniewski en viennent à jeter par dessus bord l'essentiel du programme de leur parti.Verra-t-on bientôt l'Elysée mettre en vente son argenterie? Il y a un précédent qu'a décrit Voltaire dans un texte qui pourrait presque presque passer pour un modèle : d'abord la dette, puis la vente des actifs de l'Etat, enfin l'inflation.

"Mais, lorsqu'en 1688 on fut replongé dans la guerre, et qu'il fallut se soutenir contre la ligue d'Augsbourg, c'est-à-dire, contre presque toute l'Europe, il (Le Pelletier, ministre des finances) se vit chargé d'un fardeau que Colbert avait trouvé trop lourd : le facile et malheureux expédient d'emprunter et de créer des rentes fut sa première ressource. Ensuite on voulut diminuer le luxe, ce qui, dans un royaume rempli de manufactures, est diminuer l'industrie et la circulation ,-et ce qui n'est convenable quà une nation qui paie son luxe à l'étranger. Il fut ordonné que tous les meubles d'argent massif, qu'on voyait alors en assez grand nombre chez les grands seigneurs , et qui étaient une preuve de l'abondance, seraient portés à la monnaie. Le roi donna l'exemple: il se priva de toutes ces tables d'argent, de ces candélabres , de ces grands canapés d'argent massif, et de tous ces autres meubles qui étaient des chefs-d œuvre de ciselure des mains de Ballin, homme unique en son genre , et tous exécutés sur les dessins de le Brun. Ils avaient coûté dix millions ; on en retira trois. Les meubles d'argent et l'orfévrie des particuliers produisirent trois autres millions. La ressource était faible. On fit ensuit une de ces énormes fautes dont le ministère ne s'est corrigé que dans nos derniers temps; ce fut d'altérer les monnaies, de faire des refontes inégales, de donner aux écus une valeur non proportionnée à celle des quarts : il arriva que, les quarts étant plus forts, et les écus plus faibles, tous les quarts furent portés dans le pays étranger; ils y furent frappés en écus, sur lesquels il y avait à gagner, en les reversant en France. Il faut qu'un pays soit bien bon par lui-même, pour subsister encore avec force, après avoir essuyé si souvent de pareilles secousses. On n'était pas encore instruit : la finance était alors, comme la physique, une science de vaines conjectures. Les traitants étaient des charlatans qui trompaient le ministère; il en coûta quatre-vingts millions à l'Etat. Il faut vingt ans de peines pour réparer de pareilles brèches." (Le siècle de Louis XIV)

La finance et l'économie ont fait de grands progrès mais on a parfois le sentiment que ce sont toujours des "sciences de vaines conjectures."


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lundi, août 15, 2011

La dette, la gauche, l'impôt et les classes populaires

Les principaux candidats socialistes ont donc choisi de lutter contre l'endettement. Ils le feront en supprimant les niches fiscales, en augmentant l'impôt des plus riches (et, peut-être des sociétés) en touchant a minima à la fonction publique et aux dépenses sociales. Programme conçu pour protéger les classes populaires et éviter que ne se creusent un peu plus les inégalités. Programme responsable, raisonnable qui associe souci de l'équité et compétence. Programme qui pourrait cependant se heurter aux réserves, voire à l'opposition d'une bonne partie de ces classes populaires qu'il vise, cependant, à protéger.

Plusieurs phénomènes bien analysés par les sciences sociales peuvent contribuer à expliquer ce paradoxe :
- le sentiment de distinction : les pauvres sont rarement ravis de voir plus pauvres qu'eux bénéficier de mesures qui aident ceux-ci à les rattraper : les plus hostiles à l'augmentation du salaire minimum sont souvent ceux qui ont juste un peu plus et qui craignent une "dégradation" de leur statut ;
- ce même sentiment de "distinction" peut amener les classes populaires à accepter la baisse des financements accordés au SAMU social si celui sert surtout à aider des familles africaines comme les reportages sur les récentes manifestations du DAL à Paris ont pu en donner l'impression (n'étaient interviewées que des africaines en boubou) ;
- les mécanismes de défense et le refus d'insulter l'avenir : s'opposer à l'augmentation d'impôts qu'on ne paiera pas peut être une manière de se dire : tout n'est pas perdu, j'ai moi aussi une chance de devenir riche...
- le sentiment de justice qui peut conduire à préférer perdre un avantage plutôt que de voir d'autres en obtenir un plus important comme le montrent tous ces jeux où l'on propose à deux joueurs une somme qu'ils obtiendront s'ils tombent d'accord sur un partage. Si l'un veut s'approprier 70%, l'autre préfèrera souvent abandonner 30% plutôt que de voir l'autre avoir plus que lui.

Cela ne veut pas dire que les projets socialistes devraient être abandonnés mais qu'il faudra donner de bons arguments pour les vendre.

Le pouvoir, l'infidélité et la psychologie

Cinq chercheurs de l'Université de Gottingen aux Pays-Bas (Lammers & alii) viennent de publier dans APS, une revue savante de psychologie, une étude statistique très fouillée sur les relations entre pouvoir et infidélité. Réalisée sur un échantillon d'un peu plus de 1200 cadres, cette enquête montre que plus on occupe un poste élevé plus on a de chance d'être infidèle, et ceci que l'on soit homme ou femme. D'après les auteurs, cela viendrait de cette plus grande confiance en soi que donnerait le pouvoir et non, pas, comme ils l'avaient également envisagé, d'une moindre sensibilité au risque ou d'une plus grande distance à l'égard de son partenaire. Voila qui éclaire l'affaire DSK mais aussi tant d'autres scandales sexuels au sommet même s'il reste bien d'autres hypothèses à envisager comme l'abus d'autorité, le relâchement du contrôle conjugal, le plus grand nombre d'opportunités, la séduction que donne le pouvoir. Avec un peu de chance, leur papier donnera à d'autres l'envie d'aller un peu plus loin.


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dimanche, août 14, 2011

Agences de notation : s'en prendre au messager...

Les réactions des médias et des politiques de ces derniers jours sont surprenantes. On peut dire ce que l'on veut des agences de notation, souligner à l'envie leur incompétence, leurs biais, reste qu'elles ne font qu'exprimer les doutes des marchés, c'est-à-dire des créanciers des Etats sur leur capacité à réduire leur endettement massif. Plutôt que de taper sur des institutions très perfectibles, ces Etats et leurs dirigeants devraient plutôt s'interroger sur leur incapacité à équilibrer recettes et dépenses. Mais quand on entend Baroin nous expliquer qu'il ne sera pas question de relever les impôts, on se dit qu'on est bien loin du compte.


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samedi, août 13, 2011

La dette, le travail au noir, la fraude fiscale...

A-t-on remarqué que deux des pays les plus menacés par la crise de la dette, la Grèce et l'Italie, sont aussi deux des champions du monde du travail au noir, de la fraude et de l'évasion fiscale? Ces deux pays ne seraient sans doute pas dans la même situation s'ils se contentaient de faire appliquer leurs lois, mais cela voudrait dire lutter contre la corruption et le laxisme administratif qui les minent et dont Berlusconi aura sans doute été le plus grand bénéficiaire. Qu'il soit aujourd'hui condamné à prendre des mesures d'austérité est pour le moins ironique.

Fraude et évasion fiscales + dépenses publiques = déficits publics et endettement.


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vendredi, août 12, 2011

La crise de la dette va-t-elle réhabiliter l'impôt?

Le Monde a publié le 10 aout deux graphiques extrêmement intéressants sur la profession de la dette française. On y découvre que la dette se creuse quand la droite est au pouvoir et qu'elle se réduit quand c'est la gauche. L'explication la plus simple est que la gauche augmente les impôts et maintient les dépenses, tannique la droite réduit ceux-ci sans réussir, malgré toutes ses promesses à réduire celles-là. Et pour cause, couper dans les dépenses revient à heurter de front tous ceux qui en vivants, fonctionnaires, bien sur, mais aussi corporations de toutes sortes qui vivent des investissements de l'Etat.

Faufil le dire? On ne sortira de cette crise qu'en augmentant les impôts. Reste à trouver la meilleure manière de le faire.


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lundi, août 08, 2011

La dette, l'impôt

Tous nos pays sont terriblement endettés. Sans doute parce que nos Etats dépensent trop : on parle beaucoup des dépenses sociales mais il y a bien d'autres choses, comme ces expéditions militaires qui n'aboutissent à rien et... ces baisses massives d'impôt pour les entreprises et les plus fortunés. Ne faudrait-il pas aussi regarder de ce coté?

dimanche, août 07, 2011

Le tournant ouvriériste du FN et les professions indépendantes

Le tournant ouvriériste du FN fait oublier que l'essentiel de ses forces électorales a longtemps été à rechercher du coté des travailleurs indépendants, commerçants et artisans. Le Pen est lui-même issu du poujadisme, mouvement politique né de la révolte de cette classe sociale qui pouvait se reconnaitre dans le programme économique du FN d'il y a quelques années que Marine Le Pen a, semble-t-il, choisi d'abandonner.

Cette catégorie sociale dont le poids électoral n'est certainement pas négligeable (il y a à peu près 400 000 artisans et 350 000 commerçants en France) n'est évidemment pas homogène mais très massivement à droite et facilement portés au populisme pour toute une série de raisons.

Si rares sont ceux qui souffrent de la globalisation, beaucoup sont dans des situations économiques au moins potentiellement difficiles, même si c'est pour des raisons différentes : progrès technologique (imprimeurs, photograveurs, professionnels de la photographie...), concurrence fiscale du travail au noir, des immigrés d'Europe de l'Est, des entrepreneurs individuels qui bénéficient d'une exonération de TVA (métiers du bâtiment), développement du commerce moderne (métiers de bouche...), augmentation des prix du foncier qui les chasse des centre-ville où sont installés leurs clients (métiers de service...), difficultés de financement et de transmission de leur affaire....

Tous sont affectés par la montée de la réglementation et du contrôle sur leur activité qu'il est facile d'attribuer à Bruxelles et les rend facilement anti-europeens. Ils y sont d'autant plus sensibles qu'ils ne sont pas équipés, à l'inverse des entreprises plus importantes, des ressources pour y faire face.

Tous ont développé une idéologie de l'entrepreneur qui se fait par lui-même, qui doit tout à ses efforts. Idéologie que renforce une révolte permanente plus ou moins latente contre l'Etat qu'il leur est plus facile qu'à d'autres de voler (fraude fiscale...). Cette idéologie est en général associée à une critique des fonctionnaires considérés comme des profiteurs paresseux, des élites et des "gros". Critique en permanence nourrie dans leurs assemblées professionnelles (syndicats...) dont les congrès se gagnent toujours à droite, du coté du plus poujadiste.

Pour tous ces motifs, beaucoup se retrouvaient dans les discours démagogiques du FN ancienne manière. Se retrouvent-ils dans ceux, plus "sociaux" du FN nouvelle manière? Il est bien trop tôt pour le dire, surtout en l'absence de toute enquête, sondage sur le sujet. Mais on ne peut exclure que certains se tournent vers une droite plus classique, pour peu que celle-ci se prenne à les écouter. Ce serait pain béni pour Nicolas Sarkozy dans sa reconquête du pouvoir.

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jeudi, août 04, 2011

Takieddine : l'affaire qui ne "prend" pas

Mediapart continue ses révélations sur l'affaire Takieddine, toutes plus compromettantes les unes que les autres pour le Président de la République et ses proches. Cela pourrait (devrait?) faire scandale. Mais non rien. Ce n'est pas que la presse quotidienne évite le sujet : Libération a consacré ces dernières semaines 11 articles au sujet, le Figaro, 13. Seul le Monde se fait discret : je n'ai compté qu'un seul article en interrogeant la base de données du Monde.fr. La plupart de ces papiers reprennent les informations publiées par Mediapart. Et pourtant, rien ne se passe. Radios et télévisions sont silencieuses, mais elles prennent en général le train en marche, ce n'est donc pas surprenant. Pourquoi donc, cette quasi-omerta sur une affaire qui pourrait faire de gros titres et vendre du papier?

Est-ce parce que nous sommes en vacances? et que les journalistes politiques capables de l'exploiter sont absents de Paris? C'est une hypothèse. On peut en imaginer d'autres et y voir, par exemple, l'effet de la concurrence entre journalistes. Edwy Plenel et son équipe ont choisi un type de journalisme, à base de reprises de dossiers fournis par des juges, des policiers… qui peut agacer leurs collègues. Surtout si les sources de Médiapart leur sont fermées et peut-être sulfureuses (comment exclure qu'une partie de ces informations ne soit d'origine libyenne?). Mais le plus probable est que pour qu'un scandale de ce type prenne forme, il faut que les politiques s'en mêlent, qu'ils interpellent le gouvernement et donnent du grain à moudre aux éditorialistes. Or, les ténors du parti socialiste sont occupés à autre chose et ne souhaitent pas se voir accuser à leur tour de jeter des boules puantes. Marine LePen, si prompte d'ordinaire à sauter sur le moindre cheval, est, elle aussi, étrangement absente. On verra bien ce qu'il en est en septembre. Mais si l'affaire était insignifiante, la droite s'en serait saisie pour la désamorcer pendant l'été. Si les faits sont avérés et confirmés, la campagne de son candidat risque d'en être sérieusement affectée.



mercredi, août 03, 2011

Twitter et langue de bois

Tous les politiques se sont mis à Twitter. Et tous ou à peu près, ont relativement peu de followers, avec une prime pour François Hollande (18 250 followers ce matin), suivi par Arnaud Montebourg (15 745) et Ségolène Royal (14 431) que talonne Daniel Cohn Bendit (14 245). Martine Aubry vient derrière (12 645) devant Eva Jolly (9825) qui écrase Melenchon (2719). A droite c'est encore pire : le site Sarkozy 2012 n'a que 5818 followers tandis que Marine LePen n'en a que 75.

Ces chiffres disent probablement plus sur la sociologie des militants et partisans des uns et des autres que sur leur réelle popularité ou l'intérêt de leur campagne. On peut, à la lecture de ce palmarès (qui peut être amené à changer à tout moment) penser que les soutiens de François Hollande ou de Montebourg sont plus jeunes et plus urbains que ceux d'Aubry ou Mélenchon.

Pour ce qui est du contenu, seule Martine Aubry fait un peu preuve d'originalité en publiant les photos de ceux de ses partisans qui sont partis en vacances au Liban. Pour le reste, c'est langue de bois + langue de bois, avec un coté plus dialogue avec ses lecteurs chez Mélenchon ("La politique actuelle n'oublie pas de sacrifier ton salaire et la démocratie au profit d'une poignée d'Oligarques").

Manifestement nos hommes politiques n'ont pas trouvé la bonne recette pour utiliser cet outil qui n'est certainement pas fait pour développer de longs argumentaires. Hollande qui a de l'humour pourrait s'essayer à inventer des slogans qui fassent rire et donnent envie à ses lecteurs de les reprendre. Martine Aubry pourrait tourner en dérision les rumeurs sur son compte. Mais non, rien de tout cela.

On sent à lire tous ces tweets qu'ils s'y sont mis parce que leurs conseillers en communication leur ont dit que c'était nécessaire d'être sur internet. Il va falloir qu'ils apprennent s'ils veulent nous convaincre de nous abonner.

mardi, août 02, 2011

lundi, août 01, 2011

Obama, Sarkozy, deux Présidents qui mangent leur chapeau

Je viens d'apprendre que l'expression "manger son chapeau" était une traduction littérale du très britannique "I'll eat my hat if..." que l'on trouve dans les Pickwick papers de Dickens dans un passage qui n'est pas sans rappeler, étrangement, l'Ulysses de Joyce : "If I knew as little of life as that, I'd eat my hat and swallow the buckle whole, said the clerical man."

Mais peu importe ces digressions littéraires, Barack Obama vient de manger son chapeau. Il n'est pas le seul à devoir faire le contraire de ce qu'il jugeait bon ou de ce qu'il avait promis il n'y a pas si longtemps encore. Nicolas Sarkozy est dans une situation toute voisine, comme l'ont rappelé tous les papiers qui ont fêté le premier anniversaire du discours de Grenoble sur la sécurité.

Il y a, cependant, entre les deux Présidents une vraie différence. Barack Obama recule sous la contrainte : il ne peut pas faire passer ses projets au Parlement depuis que les Républicains les plus conservateurs contrôlent la chambre des représentants. On peut, cependant, lui reprocher des erreurs tactiques, comme faisait ce matin Paul Krugman dans un éditorial du New-York Times intitulé The President Surrenders, ou la recherche de compromis impossible à obtenir face à des adversaires dont il n'a manifestement pas mesuré l'intransigeance. Nicolas Sarkozy a, lui, une majorité imposante à la Chambre des Députés et au Sénat qui vote tous ses textes sans discuter. S'il recule et abandonne progressivement la plupart de ses réformes, ce n'est pas que l'opposition le force à céder, c'est que ses projets, démagogiques, conçus pour séduire une opinion qui le boude se heurtent à l'opposition du Conseil Constitutionnel, de l'Europe ou, plus simplement, de la réalité.

Erreurs d'appréciation d'un coté, de conception de l'autre… qui pourraient rendre leurs réélection plus difficile. Ce n'est même pas certain.