vendredi, janvier 29, 2010

Nicolas Sarkozy et la loi de Finagle

Une amie me reprochait récemment de trop parler sur mon blog de Nicolas Sarkozy. Elle a raison. Mais comment résister au plaisir que nous donne l'actualité. Plaisir un peu pervers ces jours-ci tant le malheureux Sarkozy semble aller d'échec en échec. Il y a eu la nomination abandonnée de son fils Jean, le débat sur l'identité nationale qui dérape, l'échec de Copenhague, l'affaire Proglio et, maintenant, la relaxe de Villepin (où l'on voit se jouer une nouvelle scène de la comédie des frères ennemis après les scènes Giscard-Chirac, Mitterrand-Rocard et Fabius Jospin). On a l'impression qu'il est victime de cette loi de Finagle, variante pessimiste de la loi de Murphy selon laquelle s'il y a la moindre possibilité que cela rate, cela ratera.

Tous les hommes politiques qui occupent de hautes responsabilités se trouvent un jour ou l'autre dans une situation de ce type. Un discours réussi, une élection dont les résultats sont meilleurs que prévus les aident en général à en sortir. Encore faut-il qu'ils prennent conscience de leurs faiblesses. Dans le cas de Sarkozy, on voit bien que celle-ci tient à la conception qu'il se fait de la fonction présidentielle. S'il avait abandonné sa constitution de partie civile, la relaxe de Villepin aurait été un non-événement, s'il avait laissé un ministre gérer les nominations chez EDF et le secrétaire général de l'UMP choisir le patron de l'EPAD, il aurait évité deux reculades. Mais non : il veut être au four et au moulin et décider de tout depuis l'Elysée. Chaque cafouillage même insignifiant lui revient donc dans la figure.

On a beaucoup accusé De Gaulle de pouvoir personnel. Pour s'en justifier, il plaisantait ("Si l'on entend par là que le président de la République a pris personnelle ment les décisions qu'il lui incombait de prendre, cela est tout à fait exact") et disait agir au nom de la France, du peuple français. Argument imparable aux relents vaguement maurassiens : qui sait vraiment ce que veut le peuple? et veut-il seulement quelque chose? Si l'on posait la question à Nicolas Sarkozy, il est probable qu'il répondrait qu'il se comporte ainsi au nom de l'efficacité. Ses échecs répétés et l'absence de résultats devraient l'amener à s'interroger sur sa méthode.

PS Mediapart annonce à l'instant que le parquet a choisi de faire appel de la décision du tribunal. Comme le parquet dépend du ministre de la justice qui dépend de l'Elysée, difficile de ne pas voir la-dessous la main du Président (même s'il a hier affiché sa volonté de pas faire appel et s'il n'y est pour rien personne ne le croira et Villepin s'attachera à le rappeler à chaque occasion). Veut-il donc rejouer cette vilaine comédie à quelques mois des prochaines présidentielles au risque de perdre une nouvelle fois la face?

jeudi, janvier 21, 2010

Sarkozy, les journalistes, propos privés, crise publique

Les journalistes sont aujourd'hui furieux des commentaires présidentiels sur les deux journalistes de Franec 3 enlevés en Aghanistan. Nicolas Sarkozy aurait dit en conseil des ministres : "Ces journalistes étaient inconscients. Ils ont agi en contradiction avec les consignes de sécurité". "C'est insupportable de voir qu'on fait courir des risques à des militaires pour aller les chercher dans une zone dangereuse où ils avaient l'interdiction de se rendre" aurait-il ajouté selon Europe 1. Il aurait également demandé au ministre de la Défense, Hervé Morin, d'afficher une totale transparence sur les frais engagés. "Il faut que les Français sachent le coût de cette histoire". Soit environ un million d'euros. Une pétition pour protester contre les propos présidentiels circule. 

On comprend l'énervement des journalistes. Mais on a même temps envie de leur dire de se calmer un peu. Il ne s'agit que de propos privés, comme peuvent en tenir tous les responsables confrontés à des situations de ce type. Il ne s'agit pas de censure, comme ailleurs, et je ne vois pas qu'on ait donné à la presse ou au service public des consignes pour ne plus couvrir les guerres. J'ajouterai même que l'on peut trouver naturel ce type de réaction de la part de gens, le Président de la République ou le Ministre de la Défense, qui ont à gérer une situation difficile.

Ce qui dans cette affaire, comme dans d'autres similaires, me frappe surtout, c'est l'effacement de la frontière privéee/public. Des propos privés ne sont évidemment pas de même nature que des propos publics. Et c'est en ce sens que l'on ne peut, par exemple, mettre sur le même plan les propos imbéciles mais privés de Hortefeux sur les arabes ("quand il y en a un ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes") et ceux, publics et donc beaucoup plus graves de Gaudin sur les manifestations de joie après un match Algérie-Egypte et le déferlement dans Marseille de drapeaux algérieux (propos, par ailleurs, vraiment très cons : pourquoi y aurait-il eu des drapeau français dans une manifestation de ce type?).

Cette confusion entre le privé et le public est certainement aggravée par la possibilité que tout un chacun a, aujourd'hui, de capter des conversations et de les diffuser largement sur internet. Mais il n'y avait pas de caméras dans la salle du conseil des ministres. Ce sont des participants qui ont rapporté ces propos.

Ce n'est pas une nouveauté, les ministres ont de tous temps rapporté aux journalistes ce qui se passait au Conseil. Mais des règles existaient qui tendaient à maintenir la distinction entre privé et public (les ministres ne disaient pas tout, parlaient en off, les informations étaient, pour l'essentiel, publiées dans le Canard Enchaîné). On avait l'impression en lisant la deuxième page de ce journal d'entrer dans les conversations mais on faisait spontanément la différence entre ce qui était de l'ordre de l'émotion et ce qui était décision politique. Ce n'est plus le cas : un mouvement d'humeur du Président (mouvement une fois encore compréhensible) devient parole officielle qui suscite suffisamment de réactions pour que l'Elysée monte en ligne transformant ainsi des propos insignifiants en quelque chose de beaucoup plus grave. Ce ne sont pas les propos de Nicolas Sarkozy qui posent problème, ce sont ceux de Claude Guéant s'exprimant officiellement sur la question.

La distinction entre parole publique et parole privée doit être maintenue. L'excés de transparence a un coût. Je ne suis pas sûr que les gens chargés de négocier avec les talibans qui retiennent nos deux journalistes, soient aidés par cette polémique.

Cette distinction doit être maintenue par tous les acteurs et, d'abord, par les premiers intéressés, les membres du gouvernement, les premiers cercles du pouvoir qui se lâchent de plus en plus fréquemment. Qui le font, probablement, parce qu'ils n'ont pas d'autre manière d'exprimer leurs désaccords (comme le disait excellement hier Luc Ferry : on ne peut rien dire au Président. On peut éventuellement exprimer une fois un désaccord, une seconde fois si l'on est vraiment très puissant, mais c'est à peu près tout). Mais cette distinction doit être également être maintenue par les journalistes. Il est bon qu'ils nous donnent ce type d'informations mais ce serait bien qu'ils trouvent une manière les présenter qui les mette en perspective et évite de leur donner plus d'importance qu'elles n'ont.

mercredi, janvier 20, 2010

24% de "créateurs" sur internet

Voici un sondage sur les pratiques des internautes qui devrait faire réfléchir tous ceux qui critiquent internet et n'y voient que poubelle (Finkelkraut, ministres…) :



On y apprend que 24% des internautes sont des "créateurs" qui écrivent, publient des textes, des images, des videos ou de la musique sur internet, qui, pour dire les choses autrement, ont des opinions et veulent le faire savoir. Cela signe bien la fin du privilège accordé à quelques uns (hommes publics, journalistes, experts) de parler au nom de tous. Et cela annonce probablement sur le long terme des changements significatifs dans notre manière de concevoir le débat public.

vendredi, janvier 15, 2010

Sur la burqua

Ce soir dans le Monde un papier sensé de Caroline Fourest sur le voile intégral, sujet difficile qui suscite dans les dîners des débats vifs entre ceux qui y sont violemment opposés et veulent, comme Jean-François Copé, l'interdire et ceux qui sont, disons, plus libéraux ou mesurés (ce qui ne veut pas dire qu'ils justifient ce voile intégral mais qu'ils ne trouvent pas utile de légiférer sur un sujet qui ne concerne au plus que quelques centaines de femmes).

Les adversaires du voile insistent sur la dignité féminine. Et il est vrai que si ce voile est imposé par un mari ou un père, il est détestable. Mais il semble qu'il soit parfois choisi. Ce qui pose un problème d'une autre nature : pourquoi interdire à une femme qui le souhaite de se voiler intégralement dés lors que cela ne pose pas de problème de sécurité (il est évident qu'on ne pourrait pas accepter qu'une école confie des enfants à des mères voilées sans pouvoir vérifier leur identité, qu'un bureau de poste doit pouvoir vérifier l'identité d'une personne avant de lui remettre un courrier avec accusé de réception, qu'un poste de douane…)?

Les libéraux (dont je suis) insistent sur le risque de stigmatiser un Islam qui n'en peut mais, et de confondre des pratiques ultra-minoritaires quasi sectaires et une pratique plus raisonnable de la religion. Ils ont raison lorsqu'ils s'en tiennent  cela, mais tort lorsqu'ils tentent de dédouaner complètement l'Islam.

Le voile intégral n'est certainement pas demandé par le Coran, mais celles qui le portent s'en réclament. C'est une pratique religieuse extrême que l'on devrait classer dans la même rubrique que celles, communes dans l'Eglise catholique, des moniales cloitrées ou converses, condamnées à une vie de silence dans leur cellule que n'égayent que les visies à l'Eglise.

Les religions ont de tous temps demandé à leurs plus fidèles disciples des pratiques extrêmes : silence, isolement dans un ermitage, voile intégral, jeûnes qui n'en finissent pas, mendicité chez les boudhistes, autoflagellation des chiites et de certains ordres catholiques comme les rédemptoristes (d'après cet article de Wikipedia, je n'ai pas d'autre source), interdits alimentaires contraignants… Ces pratiques sont critiquables (j'avais d'abord écrit détestables), mais elles relèvent de la volonté des fous de Dieu de s'extraire de la société pour mieux adorer Dieu et mieux montrer leur soumission. Elles étaient jusqu'à présent tolérées dans nos sociétés. Voire acceptées avec un mélange de curiosité et de respect. Elles le sont de moins en moins alors même qu'il semble qu'elles se développent. L'un va sans doute avec l'autre. A moins que la seule faute des femmes au voile intégral soient d'être musulmanes et de porter leurs stigmates en public.

Bachelot n'est pas seule…

Le naufrage de la campagne de vaccination a une dimension spécifiquement française comme je l'ai indiqué ici (appel au ministère de l'intérieur et à ses préfets plutôt qu'aux professionnels de santé), mais il y a plus : il y a aussi la responsabilité de l'OMS. D'autres pays ont eu à souffrir de l'inexactitude de ses prévisions comme l'indique ce papier de Slashdot :

"With swine flu fading in the UK (projected winter deaths of 65,000 have been downgraded to 1,000, and new cases are decreasing) the UK government has been left with millions of unused vaccines, and (unlike its contract with Baxter) no clear break-clause to get out of its contract with GlaxoSmithKlein. Although the amount paid for vaccines has not been disclosed, it likely cost the UK government several hundred million pounds. Other governments are also in a similar position: the US ordered 251 million doses of the vaccine, and France and Germany are aiming to cut back on their orders considerably. To say that the case for the pandemic has been over-estimated appears to be an understatement. Now, the WHO has announced that it is to investigate whether or not it bowed to pressure from drugs companies to overplay the threat."

"The Council of Europe Parliamentary Assembly has also announced an investigation into the matter after a resolution [pdf] from Dr. Wolfgang Wodarg, Chairman of the Subcommittee on Health, was adopted. Dr. Wodarg labelled swine flu as a "false pandemic", and claims in the resolution that '"in order to promote their patented drugs and vaccines against flu, pharmaceutical companies influenced scientists and official agencies responsible for public health standards to alarm governments worldwide and make them squander tight health resources for inefficient vaccine strategies, and needlessly expose millions of healthy people to the risk of an unknown amount of side-effects of insufficiently-tested vaccines."' By some estimates, GSK was expected to net over £1 billion from vaccine sales."

Faire sortir le diable de la boite

Rendant compte du débat d'hier soir (inutile, insupportable et véritablement à fuir), 20 minutes indique : "En raison de débordements systématiques, nous nous voyons contraints de fermer cet article aux commentaires." Réflexe que l'on retrouve ailleurs. Et pour de bons motifs. J'ai ici signalé les remarques pour le moins "douteuses" de lecteurs du Figaro (on pourrait ajouter celles après un article sur les ratonnades italiennes) et d'intervenants sur le site du Ministère de l'immigration. Ce débat aura réussi cela : faire sortir le diable de la boite. Et ce n'est une bonne nouvelle pour personne. Je me souviens qu'à Toulon, il y a quelques années, la victoire du Front National avait libéré l'expression du racisme le plus ordinaire dans les lieux publics, l'autobus, les commerces, rendant l'atmosphère de cette ville absolument irrespirable. Elle s'en est libérée. Mais au bout de combien de temps et à quel prix!

Les éditeurs de presse ont en la matière une responsabilité : faire leur travail d'éditeur. Ce qu'ils ne publieraient pas dans leurs journaux ne doit pas trouver place dans les réactions des lecteurs. Ce n'est pas de la censure, c'est un principe de précaution si l'on veut garder cet espace de liberté qu'est le courrier des lecteurs sur internet.

PS. Pour ce qui est du coup d'éclat de Vincent Peillon : s'il était prévu qu'il intervienne uniquement en fin de débat, il n'avait évidemment pas de raison d'être présent. Mais si aucun socialiste n'avait accepté d'y participer y aurait-il eu débat? Sa position mérite, pour le moins, éclaircissement.

jeudi, janvier 14, 2010

Un (tout petit) argument contre la privatisation des services publics

J'ai du il y a quelques jours prendre contact, pour des travaux dans une maison, avec EDF. Il s'agissait de changer de type de fourniture électrique. Je m'attendais à une opération simple. J'ai vite déchanté. Il m'a d'abord fallu appeler ERDF, l'organisme qui distibue l'électricité depuis l'ouverture des marchés. L'employé très aimable m'a expliqué la procédure à suivre. Il fallait que j'appelle mon fournisseur d'électricité, en l'espèce EDF. Je lui ai demandé le numéro de téléphone à joindre. "Je ne peux pas vous le donner, me dit-il, par contre je peux vous donner un numéro où vous trouverez les coordonnées de tous les fournisseurs d'électricité." Surprise : il y en a une dizaine, dont la plupart m'étaient complètement inconnus. Ayant enfin trouvé le numéro d'EDF, j'ai appelé et suis tombé sur un technicien avec lequel j'ai pu organiser un rendez-vous.

Tout cela m'a pris une bonne vingtaine de minutes. Rien de grave. Sauf qu'il y a quelques années, lorsqu'EDF avait un quasi-monopole, une seule conversation téléphonique aurait suffi.

On nous explique depuis des années que l'ouverture des marchés (celui de la téléphonie, celui de l'électricité, celui de la poste) sont pour le plus grand bien des consommateurs, qu'introduire de la concurrence permet de baisser les prix. Si j'en juge par cette petite expérience, cela complique surtout le quotidien du consommateur, cela augmente les coûts d'accès à ces services (une vingtaine de minutes contre 4 ou 5). Cela l'oblige à arbirtrer entre différents fournisseurs, là où nous ne nous posions même pas la question. Et cela peut être pénible, comme le sait quiconque a tenté, un jour, de profiter d'une de ces offres si avantageuses des sociétés de téléphonie mobile. Sous couvert de baisser les prix, nous n'avons jamais tant dépensé en téléphone.

Je rapprocherai cette expérience de ce que dit Esther Duflo dans un entretien que vient de publier Télérama. Cette jeune économiste qui enseigne au Collège de France, compare les pauvres et les riches : "On oublie que dans nos sociétés privilégiées, on a de moins en moins de décisions à prendre, alors que ceux qui vivent avec moins d'un dollar par jour ont des dizaines de choix cruciaux à faire quotidiennement." Je ne voudrais pas comparer ma petite mésaventure avec le quotidien d'un pauvre d'un pays du Tiers-Monde, mais je crains que, sous couvert de lutter contre des monopoles publics, on nout ait un peu apauvri.

samedi, janvier 09, 2010

Le double échec des préfets

En quelques semaines, les préfets, base de notre organisation administrative, hommes d'autorité et représentants du pouvoir dans les départements, viennent de subir un double échec :
- avec le naufrage de la campagne de vaccination dont l'organisation leur avait été confiée par la circulaire du 9 aout 2009,
- avec les catastrophiques débats sur l'identité nationale.

Dans les deux cas, on leur a demandé de jouer à contre-emploi :
- de se substituer au tissu médical (médecins, hôpitaux, dispensaires…) dans le cas de la vaccination,
- de prendre la place des lieux classiques du débat que sont la presse, les partis politiques, le milieu associatif, les mairies, internet, dans le cas du débat sur l'identité nationale.

On l'a fait au nom d'une conception hiérarchique, autoritaire, du pouvoir où les autorités, le gouvernement, peuvent commander, manoeuvrer la société comme un pilote de course fait avec sa voiture. Sauf que la société ne fonctionne pas comme cela. Nous ne sommes pas des petits soldats, le doigt sur la couture de nos pantalons à attendre les consignes d'un poste de commandement central. Lionel Jospin disait, avant-hier, dans son entretien du Monde, que ce gouvernement gouvernait mal. On en là une belle illustration. Il dénonçait les textes mal préparés, les effets d'annonce. Ce double échec indique d'où tout cela vient : d'une conception naïve, erronée du pouvoir, d'un autoritarisme condamné à l'inefficacité dans une société d'agents libres. On parle beaucoup d'hyperprésidence, on a ici un nouvel exemple de mauvaise présidence.

Mais, au delà de ces erreurs de gouvernance, ce double échec des préfets est inquiétant. Si l'organisation de débats n'a jamais fait partie de leur mission, et si l'on peut penser que la leur confier était, dès l'origine un vice de forme, on ne peut dire tout à fait de même du plan de vaccination. Après tout, si pandémie il y avait eu, il aurait été dans leur rôle d'organiser les soins. Or, nous en avons aujourd'hui la preuve : ils en auraient été incapables. Leur lettre de mission leur demandait "d'établir un plan départemental de vaccination, de désigner un chef de projet, de constituer auprès de lui une équipe opérationnelle départementale et de mettre en place un comité de pilotage." J'imagine qu'ils l'ont fait. Mais pour quel résultat?

Cet échec mériterait que l'on se pose plusieurs questions :
- est-ce la méthode telle que la proposait cette circulaire qui était mauvaise?
- est-ce les acteurs qui ont résisté (on peut imaginer que des préfets aient traîné des pieds devant des instructions qui leur paraissaient inadaptées, même si ce n'est pas dans la culture de ce corps),
- est-ce que le turnover rapide des préfets a désorganisé ce corps, comme cela avait été le cas aux Antilles lors des grandes grèves de 2008?
- est-ce le tissu administratif qui a fait défaut? On peut penser que les choses se seraient mieux passées si les préfets avaient confié l'organisation de cette campagne de vaccination aux professionnels de santé…
- est-ce, enfin, l'organisation administrative elle-même qui n'est plus adaptée à une société qui a beaucoup changé?

vendredi, janvier 08, 2010

Seguin : que d'émotions!

Est-ce parce qu'elle a pris tout le monde par surprise? La mort de Philippe Seguin a suscité des réactions étranges, presque excessives, entre un Fillon au bord des larmes, une Martine Aubry, presque aussi émue (il est vrai qu'elle avait travaillé avec lui au Ministère des Affaires Sociales) et une planquée d'élus de tous bords qui n'en pouvaient plus de tresser les louanges d'un homme dont le regard lourdement souligné de cernes, le rire tonitruant, les gestes d'agacement et les colères à peine rentrées m'ont, personnellement, souvent mis mal à l'aise.

Oserais-je le dire? Son alliance avec Pasqua, son gaullisme d'avant-hier, sa saga familiale si souvent mise en avant (par lui ou par d'autres, je l'ignore) m'incitaient à ne pas trop me fier à un homme dont je savais pourtant qu'il avait, lors du débat sur Maastricht avec Mitterrand, fait preuve de retenue face à un adversaire au bout de ses forces quand d'autres en auraient profité.

Mais au delà de ces réserves personnelles, c'est la puissance de ces réactions qui m'a étonné ou, plutôt, la capacité des journalistes à les susciter, à les faire sortir de l'espace privé où elles se déploient d'ordinaire pour en faire une scène de théâtre à la Rousseau ou une peinture à la Greuze. La mort d'un homme politique honorable est un spectacle où chacun joue son rôle : le bouleversé (Fillon), le distant (Juppé), le raisonnable (Emanuelli), le tragique (Pasqua)… Parions que dans quelques années on trouvera tout cela un peu indécent. A moins que la théâtralisation de la vie politique s'accentuant, on ne trouve tout cela bien fade. Allez savoir.