Un débat vif, intéressant, plutôt décevant sur le contenu (surtout en matière d'emploi) qui a surtout donné l'occasion de mieux définir les différentes personnalités. François Hollande a su prendre de l'ascendant sur ses compétiteurs. Il a clairement joué la figure de l'arbitre, du patron qui écoute ses collaborateurs avant de trancher et de prendre une décision, Martine Aubry a confirmé sa maîtrise des dossiers, notamment en matière sociale, et sa capacité à travailler et faire travailler. Elle s'est imposée comme future première ministre d'une présidence socialiste. Montebourg a du talent, des idées et la capacité, évidente également chez François Hollande, d'éclairer une position, de l'exposer avec clarté dans un français impeccable. Il joue le coup d'après, mais ce sera alors un formidable concurrent. Baylet, que personne ne prend vraiment au sérieux, apporte, à mon sens, beaucoup au débat : il illustre ce que c'est d'être de gauche, une manière, non pas théorique mais presque physique, de refuser les amalgames, de se laisser aller aux emportements populistes, de rappeler des évidences. Valls a joué son étrange partition en reprenant des idées, comme celle de TVA sociale, dont personne ne veut. Quant à Ségolène Royal, elle est un véritable feu follet qui se retrouve un instant du coté de Montebourg et le suivant du coté de Valls. Elle confirme sa capacité à dérouter. Il lui arrive de frôler le populisme, mais on devine aussi qu'elle maîtrise bien les sujets qu'elle a travaillés.
Avoir des opinions est l'un des éléments du bien-être, affirmait il y a une quinzaine d'années, l'économiste A.O.Hirshman. Les blogs sont une bonne manière d'afficher ses opinions mais aussi, et peut-être même surtout, de les construire. C'est ce qui m'a donné envie de tenir celui-ci
jeudi, septembre 29, 2011
mercredi, septembre 28, 2011
Un chevénementiste chez Marine Le Pen
Bertrand Dutheil de La Rochère, ancien directeur de cabinet de Jean-Pierre Chevènement et actuel (mais pour combien de temps?) premier secrétaire adjoint de la fédération de Paris du Mouvement républicain et citoyen (MRC), a donc décidé de rejoindre l'équipe de campagne de la présidente du Front national.
C'est ce qu'annonce un communiqué du Front National qui publie la lettre ouverte qu'il a écrite pour s'expliquer.
Cette nouvelle prise de Marine Le Pen ne ressemble guère aux précédentes. BDLR n'a rien de la grande gueule avide des plateaux de télévision de Gilbert Collard, rien non plus de l'intransigeance doctrinale d'un Paul-Marie Couteaux, gaulliste à la dérive toujours plus droitière. Non, c'est un bourgeois des beaux quartiers, issu d'une très vieille famille, qu'on a souvent vu distribuer des tracts du MDC le dimanche matin rue de Buci. Ses enfants ont fait de belles études, son épouse est très catholique et rien dans son train de vie n'annonce l'ouvriérisme à la mode ces temps-ci au FN. Lui-même est plutôt sympathique (je le connais un peu) et s'il a fait une petite carrière auprès de son mentor, on ne peut l'accuser d'avoir une grande ambition politique même s'il risque d'être récompensé de quelque candidature aux prochaines législatives. A la retraite depuis peu, il s'ennuie sans doute, et cela peut expliquer son incartade. Mais c'est le fond idéologique qui l'explique le mieux : nationaliste, opposé depuis toujours à l'Europe, plutôt protectionniste sur le plan économique, attaché à un Etat fort et à la République dans sa version scolaire à l'ancienne, il a longtemps trouvé chez Jean-Pierre Chevènement de quoi satisfaire ses attentes. Celui-ci est hors course et, comme il le dit dans sa lettre, l'offre politique ne laisse guère de place pour des militants de son genre. Seul le Front National, pour qui a un regard vraiment très myope, peut faire l'affaire.
Marine Le Pen est certainement enchantée de sa prise. Mais combien de divisions derrière Dutheil de la Rochère? Pas beaucoup même si ce ralliement peut annoncer quelques bonnes surprises pour le FN dans les beaux quartiers du coté de ces conservateurs qui s'accrochent aux idées de leur enfance.
D'une manière plus générale, ce ralliement solitaire met en évidence la difficulté que rencontre le FN dans sa tentative de dédiabolisation. Bien rares sont ceux qui osent s'en rapprocher. La transformation de la droite populaire en mouvement politique est certainement plus prometteuse pour le FN que le ralliement d'un marquis en blue-jeans (c'est ainsi que se promène BDLR lorsqu'il va faire ses courses). Les positions de ces députés sont si proches des siennes sur tant de sujets que l'on ne voit pas comment la question d'une alliance aux prochaines législatives pourrait ne pas être évoquée. La seule difficulté (et ce n'en est pas une mince) est la résolution des conflits locaux qui ne manqueront pas d'éclater entre les deux partis, car tous deux sont souvent puissants et concurrents dans les mêmes régions, notamment dans le sud-est.
C'est ce qu'annonce un communiqué du Front National qui publie la lettre ouverte qu'il a écrite pour s'expliquer.
Cette nouvelle prise de Marine Le Pen ne ressemble guère aux précédentes. BDLR n'a rien de la grande gueule avide des plateaux de télévision de Gilbert Collard, rien non plus de l'intransigeance doctrinale d'un Paul-Marie Couteaux, gaulliste à la dérive toujours plus droitière. Non, c'est un bourgeois des beaux quartiers, issu d'une très vieille famille, qu'on a souvent vu distribuer des tracts du MDC le dimanche matin rue de Buci. Ses enfants ont fait de belles études, son épouse est très catholique et rien dans son train de vie n'annonce l'ouvriérisme à la mode ces temps-ci au FN. Lui-même est plutôt sympathique (je le connais un peu) et s'il a fait une petite carrière auprès de son mentor, on ne peut l'accuser d'avoir une grande ambition politique même s'il risque d'être récompensé de quelque candidature aux prochaines législatives. A la retraite depuis peu, il s'ennuie sans doute, et cela peut expliquer son incartade. Mais c'est le fond idéologique qui l'explique le mieux : nationaliste, opposé depuis toujours à l'Europe, plutôt protectionniste sur le plan économique, attaché à un Etat fort et à la République dans sa version scolaire à l'ancienne, il a longtemps trouvé chez Jean-Pierre Chevènement de quoi satisfaire ses attentes. Celui-ci est hors course et, comme il le dit dans sa lettre, l'offre politique ne laisse guère de place pour des militants de son genre. Seul le Front National, pour qui a un regard vraiment très myope, peut faire l'affaire.
Marine Le Pen est certainement enchantée de sa prise. Mais combien de divisions derrière Dutheil de la Rochère? Pas beaucoup même si ce ralliement peut annoncer quelques bonnes surprises pour le FN dans les beaux quartiers du coté de ces conservateurs qui s'accrochent aux idées de leur enfance.
D'une manière plus générale, ce ralliement solitaire met en évidence la difficulté que rencontre le FN dans sa tentative de dédiabolisation. Bien rares sont ceux qui osent s'en rapprocher. La transformation de la droite populaire en mouvement politique est certainement plus prometteuse pour le FN que le ralliement d'un marquis en blue-jeans (c'est ainsi que se promène BDLR lorsqu'il va faire ses courses). Les positions de ces députés sont si proches des siennes sur tant de sujets que l'on ne voit pas comment la question d'une alliance aux prochaines législatives pourrait ne pas être évoquée. La seule difficulté (et ce n'en est pas une mince) est la résolution des conflits locaux qui ne manqueront pas d'éclater entre les deux partis, car tous deux sont souvent puissants et concurrents dans les mêmes régions, notamment dans le sud-est.
mardi, septembre 27, 2011
Sénat : une double catastrophe pour la droite
La victoire de la gauche le week-end dernier est, comme on l'a dit, une catastrophe pour la droite qui perd le contrôle d'une chambre qui lui a permis de faire passer ses projets sans difficultés lorsqu'elle avait la majorité à l'Assemblée Nationale et de retarder ceux de la gauche quand elle était dans l'opposition. Mais c'est aussi une catastrophe pour les prochaines élections, car les grands électeurs qui se sont prononcés contre les candidats de l'UMP sont aussi des leaders d'opinion dans leur canton, leur village ou leur petite ville. S'ils ont choisi la gauche cette fois-ci, ils ne voudront pas immédiatement se déjuger et il y a fort à parier qu'ils feront de même dans les mois qui viennent et qu'ils recommanderont à leurs électeurs de suivre leur exemple. Cette France rurale qui votait traditionnellement pour les candidats conservateurs pourrait très bien cette fois pencher vers le PS ou, à défaut, les centristes. Si la droite n'a pas encore perdu les prochaines présidentielles, les obstacles sur sa route sont chaque jour plus nombreux et plus difficiles à passer.
lundi, septembre 26, 2011
Une victoire vraiment historique
La victoire de la gauche au Sénat est doublement historique : parce que c'est une première comme on le dit et le répète mais aussi et surtout parce qu'elle modifie complètement l'équilibre des pouvoirs. La droite ne pourra plus imposer ses vues au Parlement, forçant la gauche au compromis lorsqu'elle accède au pouvoir, comme elle l'a si longtemps fait. Quoiqu'il arrive dans les mois qui viennent, la politique ne sera plus tout à fait comme avant.
dimanche, septembre 25, 2011
Borloo va-t-il manquer sa chance?
Jamais la situation n'aura été aussi favorable pour Borloo avec une droite tétanisée par la multiplication des affaires qui touchent son candidat naturel qui doute de ses chances de conserver le pouvoir face une gauche unie et bagarreuse. Il pourrait très vite s'imposer face à un Sarkozy en difficulté, un Villepin démonétisé, un Fillon et un Juppé prisonniers de leurs postes ministériels comme le recours de la droite. Mais en aura-t-il le courage?
S'il se lançait maintenant, coupant le pied sous l'herbe des autres centristes, il trouverait rapidement des soutiens à droite, du coté de Raffarin et de quelques autres. Mais voilà, a-t-il l'étoffe de ces politiques qui savent forcer le destin? Ce n'est pas certain.
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S'il se lançait maintenant, coupant le pied sous l'herbe des autres centristes, il trouverait rapidement des soutiens à droite, du coté de Raffarin et de quelques autres. Mais voilà, a-t-il l'étoffe de ces politiques qui savent forcer le destin? Ce n'est pas certain.
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samedi, septembre 24, 2011
Auditions en direct
L'Elysée est donc informé en temps réel des développements des enquêtes de police et instructions de justice, la presse publie chaque jour de nouveaux extraits des auditions et même maintenant, dernière innovation, des extraits des écoutes téléphoniques… Plus rien ne semble en mesure d'arrêter la publicité, non plus des débats, mais de ce qui les précède. Ce peut être être une mauvaise chose si cela donne à l'opinion (ou plutôt à ceux qui s'expriment en son nom, journalistes et politiques) la possibilité d'intervenir, d'orienter le travail des policiers et des magistrats ("on aimerait qu'ils posent telle ou telle question…", "ils sont animés par la vindicte politique"), mais c'en est une excellente si cela interdit au pouvoir d'étouffer des affaires (comme il en a forcément le désir).
Est-ce pareil à l'étranger? Je n'en ai pas la moindre idée, même si l'on a vu, à l'occasion de l'affaire DSK, que les avocats pouvaient rapidement être mis dans la confidence. Il me semble, en tout cas, que ces révélations devraient inciter à donner à la justice plus d'indépendance. Cela éviterait la multiplication de ces fuites qui ne donnent pas aux enquêteurs le temps long de l'enquête, de la vérification au risque de produire des affaires qui s'achèvent en eau de boudin, comme c'est si souvent le cas lorsque les politiques sont en jeu.
Est-ce pareil à l'étranger? Je n'en ai pas la moindre idée, même si l'on a vu, à l'occasion de l'affaire DSK, que les avocats pouvaient rapidement être mis dans la confidence. Il me semble, en tout cas, que ces révélations devraient inciter à donner à la justice plus d'indépendance. Cela éviterait la multiplication de ces fuites qui ne donnent pas aux enquêteurs le temps long de l'enquête, de la vérification au risque de produire des affaires qui s'achèvent en eau de boudin, comme c'est si souvent le cas lorsque les politiques sont en jeu.
vendredi, septembre 23, 2011
Nicolas Sarkozy pourra-t-il encore tenir six mois?
Le quinquennat aura tout accéléré, y compris l'usure des Présidents. Il fallait jusqu'à présent plus d'un septennat pour qu'un Président soit rejoint et laminé par les affaires de toutes sortes qui accompagnent une carrière politique. L'affaire Urba qui a fait tant de tort au PS a éclatée en 1991. La cassette Méry a été révélée en 2000 et Chirac n'en a vraiment été affecté que bien plus tard. Nicolas Sarkozy n'aura pas attendu aussi longtemps. Son entourage (y compris Copé d'après les dernières révélations de Mediapart) et lui-même sont aujourd'hui à ce point cernés que l'on peut se demander s'il sera en mesure de se représenter dans quelques mois. L'hypothèse n'était pas hier envisageable. Elle le devient aujourd'hui. Ele le sera plus encore demain lorsque les ténors de la droite commenceront à s'interroger sur leur propre avenir politique. Lequel osera le premier suggérer qu'il pourrait, en cas de défaut du Président, être candidat? Juppé? Fillon? Raffarin? Se déclarer ainsi ne va pas de soi. Ce serait suicidaire si Sarkozy était malgré tout en position de porter les couleurs de son camp aux prochaines présidentielles. Mais… si ce n'est pas le cas, ce sera le premier qui dégainera et mettra ses troupes en ordre de bataille qui emportera l'investiture et aura une chance de devenir le prochain Président de la République.
dimanche, septembre 18, 2011
Drôle de Melenchon
Melenchon est un drôle de personnage : tribun de talent à l'ancienne, à l'occasion populiste brutal à la Marchais, il se révèle de plus en plus comme un formidable rénovateur de la pensée d'extrême-gauche. Finie la défense des intérêts d'une classe ouvriére mythique et de salariés de la fonction publique bien réels, il développe un discours nourri de la pensée économique hétérodoxe sur la dette, la monnaie, les banques qui tranche tant avec les "logiciels" classiques de l'extrême-gauche qu'avec la pensée libérale. Et il le fait avec un incontestable talent de pédagogue. On comprend ce qu'il explique et on découvre avec surprise qu'on ne l'avait jamais entendu auparavant. On sent à l'écouter qu'il développe sa pensée loin des canevas habituels.
Les sondages ne le créditent que de 5 ou 6% des voix à la prochaine présidentielle, ce qui est peu et ne dit probablement pas son importance dans le champ politique. Les thémes qu'il développe, sa critique de la BCE, de la lutte contre la dette peuvent séduire bien au delà de la clientéle classique de l'extrême-gauche, tous ceux qui regardent avec curiosité, intérêt et sympathie le mouvement des indignés. Cela ne fait peut-être pas des électeurs mais cela donne un coup de vieux au sérieux gestionnaire des candidats à l'investiture PS.
Un célèbre dessin de Cabu l'associait à Marine Le Pen, mais plus il avance plus cette comparaison parait inappropriée. Marine Le Pen pique quelques idées dans le vieux fonds ouvriériste du PCF, il impose de nouveaux thèmes.
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Les sondages ne le créditent que de 5 ou 6% des voix à la prochaine présidentielle, ce qui est peu et ne dit probablement pas son importance dans le champ politique. Les thémes qu'il développe, sa critique de la BCE, de la lutte contre la dette peuvent séduire bien au delà de la clientéle classique de l'extrême-gauche, tous ceux qui regardent avec curiosité, intérêt et sympathie le mouvement des indignés. Cela ne fait peut-être pas des électeurs mais cela donne un coup de vieux au sérieux gestionnaire des candidats à l'investiture PS.
Un célèbre dessin de Cabu l'associait à Marine Le Pen, mais plus il avance plus cette comparaison parait inappropriée. Marine Le Pen pique quelques idées dans le vieux fonds ouvriériste du PCF, il impose de nouveaux thèmes.
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samedi, septembre 17, 2011
Il suffit d'un taux d'audience…
Les premières réactions de la presse de gauche au débat des candidats à l'investiture du PS, Libé, Médiapart… étaient plutôt critiques, les journalistes s'étaient ennuyés, avaient trouvé l'ensemble un peu fade et soporifique. Royal avait fait dans la discrétion et Hollande était resté un peu crispé… et puis les taux d'audience sont arrivés. On a appris que 5 millions de téléspectateurs avaient suivi le débat jusque tard dans la soirée. Ils n'étaient même partis, comme s'ils ne s'étaient pas tant ennuyés que cela… le ton des articles a donc changé légèrement. Et les journalistes qui avaient bayé et s'étaient à demi endormis se sont réveillés trouvant quelques nouvelles vertus aux participants…C'est fou ce qu'un bon taux d'audience peut faire!
vendredi, septembre 16, 2011
Que 1981 parait loin…
Les commentateurs de gauche (Libé, Mediapart) paraissent plutôt déçus du débat d'hier soir qu'ils ont trouvé soporifique. Il est vrai qu'il n'y a pas eu de bagarre, mais qu'auraient-ils dit s'il y en avait eu une? En fait, un débat à six est à peu près injouable, surtout lorsque les candidats ne veulent en découdre qu'à fleurets mouchetés. Reste tout de même que l'on a observé de nombreux points de convergence sur la fiscalité, le nucléaire la maîtrise des déficits et… une très grande sagesse. Qu'on était loin hier soir de 1981! Les électeurs qui veulent changer la vie seront déçus, les autres (la majorité sans doute) rassurés : avec les socialistes pas de révolution, juste une gestion plus rigoureuse et plus équitable. Plusieurs des grands thèmes classiques de gauche qui étaient traditionnellement l'occasion d'envolées, la relance par la consommation, les nationalisations, ont été tout simplement oubliés. On a bien parlé du blocage des loyers et de dépénalisation du cannabis mais on a senti qu'on était loin de l'unanimité sur ces sujets. Le plus désolant est ce qui a été avancé sur l'emploi. Si Martine Aubry a probablement raison de critiquer les propositions de François Hollande, on ne peut pas dire qu'elle ait fait preuve de beaucoup d'originalité puisqu'elle s'est contentée de ravaler une mesure de l'époque Jospin. On attendait beaucoup mieux d'elle sur le sujet : elle a après tout fait toute sa carrière au ministère du travail dont elle connait les dossiers sur le bout des doigts. Quant aux autres… Ce déficit d'analyse et de propositions n'est pas propre aux socialistes : on chercherait longtemps des idées originales du coté des économistes. Reste qu'il est désolant puisque c'est là que la société attend les politiques. A rester en retrait, les socialistes laissent à la droite la possibilité de développer ses thèses sur le chômage volontaire de tous ceux qui profitent de l'assurance chômage ou des aides sociales.
mercredi, septembre 14, 2011
Sarkozy porteur de valises?
Nous avions Jacques Chirac glissant des billets dans un coffre-fort (affaire Méry), Dominique de Villepin les comptant (affaire Bourgi), voilà que Michel de Bonnecorse qu'a interrogé Pierre Péan nous dit avoir recueilli le témoignage de deux banquiers français installés en Suisse qui auraient vu Nicolas Sarkozy porter des valises de billets : "Des valises de billets étaient sorties ce jour-là de leur banque et il n'y aurait pas eu de problème pour les rapporter en France (...) Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget, s'était déplacé escorté de policiers et avait emprunté la sortie française de l'aéroport de Genève. C'est ainsi qu'il était revenu dans l'Hexagone." Encore une fois, il ne s'agit que de témoignages de seconde main que rien ne vient corroborer. Et tant qu'on n'aura pas d'indications sur l'usage de ces fonds, il sera bien difficile de les prendre complètement au sérieux : comment ont-ils été utilisés? qui ont-ils servi à payer? comment ont-ils été recyclés? blanchis? Il doit bien y avoir des traces, des témoins, des gens qui ont vu ces billets circuler, ne serait-ce que les policiers qui accompagnaient ce jour là Nicolas Sarkozy. Tant qu'on ne les retrouvera pas et qu'ils ne témoigneront pas, le doute subsistera.
Reste que tout cela fait beaucoup et laisse une drôle d'impression. Où a-t-on vu, sinon dans des républiques bananières de mauvais téléfilm, un Président de la République et deux ministres se comporter comme les malfrats qui comptent leur butin à la sortie d'un casse?
Impression d'autant plus bizarre que l'on se demande bien d'où viennent toutes ces confidences. Nicolas Sarkozy paie-t-il sa brutalité, sa manière d'humilier et de poursuivre de sa vindicte ceux qui lui ont manqué?
On voudrait en tout cas aider Marine Le Pen à entonner l'air du tous pourris qu'on ne s'y prendrait pas autrement.
Reste que tout cela fait beaucoup et laisse une drôle d'impression. Où a-t-on vu, sinon dans des républiques bananières de mauvais téléfilm, un Président de la République et deux ministres se comporter comme les malfrats qui comptent leur butin à la sortie d'un casse?
Impression d'autant plus bizarre que l'on se demande bien d'où viennent toutes ces confidences. Nicolas Sarkozy paie-t-il sa brutalité, sa manière d'humilier et de poursuivre de sa vindicte ceux qui lui ont manqué?
On voudrait en tout cas aider Marine Le Pen à entonner l'air du tous pourris qu'on ne s'y prendrait pas autrement.
mardi, septembre 13, 2011
Marine Le Pen peut-elle faire exploser l'UMP?
Si la rentrée de l'UMP fut un échec, difficile de dire que celle de Marine Le Pen fut un franc succès. Incapable d'attirer d'autres personnalités que Gilbert Collard et l'inusable (mais bien fatigué) Peyrat, son université d'été s'est trouvée polluée par les déclarations du Bloc Identitaire, formation à sa droite qui a rappelé à qui l'aurait oubié que le FN est toujours un parti d'extrême-droite.
On en retiendra surtout qu'elle a confirmé sa stratégie : faire battre l'UMP au second tour de l'élection présidentielle pour pouvoir ensuite tirer les marrons du feu, je veux dire casser le parti majoritaire en deux et récupérer électeurs, militants et élus lors des prochaines législatives qui l'intéressent certainement beaucoup plus qu'une Présidentielle qu'elle ne peut gagner.
L'évolution de l'UMP que les députés de la Droite Populaire tirent toujours plus à droite semble donner quelque crédit à son pari. Sauf que tous sont, dans leur circonscription, en concurrence directe avec le FN déjà bien installé et qu'il n'est pas de leur intérêt de le rejoindre.
Il en ira autrement, au lendemain des prochaines législatives si celles-ci sont perdues par la droite (qu'elle ait ou non gagnée l'élection présidentielle) parce qu'alors dans toutes les circonscriptions perdues où le FN aura fait de bons résultats il y aura au sein de l'UMP bataille des égos pour être le candidat dans les élections suivantes.
Ceux qui auront perdu ces législatives ne seront plus les candidats naturels. D'où des batailles pour les investitures qui feront des déçus assez naturellement tentés de proposer leur personne (indispensable forcément) à qui voudra bien leur proposer l'investiture. Ils seront d'autant plus tentés de le faire que la Droite populaire, d'un coté, la politique de Sarkozy et Guéant de l'autre, les auront désinhibés. C'est à ce moment, au lendemain donc d'un échec aux prochaines législatives, que Marine Le Pen peut espérer engranger, casser l'UMP et s'imposer comme la deuxième force de droite, une force avec laquelle des pans entiers de ce qu'il restera de l'UMP auront bien du mal à refuser de s'associer. Ce qui annonce des combats fratricides à droite et sans doute une recomposition avec la création autour de personnalités du centre d'une formation hostile à ces accords à l'extrême-droite.
Si Marine Le Pen réussit son pari, c'est toute la droite qui pourrait très bien s'en trouver bouleversée et pour longtemps tenue à l'écart du pouvoir. Ce sera le legs de Nicolas Sarkozy et de ses pulsions populistes à sa famille politique.
On en retiendra surtout qu'elle a confirmé sa stratégie : faire battre l'UMP au second tour de l'élection présidentielle pour pouvoir ensuite tirer les marrons du feu, je veux dire casser le parti majoritaire en deux et récupérer électeurs, militants et élus lors des prochaines législatives qui l'intéressent certainement beaucoup plus qu'une Présidentielle qu'elle ne peut gagner.
L'évolution de l'UMP que les députés de la Droite Populaire tirent toujours plus à droite semble donner quelque crédit à son pari. Sauf que tous sont, dans leur circonscription, en concurrence directe avec le FN déjà bien installé et qu'il n'est pas de leur intérêt de le rejoindre.
Il en ira autrement, au lendemain des prochaines législatives si celles-ci sont perdues par la droite (qu'elle ait ou non gagnée l'élection présidentielle) parce qu'alors dans toutes les circonscriptions perdues où le FN aura fait de bons résultats il y aura au sein de l'UMP bataille des égos pour être le candidat dans les élections suivantes.
Ceux qui auront perdu ces législatives ne seront plus les candidats naturels. D'où des batailles pour les investitures qui feront des déçus assez naturellement tentés de proposer leur personne (indispensable forcément) à qui voudra bien leur proposer l'investiture. Ils seront d'autant plus tentés de le faire que la Droite populaire, d'un coté, la politique de Sarkozy et Guéant de l'autre, les auront désinhibés. C'est à ce moment, au lendemain donc d'un échec aux prochaines législatives, que Marine Le Pen peut espérer engranger, casser l'UMP et s'imposer comme la deuxième force de droite, une force avec laquelle des pans entiers de ce qu'il restera de l'UMP auront bien du mal à refuser de s'associer. Ce qui annonce des combats fratricides à droite et sans doute une recomposition avec la création autour de personnalités du centre d'une formation hostile à ces accords à l'extrême-droite.
Si Marine Le Pen réussit son pari, c'est toute la droite qui pourrait très bien s'en trouver bouleversée et pour longtemps tenue à l'écart du pouvoir. Ce sera le legs de Nicolas Sarkozy et de ses pulsions populistes à sa famille politique.
lundi, septembre 12, 2011
Une droite prise dans les affaires
L'interview de Robert Bourgi dans le JDD est-elle la réponse des sarkozystes aux révélations sur l'affaire Karachi et aux attaques contre Ziad Takkiedine, Thierry Gaubert et quelques autres proches du pouvoir actuel? On n'ose l'imaginer : ce serait tout simplement suicidaire. Ce serait raviver les cicatrices entre chiraquiens (à la Copé), les Villepinistes (à la Lemaire) et les sarkozystes. Ce serait confirmer le rôle des officines et des intermédiaires douteux dans le financement des campagnes présidentielles et ajouter au glauque de ce pouvoir finissant. On ne peut, cependant, l'exclure : le JDD s'est souvent montré, à l'instar du Figaro, sarkozyste.
Le plus grave dans cette affaire n'est pas tellement le financement clandestin d'une campagne présidentielle, cela fait longtemps que l'on sait à quoi s'en tenir, mais ce que ces révélations, si elles sont confirmées, mais elles sont plausibles, nous disent des relations qui s'étaient nouées entre les dirigeants français et les dirigeants africains. Comme ceux-ci étaient tout sauf des anges démocrates, on peut imaginer qu'ils n'ont fait ces dons qu'en échange de soutiens politiques et militaires à leurs régimes mais aussi, en cas de grosses difficultés, de protections pour eux, leur famille et leurs biens. Je ne sais pas s'ils l'ont fait mais ils étaient en situation d'exercer un chantage sur l'Elysée. On en a, d'ailleurs, eu une illustration lorsque les dirigeants libyens ont annoncé qu'ils donneraient des informations sur le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy. L'ont-ils fait? On ne peut exclure que certaines révélations récentes sur Ziad Takkiedine leur doivent beaucoup.
Sur un autre plan on peut aussi s'interroger sur l'impact de ces pratiques sur les comportements des dirigeants africains. Auraient-ils si longtemps résisté à la contestation de leur peuple s'ils n'avaient été assurés du soutien et de la protection de la France. La meilleure manière de lutter pour la démocratie dans ces pays est de ne pas donner aux dictateurs le sentiment d'impunité. Or, c'est sans doute le (mauvais) service que Chirac et Villepin ont rendu à l'Afrique (et que Sarkozy a rendu à Kadhafi s'il a bénéficié de son aide financière dans sa dernière campagne comme celui-ci l'a suggéré).
Le plus grave dans cette affaire n'est pas tellement le financement clandestin d'une campagne présidentielle, cela fait longtemps que l'on sait à quoi s'en tenir, mais ce que ces révélations, si elles sont confirmées, mais elles sont plausibles, nous disent des relations qui s'étaient nouées entre les dirigeants français et les dirigeants africains. Comme ceux-ci étaient tout sauf des anges démocrates, on peut imaginer qu'ils n'ont fait ces dons qu'en échange de soutiens politiques et militaires à leurs régimes mais aussi, en cas de grosses difficultés, de protections pour eux, leur famille et leurs biens. Je ne sais pas s'ils l'ont fait mais ils étaient en situation d'exercer un chantage sur l'Elysée. On en a, d'ailleurs, eu une illustration lorsque les dirigeants libyens ont annoncé qu'ils donneraient des informations sur le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy. L'ont-ils fait? On ne peut exclure que certaines révélations récentes sur Ziad Takkiedine leur doivent beaucoup.
Sur un autre plan on peut aussi s'interroger sur l'impact de ces pratiques sur les comportements des dirigeants africains. Auraient-ils si longtemps résisté à la contestation de leur peuple s'ils n'avaient été assurés du soutien et de la protection de la France. La meilleure manière de lutter pour la démocratie dans ces pays est de ne pas donner aux dictateurs le sentiment d'impunité. Or, c'est sans doute le (mauvais) service que Chirac et Villepin ont rendu à l'Afrique (et que Sarkozy a rendu à Kadhafi s'il a bénéficié de son aide financière dans sa dernière campagne comme celui-ci l'a suggéré).
jeudi, septembre 08, 2011
Faut-il se fier aux économistes?
En ces temps difficiles, les politiques ont tendance à se tourner vers les économistes. C'est ce que faisait tout récemment encore François Hollande. Mais est-ce une bonne idée? Pas si l'on en croit plusieurs d'entre eux. Robert Lucas, le théoricien des anticipations rationnelles, a une phrase que nos candidats devraient garder dans un coin de leur tête : "In cases of uncertainty, economic reasoning will be of little value" (Lucas, Studies in Business-Cycle Theory. MIT Press1981, p 224) Kenneth Arrow et Douglass North, deux autres poids lourds de la profession ne disent pas autrement. "No theory can be formulated in case of uncertainty" dit le premier en 1951 et le second :"In order to make uncertain situations "comprehensible" humans will develop explanations. The pervasiveness of myths, taboos and particularly religions throughout history (and prehistory, as well) suggests that humans have always felt a need to explain the unexplainable and indeed it is probably an evolutionarily superior trait to have any explanation rather than no explanation." (Economics and cognitive science). Prudence, donc.
Delors responsable de la mondialisation?
Drôle de papier d'Aquilino Morelle, ex-plume de Jospin, directeur de campagne d'Arnaud Montebourg, hier dans le Monde. On y apprend que la mondialisation "est avant tout un projet idéologique pensé, voulu et mis en œuvre avec opiniâtreté par des intellectuels et des responsables politiques, de gauche qui plus est." Au premier rang desquels il faut mettre Jacques Delors, Pasca Lamy et Michel Camdessus. "Pénétrés de la supériorité du libre-échange" ces hommes ont "convaincu François Mitterrand de libéraliser la finance. L'année 1983 n'a pas été l'année de la capitulation de la gauche française devant la finance, mais celle de son ralliement à celle-ci ! Un ralliement dont les mots d'ordre auront été "maîtrise" et "régulation". A partir de 1985, ayant pris la tête de la Commission européenne (Delors et Lamy) et du FMI (Camdessus), ils ont diffusé cette politique de libéralisation financière à l'ensemble de la planète. Par leur habileté politique et leur persévérance, ces "socialistes" français ont réussi à établir ce qu'il est convenu d'appeler le "consensus de Paris". Diable! Reagan et Thatcher, out, c'est Mitterrand qui nous aurait mis dans cette panade.
La thèse est pour le moins audacieuse. Mais il l'appuie sur un livre publié en 2007 d'un professeur d'Harvard, Rawi Abedelal : Capital Rules : The Construction of Global Finance, que personne sinon Aquilino Morelle, n'a je crois, lu de ce coté-ci de l'Atlantique. On peut cependant en lire quelques lignes sur Amazon et notamment ceci : "The most important misconception of the conventional account (of the rise of global finance) concerns the role of the United States. Undoubtedly, the US played an important role in the creation of mobile capital, through its agents in international financial markets (…) But neither the U.S. nor Wall Street has preferred or promoted multilateral, liberal rules for global finance (…) European policy makers conceived and promoted the liberal rules that compose the international financial architecture. The most liberal rules in international finance are those of the EU and the US was irrelevant in their construction." Et un peu plus loin :"While a number of Europeans (…) supported liberal rules for capital movements, three French policy makers in the EU, OECD ans IMF played crucial roles." Vous les aurez reconnus : Delors, Lamy et Camdessus. Et il conclue, dans une phrase que Morelle reprend pratiquement mot pour mot : "Europe did not merely acquiesce ; Europe made financial globalization."
Morelle a raison sur un point : il faut traduire ce livre. Apporte-t-il pour autant de l'eau au moulin de la démondialisation? Je n'en suis pas si sûr. Reste que c'est d'étrange stratégie politique que d'attribuer, dans une campagne présidentielle, la responsabilité de la plupart de nos maux aux vedettes de sa formation politique. On peut imaginer que Jean-Luc Mélenchon a lu avec délectation ce papier et l'on voit déjà comment pourrait se reconstruire la gauche au lendemain d'une défaite aux présidentielles, avec un rapprochement, dans une formation probablement nouvelle, d'une gauche inspirée par les thèses d'Attac, d'un coté (Melenchon, Montebourg…) et d'une formation plus sociale-libérale autour des restes du PS.
La thèse est pour le moins audacieuse. Mais il l'appuie sur un livre publié en 2007 d'un professeur d'Harvard, Rawi Abedelal : Capital Rules : The Construction of Global Finance, que personne sinon Aquilino Morelle, n'a je crois, lu de ce coté-ci de l'Atlantique. On peut cependant en lire quelques lignes sur Amazon et notamment ceci : "The most important misconception of the conventional account (of the rise of global finance) concerns the role of the United States. Undoubtedly, the US played an important role in the creation of mobile capital, through its agents in international financial markets (…) But neither the U.S. nor Wall Street has preferred or promoted multilateral, liberal rules for global finance (…) European policy makers conceived and promoted the liberal rules that compose the international financial architecture. The most liberal rules in international finance are those of the EU and the US was irrelevant in their construction." Et un peu plus loin :"While a number of Europeans (…) supported liberal rules for capital movements, three French policy makers in the EU, OECD ans IMF played crucial roles." Vous les aurez reconnus : Delors, Lamy et Camdessus. Et il conclue, dans une phrase que Morelle reprend pratiquement mot pour mot : "Europe did not merely acquiesce ; Europe made financial globalization."
Morelle a raison sur un point : il faut traduire ce livre. Apporte-t-il pour autant de l'eau au moulin de la démondialisation? Je n'en suis pas si sûr. Reste que c'est d'étrange stratégie politique que d'attribuer, dans une campagne présidentielle, la responsabilité de la plupart de nos maux aux vedettes de sa formation politique. On peut imaginer que Jean-Luc Mélenchon a lu avec délectation ce papier et l'on voit déjà comment pourrait se reconstruire la gauche au lendemain d'une défaite aux présidentielles, avec un rapprochement, dans une formation probablement nouvelle, d'une gauche inspirée par les thèses d'Attac, d'un coté (Melenchon, Montebourg…) et d'une formation plus sociale-libérale autour des restes du PS.
mercredi, septembre 07, 2011
Youpie aime Sie
On parlait il y a quelques années des anglicismes, pour s'en effrayer. Etiemble (aujourd'hui bien oublié!) avait même, si j'ai bonne mémoire, publié un petit livre sur le franglais. S'il revenait à Paris, il serait horrifié. Je bavardais ce matin avec une connaissance qui doit intervenir à Jussieu. Non, me dit-il, ce n'est plus Jussieu, ce n'est plus Paris VI, c'est Youpie aime Sie. Comme je ne comprenais pas, il m'a traduit : UPMC, Université Pierre et Marie Curie…
PS. Je ne devrais pas me moquer. Je viens de passer la journée à traduire en français les citations en anglais de Steve Reich et de quelques autres compositeurs américains que j'avais laissées dans leur langue d'origine dans le manuscrit d'un livre d'entretien avec un compositeur américain, Tom Johnson, que je publie dans quelques jours.
PS. Je ne devrais pas me moquer. Je viens de passer la journée à traduire en français les citations en anglais de Steve Reich et de quelques autres compositeurs américains que j'avais laissées dans leur langue d'origine dans le manuscrit d'un livre d'entretien avec un compositeur américain, Tom Johnson, que je publie dans quelques jours.
Marine Aubry ressemble-t-elle trop à Nicolas Sarkozy?
Martine Aubry ne décolle donc pas dans les sondages. Les observateurs multiplient les explications : partie trop tard, trop prisonnière du programme du PS, stratégie trop centrée sur les militants… J’en vois une autre : sa personnalité ou, du moins, l’image qu’on en a. Son passage au Ministère du Travail, la manière dont elle a imposé les lois sur les 35 heures, les confidences de ses proches donnent l’image d’une femme déterminée, décidée mais aussi capable de dire des vacheries et de se comporter de manière brutale. Or, ce portrait la fait, d’une certaine manière, ressembler à Nicolas Sarkozy auquel on reproche aussi sa brutalité (que révèle crûment le livre Sarko m’a tuer) et sa capacité à bousculer pour atteindre ses objectifs, deux traits de caractère qu’il a régulièrement mis en scène dans ses interventions publiques. A contrario, François Hollande a l’image de quelqu’un de tolérant, d’équitable, de bienveillant (“humain” disait la mère de Tristane Banon) et de courtois : il recherche l'accord plutôt que la bagarre. Il y a chez lui quelque chose de cette douceur dont parlait Jacqueline de Romilly dans un de ses livres sur la Grèce antique (La douceur dans la pensée grecque), dont on créditait les bons gouvernants. Les hommes d’Etat, expliquait, par exemple Isocrate , doivent agir pour le bien de l’Etat mais aussi “veiller avec le plus grand soin à se montrer en tout gracieux et affables dans leurs paroles et leurs actes car les gens qui négligent cela passent aux yeux de leurs concitoyens pour insupportables et de commerce trop pénible.” (Sur l’échange, 132)
On prétait également ces qualités à Dominique Strauss Kahn, ce qui explique sans doute qu’Hollande occupe aujourd’hui la place que celui-ci aurait prise s’il n’y avait eu l’épisode new-yorkais.
On dira qu’il ne s’agit que d’une affaire d’image et que ce n’est pas le plus important. Voire. Nous jugeons les candidats autant sur leur personnalité ou ce que nous en percevons que sur des programmes dont nous savons bien que la réalité se chargera de les renvoyer aux archives. Or, on peut penser que les Français ont assez goûté à la brutalité et qu’ils recherchent aujourd’hui, dans une situation qui promet d’être difficile, quelqu’un qui fasse preuve de modération dans ses jugements et qui sache prendre en considération les attentes de chacun.
On prétait également ces qualités à Dominique Strauss Kahn, ce qui explique sans doute qu’Hollande occupe aujourd’hui la place que celui-ci aurait prise s’il n’y avait eu l’épisode new-yorkais.
On dira qu’il ne s’agit que d’une affaire d’image et que ce n’est pas le plus important. Voire. Nous jugeons les candidats autant sur leur personnalité ou ce que nous en percevons que sur des programmes dont nous savons bien que la réalité se chargera de les renvoyer aux archives. Or, on peut penser que les Français ont assez goûté à la brutalité et qu’ils recherchent aujourd’hui, dans une situation qui promet d’être difficile, quelqu’un qui fasse preuve de modération dans ses jugements et qui sache prendre en considération les attentes de chacun.
mardi, septembre 06, 2011
Une étrange courbe…
Je faisais à l'instant allusion à ce nouvel outil de Google qui permet de faire des statistiques sur la fréquence de mots dans leur bibliothèque électronique. Je l'ai utilisé avec les trois mots socialisme (en bleu), communisme (en rouge), libéralisme (en vert). Le plus frappant est la courbe du mot socialisme : il monte jusqu'en1980 et s'effondre ensuite… La fin d'un rêve? Mais le sort du libéralisme qui n'arrive pas à dépasser le communisme n'est guère plus enviable…
Et si nous étions les plus romantiques?
Google vient de mettre à notre disposition un nouvel outil, le Books Ngramm Viewer, qui permet d'analyser la fréquence des mots dans leur immense bibliothèque numérique. Ce qui est l'occasion de petits jeux assez amusants. J'ai essayé avec des mots sérieux, comme crise, puis avec les mots amour et sexe dans trois langues : le français, l'anglais des Etats-Unis et celui de Grande-Bretagne puisque cet outil fait la distinction. Au vu des courbes (le bleu correspond au mot amour et le rouge au mot sexe), nous sommes les plus romantiques et les britanniques les plus… obsédés par le sexe. Reste à savoir ce que valent ces statistiques.
Aux Etats-Unis
Aux Etats-Unis
En Grande-Bretagne :
Et en France (ou plutôt dans la littérature francophone) :
Anosognosie, une bien étrange maladie
Nous aurons donc appris ce week-end un mot nouveau : anosognosie, méconnaissance, par un malade ou un infirme, de son état, même grave, notamment dans le cas d'affections telles que la cécité ou l'hémiplégie. Maladie étrange et plutôt commode. Il est vrai que les dernières images de Jacques Chirac le montrent très affaibli et sa présence au tribunal dans cet état nous aurait certainement mis mal à l'aise. Mais que sa famille utilise cet argument pour le protéger de lui-même et des éventuelles révélations qu'il aurait pu faire met également mal à l'aise. D'une certaine manière, on le censure d'avance, on lui interdit de parler, on retire tout crédibilité à tout ce qu'il dira mais aussi de tout ce qu'il a pu dire ces derniers mois. Les médias ne s'y sont d'ailleurs pas trompés qui ont rediffusé ces images où on le voit annoncer qu'il votera François Hollande. Il ne se sait pas malade, soit, mais cette maladie lui a-t-elle retiré ses facultés intellectuelles? est-il incapable de penser? de se souvenir? d'avoir des préférences? On associe cette anosognosie à l'Alzheimer mais on ne nous dit pas qu'il en souffre. On aurait voulu l'enterrer vivant qu'on ne s'y serait pas pris autrement.
Il s'agit, dans cette affaire, de juger des délits dont chacun sait qu'ils ont été commis. Il y a dans ce procès quelque chose de symbolique. Mais oublions un instant le contexte politique et imaginons que Jacques Chirac veuille donner sa fortune (si fortune il y a) à une association, une fondation, une jeune maitresse, une infirmière… cette providentielle anosognosie permettrait à des héritiers lésés de le lui interdire. Et nous éprouverions, à ce spectacle, un léger dégoût.
Il s'agit, dans cette affaire, de juger des délits dont chacun sait qu'ils ont été commis. Il y a dans ce procès quelque chose de symbolique. Mais oublions un instant le contexte politique et imaginons que Jacques Chirac veuille donner sa fortune (si fortune il y a) à une association, une fondation, une jeune maitresse, une infirmière… cette providentielle anosognosie permettrait à des héritiers lésés de le lui interdire. Et nous éprouverions, à ce spectacle, un léger dégoût.
Dur week-end pour l'UMP
Si l’UMP pensait lancer sa campagne présidentielle ce week-end, c’est raté. Tout au long du week-end ses membres réunis à Marseille ont dû répondre aux questions des journalistes, non pas sur leur programme, mais sur la santé de Jacques Chirac et le retour de Dominique Strauss-Kahn. Pour comble de malheur, il s’est trouvé un Marleix pour rappeler de mauvais souvenirs : son Coréen national valait bien les Auvergnats d’Hortefeux ou les attaques de Fillon (à la traîne de Marine Le Pen dans cette affaire) sur la double nationalité d’Eva Joly.
Les commentateurs ont un peu corrigé les choses le lendemain en insistant lourdement sur les difficultés que le retour de DSK créeraient au sein du PS. Difficultés pour l’heure invisibles. S’il est vrai que l’évocation de son retour en politique met tout le monde un peu mal à l’aise, on ne voit pas que les électeurs en tiennent rigueur au PS. Dans les sondages, les scores de François Hollande ressemblent à ceux que faisait DSK avant sa mésaventure new-yorkaise.
Il n’est pas certain, d’ailleurs, que ce retour soit une bonne nouvelle pour l’UMP. DSK va parler. Il va probablement s’excuser, nous dire combien il regrette, nous assurer de son innocence (mais aussi de sa bêtise). Avec un peu de chance et (beaucoup) de talent, il peut, sans en dire un mot mais de manière subliminale, remettre en selle la thèse du complot qui a pris consistance ces dernières semaines. Si le procureur américain a retiré son accusation c’est, comme on le dit en permanence, parce que la présumée victime a beaucoup menti, mais c’est aussi, on ne le souligne pas toujours, du fait de l’absence de preuves matérielles. C’est vraiment parole contre parole. Or, la brutalité du procureur dans les premières heures, le comportement du Sofitel, la manière dont les autorités ont été averties, le rôle d’Atlantico dans la diffusion de la nouvelle, peuvent laisser planer un doute. On n’aura certainement pas de preuve, mais le soupçon de manipulation peut gagner en crédibilité et s'imposer dans l’opinion. Il le fera d’autant plus facilement que l’affaire du Monde, les attaques contre Martine Aubry nous ont montré, ces dernières semaines, que l’Elysée et ses proches savaient ne reculer devant rien lorsque leurs intérêts sont en jeu. S’il réussit cela, DSK aura aidé ses camarades socialistes dans cette campagne et remboursé une partie de sa dette à leur égard.
Les commentateurs ont un peu corrigé les choses le lendemain en insistant lourdement sur les difficultés que le retour de DSK créeraient au sein du PS. Difficultés pour l’heure invisibles. S’il est vrai que l’évocation de son retour en politique met tout le monde un peu mal à l’aise, on ne voit pas que les électeurs en tiennent rigueur au PS. Dans les sondages, les scores de François Hollande ressemblent à ceux que faisait DSK avant sa mésaventure new-yorkaise.
Il n’est pas certain, d’ailleurs, que ce retour soit une bonne nouvelle pour l’UMP. DSK va parler. Il va probablement s’excuser, nous dire combien il regrette, nous assurer de son innocence (mais aussi de sa bêtise). Avec un peu de chance et (beaucoup) de talent, il peut, sans en dire un mot mais de manière subliminale, remettre en selle la thèse du complot qui a pris consistance ces dernières semaines. Si le procureur américain a retiré son accusation c’est, comme on le dit en permanence, parce que la présumée victime a beaucoup menti, mais c’est aussi, on ne le souligne pas toujours, du fait de l’absence de preuves matérielles. C’est vraiment parole contre parole. Or, la brutalité du procureur dans les premières heures, le comportement du Sofitel, la manière dont les autorités ont été averties, le rôle d’Atlantico dans la diffusion de la nouvelle, peuvent laisser planer un doute. On n’aura certainement pas de preuve, mais le soupçon de manipulation peut gagner en crédibilité et s'imposer dans l’opinion. Il le fera d’autant plus facilement que l’affaire du Monde, les attaques contre Martine Aubry nous ont montré, ces dernières semaines, que l’Elysée et ses proches savaient ne reculer devant rien lorsque leurs intérêts sont en jeu. S’il réussit cela, DSK aura aidé ses camarades socialistes dans cette campagne et remboursé une partie de sa dette à leur égard.
lundi, septembre 05, 2011
Règle d’or ou sparadrap?
Nicolas Sarkozy se révèle incapable d’obtenir de sa majorité des mesures d’économie comme en témoigne sa capitulation en rase campagne devant les protestations de Jean-Pierre Raffarin et de Walt Disney, mais il est très bon à inventer des sparadraps qui collent aux doigts des socialistes. Son idée de proposer au Parlement le vote d’une règle d’or en est un excellent exemple. Que cela ne serve à rien, puisque dans la situation politique actuelle il y a peu de chance que l’opposition lui fasse ce cadeau, importe peu : les Français y sont sensibles, la mesure est populaire et il peut espérer renvoyer les socialistes à leur incapacité à gouverner sagement. Que ce soit contre-productif, les marchés financiers pouvant prendre argument de cette absence de consensus pour une preuve que la France ne fera pas d’efforts pour réduire son déficit, il s’en moque.
Mais voilà que deux des candidats socialistes, François Hollande et Ségolène Royal, promettent à leur tour une règle d’or après les élections. On aurait préféré qu’ils nous expliquent en quoi cette règle d’or n’est qu’un faux semblant. On nous dit que cet amendement à la Constitution évitera les dérives. Encore faudrait-il qu’il ne précise pas comme celui voté en Allemagne en 2009 , qu’en cas “de situations d’urgence exceptionnelles qui échappent au contrôle de l’Etat et compromettent considérablement les finances publiques, ces limites supérieures de l’emprunt peuvent être dépassées.” Ce qui le vide évidemment de beaucoup de son contenu. Or, qui peut prétendre qu’il en ira autrement?
En fait, les marchés, c’est-à-dire ceux qui sur les marchés prennent des décisions en s’appuyant sur les informations reçues de la presse finanicère (Bloomberg, FT, WSJ…) s’intéressent aujourd’hui autant à la capacité des Etats à améliorer leurs recettes fiscales qu’à leur capacité à réduire leurs dépenses. Et pour ce motif, on ne peut exclure qu’ils fassent, paradoxalement, plus confiance à des socio-démocrates qui affichent, à l’instar de François Hollande, leur volonté d’augmenter les impôts sans produire de fuite et de fraude massive, qu'à des conservateurs qui refusent d’augmenter les impôts et se révèlent incapables de réduire les dépenses. Si Nicolas Sarkozy voulait effectivement protéger notre note AAA, il montrerait plus de détermination dans l’amélioration des recettes et refuserait de se laisser dicter sa loi par des lobbies, fussent-ils aussi sympathiques que ceux que représente avec tant de talent Jean-Pierre Raffarin. Mais le peut-il à la veille d’une élection qu’il aborde en situation de faiblesse?
Mais voilà que deux des candidats socialistes, François Hollande et Ségolène Royal, promettent à leur tour une règle d’or après les élections. On aurait préféré qu’ils nous expliquent en quoi cette règle d’or n’est qu’un faux semblant. On nous dit que cet amendement à la Constitution évitera les dérives. Encore faudrait-il qu’il ne précise pas comme celui voté en Allemagne en 2009 , qu’en cas “de situations d’urgence exceptionnelles qui échappent au contrôle de l’Etat et compromettent considérablement les finances publiques, ces limites supérieures de l’emprunt peuvent être dépassées.” Ce qui le vide évidemment de beaucoup de son contenu. Or, qui peut prétendre qu’il en ira autrement?
En fait, les marchés, c’est-à-dire ceux qui sur les marchés prennent des décisions en s’appuyant sur les informations reçues de la presse finanicère (Bloomberg, FT, WSJ…) s’intéressent aujourd’hui autant à la capacité des Etats à améliorer leurs recettes fiscales qu’à leur capacité à réduire leurs dépenses. Et pour ce motif, on ne peut exclure qu’ils fassent, paradoxalement, plus confiance à des socio-démocrates qui affichent, à l’instar de François Hollande, leur volonté d’augmenter les impôts sans produire de fuite et de fraude massive, qu'à des conservateurs qui refusent d’augmenter les impôts et se révèlent incapables de réduire les dépenses. Si Nicolas Sarkozy voulait effectivement protéger notre note AAA, il montrerait plus de détermination dans l’amélioration des recettes et refuserait de se laisser dicter sa loi par des lobbies, fussent-ils aussi sympathiques que ceux que représente avec tant de talent Jean-Pierre Raffarin. Mais le peut-il à la veille d’une élection qu’il aborde en situation de faiblesse?
dimanche, septembre 04, 2011
"L'énigme Hollande", Mauduit et les économistes
Dans un article fouillé de Médiapart, Laurent Mauduit s’interroge sur ce qu’il appelle “l’énigme Hollande” que l’on peut résumer ainsi : de nombreux signes montrent que cet homme qui a tenu dans le passé des positions de gauche se strauss-kahnise en vue de l’élection présidentielle, au risque de ne pas réunir toute la gauche sur son nom.
Mauduit décèle cette droitisation dans toute une série de faits ténus, de prises de position dont il se demande, parfois, s’il s’agit bien de prises de position, d’allusions, de remarques courtoises sur Raymond Barre, de rapprochement avec des économistes qu’il qualifie un peu vite de réactionnaires, comme Gilbert Cette (qui a beaucoup travaillé sur les 35 heures et co-écrit un livre avec Dominique Taddei qui leur était plutôt favorable avant de conseiller Ségolène Royal), Jean-Paul Fitoussi (qui préside l’OFCE qui ne passe pas d’ordinaire pour une institution droitière). Bizarrement, il ne cite pas les propos de François Hollande sur l’autonomie du dialogue social qu’avait dénoncés Jean-Luc Mélenchon (voir pour une défense des positions de François Hollande sur ce sujet ici).
Les critiques de Mauduit sont intéressantes même si elles sont parfois tendancieuses. Il reproche, par exemple, à Gilbert Cette, dont il souligne la position à la Banque de France et qu’il qualifie “d’économiste réactionnaire”, d’avoir indiqué que l’augmentation du SMIC n’était pas une solution. On a à le lire vite l’impression que Cette veut casser le Smic. Ce n’est évidemment pas le cas. Sa thèse s’appuie sur des travaux qu’il a menés avec quelques autres (Cahuc, Zylberberg) qui s’interrogent sur la multiplication des travailleurs pauvres et montrent que leur pauvreté est moins liée au niveau du salaire minimum qu’à la précarité qui leur interdit de travailler tout au long de l’année. Est-ce réactionnaire d’en conclure que ce n’est pas en augmentant de manière automatique le Smic qu’on réduira le nombre de “working poors” ? En fait, Cette propose de modifier le mode de revalorisation du Smic pour corriger un de ses défauts : “dans certaines situations, écrit-il, l’application des règles de revalorisation automatique (hors coups de pouce) du SMIC, peuvent aboutir à une progression nominale de ce dernier plus forte que celle du salaire horaire brut ouvrier.” Ce qui peut “aboutir à une compression du bas de la dispersion des salaires et (…) à long terme (…) à un écrasement de la distribution des salaires.” Tout cela peut être discuté, mais de là à en faire une position réactionnaire et une attaque sans précédent contre le Smic, il y a plus qu’un pas.
Bizarrement, j’entendais hier une chroniqueuse reprocher de la même manière à Martine Aubry sa collaboration avec Daniel Cohen, économiste dont le grand tort serait d’avoir été qualifié de meilleur économiste de France par les Echos.
En toile de fond de ces critiques, il y a une double question : celle de la politique économique à mener dans les mois qui viennent et celle de la place des économistes dans notre vie politique. Ce sont aujourd’hui les intellectuels dominants. Ce sont eux, et plus les philosophes, qui conseillent le prince alors même que leur discipline s’est formidablement droitisée ces trente dernières années sous l’influence d’Hayek, de Friedman, de l’école de Chicago et de celle du Public Choice (sur ce sujet, voir Quand les économistes veulent enchaîner la démocratie).
L’exemple de ce qui se passe en Grèce, la montée en puissance du mouvement des indignés devraient rapidement inciter les candidats de gauche à freiner leur course à toujours plus d’austérité qui serait contre-productive (si plus d’austérité = des recettes fiscales plus faibles il y a peu de chance que l’on s’en tire). Martine Aubry qui a senti le danger insiste d’ores et déjà dans ses discours sur la nécessaire croissance. Et l’on peut imaginer que François Hollande fera bientôt de même.
Pour ce qui est de la position des économistes dans les équipes de campagne, si leur importance s’explique par la gravité de la crise, elle pose de nombreux problèmes :
- domination massive des universités américaines dans la discipline, ce qui conduit à des travaux qui s’appuient, pour l’essentiel, sur des données de la société nord-américaine dont les institutions et les fonctionnements sont très différents des nôtres,
- prédominance, au sein de la profession, de l’école néo-classique dont la responsabilité dans la crise est loin d’être mince,
- modèles économiques basés sur la théorie de l’agent rationnel qui n’est qu’une pale image des individus réels que nous sommes les uns et les autres et qui rend difficile la compréhension des phénomènes sociaux (je ne crois pas que les économistes aient des outils adéquats pour comprendre ce qui se passe, par exemple, dans les banlieues)
- absence (pour l’instant?) de théorie alternative qui permettrait de comprendre ce qui s’est produit en 2008, à l’image de ce que Keynes avait fait dans les années trente.
Rien de tout cela ne les disqualifie : ils ont leur place dans les équipes de campagne, ils donnent aux candidats une allure de sérieux qui ne peut que séduire dans la période actuelle, ils peuvent rassurer les marchés (la gauche, si elle arrive au pouvoir ne fera pas n’importe quoi), ils sont force de propositions, mais pas plus que la politique ne doit se faire à la Bourse, elle ne doit se faire dans les départements d’économie.
PS J'ai retrouvé dans un vieil article de Paul Krugman (il date de 1996) quelques éléments qui expliquent cette droitisation de l'économie : "Despite its centrality to political debate, economic research is a very low-budget affair. The entire annual economics budget at the National Science foundation is less than $20 million. What this means is that even a handful of wealthy cranks can support an impressive-looking array of think tanks, research institutes, foundations, and so on devoted to promoting an economic doctrine they like. (The role of a few key funders, like the Coors and Olin Foundations, in building an intellectual facade for late 20th-century conservatism is a story that somebody needs to write.) The economists these institutions can attract are not exactly the best and the brightest. Supply-side troubadour Jude Wanniski has lately been reduced to employing followers of Lyndon LaRouche. But who needs brilliant, or even competent, researchers when you already know all the answers?"
Mauduit décèle cette droitisation dans toute une série de faits ténus, de prises de position dont il se demande, parfois, s’il s’agit bien de prises de position, d’allusions, de remarques courtoises sur Raymond Barre, de rapprochement avec des économistes qu’il qualifie un peu vite de réactionnaires, comme Gilbert Cette (qui a beaucoup travaillé sur les 35 heures et co-écrit un livre avec Dominique Taddei qui leur était plutôt favorable avant de conseiller Ségolène Royal), Jean-Paul Fitoussi (qui préside l’OFCE qui ne passe pas d’ordinaire pour une institution droitière). Bizarrement, il ne cite pas les propos de François Hollande sur l’autonomie du dialogue social qu’avait dénoncés Jean-Luc Mélenchon (voir pour une défense des positions de François Hollande sur ce sujet ici).
Les critiques de Mauduit sont intéressantes même si elles sont parfois tendancieuses. Il reproche, par exemple, à Gilbert Cette, dont il souligne la position à la Banque de France et qu’il qualifie “d’économiste réactionnaire”, d’avoir indiqué que l’augmentation du SMIC n’était pas une solution. On a à le lire vite l’impression que Cette veut casser le Smic. Ce n’est évidemment pas le cas. Sa thèse s’appuie sur des travaux qu’il a menés avec quelques autres (Cahuc, Zylberberg) qui s’interrogent sur la multiplication des travailleurs pauvres et montrent que leur pauvreté est moins liée au niveau du salaire minimum qu’à la précarité qui leur interdit de travailler tout au long de l’année. Est-ce réactionnaire d’en conclure que ce n’est pas en augmentant de manière automatique le Smic qu’on réduira le nombre de “working poors” ? En fait, Cette propose de modifier le mode de revalorisation du Smic pour corriger un de ses défauts : “dans certaines situations, écrit-il, l’application des règles de revalorisation automatique (hors coups de pouce) du SMIC, peuvent aboutir à une progression nominale de ce dernier plus forte que celle du salaire horaire brut ouvrier.” Ce qui peut “aboutir à une compression du bas de la dispersion des salaires et (…) à long terme (…) à un écrasement de la distribution des salaires.” Tout cela peut être discuté, mais de là à en faire une position réactionnaire et une attaque sans précédent contre le Smic, il y a plus qu’un pas.
Bizarrement, j’entendais hier une chroniqueuse reprocher de la même manière à Martine Aubry sa collaboration avec Daniel Cohen, économiste dont le grand tort serait d’avoir été qualifié de meilleur économiste de France par les Echos.
En toile de fond de ces critiques, il y a une double question : celle de la politique économique à mener dans les mois qui viennent et celle de la place des économistes dans notre vie politique. Ce sont aujourd’hui les intellectuels dominants. Ce sont eux, et plus les philosophes, qui conseillent le prince alors même que leur discipline s’est formidablement droitisée ces trente dernières années sous l’influence d’Hayek, de Friedman, de l’école de Chicago et de celle du Public Choice (sur ce sujet, voir Quand les économistes veulent enchaîner la démocratie).
L’exemple de ce qui se passe en Grèce, la montée en puissance du mouvement des indignés devraient rapidement inciter les candidats de gauche à freiner leur course à toujours plus d’austérité qui serait contre-productive (si plus d’austérité = des recettes fiscales plus faibles il y a peu de chance que l’on s’en tire). Martine Aubry qui a senti le danger insiste d’ores et déjà dans ses discours sur la nécessaire croissance. Et l’on peut imaginer que François Hollande fera bientôt de même.
Pour ce qui est de la position des économistes dans les équipes de campagne, si leur importance s’explique par la gravité de la crise, elle pose de nombreux problèmes :
- domination massive des universités américaines dans la discipline, ce qui conduit à des travaux qui s’appuient, pour l’essentiel, sur des données de la société nord-américaine dont les institutions et les fonctionnements sont très différents des nôtres,
- prédominance, au sein de la profession, de l’école néo-classique dont la responsabilité dans la crise est loin d’être mince,
- modèles économiques basés sur la théorie de l’agent rationnel qui n’est qu’une pale image des individus réels que nous sommes les uns et les autres et qui rend difficile la compréhension des phénomènes sociaux (je ne crois pas que les économistes aient des outils adéquats pour comprendre ce qui se passe, par exemple, dans les banlieues)
- absence (pour l’instant?) de théorie alternative qui permettrait de comprendre ce qui s’est produit en 2008, à l’image de ce que Keynes avait fait dans les années trente.
Rien de tout cela ne les disqualifie : ils ont leur place dans les équipes de campagne, ils donnent aux candidats une allure de sérieux qui ne peut que séduire dans la période actuelle, ils peuvent rassurer les marchés (la gauche, si elle arrive au pouvoir ne fera pas n’importe quoi), ils sont force de propositions, mais pas plus que la politique ne doit se faire à la Bourse, elle ne doit se faire dans les départements d’économie.
PS J'ai retrouvé dans un vieil article de Paul Krugman (il date de 1996) quelques éléments qui expliquent cette droitisation de l'économie : "Despite its centrality to political debate, economic research is a very low-budget affair. The entire annual economics budget at the National Science foundation is less than $20 million. What this means is that even a handful of wealthy cranks can support an impressive-looking array of think tanks, research institutes, foundations, and so on devoted to promoting an economic doctrine they like. (The role of a few key funders, like the Coors and Olin Foundations, in building an intellectual facade for late 20th-century conservatism is a story that somebody needs to write.) The economists these institutions can attract are not exactly the best and the brightest. Supply-side troubadour Jude Wanniski has lately been reduced to employing followers of Lyndon LaRouche. But who needs brilliant, or even competent, researchers when you already know all the answers?"
vendredi, septembre 02, 2011
Sarko m'a tuer
Tous les Présidents ont eu leur cabinet noir, leurs affaires et leurs secrets. Sarko m’a tuer de Davet et Lhomme montre en quoi Nicolas Sarkozy est différent de ses prédécesseurs :
- il est d’une incroyable méfiance et susceptibilité quand ses deux prédécesseurs pratiquaient volontiers l’indifférence à l’égard des rumeurs et des critiques des médias (que l’on pense à la manière dont Chirac a réagi aux affaires sur le financement de l’UMP),
- il est d’une extrême brutalité et terriblement rancunier quand Chirac et Mitterrand qui n’étaient pas non plus tendres évitaient d’écraser des ennemis à terre. Peut-être parce que plus âgés avec, derrière eux, une carrière plus longue, ils avaient appris que l’on retrouvait toujours ses adversaires d’un jour et que mieux valait éviter d’insulter l’avenir. D’où cette impression de peur qui entoure tous ces récits et ce sentiment d’humiliation qui revient constamment dans les propos de ses victimes. L’une d’elles, ancien préfet en Corse, parle de méthode du pilori et de “culture de la peur et de la terreur : il lui faut une victime expiatoire, Il faut exécuter quelqu’un en place publique. C’est la méthode du pilori, il s’agit de laver un affront.” (Une autre victime explique : “j’ai été condamné et fusillé sur la place publique”, Dominique de Villepin ajoute : “avec lui, il faut un coupable, un responsable”). Une pratique qui suscite la révolte de ses victimes même lorsque celles-ci sont fonctionnaires d’autorité et lucides sur les risques du métier : ce livre est rempli de témoignages de préfets, corporation poourtant peu portée à la contestation, qui ne mâchent pas leurs mots ;
- il donne un tour personnel au conflit (c’est frappant tout au long du livre, les personnes interrogées sont toutes convaincues d’être l’objet de la vindicte de Nicolas Sarkozy et de lui seul, plusieurs racontent qu’il est intervenu personnellement pour leur régler leur compte). Est-ce le rôle d’un Président de porter plainte contre des fonctionnaires qui lui déplaisent comme il a fait dans l’affaire Yves Bertrand?
- il ne respecte aucune règle même pour des affaires insignifiantes quand ses prédécesseurs savaient faire preuve de plus de prudence,
- il est offensif quand ses prédécesseurs ne mordaient la ligne que lorsqu’ils étaient en position de faiblesse,
- il entretient avec la presse des relations complètement nouvelles. Là où autrefois on faisait passer les informations un peu “délicates” dans Minute, journal d'extrême-droite que personne ne prenait vraiment au sérieux, on utilise aujourd’hui le Figaro, ce qui facilite leur propagation, leur donne une sorte d’autorité inquiétante et les rend d’autant plus cruelles. La presse a beaucoup a mis en avant les révélations d’Isabelle Prévost-Desprez, le livre se termine sur une phrase terrible de Dominique de Villepin (“Tous les adversaires de Nicolas Sarkozy sont voués au bûcher”) mais les témoignages les plus impressionnants sont certainement ceux d’Aurélie Filippetti et, surtout, de Claire Thiboult qui raconte comment elle a été littéralement harcelée par les policiers de la brigade financière et le parquet pendant plusieurs jours parce qu'au coeur de l’affaire Bettencourt.
Un livre effrayant, par bien des cotés.
- il est d’une incroyable méfiance et susceptibilité quand ses deux prédécesseurs pratiquaient volontiers l’indifférence à l’égard des rumeurs et des critiques des médias (que l’on pense à la manière dont Chirac a réagi aux affaires sur le financement de l’UMP),
- il est d’une extrême brutalité et terriblement rancunier quand Chirac et Mitterrand qui n’étaient pas non plus tendres évitaient d’écraser des ennemis à terre. Peut-être parce que plus âgés avec, derrière eux, une carrière plus longue, ils avaient appris que l’on retrouvait toujours ses adversaires d’un jour et que mieux valait éviter d’insulter l’avenir. D’où cette impression de peur qui entoure tous ces récits et ce sentiment d’humiliation qui revient constamment dans les propos de ses victimes. L’une d’elles, ancien préfet en Corse, parle de méthode du pilori et de “culture de la peur et de la terreur : il lui faut une victime expiatoire, Il faut exécuter quelqu’un en place publique. C’est la méthode du pilori, il s’agit de laver un affront.” (Une autre victime explique : “j’ai été condamné et fusillé sur la place publique”, Dominique de Villepin ajoute : “avec lui, il faut un coupable, un responsable”). Une pratique qui suscite la révolte de ses victimes même lorsque celles-ci sont fonctionnaires d’autorité et lucides sur les risques du métier : ce livre est rempli de témoignages de préfets, corporation poourtant peu portée à la contestation, qui ne mâchent pas leurs mots ;
- il donne un tour personnel au conflit (c’est frappant tout au long du livre, les personnes interrogées sont toutes convaincues d’être l’objet de la vindicte de Nicolas Sarkozy et de lui seul, plusieurs racontent qu’il est intervenu personnellement pour leur régler leur compte). Est-ce le rôle d’un Président de porter plainte contre des fonctionnaires qui lui déplaisent comme il a fait dans l’affaire Yves Bertrand?
- il ne respecte aucune règle même pour des affaires insignifiantes quand ses prédécesseurs savaient faire preuve de plus de prudence,
- il est offensif quand ses prédécesseurs ne mordaient la ligne que lorsqu’ils étaient en position de faiblesse,
- il entretient avec la presse des relations complètement nouvelles. Là où autrefois on faisait passer les informations un peu “délicates” dans Minute, journal d'extrême-droite que personne ne prenait vraiment au sérieux, on utilise aujourd’hui le Figaro, ce qui facilite leur propagation, leur donne une sorte d’autorité inquiétante et les rend d’autant plus cruelles. La presse a beaucoup a mis en avant les révélations d’Isabelle Prévost-Desprez, le livre se termine sur une phrase terrible de Dominique de Villepin (“Tous les adversaires de Nicolas Sarkozy sont voués au bûcher”) mais les témoignages les plus impressionnants sont certainement ceux d’Aurélie Filippetti et, surtout, de Claire Thiboult qui raconte comment elle a été littéralement harcelée par les policiers de la brigade financière et le parquet pendant plusieurs jours parce qu'au coeur de l’affaire Bettencourt.
Un livre effrayant, par bien des cotés.
jeudi, septembre 01, 2011
Le printemps des librairies
Si les librairies disparaissent à Londres (internet et e-book obligent) elles semblent fleurir à Paris. Ces derniers jours j'en ai découvert trois que je ne connaissais, dont deux au moins récentes, l'une, rue de Crébillon, une rue très (trop?) calme à coté de l'Odéon, la seconde avenue Jean-Jaurés, dans le dix-neuvième arrondissement, la troisième, sur les grands boulevards du coté de la porte Saint-Martin. Trois belles librairies avec beaucoup de livres, les romans qui viennent de sortir, de la poésie, des textes d'éditeurs qu'on ne trouve pas ailleurs (surtout dans celle de l'avenue Jean-Jaurès) mais pas le Sarko m'a tuer qui devrait pourtant faire un tabac. Ce qui fait penser que les ambitions de ces libraires ne sont pas exclusivement économiques.
Ces librairies survivront-elles? Ce n'est pas impossible si elles réussissent comme d'autres installées dans des quartiers qui étaient autrefois sans librairie (du coté du vingtième) à réinventer leur métier, à fidéliser leurs clients en faisant des signatures, des soirées conférence ou lecture, en se transformant au fond en mini centre-culturels. Elle sont en tout cas un des symptômes de la gentrification de ces quartiers, autrefois populaires, qu'investissent aujourd'hui les classes moyennes.
Ces librairies survivront-elles? Ce n'est pas impossible si elles réussissent comme d'autres installées dans des quartiers qui étaient autrefois sans librairie (du coté du vingtième) à réinventer leur métier, à fidéliser leurs clients en faisant des signatures, des soirées conférence ou lecture, en se transformant au fond en mini centre-culturels. Elle sont en tout cas un des symptômes de la gentrification de ces quartiers, autrefois populaires, qu'investissent aujourd'hui les classes moyennes.
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