C’est un livre étrange, bien dans sa manière, que Michel Rocard vient de nous donner avec la complicité de Georges-Marc Benamou que l’on connaissait surtout pour son livre sur les derniers jours de François Mitterrand. Un livre à l’image de l’ancien premier ministre, décapant, intelligent, exaspérant qui nous éclaire sur bien des choses et explique une carrière brillante qui ne l’a jamais complètement satisfait.
Décapant et exaspérant, ce livre l’est par son ton souvent aigre, par cette manière qu’a son auteur de tirer à vue sur tout ce qui bouge dans son entourage immédiat. Cela commence par ses parents, par son père et sa mère, cela continue avec ses amis politiques. On le savait son amertume à l’égard de François Mitterrand, il la confirme naturellement dans ce livre chaque fois qu’il en a l’occasion, on ne savait pas qu’il portait des jugements aussi sévères sur la plupart de ses alliés politiques. Il y a du misanthrope chez cet homme qui a fait de la politique sa vie.
Il y a également chez Rocard du Rousseau : s’il critique sévèrement les autres, c’est qu’il s’autorise à se critiquer lui-même, habileté qui lui permet de tailler sa propre statue en grand, en très grand. S’il ne s’aime pas toujours, il s’admire beaucoup et se prête un rôle, une efficacité qu’il n’a peut-être pas toujours eu. Est-ce vraiment, comme il l’affirme, grâce à lui qu’il n’y a pas eu de morts en 1968? On peut en douter. Je ne me souviens pas en tout cas que le PSU ait joué à ce moment là le rôle qu’il lui prête. Je me souviens plutôt de la défiance qui était la notre à l’égard de cette organisation que nous sentions mal (je me souviens de la fouille que nous avions imposé à un journaliste du parti venu nous interviewer à Nanterre quelques semaines avant les journées de mai. Une carte du PSU ne valait pas passe-partout dans les milieux gauchistes de l’époque).
Puéril, ou naïf, lorsqu’il accuse Mitterrand de lui avoir menti lors d’un déjeuner de préparation des élections de 1967 (comme si mentir ne faisait pas partie des techniques les plus banales de la négociation…), il n’échappe pas à la paranoïa comme lorsqu’il reproche à Mitterrand de l’avoir volontairement rendu ridicule en l’invitant à l’improviste à marcher dans la campagne un jour de pluie.
Mais au delà de ce ton général, il y a dans ce livre de quoi faire un portrait approfondi d’une des personnalités qui a le plus compté dans la gauche dans la deuxième moitié du vingtième siècle; Son intelligence, sa rapidité d’esprit éclate à chaque page tout comme un trait de caractère qui explique beaucoup de ses positions politiques : son goût du double jeu. Il raconte, dans un passage qui fait rétrospectivement douter de son bon sens, la manière dont les dirigeants du PSU travaillaient en 1968 avec le patron de leur service d’ordre. Il fallait l’appeler chez sa mère qu’il appelait lui-même toutes les 15 minutes. Il rappelait alors son interlocuteur. Ce sont à l’évidence des méthodes qui auraient du mettre la puce à l’oreille : le patron du service d’ordre du PSU était un flic. Il a d’ailleurs fait carrière dans la police où il a depuis occupé des positions importantes. Mais Rocard n’éprouve a posteriori aucun froid dans le dos, il ne met pas en cause les méthodes de recrutement des militants de cet acabit, sa naïveté ou son manque de vigilance, non, il admire l’artiste. Il est vrai qu’il a lui-même longtemps joué double jeu militant le soir au PSU sous le nom de Servet, fonctionnaire le jour sous son nom officiel.
C’est ce même goût du double-jeu qui l’a amené, lui, le protestant, à se faire l’avocat et le leader du “parti catholique” à gauche et à toujours trouvé que les gens de droite n’avaient pas forcément tout faux. Au point de longuement hésiter avant de voter non au référendum de 1969 sur la régionalisation.
On y découvre également un autre trait intellectuel : l’intérêt, la passion pour les organisations politiques, pour leur fonctionnement et la conviction profondément ancrée semble-t-il, que ce sont les situations (ce qu’il appelle la sociologie) qui font les acteurs et non pas l’inverse.
Comme on pouvait s’y attendre, le conflit avec François Mitterrand occupe une place très importante dans ce livre, mais assez bizarrement et sans que Michel Rocard l’ait voulu, il rééquilibre les torts. Si Mitterrand a été aussi dur avec Rocard premier ministre, il ne faisait que rendre la monnaie de sa pièce à quelqu’un qui a tout fait pour l’isoler, le rejeter lorsqu’il était abandonné de tous. Rocard et ses amis ont nourri pendant des années la polémique sur l’attitude de Mitterrand pendant la guerre d’Algérie, ils ont tout fait pour le couler définitivement. Que celui-ci ne leur en ait pas été reconnaissant n’est qu’une demie-surprise.
Pour le reste, c’est un livre très intéressant, avec des portraits inattendus comme celui de Pierre Mendés-France en velléitaire, des absences, comme celles de Pompidou ou Giscard dont les noms sont à peine cités, il n’y a dans l’univers de Michel Rocard d’adversaires politiques que dans son camp. Cela a sans doute été la principale faiblesse d’un homme qui avait, par ailleurs, de grandes qualités qu’il a montrées chaque fois qu’il s’est retrouvé aux affaires.
Avoir des opinions est l'un des éléments du bien-être, affirmait il y a une quinzaine d'années, l'économiste A.O.Hirshman. Les blogs sont une bonne manière d'afficher ses opinions mais aussi, et peut-être même surtout, de les construire. C'est ce qui m'a donné envie de tenir celui-ci
mercredi, octobre 12, 2005
jeudi, septembre 29, 2005
Trou de la Sécurité sociale : et si l'on se souciait de la qualité des soins?
On parle de nouveau du déficit de la sécurité sociale qui continue de se creuser, ce qui annonce de nouvelles mesures contre les médicaments, contre les séjours à l’hôpital… qui ne régleront rien. Peut-être faudra-t-il un jour parler de la qualité des soins ou plutôt de la non-qualité des professions médicales. Je ne parle pas des cas graves, qui existent, mais de ceux qui ne le sont pas et qui coûtent cher à la sécurité sociale. En voici un exemple tout récent qui est arrivé à un jardinier de mes connaissances. Un jour d’orage, la foudre tombe à quelques mètres du banc sur lequel il est assis. Il est ébloui et affolé. Quelques jours plus tard, un bouton apparaît sur son visage, en dessous de son oeil, le long du nez. Se demandant si ce n’est pas une conséquence de la foudre, il se rend chez son médecin qui le rassure : “Ce n’est pas la foudre, mais il faudrait quand même mieux voir ce que c’est. Et comme c’est près de l’oeil, je préfère que vous alliez voir un ophtalmologiste.”
Notre brave homme se rend donc chez le spécialiste qui procède aux examens habituels et lui fait une ordonnance pour changer de lunette. “Mais, docteur, je ne suis pas venu pour mes lunettes, mais pour ce bouton.” “Ah! lui répond le spécialiste, je ne vois rien, mais il faudrait un scanner.”
Mon jardinier vas donc voir le radiologue qui lui fait un examen qui ne donne rien. “Il faut, dit-il, une scintigraphie. Mais il faut prendre rendez-vous.” Ce qui est aussitôt fait. Les jours qui suivent, dans l’attente de ce nouvel examen, notre homme se renseigne, il découvre, ce qu’il soupçonnait, qu’on ne pratique cet examen que dans des cas graves(déjà, le scanner l’avait inquiété). Il en conclut que le médecin craint un cancer et comme la grosseur est sur le visage, il se voit déjà avec un cancer du cerveau. Sa femme, ses enfants, toute sa famille vit pendant quelques jours dans la plus folle inquiétude.
Arrive enfin le jour de la scintigraphie : le radiologue procède à un premier examen qui ne donne rien, puis à un second qui conclut à… un banal furoncle. Banal mais coûteux : trois consultations de spécialistes, trois examens radiologiques que la sécurité sociale, bonne fille, va rembourser. A qui faut-il s’en prendre? Au malheureux qui se rend chez son généraliste ou à ces trois médecins fortement diplômés et cher payés qui n’ont pas su reconnaître un petit bouton?
Nous avons tous des exemples de ce type. Et peut-être devrait-on appliquer aux médecins (et de manière plus générale aux professions médicales) ces contrôles qualité et bilans de compétence que l’on pratique partout ailleurs.
Notre brave homme se rend donc chez le spécialiste qui procède aux examens habituels et lui fait une ordonnance pour changer de lunette. “Mais, docteur, je ne suis pas venu pour mes lunettes, mais pour ce bouton.” “Ah! lui répond le spécialiste, je ne vois rien, mais il faudrait un scanner.”
Mon jardinier vas donc voir le radiologue qui lui fait un examen qui ne donne rien. “Il faut, dit-il, une scintigraphie. Mais il faut prendre rendez-vous.” Ce qui est aussitôt fait. Les jours qui suivent, dans l’attente de ce nouvel examen, notre homme se renseigne, il découvre, ce qu’il soupçonnait, qu’on ne pratique cet examen que dans des cas graves(déjà, le scanner l’avait inquiété). Il en conclut que le médecin craint un cancer et comme la grosseur est sur le visage, il se voit déjà avec un cancer du cerveau. Sa femme, ses enfants, toute sa famille vit pendant quelques jours dans la plus folle inquiétude.
Arrive enfin le jour de la scintigraphie : le radiologue procède à un premier examen qui ne donne rien, puis à un second qui conclut à… un banal furoncle. Banal mais coûteux : trois consultations de spécialistes, trois examens radiologiques que la sécurité sociale, bonne fille, va rembourser. A qui faut-il s’en prendre? Au malheureux qui se rend chez son généraliste ou à ces trois médecins fortement diplômés et cher payés qui n’ont pas su reconnaître un petit bouton?
Nous avons tous des exemples de ce type. Et peut-être devrait-on appliquer aux médecins (et de manière plus générale aux professions médicales) ces contrôles qualité et bilans de compétence que l’on pratique partout ailleurs.
mardi, septembre 27, 2005
Nos élites : sourdes ou plus simplement tétanisées ?
Le Monde du 28/09/05 se fait l’écho d’une enquête d’opinion originale qu’a fait réaliser le maire de Vénissieux après le succès du non (qu’il avait défendu au dernier référendum) dans sa ville : 69,5%. J’en retiens cette phrase qui fait écho à ce que l’on entend de plus en plus souvent : « Les hommes et les femmes interrogés sont d'autant plus amers qu'ils jugent les "élites" politiques, catégorie où sont rejetés le PS et l'UMP, "incapables" de proposer des solutions. » alors même que ces électeurs jugent incapables de gouverner les mouvements (extrême-gauche ou extrême-droite) pour lesquels ils ont voté. Et cette autre phrase : « La situation sociale et politique, jugée catastrophique avant le référendum, paraît désormais bloquée entre "des élites politiques sourdes, un retour à la normale, ponctué de jeux de chaises musicales, tant au gouvernement qu'au PS" , analysent les auteurs de l'étude, et des "forces alternatives qui ne semblent ni assez puissantes ni assez crédibles pour redéfinir un cap". »
Ce n’est pas la première fois que j’entends développer cette idée selon laquelle nos élites seraient incapables de proposer des solutions à nos problèmes, idée que me surprend toujours un peu. Après tout, qu’ils soient de droite ou de gauche, nos gouvernants savent en général ce qu’il faudrait faire. C’est du moins le sentiment qu’ils donnent lorsqu’ils s’expriment en privé. Ils admettent, en gros, qu’il faut introduire plus de souplesse dans notre système, banaliser le statut de la fonction publique, favoriser les mobilités du secteur privé au secteur public, retarder l’âge de la retraite, réformer en profondeur nos systèmes scolaire et universitaire, simplifier le droit du travail et notre système fiscal et éliminer tous ces dispositifs qui favorisent les lobbies et autres groupes de pression (des cultivateurs aux transporteurs en passant par bien d’autres corporations et catégories). Ils ne sont pas forcément d’accord sur le détail, mais sur le fond, ils sont à peu près d’accord sur les pistes à suivre. S’ils n’affichent pas avec toute la fermeté que l’on aimerait ce programme (que l’on peut habiller des couleurs de droite comme des couleurs de gauche), c’est qu’ils ont le sentiment (peut-être justifié) que ce serait la meilleure manière de perdre toute chance d’emporter les élections.
Je ne dirai donc pas que nos élites sont sourdes, mais plutôt qu’elles sont tétanisées, qu’elles n’osent mener aucune réforme de peur de devoir reculer sous la pression de la rue. C’est cette peur de l’opinion qui guide depuis plusieurs années la politique de Chirac, qui retarde les réformes que tout le monde juge indispensables et conduit à ces programmes mi figue-mi-raisin qui ne satisfont personne et à cette politique qui ne se préoccupe plus que de communication (comme nous en a encore donné un exemple Nicolas Sarkozy : que la police arrête des islamistes qui préparent des attentats est une excellente chose, mais pourquoi le faire devant des caméras ? A quoi cela sert-il, sinon à faire parler du ministre alors que Dominique de Villepin a le vent en poupe ?). Un livre à la mode (l’auteur a les moyens de faire sa publicité sur les murs du métro) parle de la société de la peur.Ce sont nos dirigeants qui ont aujourd’hui trop souvent peur des électeurs.
Ce n’est pas la première fois que j’entends développer cette idée selon laquelle nos élites seraient incapables de proposer des solutions à nos problèmes, idée que me surprend toujours un peu. Après tout, qu’ils soient de droite ou de gauche, nos gouvernants savent en général ce qu’il faudrait faire. C’est du moins le sentiment qu’ils donnent lorsqu’ils s’expriment en privé. Ils admettent, en gros, qu’il faut introduire plus de souplesse dans notre système, banaliser le statut de la fonction publique, favoriser les mobilités du secteur privé au secteur public, retarder l’âge de la retraite, réformer en profondeur nos systèmes scolaire et universitaire, simplifier le droit du travail et notre système fiscal et éliminer tous ces dispositifs qui favorisent les lobbies et autres groupes de pression (des cultivateurs aux transporteurs en passant par bien d’autres corporations et catégories). Ils ne sont pas forcément d’accord sur le détail, mais sur le fond, ils sont à peu près d’accord sur les pistes à suivre. S’ils n’affichent pas avec toute la fermeté que l’on aimerait ce programme (que l’on peut habiller des couleurs de droite comme des couleurs de gauche), c’est qu’ils ont le sentiment (peut-être justifié) que ce serait la meilleure manière de perdre toute chance d’emporter les élections.
Je ne dirai donc pas que nos élites sont sourdes, mais plutôt qu’elles sont tétanisées, qu’elles n’osent mener aucune réforme de peur de devoir reculer sous la pression de la rue. C’est cette peur de l’opinion qui guide depuis plusieurs années la politique de Chirac, qui retarde les réformes que tout le monde juge indispensables et conduit à ces programmes mi figue-mi-raisin qui ne satisfont personne et à cette politique qui ne se préoccupe plus que de communication (comme nous en a encore donné un exemple Nicolas Sarkozy : que la police arrête des islamistes qui préparent des attentats est une excellente chose, mais pourquoi le faire devant des caméras ? A quoi cela sert-il, sinon à faire parler du ministre alors que Dominique de Villepin a le vent en poupe ?). Un livre à la mode (l’auteur a les moyens de faire sa publicité sur les murs du métro) parle de la société de la peur.Ce sont nos dirigeants qui ont aujourd’hui trop souvent peur des électeurs.
lundi, septembre 26, 2005
Un peu d'épistémologie au tribunal
Les séries télévisées américaines nous ont familiarisé avec les longs changes d’arguments entre avocats, les interrogatoires de témoins, les poses alanguies des Présidents du Tribunal, les objections et les conciliabules dans le bureau du juge.
Les amateurs un peu versés en philosophie des sciences et tous ceux que l’offensive des religieux inquiète devraient suivre (et aimer!) le débat qui va s’ouvrir dans quelques jours sur le créationnisme. Il oppose 11 parents d’élèves et le Conseil d’une petite école qui a imposé à ses enseignants de biologie de présenter le créationnisme (ou, plutôt, sa version moderne : le projet intelligent). Ce devrait être l’occasion de voir traiter devant un tribunal de questions qui relèvent en général plutôt des débats entre épistémologues, comme le suggère cet article du New-York-Times.
September 26, 2005
A Web of Faith, Law and Science in Evolution Suit
By LAURIE GOODSTEIN
DOVER, Pa., Sept. 23 - Sheree Hied, a mother of five who believes that God created the earth and its creatures, was grateful when her school board here voted last year to require high school biology classes to hear about "alternatives" to evolution, including the theory known as intelligent design.
But 11 other parents in Dover were outraged enough to sue the school board and the district, contending that intelligent design - the idea that living organisms are so inexplicably complex, the best explanation is that a higher being designed them - is a Trojan horse for religion in the public schools.
With the new political empowerment of religious conservatives, challenges to evolution are popping up with greater frequency in schools, courts and legislatures. But the Dover case, which begins Monday in Federal District Court in Harrisburg, is the first direct challenge to a school district that has tried to mandate the teaching of intelligent design.
What happens here could influence communities across the country that are considering whether to teach intelligent design in the public schools, and the case, regardless of the verdict, could end up before the Supreme Court.
Dover, a rural, mostly blue-collar community of 22,000 that is 20 miles south of Harrisburg, had school board members willing to go to the mat over issue. But people here are well aware that they are only the excuse for a much larger showdown in the culture wars.
"It was just our school board making one small decision," Mrs. Hied said, "but it was just received with such an uproar."
For Mrs. Hied, a meter reader, and her husband, Michael, an office manager for a local bus and transport company, the Dover school board's argument - that teaching intelligent design is a free-speech issue - has a strong appeal.
"I think we as Americans, regardless of our beliefs, should be able to freely access information, because people fought and died for our freedoms," Mrs. Hied said over a family dinner last week at their home, where the front door is decorated with a small bell and a plaque proclaiming, "Let Freedom Ring."
But in a split-level house on the other side of Main Street, at a desk flanked by his university diplomas, Steven Stough was on the Internet late the other night, keeping track of every legal maneuver in the case. Mr. Stough, who teaches life science to seventh graders in a nearby district, is one of the 11 parents suing the Dover district. For him the notion of teaching "alternatives" to evolution is a hoax.
"You can dress up intelligent design and make it look like science, but it just doesn't pass muster," said Mr. Stough, a Republican whose idea of a fun family vacation is visiting fossil beds and natural history museums. "In science class, you don't say to the students, 'Is there gravity, or do you think we have rubber bands on our feet?' "
Evolution finds that life evolved over billions of years through the processes of mutation and natural selection, without the need for supernatural interventions. It is the foundation of biological science, with no credible challenges within the scientific community. Without it, the plaintiffs say, students could never make sense of topics as varied as AIDS and extinction.
Advocates on both sides of the issue have lined up behind the case, often calling it Scopes II, in reference to the 1925 Scopes Monkey Trial that was the last century's great face-off over evolution.
On the evolutionists' side is a legal team put together by the American Civil Liberties Union and Americans United for Separation of Church and State. These groups want to put intelligent design itself on trial and discredit it so thoroughly that no other school board would dare authorize teaching it.
Witold J. Walczak, legal director of the A.C.L.U. of Pennsylvania, said the plaintiffs would call six experts in history, theology, philosophy of science and science to show that no matter the perspective, "intelligent design is not science because it does not meet the ground rules of science, is not based on natural explanations, is not testable."
On the intelligent design side is the Thomas More Law Center, a nonprofit Christian law firm that says its mission is "to be the sword and shield for people of faith" in cases on abortion, school prayer and the Ten Commandments. The center was founded by Thomas Monaghan, the Domino's Pizza founder, a conservative Roman Catholic who also founded Ave Maria University and the Ave Maria School of Law; and by Richard Thompson, a former Michigan prosecutor who tried Dr. Jack Kevorkian for performing assisted suicides.
"This is an attempt by the A.C.L.U. to really intimidate this small-town school board," said Mr. Thompson, who will defend the Dover board at the trial, "because the theory of intelligent design is starting to gain some resonance among school boards across the country."
The defense plans to introduce leading design theorists like Michael J. Behe, a professor of biochemistry at Lehigh University, and education experts who will testify that "allowing students to be aware of the controversy is good pedagogy because it develops critical thinking," Mr. Thompson said.
The case, Kitzmiller et al v. Dover Area School District, will be decided by Judge John E. Jones III of the United States District Court, who was nominated by President Bush in 2002 and confirmed by a Senate vote of 96 to 0. The trial is expected to last six weeks and to draw news coverage from around the world.
The legal battle came to a head on Oct. 18 last year when the Dover school board voted 6 to 3 to require ninth-grade biology students to listen to a brief statement saying that there was a controversy over evolution, that intelligent design is a competing theory and that if they wanted to learn more the school library had the textbook "Of Pandas and People: the Central Question of Biological Origins." The book is published by an intelligent design advocacy group, the Foundation for Thought and Ethics, based in Texas.
Angry parents like Mr. Stough, Tammy Kitzmiller, and Bryan and Christy Rehm contacted the A.C.L.U. and Americans United. The 11 plaintiffs are a diverse group, unacquainted before the case, who say that parents, and not the school, should be in charge of their children's religious education.
Mr. Rehm, a father of five and a science teacher who formerly taught in Dover, said the school board had long been pressing science teachers to alter their evolution curriculum, even requiring teachers to watch a videotape about "gaps in evolution theory" during an in-service training day in the spring of 2004.
School board members were told by their lawyer, Mr. Thompson, not to talk to the news media. "We've told them, anything they say can be used against them," Mr. Thompson said.
The Supreme Court ruled in 1987 that teaching creation science in public schools was unconstitutional because it was based on religion. So the plaintiffs will try to prove that intelligent design is creationism in a new package. Richard Katskee, assistant legal director of Americans United, said the "Pandas" textbook only substituted references to "creationism" with "intelligent design" in more recent editions.
Mr. Thompson said his side would prove that intelligent design was not creationism because it did not mention God or the Bible and never posited the creator's identity.
"It's clear they are two different theories," Mr. Thompson said. "Creationism normally starts with the Holy Scripture, the Book of Genesis, then you develop a scientific theory that supports it, while intelligent design looks at the same kind of empirical data that any scientist looks at," and concludes that complex mechanisms in nature "appear designed because it is designed."
A twist in the case is that a leading proponent of intelligent design, the Discovery Institute, based in Seattle, removed one of its staff members from the Dover school board's witness list and opposed the board's action from the start.
"We thought it was a bad idea because we oppose any effort to require students to learn about intelligent design because we feel that it politicizes what should be a scientific debate," said John G. West, a senior fellow at the institute. However, Professor Behe, a fellow at the institute, is expected to be the board's star witness.
Parents in Dover appear to be evenly split on the issue. School board runoffs are in November, with seven candidates opposing the current policy facing seven incumbents. Among the candidates is Mr. Rehm, the former Dover science teacher and a plaintiff. He said opponents had slammed doors in his face when he campaigned and performed a "monkey dance" when he passed out literature at the recent firemen's fair.
But he agrees with parents on the other side that the fuss over evolution has obscured more pressing educational issues like school financing, low parent involvement and classes that still train students for factory jobs as local plants are closing.
"There's no way to have a winner here," Mr. Rehm said. "The community has already lost, period, by becoming so divided."
Les amateurs un peu versés en philosophie des sciences et tous ceux que l’offensive des religieux inquiète devraient suivre (et aimer!) le débat qui va s’ouvrir dans quelques jours sur le créationnisme. Il oppose 11 parents d’élèves et le Conseil d’une petite école qui a imposé à ses enseignants de biologie de présenter le créationnisme (ou, plutôt, sa version moderne : le projet intelligent). Ce devrait être l’occasion de voir traiter devant un tribunal de questions qui relèvent en général plutôt des débats entre épistémologues, comme le suggère cet article du New-York-Times.
September 26, 2005
A Web of Faith, Law and Science in Evolution Suit
By LAURIE GOODSTEIN
DOVER, Pa., Sept. 23 - Sheree Hied, a mother of five who believes that God created the earth and its creatures, was grateful when her school board here voted last year to require high school biology classes to hear about "alternatives" to evolution, including the theory known as intelligent design.
But 11 other parents in Dover were outraged enough to sue the school board and the district, contending that intelligent design - the idea that living organisms are so inexplicably complex, the best explanation is that a higher being designed them - is a Trojan horse for religion in the public schools.
With the new political empowerment of religious conservatives, challenges to evolution are popping up with greater frequency in schools, courts and legislatures. But the Dover case, which begins Monday in Federal District Court in Harrisburg, is the first direct challenge to a school district that has tried to mandate the teaching of intelligent design.
What happens here could influence communities across the country that are considering whether to teach intelligent design in the public schools, and the case, regardless of the verdict, could end up before the Supreme Court.
Dover, a rural, mostly blue-collar community of 22,000 that is 20 miles south of Harrisburg, had school board members willing to go to the mat over issue. But people here are well aware that they are only the excuse for a much larger showdown in the culture wars.
"It was just our school board making one small decision," Mrs. Hied said, "but it was just received with such an uproar."
For Mrs. Hied, a meter reader, and her husband, Michael, an office manager for a local bus and transport company, the Dover school board's argument - that teaching intelligent design is a free-speech issue - has a strong appeal.
"I think we as Americans, regardless of our beliefs, should be able to freely access information, because people fought and died for our freedoms," Mrs. Hied said over a family dinner last week at their home, where the front door is decorated with a small bell and a plaque proclaiming, "Let Freedom Ring."
But in a split-level house on the other side of Main Street, at a desk flanked by his university diplomas, Steven Stough was on the Internet late the other night, keeping track of every legal maneuver in the case. Mr. Stough, who teaches life science to seventh graders in a nearby district, is one of the 11 parents suing the Dover district. For him the notion of teaching "alternatives" to evolution is a hoax.
"You can dress up intelligent design and make it look like science, but it just doesn't pass muster," said Mr. Stough, a Republican whose idea of a fun family vacation is visiting fossil beds and natural history museums. "In science class, you don't say to the students, 'Is there gravity, or do you think we have rubber bands on our feet?' "
Evolution finds that life evolved over billions of years through the processes of mutation and natural selection, without the need for supernatural interventions. It is the foundation of biological science, with no credible challenges within the scientific community. Without it, the plaintiffs say, students could never make sense of topics as varied as AIDS and extinction.
Advocates on both sides of the issue have lined up behind the case, often calling it Scopes II, in reference to the 1925 Scopes Monkey Trial that was the last century's great face-off over evolution.
On the evolutionists' side is a legal team put together by the American Civil Liberties Union and Americans United for Separation of Church and State. These groups want to put intelligent design itself on trial and discredit it so thoroughly that no other school board would dare authorize teaching it.
Witold J. Walczak, legal director of the A.C.L.U. of Pennsylvania, said the plaintiffs would call six experts in history, theology, philosophy of science and science to show that no matter the perspective, "intelligent design is not science because it does not meet the ground rules of science, is not based on natural explanations, is not testable."
On the intelligent design side is the Thomas More Law Center, a nonprofit Christian law firm that says its mission is "to be the sword and shield for people of faith" in cases on abortion, school prayer and the Ten Commandments. The center was founded by Thomas Monaghan, the Domino's Pizza founder, a conservative Roman Catholic who also founded Ave Maria University and the Ave Maria School of Law; and by Richard Thompson, a former Michigan prosecutor who tried Dr. Jack Kevorkian for performing assisted suicides.
"This is an attempt by the A.C.L.U. to really intimidate this small-town school board," said Mr. Thompson, who will defend the Dover board at the trial, "because the theory of intelligent design is starting to gain some resonance among school boards across the country."
The defense plans to introduce leading design theorists like Michael J. Behe, a professor of biochemistry at Lehigh University, and education experts who will testify that "allowing students to be aware of the controversy is good pedagogy because it develops critical thinking," Mr. Thompson said.
The case, Kitzmiller et al v. Dover Area School District, will be decided by Judge John E. Jones III of the United States District Court, who was nominated by President Bush in 2002 and confirmed by a Senate vote of 96 to 0. The trial is expected to last six weeks and to draw news coverage from around the world.
The legal battle came to a head on Oct. 18 last year when the Dover school board voted 6 to 3 to require ninth-grade biology students to listen to a brief statement saying that there was a controversy over evolution, that intelligent design is a competing theory and that if they wanted to learn more the school library had the textbook "Of Pandas and People: the Central Question of Biological Origins." The book is published by an intelligent design advocacy group, the Foundation for Thought and Ethics, based in Texas.
Angry parents like Mr. Stough, Tammy Kitzmiller, and Bryan and Christy Rehm contacted the A.C.L.U. and Americans United. The 11 plaintiffs are a diverse group, unacquainted before the case, who say that parents, and not the school, should be in charge of their children's religious education.
Mr. Rehm, a father of five and a science teacher who formerly taught in Dover, said the school board had long been pressing science teachers to alter their evolution curriculum, even requiring teachers to watch a videotape about "gaps in evolution theory" during an in-service training day in the spring of 2004.
School board members were told by their lawyer, Mr. Thompson, not to talk to the news media. "We've told them, anything they say can be used against them," Mr. Thompson said.
The Supreme Court ruled in 1987 that teaching creation science in public schools was unconstitutional because it was based on religion. So the plaintiffs will try to prove that intelligent design is creationism in a new package. Richard Katskee, assistant legal director of Americans United, said the "Pandas" textbook only substituted references to "creationism" with "intelligent design" in more recent editions.
Mr. Thompson said his side would prove that intelligent design was not creationism because it did not mention God or the Bible and never posited the creator's identity.
"It's clear they are two different theories," Mr. Thompson said. "Creationism normally starts with the Holy Scripture, the Book of Genesis, then you develop a scientific theory that supports it, while intelligent design looks at the same kind of empirical data that any scientist looks at," and concludes that complex mechanisms in nature "appear designed because it is designed."
A twist in the case is that a leading proponent of intelligent design, the Discovery Institute, based in Seattle, removed one of its staff members from the Dover school board's witness list and opposed the board's action from the start.
"We thought it was a bad idea because we oppose any effort to require students to learn about intelligent design because we feel that it politicizes what should be a scientific debate," said John G. West, a senior fellow at the institute. However, Professor Behe, a fellow at the institute, is expected to be the board's star witness.
Parents in Dover appear to be evenly split on the issue. School board runoffs are in November, with seven candidates opposing the current policy facing seven incumbents. Among the candidates is Mr. Rehm, the former Dover science teacher and a plaintiff. He said opponents had slammed doors in his face when he campaigned and performed a "monkey dance" when he passed out literature at the recent firemen's fair.
But he agrees with parents on the other side that the fuss over evolution has obscured more pressing educational issues like school financing, low parent involvement and classes that still train students for factory jobs as local plants are closing.
"There's no way to have a winner here," Mr. Rehm said. "The community has already lost, period, by becoming so divided."
jeudi, septembre 08, 2005
Un programme, mais pour quoi faire ?
Nicolas Sarkozy a annoncé à La Baule toute une série de mesures qu’il serait absolument nécessaire de prendre pour sauver la France du déclin (réduire l’impôt, remplacer un fonctionnaire qui part à) la retraite sur deux…). Immédiatement les syndicats et la gauche sont montés au créneau. Mais, avant même de s’interroger sur le bien fondé de telle ou telle mesure, il est une question presque naïve que l’on a envie de poser. Ce programme a-t-il la moindre chance d’être un jour appliqué. Même dans l’hypothèse où Nicolas Sarkozy serait élu Président de la République, où il obtiendrait la majorité au parlement et serait en mesure de faire la politique qu’il souhaite, pourrait-il mettre en place ces politiques ? S’est-il une seconde interrogé sur la « faisabilité » (le mot est vilain, mais il exprime bien ce que je veux dire) de son projet ?
Un exemple parmi d’autres : réduire l’impôt, soit, mais sauf à revenir aux vieilles lunes de Laffer, il faudra réduire d’autant les dépenses, ce qui, l’actualité de ces jours-ci le montre une nouvelle fois, est toujours plus facile à dire qu’à faire.
Autre exemple : réduire le nombre de fonctionnaires ? Cela fait depuis longtemps partie des promesses électorales de la droite qui n’a jamais réussi à la mettre en œuvre. On devrait se demander pourquoi ? Est-ce parce que les syndicats de fonctionnaires sont prompts à descendre dans la rue comme on le dit trop souvent, est-ce parce les français rêvent tous de devenir fonctionnaires, comme on le dit également souvent ? N’est-ce pas, tout simplement, parce que la démographie de la fonction publique et la multiplicité des compétences qu’elle utilise rendent en pratique impraticable ce type de mesure (imaginez un instant que la démographie des gardiens de prison amène à de très nombreux départs dans les mois qui suivent l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Elysée alors que celle de l’Education Nationale est plus favorable, mettra-t-il des professeurs de latin et d’allemand en surnombre dans les prisons ?).
On pourrait ainsi multiplier les exemples. 2007 est loin et l’on aimerait que les politiques se penchent un peu sur leur capacité à mener à bien leur programme, qu’ils ne se contentent pas de nous dire ce qu’il serait bon de faire mais qu’ils nous expliquent aussi comment ils comptent s’y prendre.
Un exemple parmi d’autres : réduire l’impôt, soit, mais sauf à revenir aux vieilles lunes de Laffer, il faudra réduire d’autant les dépenses, ce qui, l’actualité de ces jours-ci le montre une nouvelle fois, est toujours plus facile à dire qu’à faire.
Autre exemple : réduire le nombre de fonctionnaires ? Cela fait depuis longtemps partie des promesses électorales de la droite qui n’a jamais réussi à la mettre en œuvre. On devrait se demander pourquoi ? Est-ce parce que les syndicats de fonctionnaires sont prompts à descendre dans la rue comme on le dit trop souvent, est-ce parce les français rêvent tous de devenir fonctionnaires, comme on le dit également souvent ? N’est-ce pas, tout simplement, parce que la démographie de la fonction publique et la multiplicité des compétences qu’elle utilise rendent en pratique impraticable ce type de mesure (imaginez un instant que la démographie des gardiens de prison amène à de très nombreux départs dans les mois qui suivent l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Elysée alors que celle de l’Education Nationale est plus favorable, mettra-t-il des professeurs de latin et d’allemand en surnombre dans les prisons ?).
On pourrait ainsi multiplier les exemples. 2007 est loin et l’on aimerait que les politiques se penchent un peu sur leur capacité à mener à bien leur programme, qu’ils ne se contentent pas de nous dire ce qu’il serait bon de faire mais qu’ils nous expliquent aussi comment ils comptent s’y prendre.
mardi, septembre 06, 2005
Le plomb dans l'essence ou les méfaits du droit de la propriété industrielle
Est-ce que nous devons le plomb dans l’essence, plomb dont on connaît les effets catastrophiques sur la santé humaine et sur l’environnement, au droit de la propriété industrielle ? C’est une thèse que développe Jamie Lincoln Kitman dans l’excellent article qu’il a publié en 2000 dans la revue américaine The Nation, et que les éditions Allia viennent de traduire et d’éditer en français sous le titre : L’histoire secrète du plomb.
L’histoire (abominablement résumée) est la suivante. Les industriels de l’automobile sont dans les années 20 à la recherche d’un additif à l’essence pour éviter que les moteurs ne produisent un cliquetis. Une solution s’impose alors, l’utilisation de l’éthanol (que l’on a repris depuis), mais l’éthanol pose un double problème économique :
- sous-produit de l’agriculture , il peut être fabriqué par n’importe qui et ne peut être breveté. Il échappe en d’autres mots au contrôle de l’industrie,
- utilisé en grande quantité dans les carburants, il fait une concurrence directe aux produits pétroliers.
Pétroliers et constructeurs automobiles partent donc à la recherche d’un adjuvant à l’essence qu’ils puissent contrôler (c’est-à-dire breveter et dont la fabrication demande des investissements industriels). C’est le cas du PTE ou tétraéthylplombane dont un de leurs chercheurs découvre les propriétés anti-détonantes en 1921 et que DuPont qui contrôle à l’époque la General Motors met aussitôt en production alors même que ses dirigeants (des courriers en attestent) sont parfaitement informés de sa toxicité).
Si cette thèse exacte, elle met en évidence une des (nombreuses) limites de la propriété industrielle : elle fait préférer un produit qui exigent un processus industriel complexe (qui se prêtent donc à une appropriation par des groupes industriels) à des produits plus simples qui peuvent être fabriqués dans des unités plus petites avec des procédés banals.
J’imagine que si l’on recherchait un peu dans l’histoire des techniques on trouverait d’autres exemples de ce même phénomène. Ce serait à vérifier, mais je me demande si l’abandon dans les années 70 des procédés analogiques (hydrauliques…) au profit de procédés numériques dans les industries de la mesure ne relève pas du même mécanisme.
L’histoire (abominablement résumée) est la suivante. Les industriels de l’automobile sont dans les années 20 à la recherche d’un additif à l’essence pour éviter que les moteurs ne produisent un cliquetis. Une solution s’impose alors, l’utilisation de l’éthanol (que l’on a repris depuis), mais l’éthanol pose un double problème économique :
- sous-produit de l’agriculture , il peut être fabriqué par n’importe qui et ne peut être breveté. Il échappe en d’autres mots au contrôle de l’industrie,
- utilisé en grande quantité dans les carburants, il fait une concurrence directe aux produits pétroliers.
Pétroliers et constructeurs automobiles partent donc à la recherche d’un adjuvant à l’essence qu’ils puissent contrôler (c’est-à-dire breveter et dont la fabrication demande des investissements industriels). C’est le cas du PTE ou tétraéthylplombane dont un de leurs chercheurs découvre les propriétés anti-détonantes en 1921 et que DuPont qui contrôle à l’époque la General Motors met aussitôt en production alors même que ses dirigeants (des courriers en attestent) sont parfaitement informés de sa toxicité).
Si cette thèse exacte, elle met en évidence une des (nombreuses) limites de la propriété industrielle : elle fait préférer un produit qui exigent un processus industriel complexe (qui se prêtent donc à une appropriation par des groupes industriels) à des produits plus simples qui peuvent être fabriqués dans des unités plus petites avec des procédés banals.
J’imagine que si l’on recherchait un peu dans l’histoire des techniques on trouverait d’autres exemples de ce même phénomène. Ce serait à vérifier, mais je me demande si l’abandon dans les années 70 des procédés analogiques (hydrauliques…) au profit de procédés numériques dans les industries de la mesure ne relève pas du même mécanisme.
samedi, septembre 03, 2005
Rousseau avait tout bon
On croyait la théorie de l'état de nature de Rousseau un peu démodée. Et bien non. C'est tout le contraire. C'est ce qui ressort de l'excellent article de Jared Daimond sur les travaux récents des paléontologues et des paléopathologistes qui se sont intéressés à la naissance de l'agriculture. Nos ancètres chasseurs et cueilleurs étaient infiniment plus heureux, en meilleure santé que leurs descencants devenus cultivateurs. Un nourriture plus riche et plus variée, des ressources plus régulières (pas de famine par destruction d'une récolte), moins d'épidémies, moins de maternités pour les femmes, plus de loisirs, xdes exercices plus variés… Ils avaient tout pour être plus heureux. D'auatnt qu'avec l'agriculture, comme le disait Rousseau sont arrivés les clotures (souvenez-vous du passage sur la naissance de la propriété), les inégalités, la domination des hommes sur les femmes…
Cet article qui mérite vraiment d'être lu date de 1987 a été ressorti par un économiste, Brad de Long, pour enseigner à ses étudiants le modèle du malthusianisme.
Cet article qui mérite vraiment d'être lu date de 1987 a été ressorti par un économiste, Brad de Long, pour enseigner à ses étudiants le modèle du malthusianisme.
vendredi, juillet 08, 2005
Les marchés, les économistes et le terrorisme
Les économistes sont des gens merveilleux. Quelques dizaines de minutes seulement après que ma fille qui vit à Londres m’ait annoncé les attentats, je recevais un mail d’une organisation, le (Roubini Global Economics services) me proposant des articles sur l’impact du terrorisme sur l’économie. On y trouve plusieurs papier dont il faut retenir que les marchés ont appris à tenir le choc et que la bourse ne devrait pas trop souffrir des bombes dans le métro londonien, ce qui est, somme toute, plutôt une bonne nouvelle pour beaucoup de gens même si cela laisse rêveur. On nous a toujours expliqué que les investisseurs se méfiaient comme de la peste de l’incertitude or quoi de plus imprévisible que des attentats ? Peut-être l’envisagent-ils tout simplement comme une catastrophe naturelle, typhon, tsunami ou tremblement de terre que l’on ne craint pas parce qu’on ne peut pas les prévoir. Peut-être faudrait-il ressortir la distinction de Knight entre le risque et l’incertitude ou celle de Keynes entre le risque que l’on peut calculer et celui qui échappe à tout calcul (que Daavidson appelle non-ergodique) : les financiers ne s’inquiétant, comme chacun de nous, que des risques que l’on peut anticiper et négligeant ceux que l’on ne peut calculer, ils continueraient de vaquer à leurs petites affaires au milieu des attentats suicides et des massacres dans les transports en commun…
Vers la « fin » de la retraite pour tous?
Dans une précédente note, je parlais du modèle japonais de la retraite (on continue de travailler après sa retraite, tout en touchant sa pension mais pour un salaire plus faible). S’il était à l’origine japonais, il se développe un peu partout dans le monde anglo-saxon, en Grande-Bretagne, au Canada, aux Etats-Unis où l’on trouve des auteurs pour expliquer que la retraite est une catastrophe et que l’on est beaucoup plus heureux lorsque l’on continue de travailler (Jerry Sedlar, Rick Miners, Don’t Retire, rewire, publié en 2003 ou Too young to retire : 101 ways to start the rest of your life de Marika et Howaard Stone également publié en 2003).
Et il est vrai que l’on voit aux Etats-Unis beaucoup de personnes âgées travailler dans la grande distribution ou la restauration. Certaines entreprises se sont fait même une spécialité du recrutement de ces travailleurs âgés qui auraient, paraît-il, l’avantage d’être plus sérieux et compétents. J’imagine qu’il faut plutôt entendre : moins cher. Moins cher parce qu’ils ne travaillent que pour compléter une pension qui n’est pas suffisamment importante. Le mouvement paraît appelé à se développer. Le Bureau of Labor Statistics américain prévoit qu’en 2012 65% des personnes âgés de 55 à 65 ans travailleront contre 61% en 2004. Plus significatif, il prévoit qu’à cette date 16% des gens de plus de 65 ans travailleront contre 14% en 2004.
Pour autant que l’on puisse en juger d’après les quelques indications que j’ai pu glaner ici ou là, les emplois de ces retraités présentent deux caractéristiques :
- ils sont mal rémunérés, moins bien en tout cas que les emplois qu’ils occupaient précédemment,
- ils ne se situent pas dans les domaines de compétences que les retraités ont exploré dans leur vie professionnelle.
Ce qui confirme bien qu’il s’agit, pour l’essentiel, d’emplois pris pour compenser des pensions trop faible et n’a donc rien à voir avec la lutte contre les discriminations contre les travailleurs les plus âgés ni même à un allongement de la durée de la vie professionnelle et l’abandon de la retraite à 60 ans. Aucun homme politique n’a en France, à ma connaissance, proposé de faire travailler les plus âgés, mais c’est une idée que pourrait développer Nicolas Sarkozy dont on imagine bien l’argumentaire :
- on est en pleine forme à 57 ans, bien trop jeune pour s’arrêter (« regardez Chirac, pourrait-il ajouter, il est bien Président à 72 ans », mais son animosité à l’égard du Président pourrait nous éviter cet argument) ;
- le monde du travail a beaucoup changé : les retraites « précoces » se justifiaient lorsque les travailleurs avaient des tâches manuelles, elles ne se justifient plus dans des économies dominées par des activités de service ;
- il y a plein d’activités bénévoles qui ont besoin des compétences acquises dans le monde professionnel ;
- il faudrait être bien bête pour cracher sur un supplément, même minime, de rémunération, surtout si l’on y attache une pointe de déduction fiscale (ce n’est pas le cas dans la plupart des pays qui ont organisé le travail des retraités, mais on pourrait l’envisager en France où l’on aime bien compliquer les règles fiscales ;
- enfin, les autres le font et nous ne sommes pas plus intelligents qu’eux. Du reste, cette interdiction de travailler après la retraite n’est qu’une nouvelle forme de notre exception sociale qui nous fait tant de tort.
Politique fiction ? Je n’en suis pas si sûr…J’en suis d’autant moins sûr que la question des retraites est loin d’être réglée alors même que l’on ne mesure pas encore tous les effets sur les pensions versées des dispositions prises par Balladur il y a quelques années et plus récemment par Fillon.
Et il est vrai que l’on voit aux Etats-Unis beaucoup de personnes âgées travailler dans la grande distribution ou la restauration. Certaines entreprises se sont fait même une spécialité du recrutement de ces travailleurs âgés qui auraient, paraît-il, l’avantage d’être plus sérieux et compétents. J’imagine qu’il faut plutôt entendre : moins cher. Moins cher parce qu’ils ne travaillent que pour compléter une pension qui n’est pas suffisamment importante. Le mouvement paraît appelé à se développer. Le Bureau of Labor Statistics américain prévoit qu’en 2012 65% des personnes âgés de 55 à 65 ans travailleront contre 61% en 2004. Plus significatif, il prévoit qu’à cette date 16% des gens de plus de 65 ans travailleront contre 14% en 2004.
Pour autant que l’on puisse en juger d’après les quelques indications que j’ai pu glaner ici ou là, les emplois de ces retraités présentent deux caractéristiques :
- ils sont mal rémunérés, moins bien en tout cas que les emplois qu’ils occupaient précédemment,
- ils ne se situent pas dans les domaines de compétences que les retraités ont exploré dans leur vie professionnelle.
Ce qui confirme bien qu’il s’agit, pour l’essentiel, d’emplois pris pour compenser des pensions trop faible et n’a donc rien à voir avec la lutte contre les discriminations contre les travailleurs les plus âgés ni même à un allongement de la durée de la vie professionnelle et l’abandon de la retraite à 60 ans. Aucun homme politique n’a en France, à ma connaissance, proposé de faire travailler les plus âgés, mais c’est une idée que pourrait développer Nicolas Sarkozy dont on imagine bien l’argumentaire :
- on est en pleine forme à 57 ans, bien trop jeune pour s’arrêter (« regardez Chirac, pourrait-il ajouter, il est bien Président à 72 ans », mais son animosité à l’égard du Président pourrait nous éviter cet argument) ;
- le monde du travail a beaucoup changé : les retraites « précoces » se justifiaient lorsque les travailleurs avaient des tâches manuelles, elles ne se justifient plus dans des économies dominées par des activités de service ;
- il y a plein d’activités bénévoles qui ont besoin des compétences acquises dans le monde professionnel ;
- il faudrait être bien bête pour cracher sur un supplément, même minime, de rémunération, surtout si l’on y attache une pointe de déduction fiscale (ce n’est pas le cas dans la plupart des pays qui ont organisé le travail des retraités, mais on pourrait l’envisager en France où l’on aime bien compliquer les règles fiscales ;
- enfin, les autres le font et nous ne sommes pas plus intelligents qu’eux. Du reste, cette interdiction de travailler après la retraite n’est qu’une nouvelle forme de notre exception sociale qui nous fait tant de tort.
Politique fiction ? Je n’en suis pas si sûr…J’en suis d’autant moins sûr que la question des retraites est loin d’être réglée alors même que l’on ne mesure pas encore tous les effets sur les pensions versées des dispositions prises par Balladur il y a quelques années et plus récemment par Fillon.
jeudi, juillet 07, 2005
Une phrase de Christian Dotremont
Passant à la Hune ce matin, je m'achète un livre de Christian Dotremont, le poète belge qui a été le théoricien du mouvement Cobra. J'ai déjà chez moi ses poèmes. Ce qui m'incite à acheter ce roman ce n'est pas tant ce que je sais de l'auteur qu'une phrase lue alors que je feuilletais ce livre : "Avant de jouer du Wagner, je dois m'allumer comme un poste de radio." Je ne suis pas sûr de savoir ce que cela veut dire, mais un livre où l'on trouve ce genre de phrases ne peut pas être mauvais.
Je ne sais pas s'il existe des études sur ce qui incite à acheter les livres. Pour ma part, je me fie au désir de lire la suite qui me saisit dans les librairies, désir qui m'amène très soouvent à acheter les romains que publient les éditions de Minuit (Gailly, Echenoz…). Je les lis mais je les oublie souvent presque aussitôt, ce qui ne m'empêche pas de recommencer l'expérience.
Je ne sais pas s'il existe des études sur ce qui incite à acheter les livres. Pour ma part, je me fie au désir de lire la suite qui me saisit dans les librairies, désir qui m'amène très soouvent à acheter les romains que publient les éditions de Minuit (Gailly, Echenoz…). Je les lis mais je les oublie souvent presque aussitôt, ce qui ne m'empêche pas de recommencer l'expérience.
JO : et si l’on reparlait du dopage ?
Plusieurs membres de Paris 2012 se sont demandés dans les minutes qui ont suivi l’annonce de la sélection de Londres si le CIO n’avait pas voulu sanctionner Paris. Ils ne sont pas allés beaucoup plus loin dans l’analyse, mais on peut le faire à leur place et avancer une hypothèse : en rejetant la candidature de Paris, le CIO a voulu sanctionner la seule capitale qui ait, il y a quelques années, tenté de lutter sérieusement contre le dopage, la seule qui se soit attachée à protéger les sportifs contre eux-mêmes, contre leurs entraîneurs et leurs sponsors.
Je ne suis pas un spécialiste de ces questions, et je suis peut-être victime d’un effet de perspective, mais j’ai bien l’impression que si on parle aujourd’hui de lutte contre le dopage, si des athlètes sont interdits de compétition pour ce motif, c’est à l’action de Marie-Georges Buffet que nous le devons. En s’en prenant à ces pratiques, elle a attaqué les institutions sportives (le CIO, les fédérations sportives, la presse spécialisée…) au cœur : depuis que l’on parle de dopage, depuis que l’on tente de lutter contre, on ne peut plus tout à fait croire leur discours. Depuis les mesures prises par Marie-Georges Buffet et les arrestations de cyclistes et de soigneurs, on sait que les sportifs sont aussi (sont d’abord ?) des tricheurs, que leurs mentors (entraîneurs, fédérations, journalistes…) acceptent de risquer la santé des athlètes contre des médailles rémunératrices. Vu du coté du CIO, cela mérite sans doute une condamnation à vie…
L’insistance de Delanoë et de son équipe sur leur volonté de respecter les règles, de se faire modeste avait quelque chose de pathétique, je dirai presque de puéril, de naïf, dans un monde dont chacun sait bien qu’il ne respecte aucune règle et surtout pas celles qu’il se donne. Il y a dans la défaite de Delanoë quelque chose qui rappelle celle de Jospin : dans un monde de canailles, on peut parler d’honnêteté à longueur de discours, mais mieux vaut ne pas trop y croire.
Je ne suis pas un spécialiste de ces questions, et je suis peut-être victime d’un effet de perspective, mais j’ai bien l’impression que si on parle aujourd’hui de lutte contre le dopage, si des athlètes sont interdits de compétition pour ce motif, c’est à l’action de Marie-Georges Buffet que nous le devons. En s’en prenant à ces pratiques, elle a attaqué les institutions sportives (le CIO, les fédérations sportives, la presse spécialisée…) au cœur : depuis que l’on parle de dopage, depuis que l’on tente de lutter contre, on ne peut plus tout à fait croire leur discours. Depuis les mesures prises par Marie-Georges Buffet et les arrestations de cyclistes et de soigneurs, on sait que les sportifs sont aussi (sont d’abord ?) des tricheurs, que leurs mentors (entraîneurs, fédérations, journalistes…) acceptent de risquer la santé des athlètes contre des médailles rémunératrices. Vu du coté du CIO, cela mérite sans doute une condamnation à vie…
L’insistance de Delanoë et de son équipe sur leur volonté de respecter les règles, de se faire modeste avait quelque chose de pathétique, je dirai presque de puéril, de naïf, dans un monde dont chacun sait bien qu’il ne respecte aucune règle et surtout pas celles qu’il se donne. Il y a dans la défaite de Delanoë quelque chose qui rappelle celle de Jospin : dans un monde de canailles, on peut parler d’honnêteté à longueur de discours, mais mieux vaut ne pas trop y croire.
lundi, juillet 04, 2005
Le retour d'une consommation aristocratique?
Nous sommes entrés dans la période des vacances, beaucoup de gens vont prendre l’avion, vont faire des queues interminables dans les aéroports et vont peut-être être sensibles à un phénomène que j’ai observé ces derniers jours à l’occasion, justement, d’un voyage : le développement d’une offre de services qui, sous couvert d’offrir des services aux V.I.P. s’apparente à la vente de privilèges.
La notion de VIP n’est pas nouvelle. Il y a depuis longtemps dans les aéroports des salles d’attente réservées à ces personnes importantes, mais la nouveauté est, je crois, que cette notion est aujourd’hui en passe d’entrer dans les moeurs du marketing des services, elle est déjà entrée dans les pratiques courantes des grandes entreprises de service américaines.
Les services en contact avec le public, transports, distribution, sont confrontés à une difficulté majeure : les effets de volume. Tout le monde veut partir en voyage en même temps, tout le monde veut faire ses courses aux mêmes heures, d’où des embouteillages et des encombrements. Pour y échapper, les entreprises spécialisées ont développé ces dernières années des techniques de tarification flexible dont l’exemple le plus connu en France est, sans doute, celui de la SNCF. Le même voyage coûte du simple au double selon le jour, l’heure, l’âge… Si vous avez moins de 25 ans, si vous avez une carte 12-25 et si vous voyagez en semaine au mois d’octobre, cela vous coûtera beaucoup moins cher que si vous voyagez une veille de week-end chargé et que vous n’avez droit à aucune réduction.
C’est agaçant, compliqué et un peu injuste, mais cela incite ceux qui peuvent partir aux heures creuses à le faire, cela évite les queues trop longues et les trains surchargés et cela permet à la SNCF d’optimiser ses ressources,… Les prix varient, mais les services offerts sont identiques sur tous les trains ; ils vont à la même vitesse et les agents se comportent de la même manière avec tous les voyageurs. Or, ce qui se passe avec les VIP est tout différent. Les voyageurs ont bien le même produit, ils empruntent le même avion, mais on leur évite de faire la queue, on s’occupe d’eux de manière plus attentive, plus attentionnée. Pour ne prendre que cet exemple sur les quatre guichets affectés à un vol, deux sont réservés aux 150 ou 200 voyageurs en classe touriste et les deux autres pour les 25 ou 30 voyageurs en première classe ou à ce qui en tient lieu (executive, business…). Alors que les uns font la queue plusieurs dizaines de minutes, les autres ne la font pas. Ils ont acheté avec leur billet ce privilège et quelques autres dont celui d’être pris complètement en charge par le personnel. L’objectif des compagnies aériennes est, comme dans le cas de la SNCF, de maximiser les revenus du transporteur, mais la manière de s’y prendre est radicalement différente.
Il y a quelque chose d’aristocratique dans ce mode de consommation qu’on ne trouve pas dans la méthode de la SNCF. Les clients qui voyagent en executive class achètent le fait de ne pas être traité comme les autres, d’être reconnus comme une personne qui sort de l’ordinaire et non plus seulement comme un client. Ils achètent une distinction, un statut, une qualité de relation humaine. Les employés qui les traitent les font passer devant les autres, leur donnent des marques d’intérêt, d’importance un peu comparables à celles que donne le restaurateur qui salue ses clients de leur nom et soulignent ainsi aux yeux de tous que ce sont des habitués.
Ce mode de consommation s’oppose à un autre mode de consommation qui s’est développé dans les sociétés d’abondance et que l’on appelle aux Etats-Unis où il est le plus développé le “binge”. On y parle de binge eating, de binge drinking. Il s’agit de consommation excessive. Le binge eating consiste à manger sans fin et sans faim. Le binge drinking à boire plusieurs, en général au moins quatre ou cinq verres d’alcool à la suite. Il s’agit de consommation sans frein, assez voisine de l’orgie de l’antiquité romaine : on s’empiffre, on s’enivre, on devient boulimique, obèse jusqu’à en tomber malade (que de chaises roulantes, de béquilles, de corps blessés, usés, abîmés par les excès dans les rues américaines!).
Si être aristocrate dans cette société, c’est être reconnu pour ce que l’on est, c’est être une personne, être pauvre dans une société d’abondance ce n’est pas manquer de biens matériels (on en a à n’en savoir que faire! on mange jusqu’à plus faim), c’est manquer de reconnaissance sociale, c’est n’être personne, qu’un consommateur parmi tant d’autres.
La notion de VIP n’est pas nouvelle. Il y a depuis longtemps dans les aéroports des salles d’attente réservées à ces personnes importantes, mais la nouveauté est, je crois, que cette notion est aujourd’hui en passe d’entrer dans les moeurs du marketing des services, elle est déjà entrée dans les pratiques courantes des grandes entreprises de service américaines.
Les services en contact avec le public, transports, distribution, sont confrontés à une difficulté majeure : les effets de volume. Tout le monde veut partir en voyage en même temps, tout le monde veut faire ses courses aux mêmes heures, d’où des embouteillages et des encombrements. Pour y échapper, les entreprises spécialisées ont développé ces dernières années des techniques de tarification flexible dont l’exemple le plus connu en France est, sans doute, celui de la SNCF. Le même voyage coûte du simple au double selon le jour, l’heure, l’âge… Si vous avez moins de 25 ans, si vous avez une carte 12-25 et si vous voyagez en semaine au mois d’octobre, cela vous coûtera beaucoup moins cher que si vous voyagez une veille de week-end chargé et que vous n’avez droit à aucune réduction.
C’est agaçant, compliqué et un peu injuste, mais cela incite ceux qui peuvent partir aux heures creuses à le faire, cela évite les queues trop longues et les trains surchargés et cela permet à la SNCF d’optimiser ses ressources,… Les prix varient, mais les services offerts sont identiques sur tous les trains ; ils vont à la même vitesse et les agents se comportent de la même manière avec tous les voyageurs. Or, ce qui se passe avec les VIP est tout différent. Les voyageurs ont bien le même produit, ils empruntent le même avion, mais on leur évite de faire la queue, on s’occupe d’eux de manière plus attentive, plus attentionnée. Pour ne prendre que cet exemple sur les quatre guichets affectés à un vol, deux sont réservés aux 150 ou 200 voyageurs en classe touriste et les deux autres pour les 25 ou 30 voyageurs en première classe ou à ce qui en tient lieu (executive, business…). Alors que les uns font la queue plusieurs dizaines de minutes, les autres ne la font pas. Ils ont acheté avec leur billet ce privilège et quelques autres dont celui d’être pris complètement en charge par le personnel. L’objectif des compagnies aériennes est, comme dans le cas de la SNCF, de maximiser les revenus du transporteur, mais la manière de s’y prendre est radicalement différente.
Il y a quelque chose d’aristocratique dans ce mode de consommation qu’on ne trouve pas dans la méthode de la SNCF. Les clients qui voyagent en executive class achètent le fait de ne pas être traité comme les autres, d’être reconnus comme une personne qui sort de l’ordinaire et non plus seulement comme un client. Ils achètent une distinction, un statut, une qualité de relation humaine. Les employés qui les traitent les font passer devant les autres, leur donnent des marques d’intérêt, d’importance un peu comparables à celles que donne le restaurateur qui salue ses clients de leur nom et soulignent ainsi aux yeux de tous que ce sont des habitués.
Ce mode de consommation s’oppose à un autre mode de consommation qui s’est développé dans les sociétés d’abondance et que l’on appelle aux Etats-Unis où il est le plus développé le “binge”. On y parle de binge eating, de binge drinking. Il s’agit de consommation excessive. Le binge eating consiste à manger sans fin et sans faim. Le binge drinking à boire plusieurs, en général au moins quatre ou cinq verres d’alcool à la suite. Il s’agit de consommation sans frein, assez voisine de l’orgie de l’antiquité romaine : on s’empiffre, on s’enivre, on devient boulimique, obèse jusqu’à en tomber malade (que de chaises roulantes, de béquilles, de corps blessés, usés, abîmés par les excès dans les rues américaines!).
Si être aristocrate dans cette société, c’est être reconnu pour ce que l’on est, c’est être une personne, être pauvre dans une société d’abondance ce n’est pas manquer de biens matériels (on en a à n’en savoir que faire! on mange jusqu’à plus faim), c’est manquer de reconnaissance sociale, c’est n’être personne, qu’un consommateur parmi tant d’autres.
jeudi, juin 23, 2005
Pour tous ceux que Bourdieu met mal à l'aise…
A tous ceux que la lecture de Pierre Bourdieu met mal à l'aise, à tous ceux que ses thèses qui lui permettent de se mettre, lui, l'intellectuel en dehors des classes sociales qu'il décrit, je recommande l'excellent livre de Louis Gruel, tout simplement intitulé Pierre Bourdieu illusionniste aux éditions des Presses Universitaires de Rennes. L'auteur, sociologue y démonte piècesà l'appui les tricheries, à peu près et ruses rhétoriques utilisées par le sociologue. Un délice. plus qu'un délice, une illustration de ce qu'il aurait fallu faire lorsque Bourdieu était encore vivant. Cela nous aurait valu de belles empoignades, mais aussi peut-être des progrès scientifiques.
mercredi, juin 22, 2005
Immigraton : une étude à lire
Extrait d'une dépêche de la BBC qui fait référence à une étude de l'IOM (International Organization for migration) que l'on peut trouver ici
Migration is 'good for everybody'
Migrant workers send their earnings back home across the globe
Migrants can bring many benefits to both the countries they move to and the ones they leave behind, according to a major new study.
The International Organization for Migration looked at the costs, benefits and disadvantages of global migration.
It found that common concerns about the negative effects of migration on jobs and welfare costs are often unfounded.
The IOM says there up to 192 million migrants and many bring a wide range of economic and other benefits.
Filling spaces
"We are living in an increasingly globalised world that can no longer depend on domestic labour markets alone. This is a reality that has to be managed," said Brunson McKinley, head of the IOM.
"If managed properly, migration can bring more benefits than costs."
The IOM cites a British report showing that, between 1999 and 2000, migrants in the UK contributed $4bn (£2.1bn) more in taxes than they received in benefits.
And, rather from taking jobs from local workers, the report says that migrants tend to fill spaces at the poles of the labour market - working both in low-skilled, high-risk jobs and highly skilled, well-paid employment.
"There's very little evidence in many of the Western countries that are receiving migrants that migrants are substituting the local workforce," the report's editor, Irena Omelaniuk, added.
The IOM says that migrants make up less than 3% of the global population and that almost half of all migrants are women.
It says that although the number of migrants has risen, from 82m in 1970 to around 190m people today, some countries - including Asia and Africa - have seen their proportional share of migrants decline.
'Brain gain'
The most popular destination countries for migrants include the US - which alone is home to more than 20% of the world's migrants - and Russia, home to almost 8% of global migrants.
Migrants make a significant contribution to the economies of their home states, the report says, with returning cash flows sometimes exceeding official development aid.
Migrant workers sent back more than $100bn (£55bn) to their countries of origin in 2004 and the report estimates that more than double this figure may also be sent through informal channels.
Morocco, the report says, received $2.87bn (£1.57bn), or 8% of its GDP, from money sent home by migrant workers in 2002 and remittances sent to The Philippines accounted for almost 10% of its GDP.
The report says that, although many skilled workers abandon their home countries seeking higher pay abroad, many can be encouraged to return home bringing acquired skills and experience - a process of "brain gain".
"Trends suggest a greater movement towards circular migration, with substantial benefits to both home and host societies," the report says.
Migration is 'good for everybody'
Migrant workers send their earnings back home across the globe
Migrants can bring many benefits to both the countries they move to and the ones they leave behind, according to a major new study.
The International Organization for Migration looked at the costs, benefits and disadvantages of global migration.
It found that common concerns about the negative effects of migration on jobs and welfare costs are often unfounded.
The IOM says there up to 192 million migrants and many bring a wide range of economic and other benefits.
Filling spaces
"We are living in an increasingly globalised world that can no longer depend on domestic labour markets alone. This is a reality that has to be managed," said Brunson McKinley, head of the IOM.
"If managed properly, migration can bring more benefits than costs."
The IOM cites a British report showing that, between 1999 and 2000, migrants in the UK contributed $4bn (£2.1bn) more in taxes than they received in benefits.
And, rather from taking jobs from local workers, the report says that migrants tend to fill spaces at the poles of the labour market - working both in low-skilled, high-risk jobs and highly skilled, well-paid employment.
"There's very little evidence in many of the Western countries that are receiving migrants that migrants are substituting the local workforce," the report's editor, Irena Omelaniuk, added.
The IOM says that migrants make up less than 3% of the global population and that almost half of all migrants are women.
It says that although the number of migrants has risen, from 82m in 1970 to around 190m people today, some countries - including Asia and Africa - have seen their proportional share of migrants decline.
'Brain gain'
The most popular destination countries for migrants include the US - which alone is home to more than 20% of the world's migrants - and Russia, home to almost 8% of global migrants.
Migrants make a significant contribution to the economies of their home states, the report says, with returning cash flows sometimes exceeding official development aid.
Migrant workers sent back more than $100bn (£55bn) to their countries of origin in 2004 and the report estimates that more than double this figure may also be sent through informal channels.
Morocco, the report says, received $2.87bn (£1.57bn), or 8% of its GDP, from money sent home by migrant workers in 2002 and remittances sent to The Philippines accounted for almost 10% of its GDP.
The report says that, although many skilled workers abandon their home countries seeking higher pay abroad, many can be encouraged to return home bringing acquired skills and experience - a process of "brain gain".
"Trends suggest a greater movement towards circular migration, with substantial benefits to both home and host societies," the report says.
dimanche, juin 19, 2005
Une film à éviter : Les poupées russes
J'avais gardé un plutôt bon souvenir de l'Auberge espagnole. J'attendais donc beaucoup des Poupées russes, le derier Klapisch. Je suis tombé de haut, de très haut. Non seulement, c'est long à mourir, j'ai regardé au moins cinq, six fois ma montre, mais cela ressemble à du Lelouch (chabada, chabada, version je ne sais pas très bien quel partenaire choisir?) pour la profondeur des idées et des sentiments. La mise en scène est quelconque. Il n'y a que la direction d'acteurs qui soit bonne. Ce qui m'a fait penser à un film réalisé pour répondre à la commande d'une agence de casting. Chaque comédien joue un bout de rôle qui le met en valeur puis s'en va. Ce qui fait qu'on a le sentiment en sortant que l'on aurait pu suppimer à peu près n'importe quel personnage (la mère, la vendeuse sénégalaise, le frère et son épouse russe, l'ex…) sans que le film perde quoi que ce soit. J'ajouterai qu'il y a dans ce film un petit quelque chose de déplaisant : il se moque des téléfilms et il nous en montre un tellement ridicule que l'on ne peut s'empêcher de penser que l'auteur n'est pas tout à fait honnête. Il est vrai que son film fera les délices d'une chaine privée qui a le droit de couper les films de tunnels publicitaires.
Deux heures de perdues que j'aurais mieux fait de passer à poursuivre la lecture du Dostaler sur Keynes (Keynes et ses combats chez Albin Michel) qui, et c'est sans doute une première, nous propose une biographie d'un économiste dans son siècle. Le livre a le mérite de nous faire découvrir des facettes de Keynes que l'on connaît mal en général (ses goûts esthétiques, sa philosophie morale…)
Deux heures de perdues que j'aurais mieux fait de passer à poursuivre la lecture du Dostaler sur Keynes (Keynes et ses combats chez Albin Michel) qui, et c'est sans doute une première, nous propose une biographie d'un économiste dans son siècle. Le livre a le mérite de nous faire découvrir des facettes de Keynes que l'on connaît mal en général (ses goûts esthétiques, sa philosophie morale…)
Il parait que le non au référendum allait aider à la création d'une Europe plus sociale…
Les partisans du non de gauche nous assuraient que leur vote allait favoriser l'émergence d'une Europe plus sociale. Si j'en juge par ce qu'écrit le Monde à la suite du double échec du sommet de Luxembourg, c'est plutôt le contraire qui risque de se produire :
"Le programme de la présidence britannique sera rendu public le 23 juin. Le chancelier de l'Echiquier, Gordon Brown, en a donné un aperçu le 26 mai, dans une communication au Parlement britannique, en souhaitant que l'Europe réforme le marché du travail, réduise les subventions publiques, achève la libéralisation du marché de l'énergie, crée un marché financier libre transatlantique. M. Blair sera notamment attendu sur deux projets controversés en discussion à Bruxelles, la directive Bolkestein sur la libéralisation des services et la directive sur la durée du travail, que la Grande-Bretagne veut assouplir."
C'était prévisible et nous avions été nombreux à le dire, mais on nous accusait alors de ne pas prendre au sérieux la voix de la France dans le concert européen. C'est vrai : nous n'avions pas imaginé que le non de la France entraînerait aussi rapidement les opinions européennes dans un refus de l'Europe qui ressemble trop souvent à une dérive nationaliste.
"Le programme de la présidence britannique sera rendu public le 23 juin. Le chancelier de l'Echiquier, Gordon Brown, en a donné un aperçu le 26 mai, dans une communication au Parlement britannique, en souhaitant que l'Europe réforme le marché du travail, réduise les subventions publiques, achève la libéralisation du marché de l'énergie, crée un marché financier libre transatlantique. M. Blair sera notamment attendu sur deux projets controversés en discussion à Bruxelles, la directive Bolkestein sur la libéralisation des services et la directive sur la durée du travail, que la Grande-Bretagne veut assouplir."
C'était prévisible et nous avions été nombreux à le dire, mais on nous accusait alors de ne pas prendre au sérieux la voix de la France dans le concert européen. C'est vrai : nous n'avions pas imaginé que le non de la France entraînerait aussi rapidement les opinions européennes dans un refus de l'Europe qui ressemble trop souvent à une dérive nationaliste.
samedi, juin 18, 2005
Propriété intellectuelle et liberté d'expression
J'ai depuis longtemps le sentiment (c'est plutôt une intuition) qu'une protection trop féroce de la propriété intellectuelle va à l'encontre de la liberté d'expression. En voici une nouvelle illustration, extraite d'une interview d'Elmore Leonard, un auteur de romans policiers, publiée dans la dernière livraison de Time (celle datée du 20 juin 2005). Le journaliste lui demande pourquoi il n'a pas un personnage récurrent, à la Philip Marlowe.
Sa réponse : "Je pense qu'il m'ennuierait vite. Après que j'aie vendu City Primeval à United Artist, j'ai utilisé le même personnage dans le livre suivant et mon agent m'a dit : "il faut changer son nom parce que United Artist en est propriétaire et si nous lui vendons pas ce nouveau livre, on ne pourra pas le vendre à d'autres." Alors j'ai changé son nom et allégé sa moustache."
Qu'ajouter à cela? Sinon que cela apporte un peu plus d'eau à mon moulin?
Sa réponse : "Je pense qu'il m'ennuierait vite. Après que j'aie vendu City Primeval à United Artist, j'ai utilisé le même personnage dans le livre suivant et mon agent m'a dit : "il faut changer son nom parce que United Artist en est propriétaire et si nous lui vendons pas ce nouveau livre, on ne pourra pas le vendre à d'autres." Alors j'ai changé son nom et allégé sa moustache."
Qu'ajouter à cela? Sinon que cela apporte un peu plus d'eau à mon moulin?
vendredi, juin 17, 2005
Un monde anglo-saxon
Un monde anglo-saxon
Je viens de télécharger sur mon mac un widget, un de ces petits outils gratuits que l’on peut trouver sur le net et qui vous permettent de faire un million de choses (consulter directement l’annuaire des téléphones, la circulation dans Paris, traduire un mot de l’allemand, noter une chose à faier…). Celui-ci est développé par une entreprise qui a eu l’excellente idée de cartographier l’actualité : elle fabrique des cartes qui évaluent le poids des événements du jour (de l’heure…) selon l’importance que leur accorde la presse. C’est une bonne manière de représenter l’actualité. Et c’est, sur le plan technologique, une petite performance même s’il ne s’agit après tout que d’appliquer aux articles de presse une technique que les documentalistes et spécialistes du monde de la recherche connaissent bien (on calcule l’importance d’un papier au nombre de citations dans d’autres papiers scientifiques…). C’est donc un très bel outil qui n’a qu’un défaut : il n’analyse que des articles parus en anglais. Ceci pour de bonnes raisons qu’il serait stupide de critiquer : pour les ingénieurs qui avaient d’autres soucis, c’était évidemment plus simple. Reste que le monde que l’on nous montre est vu au travers de lunettes anglo-saxonnes. Ce qui donne des cartes étranges comme on peut en juger d’après cette liste où à coté de chaque nom de ville est associé un poids :
0. Baghdad (13%)
0. Washington (09%)
0. Gaza (07%)
0. Mosul (07%)
0. Moscow (06%)
0. London (06%)
0. Luxembourg (05%)
0. Pyongyang (05%)
0. Tehran (04%)
0. Brussels (04%)
0. Seoul (04%)
0. New York (03%)
0. Victoria (02%)
0. Berlin (02%)
0. Phnom Penh (01%)
0. Hong Kong (01%)
0. Guatemala (01%)
0. Delhi (01%)
0. New Delhi (01%)
0. Ankara (01%)
Pas besoin d’être grand clerc pour voir que cette hiérarchie correspond à celle des préoccupations, non pas de l’administration américaine, pas même de la presse américaine, mais de la presse qui utilise l’anglais comme langue.
Ce n’est pas la première fois que j’observe ce phénomène (voir, par exemple, une amorce d’analyse dans un texte publié il y a quelques années dans les Temps Modernes : quand les économistes veulent enchaîner la démocratie que l’on peut lire sur mon site : la domination modernes passe par d’étranges détours. Elle n’a plus besoin d’armes, de bombes et de soldats, il lui suffit de n’utiliser que la langue dominante pour effacer de la carte des zones entières. Il n’est même pas nécessaire de les détruire ou des les occuper militairement pour les soumettre à la loi du plus fort. J’ajouterai que ce n’est pas tellement surprenant : je me souviens, lycéen traduisant César, de m’être demandé ce que l’on savait de la Gaulle ou de la Germanie en dehors de ce qu’en disait le général romain. Je n’en sais toujours pas plus que ce qu’il en disait.
Je viens de télécharger sur mon mac un widget, un de ces petits outils gratuits que l’on peut trouver sur le net et qui vous permettent de faire un million de choses (consulter directement l’annuaire des téléphones, la circulation dans Paris, traduire un mot de l’allemand, noter une chose à faier…). Celui-ci est développé par une entreprise qui a eu l’excellente idée de cartographier l’actualité : elle fabrique des cartes qui évaluent le poids des événements du jour (de l’heure…) selon l’importance que leur accorde la presse. C’est une bonne manière de représenter l’actualité. Et c’est, sur le plan technologique, une petite performance même s’il ne s’agit après tout que d’appliquer aux articles de presse une technique que les documentalistes et spécialistes du monde de la recherche connaissent bien (on calcule l’importance d’un papier au nombre de citations dans d’autres papiers scientifiques…). C’est donc un très bel outil qui n’a qu’un défaut : il n’analyse que des articles parus en anglais. Ceci pour de bonnes raisons qu’il serait stupide de critiquer : pour les ingénieurs qui avaient d’autres soucis, c’était évidemment plus simple. Reste que le monde que l’on nous montre est vu au travers de lunettes anglo-saxonnes. Ce qui donne des cartes étranges comme on peut en juger d’après cette liste où à coté de chaque nom de ville est associé un poids :
0. Baghdad (13%)
0. Washington (09%)
0. Gaza (07%)
0. Mosul (07%)
0. Moscow (06%)
0. London (06%)
0. Luxembourg (05%)
0. Pyongyang (05%)
0. Tehran (04%)
0. Brussels (04%)
0. Seoul (04%)
0. New York (03%)
0. Victoria (02%)
0. Berlin (02%)
0. Phnom Penh (01%)
0. Hong Kong (01%)
0. Guatemala (01%)
0. Delhi (01%)
0. New Delhi (01%)
0. Ankara (01%)
Pas besoin d’être grand clerc pour voir que cette hiérarchie correspond à celle des préoccupations, non pas de l’administration américaine, pas même de la presse américaine, mais de la presse qui utilise l’anglais comme langue.
Ce n’est pas la première fois que j’observe ce phénomène (voir, par exemple, une amorce d’analyse dans un texte publié il y a quelques années dans les Temps Modernes : quand les économistes veulent enchaîner la démocratie que l’on peut lire sur mon site : la domination modernes passe par d’étranges détours. Elle n’a plus besoin d’armes, de bombes et de soldats, il lui suffit de n’utiliser que la langue dominante pour effacer de la carte des zones entières. Il n’est même pas nécessaire de les détruire ou des les occuper militairement pour les soumettre à la loi du plus fort. J’ajouterai que ce n’est pas tellement surprenant : je me souviens, lycéen traduisant César, de m’être demandé ce que l’on savait de la Gaulle ou de la Germanie en dehors de ce qu’en disait le général romain. Je n’en sais toujours pas plus que ce qu’il en disait.
jeudi, juin 16, 2005
Modèles : et si l’on parlait du modèle japonais en matière de retraite?
On parle ces jours-ci beaucoup du modèle français mais aussi de modèles étrangers dont nous pourrions nous inspirer. L'idée même que l'on puisse, enfin!, regarder ce que font les autres est une bonne nouvelle. Mais il ne faut pas se contenter de regarder ce qu'ils font en matière de chômage, il faut aussi s'intéresser à ce qu'ils font dans d'autres domaines.
Je voudrais aujourd’hui dire un mot du modèle japonais (et, semble-t-il coréen) en matière de retraite qui pourrait un jour inspirer nos politiques. Au Japon, comme en France et en Corée, l’âge de la retraite officiel est à 60 ans (alors qu’il est plutôt de 64 ans dans les autres pays de l’OCDE). Mais, à la différence de ce qui se passe en France, l’âge réel de départ est beaucoup plus tardif : les Coréens et les Japonais continuent de travailler jusqu’aux abords des 70 ans (67 ans pour les Coréens, 69 ans pour les Japonais. En général, cela se passe de la manière suivante : à 60 ans, leur entreprise leur propose un contrat de 5 ans à un salaire plus faible. Lorsqu’ils arrivent à l’âge de 65 ans, ils reprennent une nouvelle activité à un salaire plus faible encore.
Ce mécanisme n’est possible que parce que l’on peut 1) concilier une retraite et une activité professionnelle, ce qui n’est pas le cas en France et 2) parce que les retraites versées par les entreprises ou le gouvernement sont faibles (si le coût du travail au Japon est à peu près comparable au coût du travail en France, la distribution des revenus est différente : une partie plus importante du coût est, chez nous, affecté au paiement de cotisations).
Ce modèle présente deux aspects qui pourraient, un jour, retenir l’attention de nos gouvernants :
- il limite l’effet chômage des plus âgés que notre dispositif encourage : aucune entreprise ne peut recruter un salarié de plus de 55 ans, sachant qu’il la quittera vers soit au moment où sa formation au poste achevée (cela demande selon les postes de quelques semaines à quelques mois), il est devenu pleinement opérationnel. Le taux de participation des personnes âgées de plus de 55 ans au marché du travail (actifs ou à la recherche d’un emploi) est de l’ordre de 40% en France, il est de l’ordre de 90% au Japon et supérieur à 70% pour les hommes de plus de 60 ans ;
- il compense les faiblesses des pensions, un problème dont on parle peu mais qui se profile à notre horizon, comme commencent à le découvrir sur le terrain les travailleurs sociaux : les différentes réformes de la retraite ont créé et vont créer de plus en plus de retraités pauvres. On peut, d’ailleurs, à ce propos, souligner le véritable piège qu’est devenu le modèle français en la matière : d’un coté, un départ à la retraite précoce réduit fortement le taux d’activité des plus de 54 ans, de l’autre, les réformes de la retraite reposent sur un allongement de la durée des cotisations, ce qui ne peut que conduire à un appauvrissement de la majorité de tous les retraités qui n’ont pas commencé leur carrière professionnelle à 14 ans.
Ce modèle n’est bien évidemment pas satisfaisant, mais il ne faudrait pas qu’on nous le présente dans quelques années comme une évidence et un moindre mal : une évidence pour résoudre les tensions sur le marché du travail qui ne manqueront pas d’apparaître du fait du vieillissement de la population si rien n’est fait pour ouvrir les frontières ; et un moindre mal pour améliorer les revenus de travailleurs âgés mais encore en bonne santé. Or, c’est bien ce qui risque de se produire si on continue de négliger la question de l’âge et de laisser irrésolues les contradictions et difficultés réelles qu’il pose :
- il est vrai que beaucoup de salariés sont fatigués à un âge relativement jeune, d’autant plus fatigués que nous avons un taux de productivité horaire élevé,
- il est également vrai que les salariés âgés sont souvent moins efficaces (parce que fatigués ou dépassés par la technologie),
- mais il est aussi vrai que s’arrêter de travailler à un âge trop précoce n’est pas une solution : cela appauvrit les retraités et crée du chômage chez les plus de 50 ans.
Je voudrais aujourd’hui dire un mot du modèle japonais (et, semble-t-il coréen) en matière de retraite qui pourrait un jour inspirer nos politiques. Au Japon, comme en France et en Corée, l’âge de la retraite officiel est à 60 ans (alors qu’il est plutôt de 64 ans dans les autres pays de l’OCDE). Mais, à la différence de ce qui se passe en France, l’âge réel de départ est beaucoup plus tardif : les Coréens et les Japonais continuent de travailler jusqu’aux abords des 70 ans (67 ans pour les Coréens, 69 ans pour les Japonais. En général, cela se passe de la manière suivante : à 60 ans, leur entreprise leur propose un contrat de 5 ans à un salaire plus faible. Lorsqu’ils arrivent à l’âge de 65 ans, ils reprennent une nouvelle activité à un salaire plus faible encore.
Ce mécanisme n’est possible que parce que l’on peut 1) concilier une retraite et une activité professionnelle, ce qui n’est pas le cas en France et 2) parce que les retraites versées par les entreprises ou le gouvernement sont faibles (si le coût du travail au Japon est à peu près comparable au coût du travail en France, la distribution des revenus est différente : une partie plus importante du coût est, chez nous, affecté au paiement de cotisations).
Ce modèle présente deux aspects qui pourraient, un jour, retenir l’attention de nos gouvernants :
- il limite l’effet chômage des plus âgés que notre dispositif encourage : aucune entreprise ne peut recruter un salarié de plus de 55 ans, sachant qu’il la quittera vers soit au moment où sa formation au poste achevée (cela demande selon les postes de quelques semaines à quelques mois), il est devenu pleinement opérationnel. Le taux de participation des personnes âgées de plus de 55 ans au marché du travail (actifs ou à la recherche d’un emploi) est de l’ordre de 40% en France, il est de l’ordre de 90% au Japon et supérieur à 70% pour les hommes de plus de 60 ans ;
- il compense les faiblesses des pensions, un problème dont on parle peu mais qui se profile à notre horizon, comme commencent à le découvrir sur le terrain les travailleurs sociaux : les différentes réformes de la retraite ont créé et vont créer de plus en plus de retraités pauvres. On peut, d’ailleurs, à ce propos, souligner le véritable piège qu’est devenu le modèle français en la matière : d’un coté, un départ à la retraite précoce réduit fortement le taux d’activité des plus de 54 ans, de l’autre, les réformes de la retraite reposent sur un allongement de la durée des cotisations, ce qui ne peut que conduire à un appauvrissement de la majorité de tous les retraités qui n’ont pas commencé leur carrière professionnelle à 14 ans.
Ce modèle n’est bien évidemment pas satisfaisant, mais il ne faudrait pas qu’on nous le présente dans quelques années comme une évidence et un moindre mal : une évidence pour résoudre les tensions sur le marché du travail qui ne manqueront pas d’apparaître du fait du vieillissement de la population si rien n’est fait pour ouvrir les frontières ; et un moindre mal pour améliorer les revenus de travailleurs âgés mais encore en bonne santé. Or, c’est bien ce qui risque de se produire si on continue de négliger la question de l’âge et de laisser irrésolues les contradictions et difficultés réelles qu’il pose :
- il est vrai que beaucoup de salariés sont fatigués à un âge relativement jeune, d’autant plus fatigués que nous avons un taux de productivité horaire élevé,
- il est également vrai que les salariés âgés sont souvent moins efficaces (parce que fatigués ou dépassés par la technologie),
- mais il est aussi vrai que s’arrêter de travailler à un âge trop précoce n’est pas une solution : cela appauvrit les retraités et crée du chômage chez les plus de 50 ans.
mercredi, juin 15, 2005
Just revenge de Allan M. Dershowitz
Allan Dershowitz est l’un des auteurs qui a le plus milité dans la presse américaine pour une utilisation « mesurée » de la torture au lendemain du 11 septembre (pour en savoir plus sur ses thèses, voir mon texte Torture : l’inquiétante candeur américaine dans les Temps Modernes, mars-juin, 2005). Passant dans une librairie de gare, il y a quelques jours, je tombe sur un roman policier que cet avocat qui enseigne à Harvard, a publié il y a quelques années et que l’on trouve aujourd’hui dans une collection de poche : Just revenge (collection policière du livre de poche). Je l’ai acheté, je l’ai lu. C’est plutôt un bon roman policier, qui se lit d’autant plus agréablement que l’on devine, derrière l’intrigue assez classique (dans une première partie on voit un théologien juif (mais athée) dont toute la famille a été décimée pendant la guerre se venger de manière particulièrement subtile du milicien letton qui a tué toute sa famille ; la seconde partie est, comme dans beaucoup de policiers américains, le récit de son procès) une réflexion sur la revanche et sur la possibilité des institutions contemporaines de juger.
On retrouve, par moments, dans ce texte, où l’on devine les interrogations de l’auteur et, au delà de ses interrogations, une pensée en mouvement, comme un écho aux réflexions de Jankélévitch sur ces mêmes thèmes. On comprend mieux, en le lisant, combien la pensée juive sur l’holocauste, mais aussi sur le conflit israélo-palestinien, a nourri la pensée politique américaine, a renouvelé les thèmes classiques de la revanche, de la violence, de l’impossibilité de pardonner mais aussi de juger. Ce qui, mieux que le poids politique de la communauté juive expliquerait la constance des positions américaines dans le conflit israélo-palestinien : il ne s'agirait pas seulement de real-politik mais aussi d'éthique. J’ajouterai que ce texte ne laisse, dans sa deuxième partie, en rien préjuger des positions de son auteur au lendemain du 11 septembre alors même que sa première partie leur laisse la porte grand ouverte.
On retrouve, par moments, dans ce texte, où l’on devine les interrogations de l’auteur et, au delà de ses interrogations, une pensée en mouvement, comme un écho aux réflexions de Jankélévitch sur ces mêmes thèmes. On comprend mieux, en le lisant, combien la pensée juive sur l’holocauste, mais aussi sur le conflit israélo-palestinien, a nourri la pensée politique américaine, a renouvelé les thèmes classiques de la revanche, de la violence, de l’impossibilité de pardonner mais aussi de juger. Ce qui, mieux que le poids politique de la communauté juive expliquerait la constance des positions américaines dans le conflit israélo-palestinien : il ne s'agirait pas seulement de real-politik mais aussi d'éthique. J’ajouterai que ce texte ne laisse, dans sa deuxième partie, en rien préjuger des positions de son auteur au lendemain du 11 septembre alors même que sa première partie leur laisse la porte grand ouverte.
Les quotas, l’immigration
Le gouvernement parle depuis quelques jours des quotas en matière d’immigration. Il voudrait, comme le dit Le Monde, trouver le moyen de ne faire venir en France que des immigrés utiles, ceux dont notre économie a besoin. Disons-le tout de suite : c’est un progrès sur les positions antérieures qui revenaient à interdire, dans les discours sinon dans les faits, toute entrée de travailleurs étrangers. Mais c’est plus un progrès dans la symbolique (une reconnaissance de ce que notre économie a besoin de travailleurs étrangers) que dans la réalité. Pourquoi ? Tout simplement, parce que cette position repose sur une triple illusion :
- illusion de croire que nous sommes capables de mesurer nos besoins en matière d’effectifs et de traduire ces besoins en prescription administrative du type : 750 plombiers, 225 tanneurs, 72 psychanalystes… Une entreprise peut le faire puisqu’elle maîtrise les projets qu’elle envisage de développer, un Etat ne peut pas le faire puisque les décisions sont prises par une multitude d’acteurs indépendants qui ne prennent leur décision qu’au vu des disponibilités sur le marché du travail. Les critiques que Hayek faisait la planification sont ici pleinement valides ;
- illusion de croire, à l’inverse de ce que suggère dans son blog Bernard Salanié, que nous n’avons besoin que de gens qualifiés : une jeune sénégalaise sans qualification qui garde des enfant et permet à une mère de famille diplômée de l’enseignement supérieur de prendre un emploi est aussi utile à notre économie qu’une diplômée de l’enseignement supérieur d’origine étrangère. J’ajouterai que la distinction emploi qualifié/emploi non-qualifié perd beaucoup de sa pertinence lorsque l’on se rapproche des emplois réels : l’essentiel des compétences des agents économiques sont aujourd’hui, plus peut-être encore qu'hier, apprises sur le tas. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le système scolaire agit beaucoup plus comme un moyen de sélection qui donne à l’employeur des informations sur le niveau, la capacité de travail et les préférences des candidats que comme un outil de formation à des compétences qui évoluent en permanence ;
- illusion de penser que l’immigration fonctionne sur le modèle de l’ANPE avec des petites annonces pour des CDD : les immigrés qui viennent se décident pour un emploi, mais aussi pour une carrière. Ils choisissent le pays qui leur offre les meilleures possibilités d’emploi, d’accueil pour leur famille sur la durée. Ce ne sont pas des mercenaires que l’on peut révoquer et renvoyer chez eux à tout instant.
Mais, plutôt que de me citer, j’ai envie de renvoyer sur ces questions les lecteurs à Plaidoyers pour l’immigration, le livre que j’ai publié aux éditions Les Points sur les i en septembre dernier.
- illusion de croire que nous sommes capables de mesurer nos besoins en matière d’effectifs et de traduire ces besoins en prescription administrative du type : 750 plombiers, 225 tanneurs, 72 psychanalystes… Une entreprise peut le faire puisqu’elle maîtrise les projets qu’elle envisage de développer, un Etat ne peut pas le faire puisque les décisions sont prises par une multitude d’acteurs indépendants qui ne prennent leur décision qu’au vu des disponibilités sur le marché du travail. Les critiques que Hayek faisait la planification sont ici pleinement valides ;
- illusion de croire, à l’inverse de ce que suggère dans son blog Bernard Salanié, que nous n’avons besoin que de gens qualifiés : une jeune sénégalaise sans qualification qui garde des enfant et permet à une mère de famille diplômée de l’enseignement supérieur de prendre un emploi est aussi utile à notre économie qu’une diplômée de l’enseignement supérieur d’origine étrangère. J’ajouterai que la distinction emploi qualifié/emploi non-qualifié perd beaucoup de sa pertinence lorsque l’on se rapproche des emplois réels : l’essentiel des compétences des agents économiques sont aujourd’hui, plus peut-être encore qu'hier, apprises sur le tas. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le système scolaire agit beaucoup plus comme un moyen de sélection qui donne à l’employeur des informations sur le niveau, la capacité de travail et les préférences des candidats que comme un outil de formation à des compétences qui évoluent en permanence ;
- illusion de penser que l’immigration fonctionne sur le modèle de l’ANPE avec des petites annonces pour des CDD : les immigrés qui viennent se décident pour un emploi, mais aussi pour une carrière. Ils choisissent le pays qui leur offre les meilleures possibilités d’emploi, d’accueil pour leur famille sur la durée. Ce ne sont pas des mercenaires que l’on peut révoquer et renvoyer chez eux à tout instant.
Mais, plutôt que de me citer, j’ai envie de renvoyer sur ces questions les lecteurs à Plaidoyers pour l’immigration, le livre que j’ai publié aux éditions Les Points sur les i en septembre dernier.
mercredi, juin 08, 2005
La réussite de ceux qui échouent
C’est André Laugier qui m’a donné l’idée de cette note : tu devrais, me dit-il, écrire un article sur tous ces gens qui ont échoué et ont malgré tout des promotions. Il faisait naturellement allusion à notre nouveau premier ministre dont personne n’a oublié le rôle dans la dissolution de 1997. Mais très vite notre conversation s’est orientée vers d’autres exemples du même phénomène : Jean-Claude Trichet que le scandale du Crédit Lyonnais n’a pas empêché de devenir Président de la BCE, Serge Tchuruck et quelques autres moins connus que nous croisons dans nos vies professionnelles. Il est vrai que les cas ne sont pas si rares, comme si les échecs n’étaient pas, dans certains contextes au moins, un obstacle à la poursuite d’une carrière brillante. On est tenté de l’expliquer par la puissance des réseaux qui protègent leurs membres. Cela joue certainement un rôle, mais il peut y avoir d’autres facteurs. J’en vois au moins deux : le turn-over rapide des carrières et la complexité des organisations.
On reconnaît dans les entreprises les « hauts potentiels », ces jeunes cadres qui sont appelés à grimper au sommet des hiérarchies, à ce qu’ils changent rapidement de postes de travail : on les fait tourner pour les former à une grande variété de métiers, pour leur donner une vision panoramique de l’entreprise, pour les familiariser avec le changement et les habituer à se plonger rapidement dans des dossiers et domaines nouveaux (c’est une compétence dont on parle peu, elle est cependant très recherchée). Or, le changement rapide de poste a une conséquence majeure : elle interdit de juger des actions entreprises, des décisions prises tout simplement parce que celles-ci ne donnent leurs pleines conséquences (conséquences sur lesquelles il conviendrait de baser son jugement) que plusieurs mois après le départ de leur initiateur. C’est souvent le successeur qui paie les pots cassés ou tire les bénéfices des actions entreprises avant son arrivée. Deux exemples :
- dans les années 70, on a attribué au Directeur général de la RATP de l’époque le bénéfice de l’automatisation des guichets. Il se contentait, en fait, de tirer le bénéfice de la décision difficile prise par son prédécesseur de supprimer les poinçonneurs.
- Le maire actuel de Boulogne passe pour un grand aménageur et il est vrai que la ville a changé depuis que Jean-Pierre Fourcade a pris la mairie, mais les spécialistes qui connaissent le dossier assurent que toutes les décisions importantes avaient été prises par le prédécesseur de son prédécesseur, Georges Gorce.
Première hypothèse, donc : tous ces dirigeants continuent ces brillantes carrières parce qu’ils échappent aux conséquences de leurs actes et sont au sens propre irresponsables. Non pas parce qu’ils auraient un quelconque défaut de personnalité, mais parce que la carrière qui les a menés au sommet a été construite de telle manière qu’ils ne sont jamais jugés sur leurs réalisations effectives.
La complexité des organisations modernes, et c'est ma seconde hypothèse, renforce ce phénomène. Il est, lorsque l’on jette une vue rétrospective sur l’activité des dirigeants souvent très difficile de dire ce qu’ils ont fait, quelles décisions ils ont prises qui ont vraiment changé les choses. Je me souviens d'avoir, à l’occasion d’un travail sur l’histoire des NMPP (que l’on peut trouver sur mon site) demandé aux cadres de cette entreprise de tirer le bilan de leurs différentes directeurs généraux, de me dire en quoi ils avaient vraiement été importants pour l'entreprise. Il leur fallait beaucoup de temps pour trouver une réponse et ils ne trouvaient en général que peu de choses : une décision en dix ou quinze ans à la tête de l'organisation. Ce qui n’est, au fond, pas tellement surprenant : beaucoup d’entreprises (surtout les entreprises bureaucratiques) fonctionnent grâce à leur management intermédiaire qui s’assure que les procédures et les routines sont bien respectées. Mais cela signifie aussi que les réussites ou les échecs ne sont pas (au moins dans ces entreprises de type bureaucratique) forcément de la responsabilité de tel ou tel dirigeant. Je sens bien, en disant cela, combien on peut m’opposer de contre-exemples et de contre-arguments. Et cependant qui, connaissant la complexité des procédures de prise de décision dans les grandes organisations, peut croire que les dirigeants font tant de différence que cela ?
De là à dire que nommer des gens qui ont échoué n’a aucune importance puisque de toutes manières cela ne change rien, il y a un pas que… je ne franchirai pas mais c'est, on l'a deviné, à contre-coeur.
On reconnaît dans les entreprises les « hauts potentiels », ces jeunes cadres qui sont appelés à grimper au sommet des hiérarchies, à ce qu’ils changent rapidement de postes de travail : on les fait tourner pour les former à une grande variété de métiers, pour leur donner une vision panoramique de l’entreprise, pour les familiariser avec le changement et les habituer à se plonger rapidement dans des dossiers et domaines nouveaux (c’est une compétence dont on parle peu, elle est cependant très recherchée). Or, le changement rapide de poste a une conséquence majeure : elle interdit de juger des actions entreprises, des décisions prises tout simplement parce que celles-ci ne donnent leurs pleines conséquences (conséquences sur lesquelles il conviendrait de baser son jugement) que plusieurs mois après le départ de leur initiateur. C’est souvent le successeur qui paie les pots cassés ou tire les bénéfices des actions entreprises avant son arrivée. Deux exemples :
- dans les années 70, on a attribué au Directeur général de la RATP de l’époque le bénéfice de l’automatisation des guichets. Il se contentait, en fait, de tirer le bénéfice de la décision difficile prise par son prédécesseur de supprimer les poinçonneurs.
- Le maire actuel de Boulogne passe pour un grand aménageur et il est vrai que la ville a changé depuis que Jean-Pierre Fourcade a pris la mairie, mais les spécialistes qui connaissent le dossier assurent que toutes les décisions importantes avaient été prises par le prédécesseur de son prédécesseur, Georges Gorce.
Première hypothèse, donc : tous ces dirigeants continuent ces brillantes carrières parce qu’ils échappent aux conséquences de leurs actes et sont au sens propre irresponsables. Non pas parce qu’ils auraient un quelconque défaut de personnalité, mais parce que la carrière qui les a menés au sommet a été construite de telle manière qu’ils ne sont jamais jugés sur leurs réalisations effectives.
La complexité des organisations modernes, et c'est ma seconde hypothèse, renforce ce phénomène. Il est, lorsque l’on jette une vue rétrospective sur l’activité des dirigeants souvent très difficile de dire ce qu’ils ont fait, quelles décisions ils ont prises qui ont vraiment changé les choses. Je me souviens d'avoir, à l’occasion d’un travail sur l’histoire des NMPP (que l’on peut trouver sur mon site) demandé aux cadres de cette entreprise de tirer le bilan de leurs différentes directeurs généraux, de me dire en quoi ils avaient vraiement été importants pour l'entreprise. Il leur fallait beaucoup de temps pour trouver une réponse et ils ne trouvaient en général que peu de choses : une décision en dix ou quinze ans à la tête de l'organisation. Ce qui n’est, au fond, pas tellement surprenant : beaucoup d’entreprises (surtout les entreprises bureaucratiques) fonctionnent grâce à leur management intermédiaire qui s’assure que les procédures et les routines sont bien respectées. Mais cela signifie aussi que les réussites ou les échecs ne sont pas (au moins dans ces entreprises de type bureaucratique) forcément de la responsabilité de tel ou tel dirigeant. Je sens bien, en disant cela, combien on peut m’opposer de contre-exemples et de contre-arguments. Et cependant qui, connaissant la complexité des procédures de prise de décision dans les grandes organisations, peut croire que les dirigeants font tant de différence que cela ?
De là à dire que nommer des gens qui ont échoué n’a aucune importance puisque de toutes manières cela ne change rien, il y a un pas que… je ne franchirai pas mais c'est, on l'a deviné, à contre-coeur.
Libertariens : après la torture, le travail forcé
La défense à tous crins de la liberté dans la tradition lockéenne est souvent très proche de formes extrêmes de coercition. Dans un article publié dans la dernière livraison des Temps Modernes (Tortures en Irak, L’inquiétante candeur américaine, Les Temps Modernes, mars-juin 2005), je montre, textes à l’appui comment les dérives de l’armée américaine en Irak et à Gantanamo trouvent l’une de leurs sources (et de leur justification théorique) dans les théories libertariennes, notamment dans les travaux de Robert Nozick qui, dès le début des années 80, développait dans des textes de philosophie morale, la thèse de la ticking bomb (vous venez d’arrêter un terroriste, vous savez qu’il a posé une bombe qui va exploser dans quelques heures, il se tait, vous avez, dit Nozick et après lui quelques autres, le droit de le torturer).
Je tombe sur la revue d’un livre récent d’un libertarien de gauche, M.Otsuka (Libertarianism Without Inequality, Oxford, 2003) qui tente de réconcilier les droits de chacun de profiter pleinement du fruit de son travail et la solidarité à l’égard de ceux qui manquent et souffrent. On sait, en effet, que dans les thèses libertariennes classiques, chacun a le droit de profiter complètement de son travail, complètement voulant dire sans contribuer par l’impôt, le versement de cotisations sociales… à la satisfaction des besoins de ceux qui ont moins de talents, qui sont handicapés, qui ne travaillent plus…(Alain Laurent, l’un des rares auteurs libertariens revendiqués en France titrait en 1991 un de ses livres : Solidaire, si je le veux).
Sa solution : le travail forcé ou quelque chose qui y ressemble beaucoup. En violant les droits des autres, en les volant, par exemple, les criminels ont renoncé à leurs droits : il est donc légitime qu’une partie des richesses qu’ils produisent au delà de ce qui est remis en compensation aux victimes soit confisquée et reversée à ceux qui manquent et sont dans le besoin. Dans le monde des idées qu’Otsuka analyse, il n’y a pas de travail forcé, puisque la ponction sur les revenus se fait en fonction de ce que les criminels décident librement de produire, mais ramené sur terre ce type de raisonnement conduit à justifier l’obligation faite aux prisonniers de travailler pour des salaires insignifiants, comme c’est le cas en Chine, mais aussi aux Etats-Unis.
Dans le même livre, Otsuka envisage la possibilité de créer des sociétés d’esclave : dès lors, dit-il, que je dispose du droit sur ma propre personne, rien ne s’oppose à ce que je me vende et donc à ce qu’émergent des sociétés dans lesquelles il y ait des esclaves. Etrange conclusion pour qui, parti d’une position lockéenne, se veut un impitoyable défenseur des libertés de chacun…
Je tombe sur la revue d’un livre récent d’un libertarien de gauche, M.Otsuka (Libertarianism Without Inequality, Oxford, 2003) qui tente de réconcilier les droits de chacun de profiter pleinement du fruit de son travail et la solidarité à l’égard de ceux qui manquent et souffrent. On sait, en effet, que dans les thèses libertariennes classiques, chacun a le droit de profiter complètement de son travail, complètement voulant dire sans contribuer par l’impôt, le versement de cotisations sociales… à la satisfaction des besoins de ceux qui ont moins de talents, qui sont handicapés, qui ne travaillent plus…(Alain Laurent, l’un des rares auteurs libertariens revendiqués en France titrait en 1991 un de ses livres : Solidaire, si je le veux).
Sa solution : le travail forcé ou quelque chose qui y ressemble beaucoup. En violant les droits des autres, en les volant, par exemple, les criminels ont renoncé à leurs droits : il est donc légitime qu’une partie des richesses qu’ils produisent au delà de ce qui est remis en compensation aux victimes soit confisquée et reversée à ceux qui manquent et sont dans le besoin. Dans le monde des idées qu’Otsuka analyse, il n’y a pas de travail forcé, puisque la ponction sur les revenus se fait en fonction de ce que les criminels décident librement de produire, mais ramené sur terre ce type de raisonnement conduit à justifier l’obligation faite aux prisonniers de travailler pour des salaires insignifiants, comme c’est le cas en Chine, mais aussi aux Etats-Unis.
Dans le même livre, Otsuka envisage la possibilité de créer des sociétés d’esclave : dès lors, dit-il, que je dispose du droit sur ma propre personne, rien ne s’oppose à ce que je me vende et donc à ce qu’émergent des sociétés dans lesquelles il y ait des esclaves. Etrange conclusion pour qui, parti d’une position lockéenne, se veut un impitoyable défenseur des libertés de chacun…
lundi, juin 06, 2005
En bonne compagnie: un film à voir!
Le cinéma a rarement traité de manière très satisfaisante le monde du travail. Il y a des exceptions, bien sûr, comme Le Couperet dont j’ai parlé ici même il y a quelques semaines qui analysait de manière ce que le chômage changeait dans la vie quotidienne, mais le monde de l’entreprise, les tensions qui s’y développent, la manière dont elle sait créer du stress est rarement évoquée de manière satisfaisante. En bonne compagnie des frères Weitz, les auteurs de Pour un garçon, qui se joue actuellement (mais je ne sais pas pour combien de temps) dans quelques salles parisiennes fait heureusement exception. C'est un excellent film, et même si la fin a un coté un peu happy end qui est bien improbable dans la vraie vie, il mérite d’être vu parce qu’il présente une vision très fine, très réaliste aussi, de l’atmosphère des entreprises soumises à des changements de direction, à des opérations de fusion-acquisition. On y voit naître et se développer les rumeurs, les inquiétudes, les paniques morales, les comportements de défense (soumission) qui minent les salariés confrontés à ces situations. Deux scènes se détachent :
- une scène de licenciement où l’on voit les deux attitudes, la révolte inutile et l’acceptation (la victime qui console son bourreau et lui dit combien elle le comprend est un classique de ce genre de situations),
- -et une scène où l’on voit le Président tenir l’un de ces discours sur les synergies qui rappelleront quelque chose à tous ceux qui ont vécu dans une grande entreprise. Ces scènes mériteraient d’être extraites du film et décortiquées.
Ce film ne restera probablement pas très longtemps à l’affiche mais, à défaut de pouvoir le voir sur grand écran, il mérite d’être acheté en dvd.
J’ajoute qu’on ne s’ennuie pas une seconde, que les personnages existent, sont crédibles et les acteurs (Dennuis Quaid, Scarlett Johansson et Tropher Grace) qui les jouent convaincants.
- une scène de licenciement où l’on voit les deux attitudes, la révolte inutile et l’acceptation (la victime qui console son bourreau et lui dit combien elle le comprend est un classique de ce genre de situations),
- -et une scène où l’on voit le Président tenir l’un de ces discours sur les synergies qui rappelleront quelque chose à tous ceux qui ont vécu dans une grande entreprise. Ces scènes mériteraient d’être extraites du film et décortiquées.
Ce film ne restera probablement pas très longtemps à l’affiche mais, à défaut de pouvoir le voir sur grand écran, il mérite d’être acheté en dvd.
J’ajoute qu’on ne s’ennuie pas une seconde, que les personnages existent, sont crédibles et les acteurs (Dennuis Quaid, Scarlett Johansson et Tropher Grace) qui les jouent convaincants.
Populiste, démagogue, c'est Attac!
C'est à un de mes correspondants qui signe jeune slovaque que je dois d'avoir reçu une affiche d'Attac que je n'avais pas vue dont voici le texte :
Chez moi, il y a 20% de
chômage, alors je suis venue
travailler ici dans un salon
de massage. Mais je me suis
retrouvée sur le trottoir,
dans les mains de la mafia.
L'Europe est une plaque
tournante de la prostitution,
pourtant la Constitution ne
cherche pas à lutter contre.
Alors, il faut voter non
Si cela ne s'appelle pas de la démagogie…
On peut trouver cette image sur le site d'Attac avec d'autres textes du même foin.
Chez moi, il y a 20% de
chômage, alors je suis venue
travailler ici dans un salon
de massage. Mais je me suis
retrouvée sur le trottoir,
dans les mains de la mafia.
L'Europe est une plaque
tournante de la prostitution,
pourtant la Constitution ne
cherche pas à lutter contre.
Alors, il faut voter non
Si cela ne s'appelle pas de la démagogie…
On peut trouver cette image sur le site d'Attac avec d'autres textes du même foin.
dimanche, juin 05, 2005
Attac, écologistes : des organisations mutantes
Attac et le mouvement écologiste se ressemblent. Ce sont des organisations mutantes qui ont réussi pour le même motif : parce qu’elles ont su réunir, fédérer des militants d’une multitude causes diverses en leur donnant le moyen de travailler ensemble, de se rencontrer, de nouer des alliances, de partager des ressources (librairies, journaux, colloques, fichiers de journalistes…). Les causes sont très diverses (lutte contre les essais sur animaux, contre les OGM, pour le commerce équitable, contre la dette du Tiers-Monde, contre les pesticides…), mais le plus souvent sympathiques (qui peut véritablement défendre les essais sur animaux sinon les experts des industries concernées qui connaissent le dossier et savent que l’on ne peut souvent pas faire autrement ? qui a envie de critiquer la taxe Tobin sinon des économistes professionnels?).
La force des écologistes, celle d’Attac, a été de mettre en réseau ces différentes causes, d’apporter à chacune un espace d’expansion et d’offrir à toutes un ennemi commun : les dérives technicistes pour les écologistes, le libéralisme et la globalisation pour Attac. Ces ennemis sont forcément un peu abstraits (que veut-on donc dire libéralisme ?), mais c’est plutôt une qualité dans la mesure où cela permet de se retrouver sans vraiment approfondir.
Les difficultés commencent lorsque l’on veut entrer dans le jeu politique qui force à préciser ses positions et à se mettre d’accord sur un projet : il ne s’agit plus alors de se réunir entre soi et de parler aux média, il faut choisir entre des positions qui peuvent se révéler contradictoires (si le nucléaire est la meilleure solution pour lutter contre le réchauffement de la planète, comment concilier les objectifs des anti-nucléaires et ceux de ceux qui veulent lutter contre le CO2?) et convaincre des électeurs, ce qui est une toute autre paire de manches. L’incapacité endémique des écologistes à sortir de leurs conflits internes vient sans doute de ce qui leur a, dans un premier temps, permis de grandir. On peut penser que si Attac se transforme en parti politique, comme ses dirigeants en ont la tentation, il rencontrera rapidement le même écueil.
La force des écologistes, celle d’Attac, a été de mettre en réseau ces différentes causes, d’apporter à chacune un espace d’expansion et d’offrir à toutes un ennemi commun : les dérives technicistes pour les écologistes, le libéralisme et la globalisation pour Attac. Ces ennemis sont forcément un peu abstraits (que veut-on donc dire libéralisme ?), mais c’est plutôt une qualité dans la mesure où cela permet de se retrouver sans vraiment approfondir.
Les difficultés commencent lorsque l’on veut entrer dans le jeu politique qui force à préciser ses positions et à se mettre d’accord sur un projet : il ne s’agit plus alors de se réunir entre soi et de parler aux média, il faut choisir entre des positions qui peuvent se révéler contradictoires (si le nucléaire est la meilleure solution pour lutter contre le réchauffement de la planète, comment concilier les objectifs des anti-nucléaires et ceux de ceux qui veulent lutter contre le CO2?) et convaincre des électeurs, ce qui est une toute autre paire de manches. L’incapacité endémique des écologistes à sortir de leurs conflits internes vient sans doute de ce qui leur a, dans un premier temps, permis de grandir. On peut penser que si Attac se transforme en parti politique, comme ses dirigeants en ont la tentation, il rencontrera rapidement le même écueil.
Antiparlementarisme de gauche?
La campagne électorale qui vient de s’achever a mis en évidence l’émergence à gauche, d’une variante de l’antiparlementarisme qui est, comme chacun sait, une des composantes majeures de tout populisme.
C’est le soir de l’élection que cette tentation de l’antiparlementarisme s’est révélée le plus nettement dans un lapsus d’Emmanuelli à propos du vote des Allemands. Les Allemands, dit-il, n’ont pas voté la constitution et lorsque ses interlocuteurs lui ont fait remarquer que le Parlement allemand venait justement de voter la constitution, plutôt que de se taire, il en a rajouté, expliquant que le vote du Parlement ne valait rien. Pour un socialiste qui a longtemps pensé que le référendum n’est pas une procédure démocratique, la remarque était pour le moins surprenante.
Cet échange pourrait n’être qu’anecdotique, ce ne serait pas la première fois qu’un politique fatigué aurait dit une sottise, et je n’y ferais pas allusion s’il ne s’inscrivait sur un fond. Je pense au refus de respecter les règles élémentaires de la démocratie de ces socialistes qui ont fait campagne pour le non contre l’avis de la majorité des militants de leur parti, mais aussi au discours que l’on tient depuis quelques jours chez les partisans du non sur l’opposition entre les élites qui ont voté oui et le peuple qui a voté non, opposition qui n’est, faut-il le rappeler, qu’une reprise de la vieille rengaine réactionnaire du pays réel et du pays légal.
Cet antiparlementarisme se nourrit probablement de l’incapacité du système politique à transformer les choix des électeurs en politiques les satisfaisant (le refus de Chirac de changer de premier ministre et de politique après ses échecs électoraux répétés peut faire penser que voter ne sert à rien) mais aussi de la montée d’une abstention qui n’est pas forcément synonyme de désintérêt pour la politique comme en témoigne la présence dans la rue au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle de dizaines de milliers de jeunes qui s’étaient abstenus ou même pas inscrits sur les listes électorales.
Reste que l’émergence (peut-être éphémère) d’un antiparlementarisme de gauche n’est pas une bonne nouvelle.
C’est le soir de l’élection que cette tentation de l’antiparlementarisme s’est révélée le plus nettement dans un lapsus d’Emmanuelli à propos du vote des Allemands. Les Allemands, dit-il, n’ont pas voté la constitution et lorsque ses interlocuteurs lui ont fait remarquer que le Parlement allemand venait justement de voter la constitution, plutôt que de se taire, il en a rajouté, expliquant que le vote du Parlement ne valait rien. Pour un socialiste qui a longtemps pensé que le référendum n’est pas une procédure démocratique, la remarque était pour le moins surprenante.
Cet échange pourrait n’être qu’anecdotique, ce ne serait pas la première fois qu’un politique fatigué aurait dit une sottise, et je n’y ferais pas allusion s’il ne s’inscrivait sur un fond. Je pense au refus de respecter les règles élémentaires de la démocratie de ces socialistes qui ont fait campagne pour le non contre l’avis de la majorité des militants de leur parti, mais aussi au discours que l’on tient depuis quelques jours chez les partisans du non sur l’opposition entre les élites qui ont voté oui et le peuple qui a voté non, opposition qui n’est, faut-il le rappeler, qu’une reprise de la vieille rengaine réactionnaire du pays réel et du pays légal.
Cet antiparlementarisme se nourrit probablement de l’incapacité du système politique à transformer les choix des électeurs en politiques les satisfaisant (le refus de Chirac de changer de premier ministre et de politique après ses échecs électoraux répétés peut faire penser que voter ne sert à rien) mais aussi de la montée d’une abstention qui n’est pas forcément synonyme de désintérêt pour la politique comme en témoigne la présence dans la rue au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle de dizaines de milliers de jeunes qui s’étaient abstenus ou même pas inscrits sur les listes électorales.
Reste que l’émergence (peut-être éphémère) d’un antiparlementarisme de gauche n’est pas une bonne nouvelle.
vendredi, juin 03, 2005
Le principal adversaire de la gauche est aujourd’hui l’extrême-gauche
Si la victoire du non est une véritable défaite pour la gauche démocrate, réformiste, social-démocrate comme on dit, celle qui, en un mot, a l’ambition de gouverner pour créer une société moins inégalitaire qui se préoccupe plus du bien-être de chacun, c’est une splendide victoire pour l'extrême-gauche qui avait déjà battu Jospin aux dernières élections présidentielles.
La stratégie de cette extrême-gauche est assez simple, presque simpliste : affaiblir ses proches et faire gagner l’ennemi pour se renforcer. Lorsque la droite est au pouvoir, il lui est plus facile de mobiliser les électeurs de gauche que lorsqu’elle est dans l’opposition. Mieux vaut donc, en France, Chirac que Jospin et demain Sarkozy que Hollande (ou Fabius) à la tête de l’Etat. Et mieux vaut une Europe à la britannique, zone de libre-échange, qu’une Europe politique comme la souhaitaient les auteurs de la constitution.
Si tant de gens à gauche lui apportent leur voix, c’est qu’ils ne la prennent pas vraiment au sérieux. On vote pour l’extrême-gauche pour se défouler, pour dire sa colère comme d’autres votent pour le Front National ou les chasseurs. Mais comment peut-on éprouver de la sympathie pour des gens qui continuent de défendre à longueur de colonnes la dictature du prolétariat ? Dans un état démocratique, cela devrait immédiatement déconsidérer ceux qui continuent de la prôner.
Comment peut-on un instant tolérer que des communistes s’en prennent aux plombiers polonais quand pendant des décennies leur parti s’est fait le complice complaisant des dictatures à l’Est ? Dictatures qui furent, on a presque honte de le rappeler, abominables et que le PCF n’a jamais condamnées sinon du bout des lèvres (et encore !).
Comment peut-on admettre qu’Attac qui demande tous les matins que l’on annule la dette des pays du Tiers-Monde s’en prenne au libre-échange qui, seul, permettrait à ces pays endettés de rembourser leur dette ?
Comment peut-on, enfin, éprouver le moindre respect pour des militants socialistes qui ont rejeté le vote des militants de leur propre parti ?
On a trop souvent deviné le nationalisme et le populisme dans les argumentaires des partisans de gauche du non pour prendre ces dérives à la légère. L’inquiétude est d’autant plus justifiée qu’un sondage récent indique que 41% des électeurs de gauche qui ont voté non trouvent qu’il y a trop d’étrangers en France.
La gauche qui prétend gouverner, celle dont nous avons besoin, n’a plus besoin de se battre contre une droite qui a montré son incompétence et son incapacité à résoudre nos problèmes, elle doit concentrer ses forces contre la séduction idéologique d’une extrême-gauche populiste qui n’a qu’un objectif : lui faire perdre les élections pour mieux prospérer. Cette bataille doit se mener sur plan des idées, sur celui des projets, sur celui, également, des réalisations. Où sont donc les propositions de Besancenot-Buffet-Nikonoff? En quoi consistent-elles sinon à fermer les frontières, à abandonner l'euro, à revenir au monde d'hier ou d'avant-hier? celui dont peinent à sortir les pays de l'Est, Cuba ou pire encore la Corée.
On voit ici ou là des responsables de gauche tentés de se concilier l’extrême-gauche nationaliste et populiste. S’ils pensent pouvoir la convaincre de les aider à accéder au pouvoir, ils se trompent lourdement. Ils n’ont pas de prise sur des dirigeants qui n’ont aucune envie de devenir ministres. Leur position dans le jeu politique leur convient : elle leur apporte les bénéfices symboliques qu’ils en attendent et le pouvoir qu’ils exercent dans leurs organisations respectives leur suffit.
L’extrême-gauche n'est pas et ne peut être un allié fiable pour un parti qui souhaite revenir aux affaires. Ses programmes sont incohérents, ses projets irréalistes (qui peut une seconde prendre au sérieux la taxe Tobin? Même Tobin en riait), elle ne respecte aucune des règles de la démocratie et a toujours préféré la rue aux urnes. Elle devrait appartenir aux marges de la politique. C’est là qu’il faut la renvoyer.
La stratégie de cette extrême-gauche est assez simple, presque simpliste : affaiblir ses proches et faire gagner l’ennemi pour se renforcer. Lorsque la droite est au pouvoir, il lui est plus facile de mobiliser les électeurs de gauche que lorsqu’elle est dans l’opposition. Mieux vaut donc, en France, Chirac que Jospin et demain Sarkozy que Hollande (ou Fabius) à la tête de l’Etat. Et mieux vaut une Europe à la britannique, zone de libre-échange, qu’une Europe politique comme la souhaitaient les auteurs de la constitution.
Si tant de gens à gauche lui apportent leur voix, c’est qu’ils ne la prennent pas vraiment au sérieux. On vote pour l’extrême-gauche pour se défouler, pour dire sa colère comme d’autres votent pour le Front National ou les chasseurs. Mais comment peut-on éprouver de la sympathie pour des gens qui continuent de défendre à longueur de colonnes la dictature du prolétariat ? Dans un état démocratique, cela devrait immédiatement déconsidérer ceux qui continuent de la prôner.
Comment peut-on un instant tolérer que des communistes s’en prennent aux plombiers polonais quand pendant des décennies leur parti s’est fait le complice complaisant des dictatures à l’Est ? Dictatures qui furent, on a presque honte de le rappeler, abominables et que le PCF n’a jamais condamnées sinon du bout des lèvres (et encore !).
Comment peut-on admettre qu’Attac qui demande tous les matins que l’on annule la dette des pays du Tiers-Monde s’en prenne au libre-échange qui, seul, permettrait à ces pays endettés de rembourser leur dette ?
Comment peut-on, enfin, éprouver le moindre respect pour des militants socialistes qui ont rejeté le vote des militants de leur propre parti ?
On a trop souvent deviné le nationalisme et le populisme dans les argumentaires des partisans de gauche du non pour prendre ces dérives à la légère. L’inquiétude est d’autant plus justifiée qu’un sondage récent indique que 41% des électeurs de gauche qui ont voté non trouvent qu’il y a trop d’étrangers en France.
La gauche qui prétend gouverner, celle dont nous avons besoin, n’a plus besoin de se battre contre une droite qui a montré son incompétence et son incapacité à résoudre nos problèmes, elle doit concentrer ses forces contre la séduction idéologique d’une extrême-gauche populiste qui n’a qu’un objectif : lui faire perdre les élections pour mieux prospérer. Cette bataille doit se mener sur plan des idées, sur celui des projets, sur celui, également, des réalisations. Où sont donc les propositions de Besancenot-Buffet-Nikonoff? En quoi consistent-elles sinon à fermer les frontières, à abandonner l'euro, à revenir au monde d'hier ou d'avant-hier? celui dont peinent à sortir les pays de l'Est, Cuba ou pire encore la Corée.
On voit ici ou là des responsables de gauche tentés de se concilier l’extrême-gauche nationaliste et populiste. S’ils pensent pouvoir la convaincre de les aider à accéder au pouvoir, ils se trompent lourdement. Ils n’ont pas de prise sur des dirigeants qui n’ont aucune envie de devenir ministres. Leur position dans le jeu politique leur convient : elle leur apporte les bénéfices symboliques qu’ils en attendent et le pouvoir qu’ils exercent dans leurs organisations respectives leur suffit.
L’extrême-gauche n'est pas et ne peut être un allié fiable pour un parti qui souhaite revenir aux affaires. Ses programmes sont incohérents, ses projets irréalistes (qui peut une seconde prendre au sérieux la taxe Tobin? Même Tobin en riait), elle ne respecte aucune des règles de la démocratie et a toujours préféré la rue aux urnes. Elle devrait appartenir aux marges de la politique. C’est là qu’il faut la renvoyer.
mercredi, juin 01, 2005
Emploi : l’équation insoluble?
Il apparaît de plus en plus nettement que la victoire du non au référendum sur la constitution européenne est directement liée au chômage. On sait tous que le retour de la croissance ne suffira pas, que la France souffre d’un chômage structurel bien plus élevé que la plupart de ses voisins, que les délocalisations, plombiers polonais et autres épouvantails n’y sont pour rien.. C’est chez nous qu’il faut chercher les causes de cette maladie qui nous ronge et nous mine. On les connaît en fait bien et depuis assez longtemps : faiblesse de nos PME incapables de grossir, spécialisation de notre industrie dans des activités qui ne peuvent se développer qu’à l’étranger, corporatismes de toutes sortes qui ferment les marchés des services susceptibles de créer des dizaines de milliers d’emplois, effets contre-productifs des politiques de lutte contre le chômage menées depuis une trentaine d’années. Je les décris plus en détail ici.
Mais, si faire un diagnostic est somme toute facile, trouver les portes de sortie est plus compliqué. La difficulté se résume en un mot : les solutions passent par l’abandon de tout ce qui protège ceux qui ont aujourd’hui une activité (je pense aux salariés mais aussi et surtout aux mécanismes mis en place par les différents corporatismes pour se protéger de la concurrence). Or, la crise incite tout le monde, ceux qui ont un emploi comme ceux qui n’en ont pas à militer pour toujours plus de protection. C’est un véritable cercle vicieux dont je ne vois pas bien qui pourrait aujourd’hui nous sortir.
Mais, si faire un diagnostic est somme toute facile, trouver les portes de sortie est plus compliqué. La difficulté se résume en un mot : les solutions passent par l’abandon de tout ce qui protège ceux qui ont aujourd’hui une activité (je pense aux salariés mais aussi et surtout aux mécanismes mis en place par les différents corporatismes pour se protéger de la concurrence). Or, la crise incite tout le monde, ceux qui ont un emploi comme ceux qui n’en ont pas à militer pour toujours plus de protection. C’est un véritable cercle vicieux dont je ne vois pas bien qui pourrait aujourd’hui nous sortir.
dimanche, mai 22, 2005
Quand avoir des opinions est une composante du bien-être
La campagne référendaire a confirmé une tendance que l’on observe depuis quelques années : avoir une opinion est devenu une composante du bien-être au même titre que la santé, une bonne éducation ou la qualité de la vie. Les débats sur la constitution, les discussions acharnées entre amis, entre collègues de bureau, dans les familles… est un symptôme d’un phénomène qui, pour n’être pas complètement nouveau, se révèle chaque jour un peu plus prégnant : le désir de chacun de nous d’affirmer haut et fort ses opinions, de les voir portées sur la place publique. Des opinions qui sont, en général, originales, différentes (ou jugées telles) de celles du voisin, ce qui fait que nous avons de plus en plus de mal à nous retrouver dans les programmes et propositions des candidats aux élections. Ce n’est pas du relativisme, comme on le dit parfois, mais de l’assurance : mes idées valent bien celles de mon voisin ! Et elles méritent tout autant que les siennes d’être affichées et défendues en public.
C’est ce phénomène qui a amené un certain nombre d’électeurs à s’abstenir aux dernières élections présidentielles au motif qu’aucun candidat de les représentait vraiment. C’est ce même phénomène qui amène des jeunes (et moins jeunes) gens à participer à des manifestations avec leurs propres pancartes et calicots au motifs que les slogans des grandes organisations ne portent pas vraiment leurs revendications. Les partis, les syndicats, les élus (députés ou syndicalistes…) ne disent pas exactement ce qu’ils aimeraient entendre, d’où leur initiative : ils ne s’engagent plus dans un parti, dans un syndicat, mais pour une idée.
Tout cela contribue naturellement à la crise de la représentation politique qui ne vient pas, comme on le dit souvent, de la faiblesse des politiques mais des attentes nouvelles des citoyens, de cette idée, de plus en plus ancrée dans notre société, qu’avoir des opinions, les exprimer et les afficher est une composante essentielle de notre bien-être. Ce n’est pas une idée fausse, ce n’est pas non plus une idée critiquable, reste à trouver le moyen de concilier ce légitime désir d’avoir des opinions et les arbitrages entre opinions divergentes sans lesquels on ne peut gouverner.
Certains pensent que le suffrage à la proportionnelle pourrait être une solution. Il aurait l’avantage d’ouvrir l’éventail des opinions, mais on connaît ses limites : la recherche d’un compromis ne se fait plus, comme dans le scrutin majoritaire, dans la tête des électeurs, mais dans les coulisses au lendemain des élections entre élus, ce qui est la porte ouverte à toutes les tractations et trahisons. La solution reste à inventer.
C’est ce phénomène qui a amené un certain nombre d’électeurs à s’abstenir aux dernières élections présidentielles au motif qu’aucun candidat de les représentait vraiment. C’est ce même phénomène qui amène des jeunes (et moins jeunes) gens à participer à des manifestations avec leurs propres pancartes et calicots au motifs que les slogans des grandes organisations ne portent pas vraiment leurs revendications. Les partis, les syndicats, les élus (députés ou syndicalistes…) ne disent pas exactement ce qu’ils aimeraient entendre, d’où leur initiative : ils ne s’engagent plus dans un parti, dans un syndicat, mais pour une idée.
Tout cela contribue naturellement à la crise de la représentation politique qui ne vient pas, comme on le dit souvent, de la faiblesse des politiques mais des attentes nouvelles des citoyens, de cette idée, de plus en plus ancrée dans notre société, qu’avoir des opinions, les exprimer et les afficher est une composante essentielle de notre bien-être. Ce n’est pas une idée fausse, ce n’est pas non plus une idée critiquable, reste à trouver le moyen de concilier ce légitime désir d’avoir des opinions et les arbitrages entre opinions divergentes sans lesquels on ne peut gouverner.
Certains pensent que le suffrage à la proportionnelle pourrait être une solution. Il aurait l’avantage d’ouvrir l’éventail des opinions, mais on connaît ses limites : la recherche d’un compromis ne se fait plus, comme dans le scrutin majoritaire, dans la tête des électeurs, mais dans les coulisses au lendemain des élections entre élus, ce qui est la porte ouverte à toutes les tractations et trahisons. La solution reste à inventer.
mercredi, mai 18, 2005
Quand un député travailliste répond vertement à un sénateur américain
Il ya quelques années, Woody Allen avait réalisé un film où on le voyait se dresser contre Mac Carthy et son tribunal. J'ai oubllié le titre de ce film, mais je me souviens bien de cette scène où on le voyait apostropher son accusateur et le renvoyer à ses manipulations de la vérité. C'est ce à quoi on vient d'assiter aux Etats-Unis à propos de l'affaire de la nourriture contre le pétrole. On sait que le Sénat américain, dans le cadre d'une campagne contre l'ONU, a lancé une enquête sur les détournements de l'argent versé au gouvernement irakien dans le cadre du programme pétrole contre nourriture dans les dernières années du régime de Saddam Hussein. Pasqua est menacé dans cette affaire ainsi qu'un russe, quelques américains et un ex-député travailliste, George Blister, récemment réélu, qui lui a décidé de ne pas se laisser faire (sans doute parce qu'il n'a rien à se reprocher!). Toujours est-il qu'il s'est rendu à Washington, qu'il a répondu à ses accusateurs et qu'il leur a infligé une belle volée de bois vert. Pour ceux que cela intéresse, voici un site où l'on peut en entier son intervention. Un modèle du genre.
Pour accéder au texte, il faut aller la page : George Galloway Blisters the US Senate
Pour accéder au texte, il faut aller la page : George Galloway Blisters the US Senate
samedi, mai 14, 2005
Les Temps Modernes votent oui
Il y a dans la dernière livraison des Temps Modernes (numéro de mars-juin 2005) un article absolument remarquable de Robert Redeker sur la constitution européenne et ses enjeux. C’est, à ce jour, ce que j’ai lu de mieux sur le sujet. L’auteur milite violemment pour le oui avec des arguments très forts. C’est d’autant plus remarquable que l’on serait plutôt tenté de classer cette revue du coté de l’extrême-gauche. Mais ce n’est pas la seule exception à la règle qui voudrait que la gauche de la gauche est forcément anti-européenne : Alternatives économiques s’est aussi prononcé pour le oui.
On trouvera dans la même livraison de cette revue un article que je leur ai donné sur la Torture en Irak qui (excusez ce moment d’auto-promotion) me paraît plutôt bien venu.
On trouvera dans la même livraison de cette revue un article que je leur ai donné sur la Torture en Irak qui (excusez ce moment d’auto-promotion) me paraît plutôt bien venu.
vendredi, mai 13, 2005
Back to Irak! Dès 2002, Bush et Blair s'étaient entendus…
C'est dans la presse américaine (le papier qui suit vient du Los Angles Times), dans la presse britannique (et cela fait scandale et n'arrange pas l'image de Tony Blair auprès de ses critiques) mais pas vraiment dans la presse française (je n'ai en tout cas rien lu là-dessus) et c'est dommage. Il apparait que Blair et Bush se sont entendus dés 2002, soit un an avant, sur l'invasion de l'Irak. Et l'on voit bien qu'alors les autorités britanniques ne croient pas une seconde que Saddam présente le moindre danger pour le monde.
On le devinait, on en a, semble-t-il, maintenant la preuve.
Indignation Grows in U.S. Over British Prewar Documents
Critics of Bush call them proof that he and Blair never saw diplomacy as an option with Hussein.
By John Daniszewski
Times Staff Writer
May 12, 2005
LONDON — Reports in the British press this month based on documents indicating that President Bush and Prime Minister Tony Blair had conditionally agreed by July 2002 to invade Iraq appear to have blown over quickly in Britain.
But in the United States, where the reports at first received scant attention, there has been growing indignation among critics of the Bush White House, who say the documents help prove that the leaders made a secret decision to oust Iraqi President Saddam Hussein nearly a year before launching their attack, shaped intelligence to that aim and never seriously intended to avert the war through diplomacy.
The documents, obtained by Michael Smith, a defense specialist writing for the Sunday Times of London, include a memo of the minutes of a meeting July 23, 2002, between Blair and his intelligence and military chiefs; a briefing paper for that meeting and a Foreign Office legal opinion prepared before an April 2002 summit between Blair and Bush in Texas.
The picture that emerges from the documents is of a British government convinced of the U.S. desire to go to war and Blair's agreement to it, subject to several specific conditions.
Since Smith's report was published May 1, Blair's Downing Street office has not disputed the documents' authenticity. Asked about them Wednesday, a Blair spokesman said the report added nothing significant to the much-investigated record of the lead-up to the war.
"At the end of the day, nobody pushed the diplomatic route harder than the British government…. So the circumstances of this July discussion very quickly became out of date," said the spokesman, who asked not to be identified.
The leaked minutes sum up the July 23 meeting, at which Blair, top security advisors and his attorney general discussed Britain's role in Washington's plan to oust Hussein. The minutes, written by Matthew Rycroft, a foreign policy aide, indicate general thoughts among the participants about how to create a political and legal basis for war. The case for military action at the time was "thin," Foreign Minister Jack Straw was characterized as saying, and Hussein's government posed little threat.
Labeled "secret and strictly personal — U.K. eyes only," the minutes begin with the head of the British intelligence service, MI6, who is identified as "C," saying he had returned from Washington, where there had been a "perceptible shift in attitude. Bush wanted to remove Saddam, through military action, justified by the conjunction of terrorism and [weapons of mass destruction]. But the intelligence and the facts were being fixed around the policy."
Straw agreed that Bush seemed determined to act militarily, although the timing was not certain.
"But the case was thin," the minutes say. "Saddam was not threatening his neighbors, and his WMD capacity was less than that of Libya, North Korea or Iran."
Straw then proposed to "work up a plan for an ultimatum to Saddam" to permit United Nations weapons inspectors back into Iraq. "This would also help with the legal justification for the use of force," he said, according to the minutes.
Blair said, according to the memo, "that it would make a big difference politically and legally if Saddam refused to allow in the U.N. inspectors."
"If the political context were right, people would support regime change," Blair said. "The two key issues were whether the military plan worked and whether we had the political strategy to give the military plan the space to work."
In addition to the minutes, the Sunday Times report referred to a Cabinet briefing paper that was given to participants before the July 23 meeting. It stated that Blair had already promised Bush cooperation earlier, at the April summit in Texas.
"The U.K. would support military action to bring about regime change," the Sunday Times quoted the briefing as saying.
Excerpts from the paper, which Smith provided to the Los Angeles Times, said Blair had listed conditions for war, including that "efforts had been made to construct a coalition/shape public opinion, the Israel-Palestine crisis was quiescent," and options to "eliminate Iraq's WMD through the U.N. weapons inspectors" had been exhausted.
The briefing paper said the British government should get the U.S. to put its military plans in a "political framework."
"This is particularly important for the U.K. because it is necessary to create the conditions in which we could legally support military action," it says.
In a letter to Bush last week, 89 House Democrats expressed shock over the documents. They asked if the papers were authentic and, if so, whether they proved that the White House had agreed to invade Iraq months before seeking Congress' OK.
"If the disclosure is accurate, it raises troubling new questions regarding the legal justifications for the war as well as the integrity of our own administration," the letter says.
"While the president of the United States was telling the citizens and the Congress that they had no intention to start a war with Iraq, they were working very close with Tony Blair and the British leadership at making this a foregone conclusion," the letter's chief author, Rep. John Conyers Jr. of Michigan, said Wednesday.
If the documents are real, he said, it is "a huge problem" in terms of an abuse of power. He said the White House had not yet responded to the letter.
Both Blair and Bush have denied that a decision on war was made in early 2002. The White House and Downing Street maintain that they were preparing for military operations as an option, but that the option to not attack also remained open until the war began March 20, 2003.
In January 2002, Bush described Iraq as a member of an "axis of evil," but the sustained White House push for Iraqi compliance with U.N. resolutions did not come until September of that year. That month, Bush addressed the U.N. General Assembly to outline a case against Hussein's government, and he sought a bipartisan congressional resolution authorizing the possible use of force.
In November 2002, the U.N. Security Council approved a resolution demanding that Iraq readmit weapons inspectors.
An effort to pass a second resolution expressly authorizing the use of force against Iraq did not succeed.
*
Times staff writer Paul Richter in Washington contributed to this report.
On le devinait, on en a, semble-t-il, maintenant la preuve.
Indignation Grows in U.S. Over British Prewar Documents
Critics of Bush call them proof that he and Blair never saw diplomacy as an option with Hussein.
By John Daniszewski
Times Staff Writer
May 12, 2005
LONDON — Reports in the British press this month based on documents indicating that President Bush and Prime Minister Tony Blair had conditionally agreed by July 2002 to invade Iraq appear to have blown over quickly in Britain.
But in the United States, where the reports at first received scant attention, there has been growing indignation among critics of the Bush White House, who say the documents help prove that the leaders made a secret decision to oust Iraqi President Saddam Hussein nearly a year before launching their attack, shaped intelligence to that aim and never seriously intended to avert the war through diplomacy.
The documents, obtained by Michael Smith, a defense specialist writing for the Sunday Times of London, include a memo of the minutes of a meeting July 23, 2002, between Blair and his intelligence and military chiefs; a briefing paper for that meeting and a Foreign Office legal opinion prepared before an April 2002 summit between Blair and Bush in Texas.
The picture that emerges from the documents is of a British government convinced of the U.S. desire to go to war and Blair's agreement to it, subject to several specific conditions.
Since Smith's report was published May 1, Blair's Downing Street office has not disputed the documents' authenticity. Asked about them Wednesday, a Blair spokesman said the report added nothing significant to the much-investigated record of the lead-up to the war.
"At the end of the day, nobody pushed the diplomatic route harder than the British government…. So the circumstances of this July discussion very quickly became out of date," said the spokesman, who asked not to be identified.
The leaked minutes sum up the July 23 meeting, at which Blair, top security advisors and his attorney general discussed Britain's role in Washington's plan to oust Hussein. The minutes, written by Matthew Rycroft, a foreign policy aide, indicate general thoughts among the participants about how to create a political and legal basis for war. The case for military action at the time was "thin," Foreign Minister Jack Straw was characterized as saying, and Hussein's government posed little threat.
Labeled "secret and strictly personal — U.K. eyes only," the minutes begin with the head of the British intelligence service, MI6, who is identified as "C," saying he had returned from Washington, where there had been a "perceptible shift in attitude. Bush wanted to remove Saddam, through military action, justified by the conjunction of terrorism and [weapons of mass destruction]. But the intelligence and the facts were being fixed around the policy."
Straw agreed that Bush seemed determined to act militarily, although the timing was not certain.
"But the case was thin," the minutes say. "Saddam was not threatening his neighbors, and his WMD capacity was less than that of Libya, North Korea or Iran."
Straw then proposed to "work up a plan for an ultimatum to Saddam" to permit United Nations weapons inspectors back into Iraq. "This would also help with the legal justification for the use of force," he said, according to the minutes.
Blair said, according to the memo, "that it would make a big difference politically and legally if Saddam refused to allow in the U.N. inspectors."
"If the political context were right, people would support regime change," Blair said. "The two key issues were whether the military plan worked and whether we had the political strategy to give the military plan the space to work."
In addition to the minutes, the Sunday Times report referred to a Cabinet briefing paper that was given to participants before the July 23 meeting. It stated that Blair had already promised Bush cooperation earlier, at the April summit in Texas.
"The U.K. would support military action to bring about regime change," the Sunday Times quoted the briefing as saying.
Excerpts from the paper, which Smith provided to the Los Angeles Times, said Blair had listed conditions for war, including that "efforts had been made to construct a coalition/shape public opinion, the Israel-Palestine crisis was quiescent," and options to "eliminate Iraq's WMD through the U.N. weapons inspectors" had been exhausted.
The briefing paper said the British government should get the U.S. to put its military plans in a "political framework."
"This is particularly important for the U.K. because it is necessary to create the conditions in which we could legally support military action," it says.
In a letter to Bush last week, 89 House Democrats expressed shock over the documents. They asked if the papers were authentic and, if so, whether they proved that the White House had agreed to invade Iraq months before seeking Congress' OK.
"If the disclosure is accurate, it raises troubling new questions regarding the legal justifications for the war as well as the integrity of our own administration," the letter says.
"While the president of the United States was telling the citizens and the Congress that they had no intention to start a war with Iraq, they were working very close with Tony Blair and the British leadership at making this a foregone conclusion," the letter's chief author, Rep. John Conyers Jr. of Michigan, said Wednesday.
If the documents are real, he said, it is "a huge problem" in terms of an abuse of power. He said the White House had not yet responded to the letter.
Both Blair and Bush have denied that a decision on war was made in early 2002. The White House and Downing Street maintain that they were preparing for military operations as an option, but that the option to not attack also remained open until the war began March 20, 2003.
In January 2002, Bush described Iraq as a member of an "axis of evil," but the sustained White House push for Iraqi compliance with U.N. resolutions did not come until September of that year. That month, Bush addressed the U.N. General Assembly to outline a case against Hussein's government, and he sought a bipartisan congressional resolution authorizing the possible use of force.
In November 2002, the U.N. Security Council approved a resolution demanding that Iraq readmit weapons inspectors.
An effort to pass a second resolution expressly authorizing the use of force against Iraq did not succeed.
*
Times staff writer Paul Richter in Washington contributed to this report.
jeudi, mai 12, 2005
Immigration clandestine : quand donc comprendront-ils donc que durcir les textes ne sert à rien ?
Dominique de Villepin vient d’annoncer de nouvelles mesures pour lutter contre l’immigration clandestine. Ce ne sont pas les premières. Tous les 15 mois, à peu près, un ministre de l’intérieur annonce un nouveau plan pour renforcer les frontières et renvoyer les clandestins chez eux. Et chacun le sait bien : ce plan ne règlera rien. Dans dix, douze ou quinze mois (tout dépend de la durée de ce gouvernement ou du prochain), un nouveau plan, qui s’affichera comme plus dur encore fera pendant quelques jours encore la une de l’actualité, avant qu’un ministre un peu plus raisonnable décide de régulariser les gens déjà là.
Il serait temps que nos ministres de l’intérieur comprennent que leurs politiques bien loin de résoudre le problème des migrations clandestines ne font que les aggraver.
En refusant de donner des papiers aux clandestins déjà présents en France (ils seraient d’après ce qu’on lit dans la presse 200 000), on les force au travail clandestin ou à la délinquance de survie. Le premier fait tout aussi sûrement concurrence aux salariés en place que les Polonais de la circulaire Bolkenstein. Quant à la seconde, elle nourrir un peu plus le réflexe anti-immigrés.
En renforçant les frontières, on augmente le nombre de clandestins. Ce n’est pas un paradoxe, mais la réalité que l’on peut observer et comprendre pour peu que l’on réfléchisse deux secondes. Que se passe-t-il lorsque l’on ferme les frontières ? Retire-t-on aux réfugiés politiques et économiques l’envie d’émigrer ? Non. Les incite-t-on à aller ailleurs ? Ce serait possible si d’autres pays démocratiques et développés ouvraient leurs frontières, mais on sait que ce n’est pas le cas.
Les immigrés qui souhaitent venir viennent donc toujours, mais comme c’est plus difficile, ils font appel à des passeurs, à des professionnels qui savent comment traverser les frontières (il y a toujours possibilité) et qui font payer leurs services. Plus le passage est difficile, plus ces services coûtent cher (plusieurs dizaines de milliers de francs il y a quelques semaines, plus encore demain). Les immigrés n’ont souvent pas les moyens de payer le passage. Ce sont donc leurs futurs employeurs qui le financent en échange d’un remboursement sous forme de travail pendant quelques mois ou quelques années. On pensait interdire leur entrée dans nos pays riches, on enrichit des mafias et l’on crée du travail servile ! Beau résultat, mais il n’y pas que cela.
La fermeture des frontières transforme notre pays en « piège à immigrés ». Elle retient chez nous ceux qui sont déjà entrés et qui pourraient si elles étaient ouvertes aller tenter leur chance ailleurs. Comment sortiraient-ils pour aller voir leur famille, chercher du travail ou refuge ailleurs alors qu’ils savent bien qu’ils ne pourront pas rentrer ? Et elle incite ceux qui ne viendraient que pour visiter leur famille à s’installer durablement. Français ou étrangers en règle, riches ou pauvres, bien introduits ou démunis devant les formalités administratives, tous ceux qui ont de la famille à l’étranger savent combien ce type de mesure favorise l’immigration définitive. Il est si difficile d’obtenir un visa pour venir passer quelques jours de vacances dans sa famille en France qu’une fois ce visa obtenu il est tentant de rester ici. Cela fait de nouveaux clandestins qui auraient largement préféré rentrer chez eux si on leur en avait laissé la possibilité.
Les mesures de Dominique de Villepin sont inutiles, inefficaces et contre-productives. On en rirait s’il ne s’agissait de gens qui souffrent.
Pour ceux que ce sujet intéresse, il y a mon livre "Plaidoyers pour l'immigration" où j'explique tout cela dans le détail aux éditions Les points sur les i
Il serait temps que nos ministres de l’intérieur comprennent que leurs politiques bien loin de résoudre le problème des migrations clandestines ne font que les aggraver.
En refusant de donner des papiers aux clandestins déjà présents en France (ils seraient d’après ce qu’on lit dans la presse 200 000), on les force au travail clandestin ou à la délinquance de survie. Le premier fait tout aussi sûrement concurrence aux salariés en place que les Polonais de la circulaire Bolkenstein. Quant à la seconde, elle nourrir un peu plus le réflexe anti-immigrés.
En renforçant les frontières, on augmente le nombre de clandestins. Ce n’est pas un paradoxe, mais la réalité que l’on peut observer et comprendre pour peu que l’on réfléchisse deux secondes. Que se passe-t-il lorsque l’on ferme les frontières ? Retire-t-on aux réfugiés politiques et économiques l’envie d’émigrer ? Non. Les incite-t-on à aller ailleurs ? Ce serait possible si d’autres pays démocratiques et développés ouvraient leurs frontières, mais on sait que ce n’est pas le cas.
Les immigrés qui souhaitent venir viennent donc toujours, mais comme c’est plus difficile, ils font appel à des passeurs, à des professionnels qui savent comment traverser les frontières (il y a toujours possibilité) et qui font payer leurs services. Plus le passage est difficile, plus ces services coûtent cher (plusieurs dizaines de milliers de francs il y a quelques semaines, plus encore demain). Les immigrés n’ont souvent pas les moyens de payer le passage. Ce sont donc leurs futurs employeurs qui le financent en échange d’un remboursement sous forme de travail pendant quelques mois ou quelques années. On pensait interdire leur entrée dans nos pays riches, on enrichit des mafias et l’on crée du travail servile ! Beau résultat, mais il n’y pas que cela.
La fermeture des frontières transforme notre pays en « piège à immigrés ». Elle retient chez nous ceux qui sont déjà entrés et qui pourraient si elles étaient ouvertes aller tenter leur chance ailleurs. Comment sortiraient-ils pour aller voir leur famille, chercher du travail ou refuge ailleurs alors qu’ils savent bien qu’ils ne pourront pas rentrer ? Et elle incite ceux qui ne viendraient que pour visiter leur famille à s’installer durablement. Français ou étrangers en règle, riches ou pauvres, bien introduits ou démunis devant les formalités administratives, tous ceux qui ont de la famille à l’étranger savent combien ce type de mesure favorise l’immigration définitive. Il est si difficile d’obtenir un visa pour venir passer quelques jours de vacances dans sa famille en France qu’une fois ce visa obtenu il est tentant de rester ici. Cela fait de nouveaux clandestins qui auraient largement préféré rentrer chez eux si on leur en avait laissé la possibilité.
Les mesures de Dominique de Villepin sont inutiles, inefficaces et contre-productives. On en rirait s’il ne s’agissait de gens qui souffrent.
Pour ceux que ce sujet intéresse, il y a mon livre "Plaidoyers pour l'immigration" où j'explique tout cela dans le détail aux éditions Les points sur les i
Externalisation de la torture
Dans un papier qui doit prochainement paraître dans les Temps Modernes, j’analyse les mécanismes qui ont amené les Américains à pratiquer la torture en Irak (et ailleurs) dans les jours qui ont suivi l’invasion. J’y montre qu’il ne s’agit ni des bavures de quelques soldats perdus, ni d’un plan organisé de l’administration américaine, mais d’une dérive morale de la société américaine qui date de bien avant le 11 septembre. La possibilité de torturer a été longuement discutée et justifiée par des intellectuels de toutes sortes (philosophes, théologiens…) et de tous horizons bien avant l’entrée des troupes américaines en Irak. Dans ce papier, je fais allusion à l’externalisation de la torture, une pratique que confirment les organisations internationales comme l’indique ce papier de David Johnston dans le New-York Times du 12 mai 2005 : Terror Suspects Sent to Egypt by the Dozens, Panel Reports.
La dernière phrase de cet article dit l’essentiel : « Other Clinton and Bush administration officials have said concerns about Cairo's methods were balanced by the reality that for some detainees, there were no options. »
WASHINGTON, May 11 - The United States and other countries have forcibly sent dozens of terror suspects to Egypt, according to a report released Wednesday by Human Rights Watch. The rights group and the State Department have both said Egypt regularly uses extreme interrogation methods on detainees.
The group said it had documented 63 cases since 1994 in which suspected Islamic militants were sent to Egypt for detention and interrogation. The figures do not include people seized after the attacks of September 2001 who were sent mainly by Middle East countries and American intelligence authorities.
The report said the total number sent to Egypt since the Sept. 11 attacks could be as high as 200 people. American officials have not disputed that people have been sent to countries where detainees are subjected to extreme interrogation tactics but have denied that anyone had been sent to another country for the purpose of torture. Among other countries to which the United States has sent detainees are Jordan, Morocco, Saudi Arabia, Yemen and Syria.
Joe Stork, deputy Middle East director at Human Rights Watch, said sending someone to a country where he was likely to be tortured was banned under international law. "Egypt's terrible record of torturing prisoners means that no country should forcibly send a suspect there," he said.
The United States began sending terror suspects to Egypt in the mid-1990's when the practice, known formally as rendition, began to play a larger role in counterterrorism, according to officials from the Clinton administration.
But since September 2001, the transfers have accelerated in part because Egypt has been willing to accept the detainees as part of its effort to root out Islamic militants inside Egypt, a campaign that has extended to countries where extremists have taken refuge. Almost all those sent to Egypt are Egyptian citizens or were born there, the report said.
Although torture is forbidden under Egyptian law, the country has long been criticized by the State Department for a poor human rights record, most recently in a Feb. 28 annual report by the agency that concluded, "Torture and abuse of detainees by police, security forces and prison guards remained common and persistent."
Human rights groups have been even harsher. The Egyptian Organization for Human Rights, a nongovernmental group, reported in May 2004 that it had uncovered 292 cases of torture between 1993 and 2003, of which 120 led to death.
President Bush said in March that the government demanded assurances that suspects would not be tortured before they were sent to other countries. Porter J. Goss, the director of central intelligence, testified on March 17 that more safeguards were now in effect than existed before Sept. 11, 2001.
Other Clinton and Bush administration officials have said concerns about Cairo's methods were balanced by the reality that for some detainees, there were no options.
La dernière phrase de cet article dit l’essentiel : « Other Clinton and Bush administration officials have said concerns about Cairo's methods were balanced by the reality that for some detainees, there were no options. »
WASHINGTON, May 11 - The United States and other countries have forcibly sent dozens of terror suspects to Egypt, according to a report released Wednesday by Human Rights Watch. The rights group and the State Department have both said Egypt regularly uses extreme interrogation methods on detainees.
The group said it had documented 63 cases since 1994 in which suspected Islamic militants were sent to Egypt for detention and interrogation. The figures do not include people seized after the attacks of September 2001 who were sent mainly by Middle East countries and American intelligence authorities.
The report said the total number sent to Egypt since the Sept. 11 attacks could be as high as 200 people. American officials have not disputed that people have been sent to countries where detainees are subjected to extreme interrogation tactics but have denied that anyone had been sent to another country for the purpose of torture. Among other countries to which the United States has sent detainees are Jordan, Morocco, Saudi Arabia, Yemen and Syria.
Joe Stork, deputy Middle East director at Human Rights Watch, said sending someone to a country where he was likely to be tortured was banned under international law. "Egypt's terrible record of torturing prisoners means that no country should forcibly send a suspect there," he said.
The United States began sending terror suspects to Egypt in the mid-1990's when the practice, known formally as rendition, began to play a larger role in counterterrorism, according to officials from the Clinton administration.
But since September 2001, the transfers have accelerated in part because Egypt has been willing to accept the detainees as part of its effort to root out Islamic militants inside Egypt, a campaign that has extended to countries where extremists have taken refuge. Almost all those sent to Egypt are Egyptian citizens or were born there, the report said.
Although torture is forbidden under Egyptian law, the country has long been criticized by the State Department for a poor human rights record, most recently in a Feb. 28 annual report by the agency that concluded, "Torture and abuse of detainees by police, security forces and prison guards remained common and persistent."
Human rights groups have been even harsher. The Egyptian Organization for Human Rights, a nongovernmental group, reported in May 2004 that it had uncovered 292 cases of torture between 1993 and 2003, of which 120 led to death.
President Bush said in March that the government demanded assurances that suspects would not be tortured before they were sent to other countries. Porter J. Goss, the director of central intelligence, testified on March 17 that more safeguards were now in effect than existed before Sept. 11, 2001.
Other Clinton and Bush administration officials have said concerns about Cairo's methods were balanced by the reality that for some detainees, there were no options.
J'ai un homonyme
J’ai un homonyme… Un cinéaste pas très connu mais que je rencontre régulièrement sur Google…
Ce n’est pas le seul Bernard Girard, il y a aussi un mathématicien, un joueur d’échec genevois, un fonctionnaire québecois et un accordéoniste, mais c’est le plus célèbre. Quoique… Le New-York Times en disait quelques mots aujourd’hui :
"Though little is written of director Bernard Girard's career before the making of Dead Heat on a Merry-Go-Round (1966), Girard had been in Hollywood since the early 1950s, first as a screenwriter (among his credits was the 1952 Joan Crawford vehicle This Woman is Dangerous) then as a TV producer/director. His true feature-film bow was 1957's Ride Out For Revenge, followed by the bleak juvenile delinquent flick The Party Crashers (1958): the latter film represented the cinematic swan songs of two of Hollywood's most tragic personalities, Frances Farmer and Bobby Driscoll. One of Girard's better pre-Dead Heat projects was A Public Affair (1962), a terse, low-budget indictment of big-city political corruption."
Ce n’est pas le seul Bernard Girard, il y a aussi un mathématicien, un joueur d’échec genevois, un fonctionnaire québecois et un accordéoniste, mais c’est le plus célèbre. Quoique… Le New-York Times en disait quelques mots aujourd’hui :
"Though little is written of director Bernard Girard's career before the making of Dead Heat on a Merry-Go-Round (1966), Girard had been in Hollywood since the early 1950s, first as a screenwriter (among his credits was the 1952 Joan Crawford vehicle This Woman is Dangerous) then as a TV producer/director. His true feature-film bow was 1957's Ride Out For Revenge, followed by the bleak juvenile delinquent flick The Party Crashers (1958): the latter film represented the cinematic swan songs of two of Hollywood's most tragic personalities, Frances Farmer and Bobby Driscoll. One of Girard's better pre-Dead Heat projects was A Public Affair (1962), a terse, low-budget indictment of big-city political corruption."
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