Dominique de Villepin vient d’annoncer de nouvelles mesures pour lutter contre l’immigration clandestine. Ce ne sont pas les premières. Tous les 15 mois, à peu près, un ministre de l’intérieur annonce un nouveau plan pour renforcer les frontières et renvoyer les clandestins chez eux. Et chacun le sait bien : ce plan ne règlera rien. Dans dix, douze ou quinze mois (tout dépend de la durée de ce gouvernement ou du prochain), un nouveau plan, qui s’affichera comme plus dur encore fera pendant quelques jours encore la une de l’actualité, avant qu’un ministre un peu plus raisonnable décide de régulariser les gens déjà là.
Il serait temps que nos ministres de l’intérieur comprennent que leurs politiques bien loin de résoudre le problème des migrations clandestines ne font que les aggraver.
En refusant de donner des papiers aux clandestins déjà présents en France (ils seraient d’après ce qu’on lit dans la presse 200 000), on les force au travail clandestin ou à la délinquance de survie. Le premier fait tout aussi sûrement concurrence aux salariés en place que les Polonais de la circulaire Bolkenstein. Quant à la seconde, elle nourrir un peu plus le réflexe anti-immigrés.
En renforçant les frontières, on augmente le nombre de clandestins. Ce n’est pas un paradoxe, mais la réalité que l’on peut observer et comprendre pour peu que l’on réfléchisse deux secondes. Que se passe-t-il lorsque l’on ferme les frontières ? Retire-t-on aux réfugiés politiques et économiques l’envie d’émigrer ? Non. Les incite-t-on à aller ailleurs ? Ce serait possible si d’autres pays démocratiques et développés ouvraient leurs frontières, mais on sait que ce n’est pas le cas.
Les immigrés qui souhaitent venir viennent donc toujours, mais comme c’est plus difficile, ils font appel à des passeurs, à des professionnels qui savent comment traverser les frontières (il y a toujours possibilité) et qui font payer leurs services. Plus le passage est difficile, plus ces services coûtent cher (plusieurs dizaines de milliers de francs il y a quelques semaines, plus encore demain). Les immigrés n’ont souvent pas les moyens de payer le passage. Ce sont donc leurs futurs employeurs qui le financent en échange d’un remboursement sous forme de travail pendant quelques mois ou quelques années. On pensait interdire leur entrée dans nos pays riches, on enrichit des mafias et l’on crée du travail servile ! Beau résultat, mais il n’y pas que cela.
La fermeture des frontières transforme notre pays en « piège à immigrés ». Elle retient chez nous ceux qui sont déjà entrés et qui pourraient si elles étaient ouvertes aller tenter leur chance ailleurs. Comment sortiraient-ils pour aller voir leur famille, chercher du travail ou refuge ailleurs alors qu’ils savent bien qu’ils ne pourront pas rentrer ? Et elle incite ceux qui ne viendraient que pour visiter leur famille à s’installer durablement. Français ou étrangers en règle, riches ou pauvres, bien introduits ou démunis devant les formalités administratives, tous ceux qui ont de la famille à l’étranger savent combien ce type de mesure favorise l’immigration définitive. Il est si difficile d’obtenir un visa pour venir passer quelques jours de vacances dans sa famille en France qu’une fois ce visa obtenu il est tentant de rester ici. Cela fait de nouveaux clandestins qui auraient largement préféré rentrer chez eux si on leur en avait laissé la possibilité.
Les mesures de Dominique de Villepin sont inutiles, inefficaces et contre-productives. On en rirait s’il ne s’agissait de gens qui souffrent.
Pour ceux que ce sujet intéresse, il y a mon livre "Plaidoyers pour l'immigration" où j'explique tout cela dans le détail aux éditions Les points sur les i
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