Les politologues devraient regarder plus souvent la télévision et, plus précisément les séries télévisées américaines. Ils y découvriraient que c'est là, sans doute, que Nicolas Sarkozy a appris son métier et puise son inspiration. Je pense à deux séries en particulier, deux bonnes séries : West Wing (Maison Blanche en français) et Commander in chief (dont je ne sais si elle a été diffusée en France). Toutes deux traitent du même sujet : la vie à la Maison Blanche. La première raconte celle d'un Président qui découvre en cours de mandat qu'il est atteint de sclérose en plaque (souvenirs, souvenirs…). La seconde celle d'une vice-présidente choisie pour rallier les voix des femmes devenue Présidente à la suite du décès du Président, contre le gré de celui-ci et de son entourage (elle est femme et indépendante, il était républicain, à moins que ce ne soit démocrate, ce n'est pas très clair dans les premiers épisodes…).
Ces deux séries donnent une image trépidante de la vie des Présidents. Leur agenda est en permanence rempli, ils interviennent sur tout et rien, les situations potentiellement catastrophiques sont légion, ils prennent des décisions (toujours difficiles, naturellement) et sont en permanence accompagnés de leur "chief of staff", de leur porte-parole et de leur spécialiste de sondage (une femme sourde dans Maison Blanche, un beau jeune homme dans Commander in chief). Les porte-parole sont dans les deux séries, des jeunes femmes, choisies pas spécialement jolies mais très efficaces (ce qui est sans doute un signe adressé aux femmes qui travaillent : elles sont en permanence stressées, n'ont pas de vie sentimentale qui vaille la peine et pas vraiment le temps de se faire belles. Un message subliminal pour les femmes cadres?).
L'image que les médias nous renvoient de Nicolas Sarkozy en hyperprésident est exactement celle que ces deux séries donnent de leur personnage principal. D'où deux hypothèses :
- les journalistes de télévision ont tant vu de séries télévisées qu'ils présentent l'actualité au travers de leurs yeux de téléspectateur : il faudrait une analyse des cadrages, du rythme des reportages… pour le vérifier,
- Nicolas Sarkozy a pris modèle sur ces deux séries.
Je préfère cette seconde hypothèse. Ne serait-ce que parce que l'on voit mal les journalistes inventer l'emploi du temps démentiel d'un Président qui a choisi, à l'image de ces modèles, de gérer par la présence.
Son agenda, au sens d'emploi du temps, est plein au point qu'on a le sentiment d'ubiquité : il est partout à la fois, il intervient sur tout, au risque d'affaiblir son Premier ministre. Son projet de conférence de presse régulière est directement empruntée à Commander in chief. Tout comme l'ouverture que l'on trouve dans les deux séries. Dans la dernière saison de Maison Blanche le nouveau Président élu choisit comme Ministre des affaires étrangères son rival malencontreux. Dans Commander in chief, la Président consulte et collabore très régulièrement avec son principal adversaire et son cabinet est composé de gens qui ne sont pas de ses amis politiques.
Naturellement, l'ouverture réelle est un peu plus compliquée que celle imaginée par les scénaristes. On l'a peu souligné, mais la première proposition de Jack Lang, supprimer le poste de Premier ministre, avait tout pour plaire à François Fillon qui a déjà du mal à exister par lui-même.
Qu'un Président puisse prendre modèle sur la télévision est bien dans l'air du temps. Ces séries télévisées sont intelligentes, bien faites, bien construites et sont, pour beaucoup, une bonne occasion de réfléchir au fonctionnement du pouvoir. Comme tout se passe aux Etats-Unis (et qu'on ne manque pas une occasion de nous le rappeler), elles incitent à penser ce fonctionnement dans le cadre des institutions américaines que beaucoup d'Européens vont finir par mieux connaître que leurs propres institutions : je n'irai pas jusqu'à recommander à Balladur, Lang et alii de les voir en boucle pour construire leurs propositions de réforme constitutionnelle, mais… cela les aiderait à trouver les solutions que leur Président attend.
Comme ces séries sont intelligentes et fines, elles construisent et imposent un modèle de dirigeant auprès desquels les "vrais", ceux qui occupent les palais officiels, font pâle figure. Ce n'est pas à Blair, Chirac ou Mitterrand que Nicolas Sarkozy doit aujourd'hui se mesurer mais à Bartlett (le Pésident de West Wing) et à Mackenzie Allen (la Présidente de Commander in chief). Ce n'est pas forcément facile…
2 commentaires:
Sarkozy et les medias... encore et encore... y'a vraiment un truc pas clair dans toute cette histoire.. et pour info, un article intéresant sur les journalistes et leur moral... ils sont inquiets pour l'avenir ... tu m'étonnes !!!!
http://www.leblogmedias.com/archive/2007/07/20/journalisme-moral-crise.html#more
Bonne analyse !
Quelqu'un disait récemment, en sortant de l'Élysée, qu'il avait été reçu par un président qui avait les pieds sur le bureau. Ça viendrait de quelle série ça ?
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