Avec tout ce train de mesures pris en plein été contre les gens du voyage et les roms, Nicolas Sarkozy innove. Il nous avait habitué aux déclarations martiales contre la délinquance. On se souvient des racaille, du karcher et de toutes ses formules à l'emporte-pièce qui mobilisent un vocabulaire militaire : "Nous allons déclarer la guerre à la délinquance" (en juin 2002 devant 2000 cadres de la police), "Dés demain, c'est une guerre sans merci qui sera engagée à l'endroit des trafics et des trafiquants et j'en assumerai pleinement la responsabilité, les conditions de mise en oeuvre, le suivi des résultats" (février 2008). Mais il avait jusqu'à présent évité de confondre délinquance et communauté. Même lorsqu'il s'en prenait aux voyous des banlieues (la racaille), il évitait soigneusement de stigmatiser leurs familles, leurs proches. On peut même le créditer d'avoir beaucoup fait pour banaliser la présence au sommet de l'Etat de personnes issues de ce que l'on appelle aujourd'hui la diversité. En ce sens, son discours et ses pratiques étaient différentes de celles du Front National et de l'extrême-droite traditionnelle.
Or, avec les mesures prises contre les gens du voyages, gitans et autres Roms, il en va tout autrement. Ce ne sont plus des délinquants qui sont visés mais bien toute une communauté fragile, pauvre, victime depuis des siècles de discriminations. Les inspecteurs du fisc, qui auraient été mieux inspirés d'aller contrôler les déclarations de Madame Bettencourt, iront contrôler celles des gens du voyage, non parce qu'existent à leur endroit des soupçons de délinquance (comme on pourrait le faire pour les propriétaires de ces 4x4 somptueux que l'on voit parfois dans les cités) mais parce que gens du voyage.
Ils découvriront certainement que certains ne sont pas en règle mais aussi que beaucoup sont tellement pauvres qu'ils ne sont pas imposables. Mais peu importe. Un pas est franchi. Dans la panique, Nicolas Sarkozy que l'on a souvent accusé, de manière absurde, de renouer avec le pétainisme (Badiou…), vient de redécouvrir l'une des pires pratiques de la droite des années trente : la politique du bouc émissaire.
PS On parle beaucoup depuis quelques jours de gitans, de roms, de gens du voyage… On découvre que la plupart (95%) sont français depuis des siècles, portent des noms on ne peut plus français et sont souvent sédentarisés (dans des caravanes ou des appartements). On les appelle tziganes, roms, manouches, gitans, romanichels, voire yéniches (ces nomades d'origine européenne seraient, selon certaines sources, les plus nombreux en France, on parle ici de 300 000 yéniches, chiffre difficile à vérifier). Plus qu'une appartenance ethnique, c'est un mode de vie et de sociabilité, des modes d'éducation de leurs enfants, des pratiques religieuses et économiques héritées du nomadisme mais aussi des droits limités (notamment en matière de citoyenneté et de droit de vote) qui les distinguent du reste de la population.
Avoir des opinions est l'un des éléments du bien-être, affirmait il y a une quinzaine d'années, l'économiste A.O.Hirshman. Les blogs sont une bonne manière d'afficher ses opinions mais aussi, et peut-être même surtout, de les construire. C'est ce qui m'a donné envie de tenir celui-ci
jeudi, juillet 29, 2010
dimanche, juillet 25, 2010
Styles de journalisme
Le traitement de l'affaire Woerth/Bettencourt le confirme : il y a plusieurs manières de pratiquer le journalisme.
Il y a la manière "fasciste" à la Mediapart qui consiste à enquêter, à vérifier ses sources et à publier ce que l'on trouve même si cela ne fait pas plaisir aux puissants du jour.
Il y a la façon du Figaro, pas de tout le Figaro, de sa direction qui prête ses colonnes aux services de communication de l'Elysée avec si peu de respect des règles élémentaires du métier (il n'est même pas besoin de parler de déontologie) qu'une rédaction plutôt acquise au sarkozysme ne peut s'empêcher de protester.
Et puis il y a la manière insidieuse que pratique le Journal du Dimanche qui nous offre, dans sa livraison datée du 25 juillet 2010 deux beaux exemples de jésuitisme.
Le premier, dans un article intitulé "Les secrets d'une déchirure", nous apprend que "François-Marie Banier était aussi très proche d'André Bettencourt. Intime. "Ce n'est pas tout à fait exact" corrige-t-on dans l'entourage du photographe." Et un peu plus loin Liliane et son mari "étaient libres tous deux." Difficile de mieux amplifier la rumeur qui court dans tous les salons : avant d'être l'ami de madame, François-Marie Banier aurait été l'amant de Monsieur.
Le second dans un petit papier sur la même page, intitulé "Cinq millions de francs pour une photo" nous apprend que les Bettencourt ont acheté il y a quelques années des photos compromettantes d'un présidentiable (qui n'a pas été élu) en compagnie d'une professionnelle sur une plage de Nouvelle-Calédonie. On ne nous dit pas de qui il s'agit, ce qui autorise toutes les suppositions. Si la somme avait été libellée en €, on aurait pensé à Villepin (et l'on aurait pu élaborer des scenari séduisants : une allusion à cette affaire pour calmer un adversaire que l'on dit proche d'Edwy Plenel), mais puisqu'il s'agit de francs il faut remonter un peu plus haut. A Balladur? On l'imagine mal en pareille situation? A un jeune loup du parti républicain? C'est plus probable…
On ne peut s'empêcher de rapprocher ces manières de pratiquer le journalisme des modèles économiques des différents journaux. Mediapart est un journal jeune qui a besoin de lecteurs, d'abonnés qu'il ne peut séduire qu'en leur donnant envie de lire ses papiers, ce qui suppose qu'ils soient riches d'informations qu'on ne trouve pas ailleurs. Son modèle économique lui permet de ne traiter que d'une petite partie de l'actualité mais d'y consacrer plus de ressources qu'un grand titre. D'où le succès de ses investigations. Le Figaro appartient à un industriel de l'armement dont l'Etat est le principal client. On peut supposer que ces cadeaux faits au pouvoir dans ces moments difficiles lui seront rappelés lors de prochaines négociations de contrats d'armement.
Il y a la manière "fasciste" à la Mediapart qui consiste à enquêter, à vérifier ses sources et à publier ce que l'on trouve même si cela ne fait pas plaisir aux puissants du jour.
Il y a la façon du Figaro, pas de tout le Figaro, de sa direction qui prête ses colonnes aux services de communication de l'Elysée avec si peu de respect des règles élémentaires du métier (il n'est même pas besoin de parler de déontologie) qu'une rédaction plutôt acquise au sarkozysme ne peut s'empêcher de protester.
Et puis il y a la manière insidieuse que pratique le Journal du Dimanche qui nous offre, dans sa livraison datée du 25 juillet 2010 deux beaux exemples de jésuitisme.
Le premier, dans un article intitulé "Les secrets d'une déchirure", nous apprend que "François-Marie Banier était aussi très proche d'André Bettencourt. Intime. "Ce n'est pas tout à fait exact" corrige-t-on dans l'entourage du photographe." Et un peu plus loin Liliane et son mari "étaient libres tous deux." Difficile de mieux amplifier la rumeur qui court dans tous les salons : avant d'être l'ami de madame, François-Marie Banier aurait été l'amant de Monsieur.
Le second dans un petit papier sur la même page, intitulé "Cinq millions de francs pour une photo" nous apprend que les Bettencourt ont acheté il y a quelques années des photos compromettantes d'un présidentiable (qui n'a pas été élu) en compagnie d'une professionnelle sur une plage de Nouvelle-Calédonie. On ne nous dit pas de qui il s'agit, ce qui autorise toutes les suppositions. Si la somme avait été libellée en €, on aurait pensé à Villepin (et l'on aurait pu élaborer des scenari séduisants : une allusion à cette affaire pour calmer un adversaire que l'on dit proche d'Edwy Plenel), mais puisqu'il s'agit de francs il faut remonter un peu plus haut. A Balladur? On l'imagine mal en pareille situation? A un jeune loup du parti républicain? C'est plus probable…
On ne peut s'empêcher de rapprocher ces manières de pratiquer le journalisme des modèles économiques des différents journaux. Mediapart est un journal jeune qui a besoin de lecteurs, d'abonnés qu'il ne peut séduire qu'en leur donnant envie de lire ses papiers, ce qui suppose qu'ils soient riches d'informations qu'on ne trouve pas ailleurs. Son modèle économique lui permet de ne traiter que d'une petite partie de l'actualité mais d'y consacrer plus de ressources qu'un grand titre. D'où le succès de ses investigations. Le Figaro appartient à un industriel de l'armement dont l'Etat est le principal client. On peut supposer que ces cadeaux faits au pouvoir dans ces moments difficiles lui seront rappelés lors de prochaines négociations de contrats d'armement.
samedi, juillet 24, 2010
Images de Françoise Meyers-Bettencourt
Libération publie ce matin une image de Françoise Meyers-Bettencourt, presque souriante, plutôt séduisante, le visage un peu rond, aimable, en un mot. Une photo de Michael Zumstein de l'agence Vu prise dans les photos de son avocat, Olivier Metzner.
Cela change des images sévères, ingrates que l'on nous montrait jusqu'à présent, comme celle-ci (du Figaro) où la comparaison avec sa mère, vieille dame distinguée, est terrible :
On remarquera que la presse a souvent édité cette photo, ne retenant que le visage de la fille qui n'est guère plus avenante sur cet autre cliché pris lors des obsèques de son père où elle porte encore des lunettes :
Sans doute ses avocats et ses proches lui ont-il recommandé de faire un effort de communication. Bizarrement, ils ont fait appel pour cela à un photographe qui est plus adepte des reportages en banlieue que des photos de people. Mais ils lui ont retiré ses lunettes et lui ont demandé, sinon de sourire, du moins de se composer un visage qui s'en rapproche. On devine, d'ailleurs, à regarder de près cette image que cela ne lui est pas venu très facilement : elle a conservé ces foulards qu'elle affectionne et ses toilettes sombres qui semblent être son ordinaire.
Cette indifférence à son image aurait dû inquiéter ses adversaires. Une femme qui s'en soucie si peu est en colère, probablement inflexible et peu disposée aux compromis.
Adoucir son image devrait aider ses avocats auprès de l'opinion même si celle-ci parait plutôt bien comprendre (pour autant que je puisse en juger d'après quelques conversations et le ton général des articles consacrés à l'affaire) ses motivations.
Cela change des images sévères, ingrates que l'on nous montrait jusqu'à présent, comme celle-ci (du Figaro) où la comparaison avec sa mère, vieille dame distinguée, est terrible :
On remarquera que la presse a souvent édité cette photo, ne retenant que le visage de la fille qui n'est guère plus avenante sur cet autre cliché pris lors des obsèques de son père où elle porte encore des lunettes :
Sans doute ses avocats et ses proches lui ont-il recommandé de faire un effort de communication. Bizarrement, ils ont fait appel pour cela à un photographe qui est plus adepte des reportages en banlieue que des photos de people. Mais ils lui ont retiré ses lunettes et lui ont demandé, sinon de sourire, du moins de se composer un visage qui s'en rapproche. On devine, d'ailleurs, à regarder de près cette image que cela ne lui est pas venu très facilement : elle a conservé ces foulards qu'elle affectionne et ses toilettes sombres qui semblent être son ordinaire.
Cette indifférence à son image aurait dû inquiéter ses adversaires. Une femme qui s'en soucie si peu est en colère, probablement inflexible et peu disposée aux compromis.
Adoucir son image devrait aider ses avocats auprès de l'opinion même si celle-ci parait plutôt bien comprendre (pour autant que je puisse en juger d'après quelques conversations et le ton général des articles consacrés à l'affaire) ses motivations.
vendredi, juillet 23, 2010
Roms, sécurité, Bettencourt, suite
Alors que l'affaire Woerth-Bettencourt continue de nous apporter son lot de révélations affligeantes pour le pouvoir (Patrice de Maistre était sur la liste des 3000 titulaires de comptes en suisse, Dexia aurait refusé un retrait de 500 000€ à Liliane Bettencourt), que les protestations contre le traitement judiciaire de l'affaire se multiplient, l'actualité a donné à Nicolas Sarkozy l'occasion d'allumer un contre-feu sur un de ses thèmes favoris : la sécurité.
Le sujet est délicat : cela fait maintenant 8 ans qu'il a déclaré la guerre à l'insécurité et malgré tous les textes qu'il a fait voter, tous les policiers qu'il a fait recruter, toutes ses déclarations martiales le sentiment d'insécurité n'a pas diminué, ce qui autorise à parler d'échec, comme le fait la gauche (même si on aurait tort de confondre sentiment d'insécurité et insécurité : on peut éprouver ce sentiment alors même que la situation s'améliore). Mais il l'a abordé de manière tout à la fois habile et détestable. S'en prendre aux Roms de la manière dont il l'a fait est détestable pour toutes les raisons qu'ont dites les associations de défense des droits de l'homme, mais c'est habile parce que les roms ont, pour des tas de raison, très mauvaise presse. Ils sont très impopulaires dans les campagnes, les petites villes et la lointaine périphéries des grandes villes. En s'en prenant à eux, Nicolas Sarkozy peut espérer détourner la colère des Français, de ces "petites gens" qu'exaspèrent les révélations quotidiennes de l'affaire Woerth-Bettencourt.
Est-ce que cela suffira à faire oublier l'affaire Woerth? Pas sûr. C'est dans les classes moyennes, celles qui paient des impôts, qui peuvent comparer leur taux d'imposition et celui de Mme Bettencourt, que l'affaire Woerth fait les plus grops dégâts. Or, ce n'est pas dans ces milieux que la détestation des Roms est la plus importante. En fait, qui vit en centre-ville ou dans les banlieues aisées n'en rencontre jamais.
Le sujet est délicat : cela fait maintenant 8 ans qu'il a déclaré la guerre à l'insécurité et malgré tous les textes qu'il a fait voter, tous les policiers qu'il a fait recruter, toutes ses déclarations martiales le sentiment d'insécurité n'a pas diminué, ce qui autorise à parler d'échec, comme le fait la gauche (même si on aurait tort de confondre sentiment d'insécurité et insécurité : on peut éprouver ce sentiment alors même que la situation s'améliore). Mais il l'a abordé de manière tout à la fois habile et détestable. S'en prendre aux Roms de la manière dont il l'a fait est détestable pour toutes les raisons qu'ont dites les associations de défense des droits de l'homme, mais c'est habile parce que les roms ont, pour des tas de raison, très mauvaise presse. Ils sont très impopulaires dans les campagnes, les petites villes et la lointaine périphéries des grandes villes. En s'en prenant à eux, Nicolas Sarkozy peut espérer détourner la colère des Français, de ces "petites gens" qu'exaspèrent les révélations quotidiennes de l'affaire Woerth-Bettencourt.
Est-ce que cela suffira à faire oublier l'affaire Woerth? Pas sûr. C'est dans les classes moyennes, celles qui paient des impôts, qui peuvent comparer leur taux d'imposition et celui de Mme Bettencourt, que l'affaire Woerth fait les plus grops dégâts. Or, ce n'est pas dans ces milieux que la détestation des Roms est la plus importante. En fait, qui vit en centre-ville ou dans les banlieues aisées n'en rencontre jamais.
lundi, juillet 19, 2010
François-Marie Banier est un bon ami
Le Monde nous apprend que l'île d'Arros appartient bien à Liliane Bettencourt mais qu'elle devrait revenir à François-Marie Banier, désigné comme bénéficiaire, au même titre, cependant, que trois associations médicales : Orvacs, Solthis et Crepats, toutes trois fondées par le couple de professeurs de médecine Gilles Brücker et Christine Katlama. Le premier est l'exécuteur testamentaire de Liliane Bettencourt et, nous apprend un portrait de Banier publié par Libération en 1997 et titré le bouquet de Narcisse, un ami d'enfance du photographe : "Et sa mère à lui, comment était-elle? se demande la journaliste, Marie-Dominique Lelièvre. Là, Banier perd de son brio, se ferme comme un obturateur. «Belle et narcissique», dit-il. On se tourne vers les proches. «Je ne sais pas si j'ai envie d'en parler. Belle. Une femme de ces milieux-là», dit son ami d'enfance, l'épidémiologiste Gilles Brucker. «Cette sorte de gens qui ont reconstruit la France. Avec de grosses valeurs bourgeoises», affirme un intime, l'acteur Pascal Gregory. Belle, donc." Le même Brucker qui est aujourd'hui l'exécuteur testamentaire de Liliane Bettencourt.
Mieux vaudrait pour ce spécialiste du sida que l'on ne découvre pas que sa généreuse bienfaitrice souffre de faiblesse. D'autant que l'on ne comprend pas bien ce que des associations dédiées à la lutte contre le sida, associations financées par ailleurs par la Fondation Bettencourt gagneraient à devenir propriétaire d'une île au fin fond du monde.
Tout cela nous confirme en tout cas que Banier est généreux avec ses amis et que ses amants ne sont pas trop méchants. Ne voyait-on pas, il y a quelques jours, Pascal Gregory, intime en 1997 du photographe expliquer à la télévision que Banier n'était pas intéressé, qu'il distribuait son argent à de bonnes causes? Celles de Bruucker et Katlama, sans doute…
Mieux vaudrait pour ce spécialiste du sida que l'on ne découvre pas que sa généreuse bienfaitrice souffre de faiblesse. D'autant que l'on ne comprend pas bien ce que des associations dédiées à la lutte contre le sida, associations financées par ailleurs par la Fondation Bettencourt gagneraient à devenir propriétaire d'une île au fin fond du monde.
Tout cela nous confirme en tout cas que Banier est généreux avec ses amis et que ses amants ne sont pas trop méchants. Ne voyait-on pas, il y a quelques jours, Pascal Gregory, intime en 1997 du photographe expliquer à la télévision que Banier n'était pas intéressé, qu'il distribuait son argent à de bonnes causes? Celles de Bruucker et Katlama, sans doute…
Tel un ouragan, l'affaire Woerth-Bettencourt balaie tout sur son passage
L'affaire Woerth-Bettencourt suit son petit bonhomme de chemin et continue, tel un ouragan, à tout détruire sur son passage. Parmi les victimes il y a, d'ores et déjà, la réforme de la justice (comment mieux illustrer les faiblesses de cette réforme annoncée qu'en suscitant la méfiance sur toutes les actions du procureur?), la capacité du gouvernement à gouverner (quelle autorité ont encore les ministres quand chacun sait qu'ils ne seront plus là en octobre?) et l'autorité du Président (qui refuse le mot rigueur quand son premier ministre le répète à qui veut l'entendre). On ne sait tout simplement plus qui gouverne. Ou, plutôt, on devine que Fillon a pris en charge les affaires sérieuses (la crise, la dette, la rigueur…) quand l'Elysée manipule les magistrats pour éviter que l'affaire n'éclabousse un Président inquiet pour le financement de sa prochaine campagne présidentielle (financement qu'il va lui falloir revoir de fond en comble tant les dons aux micro-partis et autres astuces vont être scrutés dans les mois qui viennent).
lundi, juillet 12, 2010
Dégâts politiques majeurs
Nicolas Sarkozy va donc parler ce soir. Très bien. Il était temps. Mais que va-t-il dire? On peut imaginer plusieurs hypothèses :
- il tente de noyer le poisson derrière une critique de la presse et notamment de Mediapart, de l'internet, et de la gauche (il parlera alors de calomnies, d'accusations sans fondement…),
- il annonce des mesures pour moraliser la vie politique et dans la foulée un remaniement ministériel,
- il tente de renvoyer tout cela à un pschitt sans importance et refuse de parler d'autre chose que des retraites.
La première de ces solutions est la tactique utilisée depuis le début par son quarteron de mousquetaires : Bertrand, Morano, Lefevre. Elle ne peut que braquer un peu plus la presse contre lui, une presse qui n'a pas apprécié les allusions à Salengro et au fascisme. La seconde est celle proposée par Raffarin, Juppé, Villepin, en un mot les anciens premiers ministres de droite. Elle aurait le mérite d'aider à tourner la page (la tourner, pas l'effacer), surtout si Eric Woerth, Estrosi et Kouchner sont absents du nouveau gouvernement. La dernière serait la réédition de l'acadabrantesque chiraquien.
Aucune n'est à vrai dire pleinement satisfaisante. L'Elysée a commis une formidable erreur politique en refusant de répondre aux questions des socialistes sur le conflit d'intérêt et en imposant à Eric Woerth de garder sa double casquette de trésorier de l'UMP et de ministre. Il la paiera très cher et très longtemps. Il a permis à la presse et au Français de découvrir l'étrange connivence entre ce pouvoir et les plus riches. Nous savions que le bouclier fiscal était une erreur politique majeure. Il est devenu, avec cette affaire, simple remerciement pour services rendus à l'UMP
- il tente de noyer le poisson derrière une critique de la presse et notamment de Mediapart, de l'internet, et de la gauche (il parlera alors de calomnies, d'accusations sans fondement…),
- il annonce des mesures pour moraliser la vie politique et dans la foulée un remaniement ministériel,
- il tente de renvoyer tout cela à un pschitt sans importance et refuse de parler d'autre chose que des retraites.
La première de ces solutions est la tactique utilisée depuis le début par son quarteron de mousquetaires : Bertrand, Morano, Lefevre. Elle ne peut que braquer un peu plus la presse contre lui, une presse qui n'a pas apprécié les allusions à Salengro et au fascisme. La seconde est celle proposée par Raffarin, Juppé, Villepin, en un mot les anciens premiers ministres de droite. Elle aurait le mérite d'aider à tourner la page (la tourner, pas l'effacer), surtout si Eric Woerth, Estrosi et Kouchner sont absents du nouveau gouvernement. La dernière serait la réédition de l'acadabrantesque chiraquien.
Aucune n'est à vrai dire pleinement satisfaisante. L'Elysée a commis une formidable erreur politique en refusant de répondre aux questions des socialistes sur le conflit d'intérêt et en imposant à Eric Woerth de garder sa double casquette de trésorier de l'UMP et de ministre. Il la paiera très cher et très longtemps. Il a permis à la presse et au Français de découvrir l'étrange connivence entre ce pouvoir et les plus riches. Nous savions que le bouclier fiscal était une erreur politique majeure. Il est devenu, avec cette affaire, simple remerciement pour services rendus à l'UMP
jeudi, juillet 08, 2010
Une affaire d'écuries, maintenant…
La descente aux enfers d'Eric Woerth continue mais sous un autre angle, avec cet article ravageur de l'Express, journal dont le directeur de la rédaction, Christophe Barbier, passait pour plutôt proche de Carla Sarkozy : Le haras qui rit de Florence Woerth. Je n'entre pas dans les détails que l'on trouve sur le site de l'Express qui sont, une nouvelle fois, aussi accablants que peu suspects d'irrégularité : ces gens là ne violent pas la loi, ils l'exploitent à leur profit. Je m'en tiendrai à ceci : MadameWoerth s'y révèle une véritable spécialiste de l'optimisation fiscale (en fait de la défiscalisation), ce qui fait 1) douter de sa naïveté quant aux comptes suisses de Madame Bettencourt et amène, 2) à s'interroger sur la nature des relations au sein de ce couple. Engager une campagne contre la fraude fiscale lorsque l'on vit avec une femme dont le métier est d'exploiter toutes les lacunes du droit fiscal ne va pas de soi. Voir sa femme exploiter une faiblesse d'une loi qu'on a préparée et fait voter ne doit pas, non plus, être de tout repos. Eric Woerth était peut-être honnête, comme l'affirment tous ses amis, mais ce devait être un combat de tous les jours.
mercredi, juillet 07, 2010
Mais pourquoi se défendent-ils si mal?
La ligne de défense choisie par le gouvernement laisse perplexe. Plutôt que de répondre aux questions précises des députés socialistes, questions qu'il est dans leur rôle de poser, plutôt que d'accepter une mission d'enquête parlementaire qui permettrait de tirer au clair toutes ces accusations et, éventuellement, de mettre en évidence erreurs et faux témoignages, ils crient contre toute évidence à la calomnie (pourquoi Claire T voudrait-elle calomnier Eric Woerth ou Nicolas Sarkozy?), s'en prennent violemment à l'opposition, convoquent le populisme quand ce n'est pas le fascisme. Comme s'ils voulaient détourner l'attention du fond du dossier. Ce qui ne peut qu'accréditer l'idée qu'ils ont quelque chose à cacher. Cette ligne de défense est tout simplement suicidaire.
Pourquoi cet argent?
Les révélations sur les enveloppes kraft de Madame Bettencourt ont donné à nos journaux l'occasion de revenir sur le financement des partis politiques (toute une page hier dans le Monde) et de donner des chiffres. Les partis politiques ont quatre sources de financement : le financement public, les cotisations des membres, les contributions des élus et les dons de personnes physiques.
Voici les chiffres
UMP PS
financement public 34 484 473 22 702 818
contribution des élus 1 721 280 13 166 686
dons de personnes physiques 7 409 001 1 697 237
Au regard de ces chiffres, on peut, d'abord, se demander : à quoi ont bien pu servir ces 150 000€ que Madame Bettencourt a donnés à Eric Woerth? Où sont-il? Se retrouvent-ils dans cette comptabilité?
Si c'est le cas, ce doit être dans la case des dons de personnes physiques. On sait qu'ils sont plafonnés à 7500€, mais rien n'interdisait de diviser cette somme en une multitude de petits dons, de 50 à 100€ attribués à des fantômes, ce qui aurait permis de les blanchir. C'est une technique ancienne que pratiquait beaucoup le PCF dans les années 50 et 60. Lorsqu'il avait besoin d'argent, ses dirigeants envoyaient le patron de l'Humanité "emprunter" quelques millions aux NMPP (je dis emprunter mais c'était en fait du chantage. La conversation se résumait à un : "si vous voulez éviter une grève, donnez-nous x millions…" Le Monde de la grande époque ne faisait pas mieux : il suffisait d'un éditorial de son directeur administratif attaquant la gestion des NMPP pour que les dirigeants de celles-ci, comprenant le message, accordent des facilités au grand quotidien du soir). Ces valises de billets se retrouvaient dans la comptabilité sous forme de dons collectés à la fête de l'huma ou ailleurs.
150 000€ représentent 2% des dons de personnes physiques. Ce qui n'est pas rien. Il suffirait que quelques dizaines de personnes contribuent de cette manière au financement de l'UMP pour expliquer l'écart entre les dons faits à l'UMP et ceux faits au PS.
Mais on peut aussi imaginer que ces sommes aient été utilisées à d'autres fins, en dehors de toute comptabilité, pour rembourser, en liquide, des frais engagés par des militants ou des élus, ou pour financer des activités pas très avouables (comme l'achat d'un service de claque, le financement de colleurs d'affiches mercenaires…).
L'affaire Woerth a révélé une faiblesse des lois sur le financement des partis politiques : les dons individuels sont plafonnés à 7500€, mais rien n'interdit de donner à plusieurs partis et pour peu que chacun crée son propre parti, ce plafond est facilement détourné. Une analyse plus fine des comptes des partis politiques mettrait sans doute en évidence d'autres écarts à cette moralisation dont on nous a tant parlé ces derniers jours.
Voici les chiffres
UMP PS
financement public 34 484 473 22 702 818
contribution des élus 1 721 280 13 166 686
dons de personnes physiques 7 409 001 1 697 237
Au regard de ces chiffres, on peut, d'abord, se demander : à quoi ont bien pu servir ces 150 000€ que Madame Bettencourt a donnés à Eric Woerth? Où sont-il? Se retrouvent-ils dans cette comptabilité?
Si c'est le cas, ce doit être dans la case des dons de personnes physiques. On sait qu'ils sont plafonnés à 7500€, mais rien n'interdisait de diviser cette somme en une multitude de petits dons, de 50 à 100€ attribués à des fantômes, ce qui aurait permis de les blanchir. C'est une technique ancienne que pratiquait beaucoup le PCF dans les années 50 et 60. Lorsqu'il avait besoin d'argent, ses dirigeants envoyaient le patron de l'Humanité "emprunter" quelques millions aux NMPP (je dis emprunter mais c'était en fait du chantage. La conversation se résumait à un : "si vous voulez éviter une grève, donnez-nous x millions…" Le Monde de la grande époque ne faisait pas mieux : il suffisait d'un éditorial de son directeur administratif attaquant la gestion des NMPP pour que les dirigeants de celles-ci, comprenant le message, accordent des facilités au grand quotidien du soir). Ces valises de billets se retrouvaient dans la comptabilité sous forme de dons collectés à la fête de l'huma ou ailleurs.
150 000€ représentent 2% des dons de personnes physiques. Ce qui n'est pas rien. Il suffirait que quelques dizaines de personnes contribuent de cette manière au financement de l'UMP pour expliquer l'écart entre les dons faits à l'UMP et ceux faits au PS.
Mais on peut aussi imaginer que ces sommes aient été utilisées à d'autres fins, en dehors de toute comptabilité, pour rembourser, en liquide, des frais engagés par des militants ou des élus, ou pour financer des activités pas très avouables (comme l'achat d'un service de claque, le financement de colleurs d'affiches mercenaires…).
L'affaire Woerth a révélé une faiblesse des lois sur le financement des partis politiques : les dons individuels sont plafonnés à 7500€, mais rien n'interdit de donner à plusieurs partis et pour peu que chacun crée son propre parti, ce plafond est facilement détourné. Une analyse plus fine des comptes des partis politiques mettrait sans doute en évidence d'autres écarts à cette moralisation dont on nous a tant parlé ces derniers jours.
mardi, juillet 06, 2010
C'était donc cela…
Médiapart publie un témoignage accablant de Claire T. la comptable que Madame Bettencourt a licenciée en 2008 pour cause de "mauvais témoignage" dans le conflit qui l'oppose à sa fille. On y apprend que la milliardaire a financé à hauteur d'au moins 150 000€ la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy qui a, lui-même, reçu à plusieurs reprises des enveloppes de billets des Bettencourt. Elle ne peut évidemment pas apporter de preuves matérielles mais suffisamment d'indices pour que les policiers auxquels elle a fait ces déclarations puissent travailler et remonter la piste : intervention de Patrick de Maistre, nombreux voyages de celui-ci en Suisse, appel téléphonique à la responsable de l'agence BNP, une certaine Eva qu'il ne devrait pas être difficile de retrouver, pour vérifier qu'elle ne pouvait pas retirer plus des 50 000€ qui lui étaient autorisés, témoignages des autres domestiques qui entendaient tout à travers les portes tant les Bettencourt devenus durs d'oreille avec l'âge parlaient fort…
Plus surprenant, peut-être, on apprend de ce témoignage que le fisc qui ne manque jamais de sanctionner un contribuable qui dépose en retard sa déclaration sait faire preuve d'indulgence lorsqu'il s'agit du retard d'une contribuable comme Mme Bettencourt (alors même que les 10% auraient représentés 4 millions d'€). On apprend également que les Bettencourt n'ont pas fait l'objet d'un seul contrôle fiscal depuis 1995, au contraire de ce qu'on nous avait dit ("tous les gros contribuables sont contrôlés tous les trois ans".)
Ces révélations prouvent qu'Eric Woerth et tous ceux qui nous assuraient qu'il n'y avait pas eu de financement parallèle ont menti. Le parapluie Rocard ne tient plus.
Il reste, bien sûr, à vérifier ces informations ou, plutôt, à trouver des preuves. C'est le travail de la police. Mais il reste bien d'autres choses à comprendre :
- c'est sur instruction de Philippe Courroye, que l'on présentait comme un ami de Nicolas Sarkozy que les policiers ont interrogé une nouvelle fois Claire T. Que s'est-il passé entre les deux hommes? Le magistrat at-il choisi de quitter le navire ou n'est-ce que le sursaut d'honneur d'un homme qui n'en peut plus de se faire accuser de ne pas faire son métier correctement?
- comment imaginer une seconde que ce financement parallèle n'ait pas créé chez ceux qui en ont bénéficié une obligation d'indulgence à l'égard de la fraude fiscale? La lutte contre l'évasion fiscale était le cheval de bataille d'Eric Woerth. N'était-ce donc que poudre aux yeux?
- qu'attendait Patrick de Maistre du recrutement de Florence Woerth. L'a-t-il recrutée de son chef (ce que peuvent suggérer les enregistrements) ou l'a-t-il fait à la demande de son mari? ce qui modifierait le jugement que l'on peut porter sur le trésorier de l'UMP.
J'ajouterai, pour conclure, que rien de tout cela ne serait sorti si Nicolas Sarkozy avait eu le bon sens de changer de gouvernement il y a quelques semaines au début de cette affaire. La pression médiatique serait retombée. Le juge Courroie n'aurait pas envoyé ses policiers réinterroger la comptable qui serait restée silencieuse forte des 400 000€ de primes de licenciement qu'elle a reçus.
Plus surprenant, peut-être, on apprend de ce témoignage que le fisc qui ne manque jamais de sanctionner un contribuable qui dépose en retard sa déclaration sait faire preuve d'indulgence lorsqu'il s'agit du retard d'une contribuable comme Mme Bettencourt (alors même que les 10% auraient représentés 4 millions d'€). On apprend également que les Bettencourt n'ont pas fait l'objet d'un seul contrôle fiscal depuis 1995, au contraire de ce qu'on nous avait dit ("tous les gros contribuables sont contrôlés tous les trois ans".)
Ces révélations prouvent qu'Eric Woerth et tous ceux qui nous assuraient qu'il n'y avait pas eu de financement parallèle ont menti. Le parapluie Rocard ne tient plus.
Il reste, bien sûr, à vérifier ces informations ou, plutôt, à trouver des preuves. C'est le travail de la police. Mais il reste bien d'autres choses à comprendre :
- c'est sur instruction de Philippe Courroye, que l'on présentait comme un ami de Nicolas Sarkozy que les policiers ont interrogé une nouvelle fois Claire T. Que s'est-il passé entre les deux hommes? Le magistrat at-il choisi de quitter le navire ou n'est-ce que le sursaut d'honneur d'un homme qui n'en peut plus de se faire accuser de ne pas faire son métier correctement?
- comment imaginer une seconde que ce financement parallèle n'ait pas créé chez ceux qui en ont bénéficié une obligation d'indulgence à l'égard de la fraude fiscale? La lutte contre l'évasion fiscale était le cheval de bataille d'Eric Woerth. N'était-ce donc que poudre aux yeux?
- qu'attendait Patrick de Maistre du recrutement de Florence Woerth. L'a-t-il recrutée de son chef (ce que peuvent suggérer les enregistrements) ou l'a-t-il fait à la demande de son mari? ce qui modifierait le jugement que l'on peut porter sur le trésorier de l'UMP.
J'ajouterai, pour conclure, que rien de tout cela ne serait sorti si Nicolas Sarkozy avait eu le bon sens de changer de gouvernement il y a quelques semaines au début de cette affaire. La pression médiatique serait retombée. Le juge Courroie n'aurait pas envoyé ses policiers réinterroger la comptable qui serait restée silencieuse forte des 400 000€ de primes de licenciement qu'elle a reçus.
lundi, juillet 05, 2010
L'affaire Woerth met en péril bien plus que la réforme des retraites
Tous les éditorialistes nous disent ce matin que les deux démissions forcées de Blanc et Joyandet ont pour objet de sauver le soldat Woerth et, avec lui, la réforme des retraites. Mais c'est bien plus que cela qui est en cause. Erice Woerth était manifestement une pièce maîtresse du dispositif sarkoziste. Ses difficultés remettent en cause bien plus que des comportements individuels contestables ou imprudents. Ils jettent une lumière crue sur :
- le bouclier fiscal sur lequel Nicolas Sarkozy a toujours refusé de revenir et dont on découvre (à commencer sans doute par ses défenseurs) qu'il aboutit à des absurdités (pour rester dans l'euphémisme),
- les finances de l'UMP (et donc de la prochaine campagne présidentielle) dont Woerth était le responsable,
- la capacité du Président à faire preuve de sang-froid dans une crise politique tant sa gestion de l'affaire est pathétique.
C'est la capacité de cette équipe, de ce gouvernement mais aussi et surtout de ce Président à gérer la crise financière que nous traversons qui se retrouvent ainsi mises en cause. Les vertus qu'on attend d'un Président dans ses périodes et qu'on avait tendance à lui prêter (sang-froid, habileté tactique, volontarisme) sont en train de voler en éclat.
- le bouclier fiscal sur lequel Nicolas Sarkozy a toujours refusé de revenir et dont on découvre (à commencer sans doute par ses défenseurs) qu'il aboutit à des absurdités (pour rester dans l'euphémisme),
- les finances de l'UMP (et donc de la prochaine campagne présidentielle) dont Woerth était le responsable,
- la capacité du Président à faire preuve de sang-froid dans une crise politique tant sa gestion de l'affaire est pathétique.
C'est la capacité de cette équipe, de ce gouvernement mais aussi et surtout de ce Président à gérer la crise financière que nous traversons qui se retrouvent ainsi mises en cause. Les vertus qu'on attend d'un Président dans ses périodes et qu'on avait tendance à lui prêter (sang-froid, habileté tactique, volontarisme) sont en train de voler en éclat.
vendredi, juillet 02, 2010
Woerth : et voilà que les Suisses s'y mettent
Il ne manquait plus que cela : voilà que les gestionnaires de fortune installés en suisse, ulcérés par la politique d'Eric Woerth se lancent à leur tour à ses trousses. C'est ce qu'ils ont entrepris si l'on en croit cet article de la Tibne de Genève qui nous apprend que Florence Woerth était une cliente assidue de l'Hotel d'Angleterre, un établissement de luxe qui se trouve à quelques jets de pierre de ces fiduciaires spécialisées dans la gestion des fortunes qui tentent d'échapper au fisc. Un "Genevagate" menace Mme Bettencourt et les Woerth;écrit la Tribune de Genève dans un article qui sent la revanche et qui parle, détail qui méritera quelques éclaircissements, du transfert, il y a quelques 2 ans, de 280 millions d'€ des comptes français de Liliane Bettencourt chez UBS Genève.
Gestion des hommes : Obama fait-il mieux?
J'ai à plusieurs reprises souligné ici-même les faiblesses de la gestion sarkozyste des ressources humaines. Mais les autres font-ils mieux? La récente éviction du général McCrystal par Obama permet une comparaison. D'autant que plusieurs articles l'ont traité sous cet angle dans The Economist : Managing a McChrystal, dans la la Harvard Business Review : President Obama fires McChrystal, kills innovation de Bruce Nussbaum et General McChrystal's falure of followership de Barbara Kellerman, et sur un site où s'exprime régulièrement Jack Welch, l'ancien président de General Electric.
Bruce Nussbaum est un journaliste spécialisé dans l'innovation. Il n'est donc pas surprenant qu'il insiste dans son papier sur cette question. Le coeur de son argument est au fond le suivant : le général McCrystal était une personnalité hors-norme dans le monde militaire, comme en témoigne et sa carrière et ses choix politiques (il a voté Obama aux dernières élections présidentielles quand ses collègues préféraient McBain). C'est un homme imaginatif qui pratique (ou qui est, du moins, familier) des techniques de Design thinking conçues pour favoriser l'innovation. En s'en séparant, Obama a donc perdu un homme capable d'inventer une nouvelle stratégie dans une guerre difficile pour ce qui n'est qu'une incivilité. C'est donc une erreur.
Argument solide tant que l'on ne regarde pas les tactiques appliquées en Afghanistan. Je ne suis évidemment pas un spécialiste de ces questions, mais il me semble qu'elles sont directement inspirées (ou qu'elles réinventent, mais c'est la même chose), les méthodes de la guerre révolutionnaire théorisée par les militaires français en Algérie (Godard, Trinquier, Argoud) avec les succès que l'on sait et, surtout, les dérives politiques qui ont amené De Gaulle à supprimer, dés qu'il l'a pu, le 5ème bureau. Les responsables de ce bureau était l'inventeur de cette guerre psychologique qui voulait, comme l'expliquait Argoud, que l'armée cherche "par priorité à rallier la population, à gagner sa confiance. C'est l'aspect politique du problème : il est essentiel." On trouvera une histoire de ces méthodes et du 5ème bureau dans cet article très complet de Pierre Pahlavi publié dans une revue militaire canadienne : La guerre politique : une arme à double tranchant. L'auteur y montre comment ce type de guerre qui fait des militaires des politiques les a conduits en définitive à l'insurrection et à l'OAS qui ne fit, semble-t-il, qu'appliquer à l'Etat français des concepts développés pour lutter contre le FLN (contre-terrorisme…).
Barbara Kellerman, qui enseigne à la John F.Kennedy School de Harvard est une spécialiste des questions de leadership. Son article aborde les choses sous un tout autre angle. Obama a, dit-elle, commis à peu près la même erreur que McCain lorsqu'il a choisi Sarah Palin : il a nommé une personne qu'il ne connaissait, dont il n'avait pas suffisamment examiné le curriculum et qui s'est révélé tout autre qu'il imaginait : indiscipliné, indiscret et, semble-t-il, manipulateur. C'est, du moins, ce que suggère l'article de The Economist qui laisse penser que le général McCrystal a fait fuiter un rapport dont il était l'auteur qui recommandait d'augmenter les troupes en Afghanistan pour forcer la main du Président Obama qui hésitait.
Jack Welch; l'une des vedettes du business aux Etats-Unis, est plus aimable. Il approuve pleinement Obama d'avoir fait preuve de fermeté mais aussi la manière dont il a procédé : rapidité d'exécution, traitement respectueux du général McCrystal, remplacement par un général plus respecté encore que lui.
Jack Welch’s message to students about lessons from President Obama and General McChrystal from ADDiCTiVE NETWORKS on Vimeo.
De manière un peu surprenante, chacun de ces commentaires éclaire cette décision. Obama a certainement commis une erreur en recrutant sans mieux le connaître McChrystal, mais il a eu raison de s'en séparer, pour les raisons que dit Jack Welch mais aussi pour mettre en garde les militaires contre les risques de dérive que comporte toute guerre, qui sous couvert de psychologie, se mêle de politique.
Bruce Nussbaum est un journaliste spécialisé dans l'innovation. Il n'est donc pas surprenant qu'il insiste dans son papier sur cette question. Le coeur de son argument est au fond le suivant : le général McCrystal était une personnalité hors-norme dans le monde militaire, comme en témoigne et sa carrière et ses choix politiques (il a voté Obama aux dernières élections présidentielles quand ses collègues préféraient McBain). C'est un homme imaginatif qui pratique (ou qui est, du moins, familier) des techniques de Design thinking conçues pour favoriser l'innovation. En s'en séparant, Obama a donc perdu un homme capable d'inventer une nouvelle stratégie dans une guerre difficile pour ce qui n'est qu'une incivilité. C'est donc une erreur.
Argument solide tant que l'on ne regarde pas les tactiques appliquées en Afghanistan. Je ne suis évidemment pas un spécialiste de ces questions, mais il me semble qu'elles sont directement inspirées (ou qu'elles réinventent, mais c'est la même chose), les méthodes de la guerre révolutionnaire théorisée par les militaires français en Algérie (Godard, Trinquier, Argoud) avec les succès que l'on sait et, surtout, les dérives politiques qui ont amené De Gaulle à supprimer, dés qu'il l'a pu, le 5ème bureau. Les responsables de ce bureau était l'inventeur de cette guerre psychologique qui voulait, comme l'expliquait Argoud, que l'armée cherche "par priorité à rallier la population, à gagner sa confiance. C'est l'aspect politique du problème : il est essentiel." On trouvera une histoire de ces méthodes et du 5ème bureau dans cet article très complet de Pierre Pahlavi publié dans une revue militaire canadienne : La guerre politique : une arme à double tranchant. L'auteur y montre comment ce type de guerre qui fait des militaires des politiques les a conduits en définitive à l'insurrection et à l'OAS qui ne fit, semble-t-il, qu'appliquer à l'Etat français des concepts développés pour lutter contre le FLN (contre-terrorisme…).
Barbara Kellerman, qui enseigne à la John F.Kennedy School de Harvard est une spécialiste des questions de leadership. Son article aborde les choses sous un tout autre angle. Obama a, dit-elle, commis à peu près la même erreur que McCain lorsqu'il a choisi Sarah Palin : il a nommé une personne qu'il ne connaissait, dont il n'avait pas suffisamment examiné le curriculum et qui s'est révélé tout autre qu'il imaginait : indiscipliné, indiscret et, semble-t-il, manipulateur. C'est, du moins, ce que suggère l'article de The Economist qui laisse penser que le général McCrystal a fait fuiter un rapport dont il était l'auteur qui recommandait d'augmenter les troupes en Afghanistan pour forcer la main du Président Obama qui hésitait.
Jack Welch; l'une des vedettes du business aux Etats-Unis, est plus aimable. Il approuve pleinement Obama d'avoir fait preuve de fermeté mais aussi la manière dont il a procédé : rapidité d'exécution, traitement respectueux du général McCrystal, remplacement par un général plus respecté encore que lui.
De manière un peu surprenante, chacun de ces commentaires éclaire cette décision. Obama a certainement commis une erreur en recrutant sans mieux le connaître McChrystal, mais il a eu raison de s'en séparer, pour les raisons que dit Jack Welch mais aussi pour mettre en garde les militaires contre les risques de dérive que comporte toute guerre, qui sous couvert de psychologie, se mêle de politique.
Un enfer…
Nul n'en doute, Eric Woerth vit depuis quelques jours un véritable enfer. Tout montagnard et résistant qu'il soit il est peu probable qu'il tienne longtemps à ce rythme de révélations. Partira-t-il? s'enfoncera-t-il dans la dépression? Nul ne sait, mais il est certain que le coût sera élevé. Mais il n'est pas le seul au gouvernement dans ce cas. Que doivent aujourd'hui penser ces ministres que Nicolas Sarkozy a désignés du doigt comme devant être sanctionnés lors du prochain remaniement en octobre prochain? "Avions, cigares et critiques sur la nature des hôtels, cela ne m'a pas plus."a-t-il dit désignant clairement Joyandet, Blanc et Rama Yade. On le comprend. Mais pourquoi attendre octobre? pourquoi faire tourner pendus au bout d'un fil ces trois ministres et, sans doute, quelques autres? pourquoi leur imposer ce supplice qui ressemble à l'abominable Lingchi chinois? Parce que maintenant qu'ils ont été désignés à la vindicte publique on peut être sûr que les langues vont se délier et qu'on en apprendra des vertes et des pas mûres sur chacun. Mieux vaudrait en finir, s'en séparer, trancher de manière nette. Cela éviterait que les plus audacieux n'en rajoutent à la manière de Stéphane Guillon et que les plus timorés ne se fassent un peu plus courtisans (c'est-à-dire usants) si c'est possible. Une fois encore, la gestion des ressources humaines ets l'un des points faibles de Nicolas Sarkozy.
jeudi, juillet 01, 2010
Réforme des retraites :Eric Woerth est plus un handicap qu'un atout
La dernière ligne des défenseurs d'Eric Woerth est que sans lui la réforme des retraites serait compromise. Mais est-ce bien le cas. Thierry Desjardins, qui rappelle que Xavier Darcos en fut d'abord chargé, en doute. J'ajouterai, m'appuyant sur ce qu'Aristote dit dans son Traité de rhétorique, qu'un gouvernement ne peut persuader les citoyens de la nécessité d'une réforme ou d'un changement que s'il est jugé apte à préparer et prévoir l'avenir de manière raisonnable, s'il donne le sentiment de s'être préoccupé, dans ses prises de décision, des autres et si, enfin, il passe pour honnête et plus soucieux de l'intérêt général que de son intérêt personnel. C'est le prix, élevé, à payer pour obtenir la confiance des citoyens.
Si tant de réformes échouent, c'est que ceux qui les veulent sont en défaut sur l'un ou l'autre de ces points. Malgré tous leurs efforts de communication, on ne les croit plus capables de prendre des décisions raisonnables parce qu'ils en ont pris trop de mauvaises. On doute de leur bienveillance parce qu'ils se sont trop souvent comportés en égoïstes plus attachés à la poursuite de leur intérêt personnel qu'au bien-être de la collectivité. Et on met en cause leurs motivations, parce qu'ils ont trop souvent menti et caché les motifs réels de leurs décisions. Leur passé les rattrape et parle pour eux.
Si tant de réformes échouent, c'est que ceux qui les veulent sont en défaut sur l'un ou l'autre de ces points. Malgré tous leurs efforts de communication, on ne les croit plus capables de prendre des décisions raisonnables parce qu'ils en ont pris trop de mauvaises. On doute de leur bienveillance parce qu'ils se sont trop souvent comportés en égoïstes plus attachés à la poursuite de leur intérêt personnel qu'au bien-être de la collectivité. Et on met en cause leurs motivations, parce qu'ils ont trop souvent menti et caché les motifs réels de leurs décisions. Leur passé les rattrape et parle pour eux.
Or, qui peut aujourd'hui croire qu'Eric Woerth est une garantie de fair-play et d'honnêteté après les informations publiées par Mediapart sur ses mésaventures dans les années 90 dans l'Oise (et ses salaires dénoncés par la Cour des Comptes régionale)? Bien loin d'être un atout, ce malheureux ministre qui avait su faire oublier ses faiblesses passées et son compagnonnages avec Jean-François Mancel est un handicap pour le gouvernement. Nicolas Sarkozy qui n'est pas sot l'a certainement compris, mais peut-être manque-t-il de cette force de caractère qui lui permettrait de trancher dans le vif.
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