vendredi, juillet 02, 2010

Gestion des hommes : Obama fait-il mieux?

J'ai à plusieurs reprises souligné ici-même les faiblesses de la gestion sarkozyste  des ressources humaines. Mais les autres font-ils mieux? La récente éviction du général McCrystal par Obama permet une comparaison. D'autant que plusieurs articles l'ont traité sous cet angle dans The Economist : Managing a McChrystal, dans la la Harvard Business Review : President Obama fires McChrystal, kills innovation de Bruce Nussbaum et General McChrystal's falure of followership de Barbara Kellerman, et sur un site où s'exprime régulièrement Jack Welch, l'ancien président de General Electric.

Bruce Nussbaum est un journaliste spécialisé dans l'innovation. Il n'est donc pas surprenant qu'il insiste dans son papier sur cette question. Le coeur de son argument est au fond le suivant : le général McCrystal était une personnalité hors-norme dans le monde militaire, comme en témoigne et sa carrière et ses choix politiques (il a voté Obama aux dernières élections présidentielles quand ses collègues préféraient McBain). C'est un homme imaginatif qui pratique (ou qui est, du moins, familier) des techniques de Design thinking conçues pour favoriser l'innovation. En s'en séparant, Obama a donc perdu un homme capable d'inventer une nouvelle stratégie dans une guerre difficile pour ce qui n'est qu'une incivilité. C'est donc une erreur.

Argument solide tant que l'on ne regarde pas les tactiques appliquées en Afghanistan. Je ne suis évidemment pas un spécialiste de ces questions, mais il me semble qu'elles sont directement inspirées (ou qu'elles réinventent, mais c'est la même chose), les méthodes de la guerre révolutionnaire théorisée par les militaires français en Algérie (Godard, Trinquier, Argoud) avec les succès que l'on sait et, surtout, les dérives politiques qui ont amené De Gaulle à supprimer, dés qu'il l'a pu, le 5ème bureau. Les responsables de ce bureau était l'inventeur de cette guerre psychologique qui voulait, comme l'expliquait Argoud, que l'armée cherche "par priorité à rallier la population, à gagner sa confiance. C'est l'aspect politique du problème : il est essentiel." On trouvera une histoire de ces méthodes et du 5ème bureau dans cet article très complet de Pierre Pahlavi publié dans une revue militaire canadienne : La guerre politique : une arme à double tranchant. L'auteur y montre comment ce type de guerre qui fait des militaires des politiques les a conduits en définitive à l'insurrection et à l'OAS qui ne fit, semble-t-il, qu'appliquer à l'Etat français des concepts développés pour lutter contre le FLN (contre-terrorisme…).

Barbara Kellerman, qui enseigne à la John F.Kennedy School de Harvard est une spécialiste des questions de leadership. Son article aborde les choses sous un tout autre angle. Obama a, dit-elle, commis à peu près la même erreur que McCain lorsqu'il a choisi Sarah Palin : il a nommé une personne qu'il ne connaissait, dont il n'avait pas suffisamment examiné le curriculum et qui s'est révélé tout autre qu'il imaginait : indiscipliné, indiscret et, semble-t-il, manipulateur. C'est, du moins, ce que suggère l'article de The Economist qui laisse penser que le général McCrystal a fait fuiter un rapport dont il était l'auteur qui recommandait d'augmenter les troupes en Afghanistan pour forcer la main du Président Obama qui hésitait.

Jack Welch; l'une des vedettes du business aux Etats-Unis, est plus aimable. Il approuve pleinement Obama d'avoir fait preuve de fermeté mais aussi la manière dont il a procédé : rapidité d'exécution, traitement respectueux du général McCrystal, remplacement par un général plus respecté encore que lui.

Jack Welch’s message to students about lessons from President Obama and General McChrystal from ADDiCTiVE NETWORKS on Vimeo.

De manière un peu surprenante, chacun de ces commentaires éclaire cette décision. Obama a certainement commis une erreur en recrutant sans mieux le connaître McChrystal, mais il a eu raison de s'en séparer, pour les raisons que dit Jack Welch mais aussi pour mettre en garde les militaires contre les risques de dérive que comporte toute guerre, qui sous couvert de psychologie, se mêle de politique.

Aucun commentaire: