samedi, mars 05, 2011

Les "racines" de DSK

Nouveau petit (tout petit, sans doute) scandale. C'est cette fois-ci Laurent Waucquiez qui se prend les pieds dans le tapis et qui évoque les racines de DSK Il le fait dans une remarque presque insignifiante rapportée par Libération dont on ne parlerait sans doute pas si Pierre Moscovici ne l'avait soulignée : "Ce n’est pas la même approche, Dominique Strauss-Kahn est à Washington, il a sûrement une très belle maison qui donne sur le (fleuve) Potomac. Ce n’est pas la Haute-Loire, ce n’est pas ces racines-là." Pas de quoi fouetter un chat? Sans doute, c'est en tout cas moins déplaisant que la remarque de Christian Jacob, mais pourquoi parler de "racines"? La réaction de Pierre Moscovici le suggère : si la droite veut souligner que DSK est plus à Washington qu'à Paris, elle va devoir faire preuve de beaucoup plus de subtilité pour échapper au reproche de remuer d'étranges boues.

Je ne suis d'ailleurs pas sûr que cet éloignement soit pour DSK un handicap. Sa position au FMI l'a mis en contact avec l'ensemble des dirigeants et des grands argentiers du monde, elle lui donne en cette période de crise une légitimité par la compétence qui manque singulièrement à ses concurrents à droite (comme, d'ailleurs à gauche).

Et je ne comprends pas très bien ces allusions plus ou moins voilées mais bien réelles au vieux refrain maurrassien (et antisémite) sur la ploutocratie internationale. Je vois bien qu'il s'agit de retenir l'électorat tenté par Marine LePen, mais n'est-ce pas se tromper sur la société française? Elle est infiniment plus tolérante que l'on semble le pense au sommet de l'Etat. Même au Front National, l'antisémitisme et le racisme semblent (je dis "semblent", pas plus) rangés dans le placard des vieilles lunes.

Faut-il ajouter que ce sont les mêmes qui critiquent l'éloignement de DSK qui prennent en vacances au frais de dictateurs déconsidérés dans des hôtels de luxe qui ne sont certainement pas installés en Haute-Loire. Ce sont, faut-il le rappeler? également les mêmes qui affichent leur amitiés pour des gens qui s'installent en Suisse pour payer moins d'impôts. Est-ce cela avoir des racines?

vendredi, mars 04, 2011

Voici venu le temps des Whistleblowers

Mediapart publie ce matin un entretien avec un ancien ambassadeur de France en Tunisie de 2002 à 2005, Yves Aubin de La Messuzière, qui ne mâche pas ses mots : "Trop, c'est trop. Les diplomates n'ont pas à être traités, comme le dit Henri Guaino, comme des «bureaucrates». Si nous avions la possibilité de publier certaines archives (…) nous pourrions attester de cette information qui n'a cessé de parvenir aux responsables en capacité de dicter la politique étrangère de la France à propos de la Tunisie." Et un peu plus loin : dans "une note datant de mai 2003, (…) nous alertions le ministère des affaires étrangères, qui faisait suivre à l'Elysée et à Matignon, sur le fait que, dans le système Ben Ali, le champ politique était totalement verrouillé. Dans le même temps, nous observions la montée en puissance d'une jeunesse et d'une classe moyenne de mieux en mieux formées, et qui constituait pour nous le défi majeur pour la décennie en cours. Nous pointions de manière très claire l'insatisfaction de cette jeunesse, et le fait qu'au-delà du problème de l'emploi, qui était réel, il y avait un malaise de cette jeunesse, exaspérée de ne pas pouvoir participer à l'espace politique. Nous notions également que les internautes étaient de plus en plus l'objet d'arrestations et de peines de prison. Nous concluions sur le fait que l'absence de toute perspective de renouvellement, loin de conforter le régime, affecterait dans la durée sa légitimité." Suivent des critiques sur les comportements de Chirac, Sarkozy et de son successeur à Tunis.

Yves Aubin de La Messuzière est de ces diplomates qui ont fait une carrière qui ne prête pas aux coups d'éclat : diplômé de l’école nationale des langues orientales vivantes et diplômé d’études supérieures d’islamologie, il a été ambassadeur au Tchad, en Tunisie, en Italie, en République de Saint Marin, il a également été directeur Afrique du Nord Moyen- Orient au ministère des Affaires étrangères de 1999 à 2002. C'est donc un bon connaisseur du monde arabe. Et l'on comprend qu'il ait été outré par les propos de Guaino et de quelques autres. Mais d'ordinaire ces colères restaient rentrées.

Jusqu'à il y a peu, elles nourrissaient au pire les papiers du Canard Enchaîné ou incitaient à rédiger à quelques uns une pétition anonyme publiée dans le Monde ou dans Libération. Voilà que les agressions répétées dont ils sont victimes (car il s'agit bien de cela) amènent des fonctionnaires mécontents à sortir à visage découvert. Nous avions eu des protestations des plus hauts magistrats, voilà que les diplomates s'y mettent.

C'est dire leur exaspération mais aussi, plus encore, le peu de respect qu'ils gardent pour ceux qui nous dirigent et dont ils jugent qu'ils mettent en danger l'institution auxquelles ils ont consacré leur vie. Les Américains ont pour décrire cela un mot : whistleblowers, ceux qui soufflent dans un sifflet. C'est bien cela : un coup de sifflet pour mettre un terme à ces attitudes qui bien loin de rafistoler une politique extérieure en haillons ne peut qu'entretenir la déception de ceux chargés de la concevoir et de la mener.

mardi, mars 01, 2011

Pourquoi émigrent-ils?

Je rentre de Montréal où je viens de passer une quinzaine de jours à faire des conférences et à participer à différentes activités et culturelles (d'où mon silence ici). J'ai été frappé par le nombre de Français qu'on y rencontre. Il y en aurait 80 000 à Montréal (et plus de 100 000 dans tout le Québec) et seraient de 3 à 4000 à s'y installer chaque année d'après le Consulat général de France au Québec. J'avais déjà eu le même sentiment à Londres où vivraient près de 300 000 Français. Mais pourquoi émigrent-ils donc?

On remarquera qu'ils choisissent des destinations "faciles" : Londres est tout proche, on parle français à Montréal, la vie culturelle est dans ces deux villes riche et voisine de celle que l'on connaît à Paris. Le choc est dans les deux cas faible. Mais tout de même : pourquoi sont-ils si nombreux à partir?

La plupart de ceux que j'ai rencontrés étaient jeunes et venus volontairement (à la différence de la génération d'avant qui semble s'être installée après une expérience comme coopérant, une histoire sentimentale…) pour faire leurs études ou travailler, souvent dans la restauration.

Ce n'est ni le climat (Dieu qu'il fait froid à Montréal) ni la beauté de la ville (vraiment laide) qui les attirent à Montréal. Ce n'est certainement pas le système de santé, d'éducation ou de protection sociale qui les amènent à Londres. Des quelques conversations que j'ai eues avec des expatriés dans ces deux villes, c'est l'atmosphère, le sentiment de liberté, que beaucoup était encore possible alors que tout semble difficile à Paris qui les séduit. Tous sont très critiques de la France, de ses rigidités. Ils ont le sentiment de ne pas y avoir de futur. Un futur que leur offriraient la Grande-Bretagne ou le Canada.

Il y a dans cela probablement une part d'illusion parce que je ne vois pas qu'ils fassent de bien plus belles carrières là-bas qu'ici, mais ce désir de fuite dit sans doute beaucoup des blocages de notre société, de la reconstitution, à travers notre système scolaire d'une sorte d'aristocratie républicaine qui se réserve les places et rend improbable la promotion sociale.

Mais il est vrai qu'il y a au Québec (bien plus, soit dit en passant qu'en Grande-Bretagne) une sorte de simplicité dans les relations, dans les contacts, qui peut donner le sentiment que les choses y sont plus faciles et les rend peut-être telles. L'accueil est certainement plus chaleureux que chez nous, ne serait-ce que parce que les Québécois ne sont jamais avares de compliments (en cela, ils sont très américains). Combien de fois ne m'a-t-on dit que ce que je faisais était extraordinaire, un qualificatif que je crois n'avoir jamais entendu à propos de mon travail (qui ne le mérite certainement pas) en France?

mercredi, février 16, 2011

Jacob, DSK et Copé

La gauche a comparé les propos de Christian Jacob sur DSK à ceux de Vallat sur Blum. Rappelons les : "DSK, ce n'est pas l'image de la France, l'image de la France rurale, l'image de la France des terroirs et des territoires, celle qu'on aime bien, celle à laquelle je suis attaché."

En a-t-elle trop fait? Je ne crois pas même si l'on peut penser que Christian Jacob ne tentait pas, comme Le Pen lorsqu'il lui arrivait de prononcer ce type de phrase, d'envoyer un signal à ce qu'il peut y avoir d'antisémites en France. Ce type de propos mérite d'être rapidement taclé.

François Fillon a pris la défense de Jacob, mais je ne crois qu'on ait entendu Jean-François Coppé lui dont Wikipedia nous apprend qu'il est "le fils de Monique Ghanassia, originaire d'Algérie, et du professeur Roland Copé, chirurgien gastro-entérologue proctologue d'origine roumaine. Du côté paternel, son grand-père Marcu Hirs Copelovici, fils de Copel et Zleta, originaires de Bessarabie, est un médecin né à Iaşi dans l'est de la Roumanie au début du siècle. Fuyant l'antisémitisme de son pays, il émigre à Paris en 1926. Devenu Marcel Copé, il se marie peu après avec Gisèle Lazerovici, fille de Ghidale Lazerovici, comptable, et Anna Stern. Du côté maternel, son grand-père Ismaël André Ghanassia, fils de Moïse Ghanassia et Djouhar Soussi, originaires de Miliana, est avocat à Alger. Son épouse, Lise Boukhabza, est la petite fille d'un rabbin originaire de Tunisie, et d'une mère originaire de Tétouan au Maroc. André Ghanassia, son épouse et leurs trois enfants, dont Monique, quittent Alger pour la métropole dans les années 1950, peu après les débuts de la guerre d'Algérie." Ce qui n'en fait certainement pas un modèle de cette "France des terroirs et des territoires "dont nous parle Jacob et dont on se demande bien où il est allé la chercher sinon dans quelque rêverie maurrassienne. On aimerait savoir ce qu'en pense in imo pectore le secrétaire général de l'UMP. Ce doit être quelquefois pénible de diriger un parti de droite…

PS On ne rencontre pas souvent ce détour par ses origines familiales dans les biographies d'hommes politiques sur Wikipedia. Je ne suis pas sûr que cela nous éclaire sur la personnalité de Coppé. Qui l'a écrit et pourquoi? Peut-être un de ces amis de Christian Jacob qui s'intéressent aux liens que les hommes politiques entretiennent avec le terroir?

lundi, février 14, 2011

L'Egypte, nos réticences, Rawls, Habermas

Daniel Schneiderman souligne, après Pascal Boniface, les étranges réserves de nos élites devant les révolutions tunisienne et égyptienne dans un papier qu'il titre excellement : Les «cache ta joie» de la révolution égyptienne dans lequel il s'en prend à Yves Calvi qui à force d'être partout  la fois finit par faire commerce de fantasmes plus que de journalisme.

Ici même, j'ai il y a deux ou trois jours souligné le rôle dans ces réserves de l'inquiétude pour Israël chez les intellectuels les plus attachés à sa défense (La révolution égyptienne, Israel et nos intellectuels). Il me semble que l'on peut avancer une autre raison à l'inquiétude que suscite naturellement tout changement dans une région turbulente : notre rapport à la démocratie.

Des Tunisiens et des Egyptiens ont pris des risques insensés, plusieurs dizaines, plusieurs centaines, on saura sans doute bientôt combien, sont morts pour la liberté. Et on a vu à la télévision de nombreux Tunisiens et Egyptiens nous dire qu'ils étaient prêts à aller jusque là pour faire tomber les dictateurs. Ils avaient, ils ont une conception héroïque de la démocratie. Se battre pour la démocratie, c'est pour eux se battre pour des biens, la liberté de s'exprimer, pour la fin des privilèges d'une petite caste. Pour parler comme les philosophes, ils ont une conception substantielle de la démocratie. Nous en avons une conception procédurale.

Pour nous, mais aussi pour les philosophes qui en font aujourd'hui la théorie, la démocratie est une procédure. Nous ne cherchons plus, depuis belle lurette à la gagner à coups de béliers contre des dictatures, nous voulons seulement lui trouver une justification formelle, indiscutable parce que formelle : c'est la procédure, ce que Rawls appelle le voile d'ignorance et Habermas la délibération, qui, à nos yeux, justifie aujourd'hui la démocratie. C'est parce que la procédure est neutre, que les résultats qu'on en tire sont justes.

Il n'y a évidemment pas de place dans cette approche pour la révolution, pour les foules qui descendent dans la rue et affrontent des forces de police qui n'hésitent pas à tirer à balles réelles.

Si nos élites sont si réservées, c'est peut-être qu'elles ont perdu cette vision héroïque, substantielle de la démocratie. Les révolutions tunisiennes et égyptiennes, celles qui se préparent en Algérie, au Yemen et peut-être ailleurs nous le rappellent : la démocratie, la liberté, cela peut aussi faire rêver et l'on peut mourir pour.

samedi, février 12, 2011

La révolution égyptienne, Israël et nos intellectuels

La révolution égyptienne a suscité d'étranges réticences chez plusieurs de nos intellectuels en vue dans les médias, chez Alexandre Adler, Bernard-Henri Levy, Alain Finkelkraut, réticences qui expliquent sans doute pour partie la manière gênée dont nous avons accueilli des événements qui devraient nous réjouir. Deux arguments sont avancés : la crainte des frères musulmans et le manque d'expérience démocratique du monde musulman. Le premier est mal fondé et le second tout simplement insultant, mais le plus surprenant est que ces réticences viennent d'intellectuels d'ordinaire attachés aux droits de l'homme et prompts à condamner leurs violations ailleurs. Pascal Boniface a une explication : cette révolution "pourrait signifier la mise en place de régimes moins accommodants avec Israël. Or c’est leur principale pour ne pas dire unique préoccupation." Il a sans doute raison. Il ne le dit pas, mais il pourrait ajouter que plusieurs de ces intellectuels sont juifs, ce qui renvoie aux relations complexes qu'Israel et la diaspora juive entretiennent.

Israël est pour les juifs, où qu'ils se trouvent dans le monde, la garantie que jamais cela ne se reproduira pas : cela, c'est la shoah, bien sûr, mais ce sont aussi les pogroms et ces siècles de discrimination, de ségrégation et d'exactions dont ont souffert les juifs un peu partout en Europe. Mais Israël a également besoin des juifs de la diaspora : que serait-il si partout en Occident des communautés juives importantes ne prenaient sa défense lorsqu'il est attaqué? L'attention des Etats-Unis, celle de l'Europe ne seraient certainement pas ce qu'elle est si ne se trouvaient dans tous ces pays des communautés juives actives. Quoique puissent dire les sionistes, le sort d'Israël et celui de la diaspora sont intimement liés.

Toute la question est de savoir qui influence qui? Est-ce que ce sont les juifs d'occident qui incitent Israël à la modération dans ses relations avec ses voisins?  qui l'encouragent à chercher la paix? ou est-ce à l'inverse, Israël qui fait oublier aux juifs d'occident leur goût de la liberté et de la démocratie? On aimerait que la première proposition soit la bonne, que Finkelkraut, BHL et tous ceux qui sont en Occident les meilleurs avocats d'Israël sachent convaincre ses dirigeants de faire preuve de modération. Il leur serait assez facile de dire que défendre l'existence d'Israël est une chose, que chasser les Palestiniens de chez eux en est une autre. Mais il semble, malheureusement, que la dernière proposition soit la bonne. La politique nationaliste de l'extrême droite israélienne déteint sur eux et les amène à prendre des positions pour le moins… "insolites" : comment peut-on, quand on vit dans une démocratie et qu'on en sait le prix, craindre les aspirations d'une population à plus de liberté?

Les menaces dont Israël est victime de la part de ses voisins les aveuglent sur ses faiblesses. Plus celles-ci sont grandes, plus Israël est critiqué par la gauche, par la communauté internationale, plus ils se sentent dans l'obligation de le défendre, et plus ils ont, naturellement, le sentiment d'être isolés, incompris. Mais à force de défendre des positions nationalistes de l'extrême-droite israélienne au pouvoir, à force de s'inquiéter du risque islamiste, ils en viennent à le surestimer et à défendre l'indéfendable. Ils en sont en quelque sorte otages de l'extrême-droite au pouvoir en Israël quand on aimerait qu'ils combattent, son influence pour le plus grand bien d'Israël. Car s'il est nécessaire qu'Israël survive, ce n'est pas en empiétant chaque jour un peu plus sur le territoire des Palestiniens qu'il renforce ses chances de signer la paix avec ses voisins.


jeudi, février 10, 2011

Diables de journalistes…

La presse ne parle ce matin que de la petite phrase d'Anne Sinclair. L'épouse de Dominique Strauss-Kahn a donc déclaré au Point qu'elle ne se souhaitait pas que son mari postule pour un second mandat au FMI. Et voilà : les journalistes jubilent. L'information est sortie le jour où Martine Aubry fait un discours, qu'elle veut important, à Dakar comme pour brouiller son message, le rendre inaudible. Y a-t-il des tensions entre les deux candidats non déclarés à la candidature du PS? DSK va-t-il vraiment revenir? Il ne peut pas le dire, mais il lance des signaux…

Ce sont les mêmes journalistes qui remplissent feuillets après feuillets sur ce non-événement qui se plaignent de la médiocrité du débat politique. Se sont-ils jamais demandés quelle pouvait être en la matière leur part de responsabilité? Après tout, si l'on ne parle ce matin que de cela, c'est bien de leur fait.

S'ils voulaient vraiment que le débat politique soit d'un autre niveau, ils inviteraient les politiques à parler d'autre chose. De fiscalité, par exemple, un sujet qui semble passionner les Français depuis que Thomas Piketty et ses co-auteurs ont publié leurs propositions fiscales. Ce ne devrait pas être difficile. Il y a à gauche au moins un politique qui connait bien ces questions, François Hollande qui en a débattu longuement sur Mediapart avec Thomas Piketty. Et on sait qu'à droite Jean-François Coppé, qui a été ministre du budget et qui connait bien, lui aussi, ces questions, a relancé le projet de TVA social. Il y aurait là matière à des échanges musclés, techniques mais aux dimensions politiques évidentes qu'une radio, une télévision, un journal seraient bien inspirés d'organiser. Ce serait certainement plus intéressant que les micro-stratégies de communication des candidats pas vraiment candidats du PS.

mercredi, février 09, 2011

Mais pourquoi ne prennent-ils donc pas leurs vacances en France?

Nicolas Sarkozy à Marrakech, invité par le roi du Maroc, François Fillon en Egypte invité par Moubarak, Alliot-Marie en Tunisie par un protégé de Ben Ali… Cela fait beaucoup. Beaucoup trop. Et au delà de ce qu'il y a de choquant à voir nos dirigeants prendre leurs vacances aux frais de dictateurs, trop heureux de les recevoir, je m'interroge sur le principe même de ces vacances systématiques à l'étranger. Je comprends bien l'intérêt des pyramides, du désert  ou de Marrakech, je suis le premier à aimer tout cela, mais des hommes politiques en charge des affaires de l'Etat, dans une situation économique difficile, avec une opinion divisée, qui ne comprend pas toujours leurs décisions (et c'est un euphémisme) ne gagneraient-ils pas à passer leurs vacances en France? Cela leur donnerait l'occasion de rencontrer d'autres Français que leurs collaborateurs, obligés et amis politiques. Et ce serait certainement une bonne chose qu'ils puissent, ne serait-ce qu'une fois ou deux, au détour d'une rencontre dans un restaurant, sur un marché ou une plage, dans l'atmosphère détendue des vacances, entendre une opinion dont les sondages ne donnent qu'une vision abstraite.

Imaginons qu'à l'occasion d'une promenade en montagne, Nicolas Sarkozy ait fait quelques centaines de mètres sur un sentier caillouteux avec un magistrat, n'importe quel magistrat. De quoi auraient-ils parlé? Du temps, du paysage, mais aussi de justice. Et cela aurait sans doute évité à notre Président une de ces sorties populistes qui mettent aujourd'hui toute la magistrature dans la rue. Les politiques plus que quiconque ont besoin de remettre de temps à autre les pieds sur terre. Alors qu'ils nous donnent, en prenant ainsi toutes leurs vacances à l'étranger, le sentiment de fuir, de fuir les Français au nom desquelles ils prennent des décisions.

Ils devraient, pour ce seul motif, s'imposer de prendre quand ils sont aux responsabilités, leurs vacances en France. Ce n'est pas beaucoup leur demander. Après tout, personne n'a jamais été condamné à rester ministre ou Président à vie. Il leur sera toujours temps, une fois quitté le gouvernement, de visiter de fond en comble le Maroc, la Tunisie ou l'Egypte.

mardi, février 08, 2011

Tunisie : faute de l'ambassadeur ou défaut d'expertise?


Nicolas Sarkozy a donc choisi de licencier (pardon, remplacer) Pierre Ménat, l'ambassadeur de France en Tunisie, au motif qu'il aurait mal informé l'Elysée de la situation en Tunisie (il me semble avoir lu quelque part qu'il en avait plus appris sur la situation en Tunisie en bavardant avec la jeune épouse d'Eric Besson, d'origine tunisienne, qu'en lisant les dépêches du Quai d'Orsay).

Que l'Elysée ait été mal informé, c'est une évidence. Que sanctionner l'ambassadeur soit la solution ne l'est pas forcément.

Il est possible qu'il y ait eu erreur d'appréciation de l'Ambassade. Auquel cas, la sanction se justifie. Mais il peut aussi y avoir un défaut d'expertise, ce qui est tout autre chose. Il semble que l'Ambassade ait basé ses analyses sur le satisfecit que les économistes des organisations internationales donnaient au régime en place (ouverture à la mondialisation, appel aux investissements étrangers, croissance saine) et sur ses contacts au sein d'un pouvoir aveuglé par une politique de répression qui interdit évidemment d'entendre les revendications populaires. Si c'est bien le cas, c'est moins l'ambassadeur qui est en cause que le mode d'expertise retenu pour analyser la situation : économistes internationaux et contacts avec le pouvoir ne disent pas tout. Bien au contraire, ils ont été en cette affaire aveugles à ce que géographes et démographes voyaient depuis un certain temps comme le suggèrent les travaux du CIST ou ceux de l'INED (je pense notamment à ce ceux de Kamel Kateb sur la famille au Maghreb).

Et cet aveuglement est moins affaire d'individus que d'approche conceptuelle : beaucoup d'économistes exclusivement enfermés dans leurs modèles théoriques ne paraissent pas avoir compris que la croissance économique associée au développement des inégalités conduit presque inévitablement à l'instabilité politique et sociale. Dans une démocratie, ces turbulences entraînent un changement de majorité et de politique. Dans une dictature cela conduit à la révolte et donc à la répression qui lorsqu'elle réussit n'aide pas à comprendre les attentes de la population et mène à la révolution lorsqu'elle échoue.

Si c'est, comme je le crains, le mode d'expertise qui est en cause, l'Elysée risque de se retrouver mal informé apr bien d'autres ambassadeurs dans bien d'autres pays.

Sur la situation tunisienne, les travaux du CIST et ceux de Kamel Kateb, on peut voir cette chronique : Tunisie, une jeunesse se révolte

lundi, février 07, 2011

Pitoyable Alliot-Marie

Je ne partage pas, tant s'en faut, les vues de Thierry Desjardins, même si je comprends certaines de ses colères, mais il touche ce matin dans son blog étrangement juste, il met le doigt sur un quelque chose de presque impalpable mais de tellement juste, ce qu'il appelle, dans un de ces jeux de mots que le polémiste qu'il est affectionne, la "sale gueule" de nos dirigeants.

De Michelle Alliot-Marie, pitoyable amie d'un obligé de Ben Ali, il écrit : "Avec sa fausse assurance, sa morgue méprisante, son petit coté pincé, elle était souverainement antipathique et on comprenait soudain, grâce à elle, l’une des failles du régime. Nos dirigeants actuels ne sont pas souriants, pas chaleureux, ils n’ont rien d’« humain » et tous, en effet, plutôt « une sale gueule »." (…) C’est quoi avoir « une sale gueule » ? C’est afficher, ostensiblement, jusque dans ses moindres rictus, la certitude qu’on est au pouvoir parce qu’on est le meilleur et donc qu’on a droit à ce pouvoir et c’est afficher, en même temps, le mépris total qu’on éprouve pour les autres, tous les autres, à commencer par « la populace », les journalistes, l’opposition, les élites, les moralistes qui se permettent des commentaires désobligeants." C'est cela, c'est exactement cela. C'est ce qui avait déjà entraîné la chute de Juppé, "cassant, hautain, méprisant, sûr de lui jusqu’au ridicule"(Desjardins à propos de Sarkozy mais cette description vaut également pour l'ancien premier ministre) qui valait pourtant infiniment mieux.

Il y a quelques mois Stéphane Guillon s'était attiré les pires ennuis en mettant en évidence combien Eric Besson avait un physique de traitre. On avait envie de lui dire : "Tu as tort de parler de son allure, ce n'est pas fair." Mais d'ajouter aussitôt, au moins in petto : "C'est vrai que le corps parle." C'est vrai que le sien parlait et qu'ils ont souvent nos ministres vilaine mine. Comme s'ils n'étaient pas vraiment heureux de ce qu'ils font.

PS Pitoyable Alliot-Marie? Peut-on autrement qualifier ses déclarations sur ses prochaines vacances? "Maintenant je vais être très attentive, je ne sais pas où j'irai passer mes vacances, je pense que je ne quitterai pas la Dordogne si ça continue comme ça." Qu'en pense-t-on du coté de Sarlat? et du ministère du tourisme…

jeudi, février 03, 2011

Eva Joly, la Tunisie et 1789

Dans un excellent et passionnant commentaire sur la situation égyptienne, Arthur Goldhammer soulignait hier le rôle de la mémoire dans l'interprétation des événements. Dans l'interview qu'elle vient de donner à Mediapart sur les révolutions tunisienne et égyptienne, Eva Joly apporte de l'eau à son moulin qui déclare : "La situation est incertaine et inquiétante, il n'y a rien de garanti, mais l'espoir est là. On revit l'Europe en 1989. C'est un empire qui s'effondre..." Mes interlocuteurs avaient l'impression de revivre mai 1968. Elle revit 1789. Sans doute était-elle en Norvège en 1968… Reste que sa comparaison avec 1789 est probablement plus pertinente.

Michelle Alliot-Marie ne démissionnera pas?

Michelle Alliot-Marie se débat comme un beau diable pour sortir de la nasse dans laquelle ses déclarations insensées sur l'aide policière que la France pourrait apporter au gouvernement Ben Ali l'a mise. Les révélations sur ses relations avec un cacique du régime et un milliardaire ne sont, bien sûr, qu'un détail. Sans doute a-t-elle payé le reste de son voyage et est-elle de bonne foi lorsqu'elle assure avoir profité de cet avion comme d'autres de la voiture d'un ami. Mais se rend-elle compte de l'effet délétère que cette seule information peut avoir sur l'opinion? Combien de Français ont eu l'occasion de monter dans un avion privé? combien ont rencontré un homme qui possède un? Et comment croire une seconde que cette proximité avec les gens qui ont, quoi qu'ils disent, profité du régime, n'a pas eu un impact sur son évaluation de celui-ci?

Ne serait-ce que pour cela elle aurait dû démissionner, mais nous ne sommes pas en Grande-Bretagne…

Après l'épisode Bettencourt, les amitiés de Nicolas Sarkozy avec tout ce que la société française compte d'héritiers de hau vol (Bouygues, Lagardère…) voici une nouvelle illustration de la collusion des gens au pouvoir et des plus riches. C'est du Besancenot dans le texte. 

mercredi, février 02, 2011

Une envie de Révolution?

Je ne m'autoriserai pas à dire quoi que ce soit de ce qui se passe en Egypte et en Tunisie tant mon ignorance des mouvements sociaux dans ces deux pays est abyssale mais je reste tout de même frappé par leur réception chez nous. Nous sommes heureux, et c'est bien naturel, de ces batailles pour la démocratie, nous sommes également contents, malgré les inquiétudes affichées par tant et tant d'observateurs auto-proclamés experts du monde arabe, de voir d'autres voix que celles de l'Islam radical s'exprimer dans ces pays, mais il y a plus que cela, il y a ce que j'appellerai le plaisir de la révolution. Une révolution qui ne nous coûte pas grand chose bien sûr, cela se passe si loin, mais qui nous met de bonne humeur. Est-ce que nous rêverions, comme le suggère Mélenchon, de descendre dans la rue? est-ce que nous aimerions nous aussi faire la révolution?

J'étais hier avec quelques amis qui n'ont pas tous connu mai 1968 et qui me disaient : "Enfin le retour des années 60, ce goût de la liberté, de l'audace. On en a fini, grâce aux Tunisiens et aux Egyptiens avec ces années, que dis-je ces décennies des langues de bois!"

Ils ont pris du ventre et pensent, pour certains à leur retraite et à leurs petits-enfants, mais ils en ont envie de la révolution, d'une révolution douce faite par d'autres qui prennent les risques, bien sûr… mais révolution tout de même.

Je me demande et j'aimerais qu'Arthur Goldhammer, ce si fin observateur des opinions des deux rives de l'Atlantique, nous le dise : est-ce vraiment fantaisie française ou rencontre ailleurs, chez lui aussi, cette espèce de parfum de liberté que nous apporte la jeunesse arabe?

jeudi, janvier 27, 2011

Primaires socialistes : une bonne ou une mauvaise idée?

Les socialistes commencent, nous dit-on, à s'interroger sur le bien-fondé des primaires. Certains observateurs les suivent, comme Alain Duhamel dans Libération (Parti socialiste : le piège des primaires), d'autres, à l'inverse, continuent de souligner les vertus de la démarche, comme Gérard Grunberg sur Telos (La peur des primaires gagne le PS).

A. Duhamel s'interroge sur le calendrier qui va amener le PS à écrire son programme avant d'avoir choisi son candidat : "Le projet officiel du Parti socialiste sera adopté quatre mois avant que le candidat ou la candidate ne soit définitivement investi. Or chacun sait bien, à l’expérience, que le champion ou la championne du Parti socialiste fera campagne sur ses propres thèses, ses propres choix, ses propres originalités et non pas sur ceux du projet du Parti socialiste.(…) Ainsi le projet du Parti socialiste aura-t-il servi d’épouvantail pour la droite et de cible pour les candidats socialistes à la candidature, après quoi durant la véritable campagne il sera inexorablement escamoté ou pour le moins bousculé."

G.Grunberg insiste plutôt sur les bénéfices d'une démarche innovante et démocratique : "Une véritable compétition donnera aux sympathisants le sentiment d’avoir joué un rôle réel dans la procédure de désignation et les amènera plus facilement ensuite à soutenir le candidat désigné."

Je pencherai plutôt dans le sens de Grunberg. Ces primaires et le fait que des candidats importants comme Ségolène Royal se soit d'ores et déjà lancés dans l'aventure accélère le calendrier de tout le monde, y compris celui de Nicolas Sarkozy qui sort du bois bien plus tôt que prévu. Cela modifie la nature de la critique (on devrait passer de celle de l'homme à celle de ses politiques et de son bilan) et cela retire de l'air aux rivaux de gauche dont l'espace de nuisance pourrait bien, du fait de cette compétition au sein du PS, se trouver diminuée (l'effritement d'Eva Joly dans les sondages, les faibles scores de Mélenchon en sont des indices).

Les discussions devraient, par ailleurs, amener les socialistes à couvrir plus large. Ce qui est déjà le cas, avec les propositions de François Hollande sur la fiscalité, celles de Vals sur les 35 heures…

lundi, janvier 24, 2011

La rebellion des vieillards

On les appelait vieillards, on les enfermait dans des maisons de retraite, des institutions pour alzheimer, au mieux, on leur confiait nos enfants ou petits enfants, et voilà qu'ils se rebellent, se révoltent et disent le contraire de tout ce que pensent les gens sérieux.

Ils? Mais Michel Rocard qui veut poursuivre la réduction du temps de travail, Roland Dumas et Jacques Vergés partis bras dessus bras dessous soutenir Laurent Bagbo en Côte d’Ivoire, Edgar Morin et Stéphane Hessel qui publient des livres à l'odeur de souffre et réussissent à faire assez scandale pour, comme Stephane Hessel, se faire expulser de l'Ecole Normale Supérieure.

Tous ont allègrement dépassé les 80 ans, sont en pleine forme et prennent un malin plaisir à aller à contre-courant, à faire exactement l’inverse de ce que l’on attend de personnalités de cet âge…

Vu leur âge, ils n’ont rien à perdre, plus de carrière à construire, plus d’autorité à respecter. Ils peuvent faire ce qu’ils souhaitent, comme ils souhaitent, ce qui leur donne une immense liberté, cette liberté que l’on attribue d’ordinaire aux adolescents. On découvre qu’on peut avoir la même dans la dernière partie de sa vie et que l'on peut continuer de penser au futur, même lorsque les années nous sont comptées.

Peut-être veulent-il simplement rester dans la lumière et qu’on continue de parler d’eux… Mais peut-être sont-ils aussi sérieux. En tout cas, il va nous falloir apprendre à regarder d’un nouvel oeil le grand âge et inventer de nouvelles manières de le considérer.

J’ai eu, ces derniers jours, l’impression de voir ces vieillards sortir du souterrain dans lequel on les enferme depuis si longtemps. Et je suis à peu près sûr qu’ils ne seront pas seuls, que bien d’autres suivront qui ne seront pas plus sages et conformistes que Rocard, Morin, Hessel, Dumas ou Vergés. Parce que, vous l’aurez remarqué, ils sont tout sauf cela. Je dirai même qu’il nous donnent un peu d’air frais… dans une société abrutie de langue de bois.

samedi, janvier 22, 2011

Comment donner tort à Plantu?

Depuis quelques jours Plantu et Mélenchon se chamaillent, le second reprochant vivement, dans son style qui ne fait pas dans la dentelle,  à Plantu un dessin qui le montre aux cotés de Marine Le Pen s'en prenant aux tous pourris :


Dessin simple qui dit d'un mot ce que nous sommes nombreux à penser. Et pour je crois de bons motifs. Melenchon et Le Pen ont rénové le "logiciel" de leur famille politique et ce faisant ont commencé de développer des thèmes voisins : protectionnisme, refus de l'Europe, laïcité, nationalisme, étatisme… Le contenu peut varier (la laïcité de Mélenchon n'est pas aussi directement anti-musulmane que celle de Marine Le Pen), mais le ton est étonnamment proche : gouailleur, populaire, volontiers brutal. Ce sont deux démagogues, deux bons orateurs qui visent la même cible, ce qui reste de la classe ouvrière traditionnelle, et développent la même opposition du peuple et des élites et la même détestation du parti leader dans leur camp. Le mot populisme ne leur fait d'ailleurs pas peur dans la mesure où ils y retrouvent le mot peuple.

Il est peu probable qu'ils se rapprochent tant ils viennent d'horizons éloignés. Nul ne songe d'ailleurs à imaginer que Mélenchon et Le Pen puissent un jour se retrouver sur la même estrade. Mais dans la mesure où ils s'adressent pour partie à la même clientèle, on peut s'interroger sur l'impact que la candidature de l'un peut avoir sur celle de l'autre et vice-versa.

On peut imaginer qu'ils se nourrissent mutuellement. Que des électeurs que séduisent les discours de Marine Le Pen mais qui, pour rien au monde, ne voteraient pour le Front National, trouvent refuge chez Mélenchon. Et qu'a contrario, des électeurs de gauche ou de droite se sentent plus libres de voter pour Marine Le Pen dés lors qu'elle développe des thèmes voisins de ceux de Mélenchon.

On peut également supposer que le populisme de Mélenchon ne convienne pas à tous les électeurs d'une extrême-gauche qui s'était jusqu'à présent tenue à l'écart du populisme. Je serais, par exemple, curieux de savoir ce que l'on en pense au NPA ou chez les militants du Réseau Education Sans Frontières. Il ne conviendra en tout cas pas à tous ceux qui voudront, lors des prochaines présidentielles, voter utile.

vendredi, janvier 21, 2011

Un nouveau nationalisme?

Marine Le Pen a fait de la nation et du fait national un marqueur de son discours, comme Chevènement en faisait un des mots République et républicain.

Vu l’intérêt que lui portent les médias, il n’est pas impossible que ce mot revienne régulièrement dans les débats et que les journalistes, toujours avides de questions qui mettent en défaut les politiques qu’ils interviewent ne demandent à ses adversaires de droite comme de gauche : “que faites-vous donc de la question nationale?” Dans la foulée des instituts de sondages pourraient demander aux Français ce qu’ils pensent de la Nation, s’ils y sont attachés…, ce qui reviendrait à faire de la question nationale un sujet, ce apportant ainsi de l’eau au moulin du FN.

On n’en est pas là. Mais on devine comme un frémissement. Des poissons-pilote comme Elizabeth Levy ou Alain Finkielkraut ont commencé d’évoquer l’incontournable question nationale sur des plateaux de télévision. D’autres continueront avec moins de talent. Le retour d’un concept qui paraissait démodé, dévalué et ringard intrigue. Le fiasco des débats sur l’identité nationale montre que la société française reste pour le moins prudente. Comment oublier que le patriotisme, l’amour du drapeau et des anciens combattants ont chez nous surtout rimé avec réaction, collaboration, inertie et… stupidité?

Mais peut-être serait-il plus judicieux de parler de l’émergence d’un “nouveau nationalisme”, objet insolite qui associe des éléments assez hétéroclites. J’en ai identifié quatre :

- le souverainisme à la Chevénement (ou à la Dupont-Aignan) qui s’inspire de la tradition gaulliste et valorise l’indépendance nationale,
- l’assimilation d’un peuple et d’une nation qui mobilise les défenseurs d’Israël et expliquerait que l’on trouve tant de juifs chez les avocats de ce nationalisme nouveau : celui leur permettant en effet d’affirmer tout à la fois et d’un même geste leur francité et leur défense d’Israël dans ce que la politique de ce pays peut avoir de plus contestable,
- le laïcisme intégral qui serait une spécificité française et permet d’en découdre avec l’Islam,
- un conservatisme de bon aloi qui mélange allégrement références culturelles, citations historiques et amour de la langue.

Ce nationalisme nouveau est naturellement réactionnaire, même s’il arrive qu’il soit porté par des gens qui se situent à l’extrême-gauche (je pense à Mélenchon). Il est, dit-on, populaire. J'en doute tant il me parait aveugle. La France populaire n'est pas celle des sixième et septième arrondissement. On aimerait recommander aux théoriciens et avocats de ce nouveau nationalisme de prendre plus souvent le RER. Ils verraient que la France a changé ces quarante dernières années, qu’elle ne ressemble plus du tout à celle que rêvaient Peguy ou Renan. Elle s'est enrichie de mille couleurs, de mille cultures et d'autant de langues. Elle se construit dans ces banlieues qui nous nourrissent de leurs idées, de leurs passions, de leurs inventions. 

mercredi, janvier 19, 2011

Marine Le Pen sur Antenne 2

Marine Le Pen était hier soir donc l'invitée de David Pujadas sur Antenne 2. Interview courte, rapide, qui confirme les inflexions qu'elle veut apporter au parti :
- ouverture des thématiques : les questions économiques et sociales, la notion de protection (nationale, forcément) sont ajoutées aux questions d'insécurité et d'immigration à peine abordées hier soir,
- appel à des spécialistes et experts, ce qui est une nouveauté dans un parti jusqu'alors adepte de la théorie du leader providentiel. Marine Le Pen cite même Maurice Allais, sans signaler (erreur? oubli? ignorance?) qu'il avait été prix Nobel,
- inflexion populaire : pas de baisses d'impôts pour les plus riches, sauvegarde du système de protection sociale,
- mise au rancart des plaisanteries douteuses, d'autant plus facile que la remarque paternelle était insignifiante et n'aurait probablement pas été relevée venant de quelqu'un d'autre.

Cette interview confirme également la pauvreté de son programme. Si l'on a bien compris, tous nos problèmes pourraient être résolus en 2025 (ce qui est loin et prudent) plutôt qu'en 2130 grâce au retour à la monnaie nationale (pourquoi ne pas dire le franc?), au protectionnisme et… au non remboursement de nos dettes à l'étranger (elle n'a pas dit tout à fait cela, mais c'est bien à cela que tendaient ses propositions). On n'imagine pas meilleure recette pour créer immédiatement panique bancaire, fuite massive des capitaux, effondrement de l'économie et abaissement de la nation présentée comme le rempart absolu. On dit dans la presse qu'elle a travaillé l'économie. Elle a encore de gros progrès à faire. Ses adversaires, tant de droite que de gauche devraient en profiter.

Cette interview m'a rappelé le trilemme de Dani Rodrik : on ne peut avoir à la fois démocratie, libre-échange et souveraineté nationale. Reste à savoir ce qu'in fine le Front National abandonnerait : le libre-échange ou la démocratie? Probablement la démocratie. C'est ainsi que finissent en général les démagogues.

mardi, janvier 18, 2011

L'impact Marine Le Pen

Faut-il prendre au sérieux l'inflexion stratégique que Marine Le Pen semble avoir imposé au FN? Certains en doutent : un jour d'extrême-droite, toujours d'extrême-droite. Je serais plutôt penché à penser qu'elle continuera dans ce chemin, ne serait-ce que pour satisfaire ses ambitions personnelles auxquelles je faisais allusion dans un précédent post.

Si tel est le cas, l'impact sur le reste de la vie politique à l'horizon des prochaines présidentielles risque d'être significatif tant à gauche qu'à droite.

Le tournant populiste qu'elle a donné au FN, l'accent mis sur les thématiques du protectionnisme, du nationalisme, de la laïcité (mot destiné à masquer l'anti-islamisme) devraient lui permettre de conforter sa place dans les sondages dans les mois qui viennent. A gauche, cela devrait inciter au vote utile et renforcer le candidat socialiste aux dépens de la candidate écologiste (déjà bien bas dans les sondages) donnant ainsi raison à Cohn-Bendit qui préfèrerait la négociation de sièges au Parlement à la présence à la présidentielle.

Ses thèmes populistes étant assez proches de certains de ceux développés à l'extrême-gauche (notamment sur le protectionnisme) on ne peut par ailleurs exclure un certain siphonage des voix qui se portent traditionnellement de ce coté. La mise en avant au FN de militants venus du NPA ou de l'extrême-gauche montre que cela est en tout cas une de leurs ambitions. Mais la balance devrait renforcer le poids du candidat socialiste au premier tour et lui permettre de passer en tête.

A droite, les choses sont plus compliquées, puisque le FN fait directement concurrence à l'UMP, séduit ses électeurs et risque donc de lui prendre des voix. Comme Marine Le Pen n'a aucun intérêt à ce que Nicolas Sarkozy soit reconduit dans ses fonctions, elle devrait poursuivre ses attaques contre lui, au moins tant que l'UMP refusera des alliances.

Pour ajouter à la confusion, on devrait voir émerger et se développer au sein de l'UMP des clivages :
- entre ceux qui sont ouverts à des alliances avec le FN, au moins au plan local, et ceux qui s'y refusent (aujourd'hui, officiellement, la majorité, mais pour combien de temps?),
- entre ceux qui souhaitent infléchir le programme de l'UMP dans le sens du FN en développant des thématiques sécuritaires, identitaires mais aussi et surtout protectionnistes et nationalistes et ceux qui s'y refusent obstinément,  division entre la France qui souffre des délocalisations et n'a que faire du commerce extérieur et celle des grands groupes internationaux qui aurait tout à perdre à l'application du programme du FN (abandon de l'euro, réintroduction de taxes douanières…).

Sachant qu'il a été élu grâce à son succès chez les électeurs du Front National, Nicolas Sarkozy pourrait être tenté d'aller une nouvelle fois sur les terres de sa rivale. Mais c'est doublement risqué :
- il risque de s'aliéner toute la partie centriste de son électorat qu'il a fortement déçue et qui n'a apprécié ni son style ni sa manière de gouverner ni ses dérives anti-roms…
- il lui sera difficile de l'emporter contre une démagogue qui ne s'étant jamais frottée à l'exercice du pouvoir aura beau jeu de lui renvoyer les résultats de sa politique que ce soit en matière de sécurité, d'emploi ou de réforme.

Confronté à la démagogie d'une Marine Le Pen qui ne manquera pas de faire feu de tout bois, il aurait sans doute intérêt à s'appuyer sur les socialistes, à engager avec eux des débats solides, sérieux, à l'image de ce qu'avaient fait autrefois Mendés-France et Michel Debré, débats qui rendent à la politique sa noblesse et montrent aux électeurs la complexité des dossiers à traiter. Il en a les capacités et pourrait trouver en Aubry, Strauss-Khan ou Hollande des adversaires disposés à jouer le jeu. Il n'est pas sûr qu'il en ait l'envie.

lundi, janvier 17, 2011

Marine Le Pen sera un jour ministre

Il y a entre Marine Le Pen et son père une différence de fond : elle a envie de devenir ministre, il se plaisait dans l'opposition. Il venait d'une extrême-droite plusieurs fois battue à plate couture, infréquentable parce qu'antisémite et collaboratrice qui a longtemps vécu dans la semi-clandestinité. D'où ses plaisanteries aux allures de provocation qui donnaient à ses partisans la possibilité de se retrouver à mi-mot. On pourrait résumer la "mission" historique qu'il s'était donnée ainsi : faire sortir l'extrême-droite du souterrain. Mission accomplie. Elle vient d'une extrême-droite qui tient, depuis des années, boutique, qui a gagné des villes et qui est même arrivée au second tour des présidentielles. Cela change tout. Elle peut rêver accéder un jour au pouvoir et faire en sorte d'y arriver.

Cela prendra un peu de temps, il y a peu de chance qu'elle y arrive seule, mais la mutation du programme du FN, l'abandon des thématiques d'extrême-droite les plus insupportables, l'antisémitisme, la critique de la démocratie, devraient lui permettre de consolider ses positions électorales au point de devenir incontournable à droite. Les pressions pour des alliances, locales, régionales et, sans doute demain, nationales seront de plus en plus fortes. Elles s'expriment déjà dans les départements où le FN obtient ses meilleurs résultats.

Signe qui ne trompe pas : ses thèmes sont repris, développés, habillés de propre et banalisés par des intellectuels médiatiques qui sont pourtant loin de partager toutes ses idées. Je pense à Eric Zemour, à Elizabeth Levy mais aussi, à l'occasion, à Alain Finkielkraut qui déclarait (c'était en 2007) dans le journal danois Weekendavisen : “the lofty idea of ‘the war on racism’ is gradually turning into a hideously false ideology. And this anti-racism will be for the 21st century what communism was for the 20th century : A source of violence.” Ou encore, toujours dans la même interview : "When an Arab torches a school, it's rebellion. When a white guy does it, it's fascism. I'm `color blind.' Evil is evil, no matter what color it is." Ce pourrait être du Marine Le Pen dans le texte.

Le fait que ces intellectuels soient juifs et souvent soutiens inconditionnels d'Israel souligne l'importance du déplacement des idéologies qu'illustre bien cet extrait d'un reportage d'Elizabeth Levy sur la réunion qu'a organisée il y a quelques semaines Riposte Laïque : "Fabrice Robert, le président du Bloc identitaire, co-organisateur des festivités avec « Riposte laïque » a un discours assez raisonnable. S’il reconnaît avoir été violemment antisioniste, il prétend être aujourd’hui villipendé par la presse d’extrême droite comme suppôt d’Israël."

Si elle manoeuvre bien, mais elle semble habile, Marine Le Pen peut se construire un avenir à la Fini. Cela prendra un peu de temps, il lui faudra se rendre indispensable à la droite, forcer celle-ci à accepter des alliances et poursuivre plus avant la mutation du FN, ce que ses succès électoraux devraient faciliter (l'odeur du pouvoir incite en général au compromis). L'un de ses premiers actes pourrait être, une fois obtenue de bons résultats aux prochaines présidentielles, de proposer au candidat Sarkozy de le soutenir au second tour. Cela ne le fera pas forcément réélire mais cela modifiera les rapports de force au sein de la droite.

samedi, janvier 15, 2011

Goujaterie

Voila que la France ajoute la goujaterie à la bêtise. Après avoir proposé à Ben Ali les services de notre police voilà que on refuse de le recevoir. Et pourquoi? Officiellement, pour ne pas choquer la communauté tunisienne en France? L'argument est pitoyable. Non seulement, on ne s'est pas préoccupé une seconde de son opinion lorsqu'on a proposé l'aide de nos aimables CRS au gouvernement tunisien, mais on donne le sentiment d'avoir peur de ses réactions. Comme si les Tunisiens installés de ce coté-ci de la Méditerranée avaient l'intention de mettre la France à feu et à sang. C'est nous prendre et les prendre pour des imbéciles. C'est, plus encore, envoyer un drôle de signal à tous ces dictateurs que nous soutenons depuis des années. S'ils l'ignoraient, ils savent aujourd'hui ce que vaut notre soutien : celui de la corde au pendu.

Il était facile d'expliquer que l'on recevait Ben Ali pour le sortir du jeu et aider les Tunisiens à résoudre ensemble leurs problèmes de manière démocratique. Cela nous aurait évité le ridicule et envoyé un message simple à tous les dictateurs : si votre peuple se rebelle, inutile de vous accrocher à votre poste, d'envoyer vos mercenaires tirer dans la foule, vous pourrez toujours trouver un refuge.

La morale de tout cela : notre diplomatie est en lambeaux. Kouchner s'est révélé une catastrophe et Alliot-Marie que l'on croyait plus astucieuse est partie pour faire pire.

mercredi, janvier 12, 2011

Front National : le faux-pas de Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy pensait urgent de récupérer l'électorat du Front National. D'où le ministère de l'identité nationale et la multiplication de ces dérives sécuritaires de ces derniers mois. Il se retrouve avec des sondages qui confirment la montée des idées du FN à droite dans son électorat : "32 % des sympathisants UMP se déclarent en accord avec les idées du Front national."C'est 12 points de plus que l'année dernière", relève Edouard Lecerf, directeur général de TNS-Sofres. (Le Monde : Le FN séduit de plus en plus les sympathisants de la droite classique)

Surprenant? Non, si l'on songe que Nicolas Sarkozy, a repris et banalisé, les thèmes du Front National alors que celui-ci se modernisait, renouvelait son discours politique (dorénavant axé sur le protectionnisme et la lutte contre l'Islam au nom de la laïcité) et le débarrassait des oripeaux fascistes et antisémites qui le rendait infréquentable. Si le Front National était resté celui de Jean-Marie Le Pen, il aurait pu réussir son coup, mais voilà, le père aux allures de putschiste a cédé la place à une jeune femme  qui a tout d'une patronne de PME dynamique. Elle ne respire pas la haine et ne fait donc vraiment peur à personne. Disons que tout comme nos généraux avaient la bonne habitude de se préparer pour la dernière guerre, Nicolas Sarkozy s'est trompé d'adversaire : il n'a pas vu changer le Front National et cela risque de lui coûter cher.

On a accusé François Mitterrand d'avoir instrumentalisé le Front National pour casser la droite (en agitant notamment le chiffon rouge de la participation des imigrés aux élections locales). On pourra, demain, reprocher à Nicolas Sarkozy d'en avoir fait une force populiste avec laquelle la droite devra compter. Surtout si le FN réussit, comme ce sera probablement le cas dans un certain nombre de régions, à transformer ces bons sondages en résultats électoraux lors des prochaines échéances électorales.

Des alliances au niveau national sont improbables dans l'immédiat, mais les tensions seront fortes sur le terrain pour aller vers alliances locales, surtout si la gauche obtient de bons résultats et menace d'emporter en mars prochain un grand nombre de cantons. Les dirigeants de l'UMP seront d'autant plus enclins à laisser faire qu'il ne leur sera pas facile d'imposer leur volonté à des militants et élus qui peuvent espérer passer des accords avec des adversaires de droite en catimini. On peut déjà imaginer les régions de plus forte tension : le Sud-Est, où la droite est depuis le plus longtemps sensible aux sirènes de l'extrême-droite, et le Nord-Ouest où le FN a su conquérir un électorat ouvrier désespéré par des années de crise.

Michelle Alliot-Marie est-elle folle?

Michele Alliot-Marie est-elle devenue folle? Voilà qu'elle propose l'aide de la police française pour réprimer les manifestations en Tunisie!




A-t-elle oublié que nous avons longtemps été la puissance coloniale et que les Tunisiens n'ont pas forcément le meilleur souvenir du "savoir-faire de  nos forces de sécurité"? A-t-elle une seconde imaginé l'impact que pourrait avoir la présence de nos CRS à Tunis sur nos relations avec l'Algérie ou le Maroc? Dès qu'ils sont en difficultés les dirigeants de l'Algérie agitent une rhétorique anti-française? Envoyer des policiers (et pourquoi pas d'un corps expéditionnaire?) serait leur donner raison. S'est-elle un instant interrogé sur l'impact que pouvait avoir pareille proposition sur les Tunisiens, Marocains, Algériens installés en France qui, malgré toutes les difficultés qu'ils y rencontrent, apprécient de ne plus vivre dans des Etats policiers? Cette proposition n'est pas simplement absurde, elle est dangereuse.

mardi, janvier 11, 2011

Hortefeux, les abattoirs et les musulmans

C'est une histoire édifiante que nous a racontée ce matin Jean-Claude Nouët, le Président de la Fondation Droit animal, éthique et sciences.

D'après une enquête de l'OABA 28% des gros bovins, 43% des veaux et 62% des ovins-caprins sont en France abattus sans être au préalable étourdis alors même que la loi impose cet étourdissement depuis plus de trente ans et n'accorde de dérogation qu'aux abattages rituels pour les viandes cacher et halal.

Toute cette viande n'est évidemment pas consommée par des musulmans ou juifs particulièrement pieux.
En fait, les abattoirs profitent de la dérogation pour raccourcir leur processus de production au risque de faire souffrir les animaux pendant de longues minutes (un bovin égorgé peut, d'après Jean-Claude Nouët, rester conscient jusqu'à 14 minutes avant de mourir). La situation est intolérable pour tous ceux qui sont sensibles aux souffrances des animaux. Loin d'être des ayatollah de la défense des droits des animaux, ils demandent seulement que la méthode d'abattage utilisée soit indiquée sur les étiquettes de viandes de boucherie. Ce qui parait de bon sens, ne devrait gêner personne et pourrait inciter les abattoirs à faire preuve de plus de respect pour les animaux qu'ils abattent. Le sujet est abordé à Bruxelles. Principal opposant : le ministre de l'intérieur (et des cultes) Brice Hortefeux : "je m'y oppose formellement, pas question d'inquiéter la population musulmane!"

Venant d'un ministre de l'intérieur condamné pour injure raciale, cette "délicatesse" laisse rêveur. D'autant plus que l'on ne voit pas bien pourquoi les musulmans seraient choqués : bien au contraire, un étiquetage obligatoire offrirait une garantie à ceux qui ne veulent manger que de la viande abattue selon les rites. Mais voilà : l'Islam a donné lieu à tant de dérapages que l'on n'ose plus prendre des mesures de bon sens dès lors qu'elles pourraient être mal interprétées. Les dérapages à la Hortefeux ont des conséquences inattendues. Dommage pour ces animaux et pour les consommateurs qui préféreraient que les animaux dont ils mangent la viande ne souffrent pas trop.

dimanche, janvier 09, 2011

Si lointaine Amérique…

Les Etats-Unis nous semblent parfois si lointains… Qui pourrait, en France, dire : "The average IQ of Americans is lower (que celui des pays asiatiques) because of our large black and Hispanic populations, which have lower average IQs than whites and Asians."? Le Pen peut-être.

Or l'auteur de cette phrase n'est ni un bloggeur extrémiste ni un membre du tea party. C'est un intellectuel de haut-vol, un juriste et économiste de grande réputation, l'un des acteurs intellectuels du tournant conservateur de la politique américaine (il est de ceux qui ont le plus contribué à déconsidérer les lois antitrust) : Richard Posner.

Cette phrase apparait dans le blog qu'il partage avec un autre intellectuel conservateur de haut-vol, GaryBecker, prix Nobel d'économie 1992. Ils y bavardent, y échangent des idées et commentent l'actualité. Leur thème est, cette fois-ci, la dernière livraison de l'enquête Pisa (Program for International Student Assessment) qui compare les performances des étudiants dans le monde et classe, une nouvelle fois, les Etats-Unis loin derrière la Corée, la Finlande, le Canada ou le Japon. Tous deux tentent d'expliquer ces écarts. Becker explique que le système scolaire américain met en avant la créativité des enfants, ce qui contribue à faire des Etats-Unis un pays qui innove beaucoup mais n'aide pas à avoir de bons résultats dans ce type de test. Richard Posner met, lui en avant, le QI. QI et résultats scolaires sont, dit-il en substance, corrélés. Si les Etats-Unis ont des résultats médiocres, c'est qu'ils ont une populations hétérogène, avec des minorités importantes, noires et hispaniques, qui ont un QI relativement faible, ce qui fait diminuer la moyenne.

Il appuie sa démonstration sur les travaux de Richard Lynn and Tatu Vanhanen, les auteurs d'une très controversée comparaison internationale des QI : IQ and Global Inequality.

Richard Posner prend naturellement de nombreuses précautions. "IQ is understood to reflect both genetic endowment and environmental factors, particularly factors operative very early in a child’s life, including prenatal care, maternal health, the educational level of the parents, family stability, and poverty (all these are correlated, and could of course reflect low IQs of parents as well as causing low IQs in their children)." Et il semble en conclure à l'instar de James Heckman, un économiste spécialiste de ces questions, qu'il  faudrait que les enfants des familles au QI faible soient au plus tôt pris en charge par la collectivité. Ce n'est donc pas un raciste comme le serait probablement le français qui prononcerait la même phrase. Mais à aucun moment, il ne s'interroge sur la validité du QI et de la classification ethnique de la population.

Que mesure effectivement ce test? Et comment le mesure-t-il? Comment sont acquises les compétences qui font les bons scores dans les tests d'intelligence (quel est, par exemple, le rôle de la lecture précoce dans le développement du QI, question que se pose Keith E. Stanovich de l'Université de Toronto?) Est-ce que cela a le moindre sens de distinguer les noirs des hispaniques? les juifs des non-juifs? alors même que les populations se sont depuis des siècles mêlées? Que valent ces catégories ethniques? comment sont-elles élaborées? Qu'en est-il de la variance du QI dans ces différentes catégories?… Il ne se pose aucune de ces questions qui nous viennent naturellement à l'esprit. Les dernières étant sans doute celles qui nous distinguent le plus des Américains. Nous nous méfions comme de la peste des catégories ethniques. Pour des raisons idéologiques (crainte du racisme et du biologisme), mais aussi épistémologiques (que valent ces classements? Où mettre un métis, du coté de son père ou de sa mère?). Ils font partie de la boite à outils des intellectuels américains qui n'y voient pas malice au risque de raisonner de travers.

vendredi, janvier 07, 2011

Christan Jacob veut en finir avec les contrats à vie des fonctionnaires

C'est Libération qui nous l'apprend : Christian Jacob, Président du groupe UMP à l'Assemblée, veut remettre en cause l'embauche à vie des fonctionnaires."Lorsque j’étais ministre, j’en avais parlé de manière informelle avec les syndicats. L’accueil avait été frais, mais il ne faut pas s’interdire d’en débattre. Comme il ne faut pas s’interdire non plus de réfléchir à la pertinence de l’embauche à vie des fonctionnaires." Drôle de proposition qui devrait combler d'aise le candidat naturel de la droite aux prochaines présidentielles.

Mais au delà de ce qui n'est peut-être qu'une provocation (ou, plus simplement, une nouvelle expression de ce fonctionnaire-bashing dont la droite est si friande), on ne peut que s'interroger sur la manière de raisonner. Jacob confond le statut et la mobilité des fonctionnaires, vrai problème qui mériterait d'être traité. Et qui devrait commencer de l'être au sein même de la fonction publique, ce qui n'est pas aujourd'hui, malgré quelques efforts, le cas, chaque administration, chaque corps défendant becs et ongles ses compétences, se prérogatives et avantages… Essayez donc de devenir prof lorsque vous avez commencé votre carrière au ministère de l'intérieur ou de la justice! Ou, plus simplement, d'entrer dans la fonction publique d'Etat lorsque vous avez commencé votre carrière dans la fonction publique territoriale. C'est un véritable parcours d'obstacles auquel tout concourt : diplômes demandés, horaires, règles diverses, rémunérations, primes…

Pour ce qui est du statut, on aimerait recommander à Jacob d'aller voir du coté des pays qui ont abandonné l'embauche à vie des fonctionnaires, qui ont mis en place ces contrats d'objectifs dont il parle. Il y apprendrait que cela n'a concerné que les cadres dirigeants et que cela s'est immédiatement traduit par une hausse significative des rémunérations pour des performances au mieux équivalentes. Et pour cause : l'embauche à vie a une valeur pour les fonctionnaires qui en bénéficient. Et ils acceptent de la payer en ayant une rémunération plus faible. Si l'on veut voir exploser les rémunérations des hauts-fonctionnaires il suffit de suivre les conseils de Christian Jacob et de fixer leurs salaires en fonction des prix du marché. Pourquoi un directeur de ministère gagnerait-il moins que le directeur général d'une grande entreprise?

jeudi, janvier 06, 2011

De nouveau les 35 heures…

Les dernières déclarations de Manuel Valls sur les 35 heures sont désolantes à plus d’un titre. Elles montrent une nouvelle fois :
- que le débat tourne autour d’idées fausses,
- que les socialistes n’ont jamais su ni voulu développer un argumentaire solide en faveur de la réduction du temps de travail,
- que le bilan de celle-ci n’a jamais vraiment été fait.

Commençons par deux idées fausses :
- on confond presque systématiquement 35 heures et réduction de la durée réelle du travail. Ce sont deux choses différentes. Les 35 heures sont une durée légale qui ne concernait pas, d’ailleurs, au début les petites entreprises. Les salariés travaillent en moyenne bien plus que 35 heures, mais la rémunération des heures travaillées au delà est majorée. Ce qui n’est évidemment pas la même chose. Du reste toutes les statistiques européennes l’indiquent, les Français ne travaillent pas moins que les autres européens (ils travaillent en moyenne 37,9 heures hebdomadaire, contre 37,4 heures en moyenne en Europe). Si les entreprises avaient vraiment souffert de cette réduction du temps de travail, elles auraient tout fait pour récupérer les heures perdues. Elles auraient, par exemple, réduit la formation permanente dont chacun sait bien qu’elle est le plus souvent inutile. Elles ne l’ont pas fait. Et elles ne l'ont pas fait parce qu'elles n'en avaient pas besoin : les marges de gain de productivité étaient dans la plupart des entreprises suffisantes pour compenser les heures éventuellement perdues ;
- on associe 35 heures et augmentation des coûts salariaux. Là encore on commet une erreur. Le passage aux 35 heures s’est accompagné d’une baisse des cotisations sociales. Comme l’écrivent les auteurs du Rapport à la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale en 2009, “A partir de 1993, les divers dispositifs d’allégements de cotisations ont en effet compensé en partie l’augmentation des salaires, neutralisé le choc des 35 heures, et ralenti la progression du coût du travail.”  On pourrait même a contrario dire que la mesure a freiné les hausses de salaires à une époque où, du fait du recul du chômage, ceux-ci auraient pu augmenter.

Au vu de ces réalités, on pourrait assez justement se demander pourquoi les 35 heures continuent de susciter autant de contestation. La raison en est pour une part idéologique et politique, mais il y a, je crois, autre chose : les 35 heures se sont révélées un véritable casse-tête pour les entreprises, pour leur management et pas seulement pour leurs directions (je dirai même que les directions générales ont souvent mieux pris la mesure que le management intermédiaire). Ces difficultés ont été aggravées dans les services publics, notamment l'hôpital, qui étaient, par ailleurs, confrontés à des réductions de budget.

Les socialistes avaient avec cette loi une double ambition :
- créer de l’emploi et s’ils n’ont pas atteint leur objectif (700 000 créations d’emplois) on ne peut pas non plus dire qu’ils aient complètement échoué puisqu’il y a eu entre 300 et 400 000 créations d’emplois ;
- amener les entreprises à développer un emploi durable et ceci en internalisant la flexibilité : les différents aménagements au code du travail qui ont accompagné les lois sur les 35 heures devaient donner aux entreprises la possibilité d’introduire de la flexibilité sans pour autant augmenter la précarité (sous forme d’intérim ou de sous-traitance). Or, cet objectif s’est révélé très difficile à mettre en place. Sur le papier il est facile et astucieux de faire varier les horaires des salariés en fonction de la charge de travail. Dans la réalité, c’est, dans la plupart des métiers, très compliqué : les entreprises savent rarement anticiper leur charge de travail plusieurs mois à l’avance. Quant aux salariés, ils ne veulent certainement pas organiser leur vie en fonction de la charge de travail de leur employeur : qui a envie de partir en vacances au mois de novembre?

Quand on regarde dans le détail la loi et les possibilités qu’elle offrait aux entreprises on s’aperçoit que la plupart n’en ont pas tiré pleinement parti. Je ne prendrai qu’un exemple : la loi permettait aux entreprises de négocier une transformation profonde de la formation permanente. Il était possible de demander aux salariés de prendre des jours de formation sur leurs périodes de congé. Combien d’entreprises ont utilisé cette solution pour améliorer leur capital humain?

Mais le plus désolant est sans doute que les socialistes n’aient pas su développer un argumentaire économique convaincant. C’était pourtant possible. Il leur aurait suffi de regarder ce qui s’est effectivement produit dans les premiers mois. La loi demandait aux entreprises de réduire de 10% le temps de travail (passer de 39 à 35 heures) mais leur imposait, pour obtenir les baisses de cotisation sociale, d’augmenter de 6% leurs effectifs. Qu’ont fait celles qui ont joué le jeu? Elles ont recruté, investi dans la modernisation de leurs installations et fait évoluer leur organisation. Cette loi, dans ses premiers mois, contribué à la croissance en mettant en branle simultanément ses deux moteurs : la consommation des ménages (par la création d’emplois) et l’investissement.

Si les socialistes n'ont pas su mieux défendre cette loi c'est qu'ils n'ont, dans leurs profondeurs, probablement jamais vraiment cru aux 35 heures. Les déclarations de Valls ne font que le confirmer.

vendredi, décembre 24, 2010

Hortfeux porte plainte contre indymedia

Brice Hortefeux, le ministre que la justice a condamné pour racisme et atteinte à la présomption d'innocence, l'inénarrable inventeur de la présomption de culpabilité, veut, à la demande des syndicats de police, poursuivre en justice indymedia paris un site internet qui publie des photos de policiers en civil. Et ceci quelques jours seulement après que les mêmes syndicats (et le même ministre) aient toléré une manifestation de policiers protestant la condamnation de collègues qui avaient menti, commis des faux au risque d'envoyer en perpétuité en prison un innocent pour des faits commis par l'un des leurs. Ce qui pourrait donner quelques arguments à ceux qui veulent instaurer un contrôle citoyen sur la police.

Ce n'est pas la première fois que Hortefeux s'en prend à ce site si j'en crois cet article publié le 26 juillet dernier dans 20 minutes. Le même jour, il avait également annoncé qu'il porterait plainte contre deux entreprises spécialisés dans la volaille qui avaient joué avec le mot poulet. Le bruit fait autour de cette dernière plainte, l'oubli dans lequel était tombée celle de juillet fait penser qu'il pourrait ne s'agir que d'effets de manche, bien dans la manière de ce ministre dont le bilan en matière de sécurité n'est pas des plus glorieux.

Je ne connaissais pas Indymedia. Je suis allé le visiter. Il est vrai qu'il est vigoureusement engagé contre la loi Lopsi 2 et qu'il dénonce les violences policières. J'y ai trouvé quelques photos présentées comme de policiers mais aussi toute une série d'articles qui présentent les techniques de copwatch (de surveillance des policiers) inventées aux Etats-Unis il y a une quinzaine d'années. On comprend la colère des policiers, il est certainement très désagréable de se voir ainsi dénoncé, mais on aimerait qu'ils soient aussi en colère lorsque leurs collègues usent et abusent de leur pouvoir.

Indymedia.Paris est l'antenne française d'une organisation de presse alternative internationale : L'independent Media center qui a des antennes aux Etats-Unis, en Irlande, en Grèce, au Mexique, en Belgique… créé il y a une dizaine d'années il fonctionne de manière ouverte ("open publishing"), ce qui veut dire sans contrôle éditorial, d'où des dérives. Il publie de nombreuses informations de groupes contestataires de toutes sortes, souvent passionnantes et c'est certainement un excellent observatoire du radicalisme, mais il semble qu'il ne vérifie pas toujours l'exactitude des informations. D'où la présence sur ce site d'articles qui utilisent un vocabulaire pour le moins contestable (comme Zionazis pour décrire l'armée israélienne) et font circuler des thèses qui relèvent plus de la paranoïa que de l'exactitude journalistique.

Pour ce qui est de la police, il est vrai qu'elle n'est pas ménagée et que certains des textes paraissent plus inspirés par la colère que par la raison et le bon sens comme celui-ci : "Nous souhaitons apporter quelques précisions à ce travail de fond sur la police nationale. Depuis toujours la hiérarchie policière a tout fait pour montrer une bonne image d’elle même. Nous souhaitons montrer SON vrai visage, celui que la presse, volontairement, ne montre jamais. Oui la police nationale est une milice digne de celle de Joseph Darnand et alliance vire de plus en plus vers le FPIP (syndicat d’extrême droite de la police nationale). Lorsque celle ci tabasse des lycéens à coup de flashball…" Mais le web est plein de textes de ce tonneau qui ne méritent certainement pas des poursuites. 

Ces poursuites judiciaires sont évidemment destinées à calmer la grogne des policiers qui ne se sentent plus les privilégiés du régime mais elles posent un double problème :
- celui de la légitimité d'un contrôle citoyen de la police lorsque les institutions en charge de ce contrôle se révèlent défaillantes : pourquoi interdire aux citoyens victimes de violences policières de les dénoncer quand on sait que les policiers serrent systématiquement les rangs autour de leurs collègues coupables de ces mêmes violences?
- celui de la possibilité même d'interdire ce contrôle quand tous les citoyens sont équipés de matériel d'enregistrement, smartphones qui prennent des photos, filment et enregistrent et qu'ils ont tout à fait le droit de les utiliser sur la voie publique, comme le rappelait la commission de déontologie : "les journalistes et particuliers ont le droit de photographier et de diffuser des photos des forces de l’ordre si elles ne portent pas atteinte à la liberté de la personne ou au secret de l’instruction. Ces mêmes forces de l’ordre ne peuvent pas s’opposer à l’enregistrement de leur image ni confisquer les appareils ayant servi à cet enregistrement. Les seules exceptions sont les forces de l’ordre affectées dans des services d’intervention (Raid, GIGN, GIPN, BRI, sécurité du Président…), à la lutte anti-terrorisme ou au contre-espionnage, en vertu de l’arrêté du 27 juin 2008."

jeudi, décembre 23, 2010

Un nouveau scandale pour Nicolas Sarkozy : l'affaire Servier

Après l'affaire Bettencourt (qui, il est vrai, ne le mettait que très indirectement et sans doute de manière injuste en cause ) et l'affaire Karachi (qui, pour le coup, le mettait au centre des interrogations), voici l'affaire Servier qui met de nouveau en première ligne Nicolas Sarkozy puisqu'il a longtemps été l'avocat du groupe et qu'il s'est à plusieurs reprises présenté comme l'ami personnel de son fondateur. Comme dans l'affaire Karachi, il y a mort d'hommes.

J'imagine que dans les jours et semaines qui viennent, journalistes, inspecteurs de l'IGAS et juges vont mettre à jour les relations étroites que Nicolas Sarkozy a entretenus avec les acteurs de ce drame. Cela n'en fait évidemment pas un coupable, pas même un responsable de ce qui s'est produit. Reste que son nom va être une nouvelle fois associé à une vilaine affaire qui n'est plus, cette fois-ci, politique.

Même s'il a été dans cette dernière affaire absolument impeccable (je n'imagine pas d'autre hypothèse), cela fait beaucoup et amène à s'interroger moins sur sa personne que sur la confusion des genres qu'autorisent les doubles carrières. Avocat d'affaires réputé et homme politique ambitieux, cela ne fait pas un bon cocktail, pas plus que trésorier d'un parti politique (Woerth) ou animateur d'une campagne présidentielle et ministre du budget.

Ne serait-ce que pour éviter d'être accusé, l'ex-avocat du groupe Servier qu'est Nicolas Sarkozy peut être tenté de détourner l'attention de l'opinion et la porter du coupable (le laboratoire) vers l'administration. C'est exactement le tour de magicien qu'il est en train de jouer. Je ne suis pas sûr que la vérité ait grand chose à gagner à ces tours de passe passe. Et comme il y a mort d'hommes, on peut penser que les victimes et leur famille ne lâcheront pas le morceau. Sa campagne présidentielle commence sous de drôles d'auspices.

lundi, décembre 20, 2010

La neige, révélateur…

J'ai passé hier quatre heures à Londres à attendre pour prendre un Eurostar qui n'avait plus rien d'un train à grande vitesse. J'ai passé la semaine dernière trois heures dans des trains, des autobus pour aller d'Haarlem à Amsterdam (20 kilomètres). Une neige, deux pays, mais bien des similitudes. Dans les deux cas, j'ai observé :
- le même manque crucial d'informations, le pompon allant aux chemins de fer néerlandais dont les écrans continuaient d'afficher des trains alors que ceux-ci ne partaient plus depuis une bonne heure. Au moins Eurostar parle à Londres deux langues mais son français est à peu près incompréhensible,
- le manque criant voire l'absence de personnel : je n'ai pas vu un seul agent dans les gares d'Amsterdam et d'Haarlem ; à Londres, il n'y avait que des agents de sécurité débordés et des policiers,
- l'absence totale de coordination entre les différents opérateurs. A Londres, la queue était remplie de gens qui avaient manqué leur avion, qui n'avaient pas de billets : ils se sont faits refouler après plusieurs heures d'attente,
- l'inanité des services internet dont les messages lénifiants n'incitaient pas à retarder son départ,
- l'indifférence au confort des passagers : est-il donc si difficile d'offrir une tasse thé ou de café à des gens qui attendent dans le froid?
- le respect scrupuleux des règles tarifaires : des enfants pouvaient se geler dans la queue, pas question de leur permettre d'emprunter le couloir réservé aux premières classes.

PS. Oh J'oubliais : le train Londres Paris n'était pas plein. Il y avait quelques places vides (sans doute des places réservées pour des voyageurs qui devaient monter à Asford et qui ont au dernier moment annulé leur départ).

dimanche, décembre 19, 2010

Neige : qui fait pire?

J'étais il y a dix jours à Amsterdam pendant une tempête de neige : ville bloquée, plus de trains, personne dans les rues pour nettoyer pendant plusieurs jours, quatre heures pour rentrer d'Haarlem, d'ordinaire à vingt minutes. Les jours qui suivent, c'est au tour de Paris et de l'Ile de France d'être bloqués. C'est depuis hier Londres dont on ne sale pas, me dit-on, les rues faute de... sel. Plus d'avions, trains immobilisés par quelques centimètres de poudreuse. On savait que l'Europe allait mal, mais à ce point!

Ce qui, au delà de ces difficultés frappe est la différence des réactions. A Paris, les difficultés de circulation ont presque créé une crise politique, à Amsterdam, on sortait les luges et on continuait de circuler à bicyclettes comme si l'atonie des services publics était un fait de la vie, à Londres, chacun prend son mal en patience, radios et télévisions invitent à rester chez soi tout en s'inquiétant de l'impact de cette neige sur le chiffre d'affaires des commerces en cette veille de Noël. Il est vrai qu'on y a d'autres soucis, comme la prochaine hausse de la TVA et ces chiffres sur la pauvreté sortis en même temps que la tempête de neige (on est passé de 1,3 à 3,6 millions de pauvres en quelques mois).

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samedi, décembre 18, 2010

Hortefeux : un ministre du désordre

Condamné une première pour racisme, une seconde fois pour atteinte à la présomption d'innocence, cela fait beaucoup pour un ministre de l'intérieur, beaucoup trop pour le patron d'une administration qui, plus que toute autre, du fait même de ses activités court le risque du racisme (il commence avec le simple délit de faciès) et de l'oubli de la présomption d'innocence. On ne saurait avoir une bonne police avec pareil individu à sa tête. Hortefeux doit démissionner ou plutôt être licencié pour ce que l'on appellerait dans le monde du travail une faute professionnelle lourde.


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jeudi, décembre 16, 2010

Fillon, Hortefeux et la rhétorique

On se demande parfois pourquoi François Fillon est plus populaire que Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux et alii. C'est peut-être, tout simplement, qu'il a mieux compris les principes de la rhétorique classique, cet art de l'éloquence politique dont la première règle était, selon les anciens, la "captatio benevolentiae", gagner la confiance des auditeurs. C'est ce qu'il a fait à deux reprises cette semaine en disant tout simplement la vérité : les comportements des policiers condamnés étaient inexcusable, la gestion des chutes de neige a été calamiteuse. On éprouve spontanément plus de sympathie et de confiance pour celui qui dit tout simplement la vérité qui pour celui qui à force de mentir nous prend, comme fit à plusieurs reprises ces derniers jours Hortefeux, pour des imbéciles. Ce n'est pas grand chose, cela ne veut pas dire qu'on partage plus ses opinions, mais cela suffit…

lundi, décembre 13, 2010

L'Amérique, la France les immigrés

Wikileaks a publié un rapport secret de l'Ambassades Etats-Unis à Paris qui donne une image de l'action des Etats-Unis en Europe à des lieues de celle que véhicule depuis cinquante ans l'anti-américanisme. Bien loin d'être l'allié de la droite la plus bornée, l'ambassade américaine s'inquiète des difficultés de la société française à intégrer les immigrés. Elle y voit une des sources des tensions à venir et veut aider à les éviter. Ingérence dans les affaires françaises, il y a certainement, mais là où on ne l'attendait pas même si quelques articles publiés dans la presse il y a quelques mois (comme ici ou ), articles sans doute soufflés aux journalistes par l'Ambassade, nous avaient prévenus. Mais voici quelques extraits d'un câble rédigé en janvier dernier qui éclairent cette politique :

-"We believe that if France, over the long run, does not successfully increase opportunity and provide genuine political representation for its minority populations, France could become a weaker, more divided country, perhaps more crisis-prone and inward-looking, and consequently a less capable ally. To support French efforts to provide equal opportunity for minority populations, we will engage in positive discourse to set a strong example; implement an aggressive youth outreach strategy; encourage moderate voices; propagate best practices; and deepen our understanding of the underlying causes of inequality in France. We will also integrate the efforts of various Embassy sections, target influential leaders among our primary audiences, and evaluate both tangible and intangible indicators of the success of our
strategy."

- "The National Assembly, among its 577 deputies, has a single black member from metropolitan France (excluding its island territories), but does not have any elected representatives of Muslim or Arab extraction, though this minority group alone represents approximately 10 percent of the population. The Senate has two Muslim Senators (out of 343), but no black representatives and only a few Senators hail from other ethnic or religious minorities. (…) none of France's approximately 180 Ambassadors is black, and only one is of North African descent. Despite Sarkozy's appointment of leaders such as Rachida Dati, Fidela Amara and Rama Yade, minorities continue to confront a very thick glass ceiling in France's public institutions."

Cet intérêt n'est sans doute pas innocent. Les Etats-Unis sont engagés dans une bataille longue contre le terrorisme islamiste et voient dans le mécontentement de communautés immigrées musulmanes mal traitées une source de problèmes : constitution d'une classe de révoltés susceptibles de s'enrôler dans des mouvements radicaux et d'autant plus difficiles à contrôler qu'ils ont la nationalité de pays amis et ne peuvent être facilement refoulés. "Social exclusion, écrit l'auteur de ce câble, has domestic consequences for France, including the alienation of some segments of the population, which can in turn adversely affect our own efforts to fight global networks of violent extremists." Comment lui donner tort?

Nos politiques de droite qui flirtent si souvent avec l'islamophobie seraient bien inspirés d'écouter ce qu'ont à leur dire ces diplomates et de prendre modèle sur la politique en sept points que ce câble décline en sept points :
- engage in a positive discourse,
- set a strong example,
- launch agressive youth outreach,
- encourage moderate voices,
- propagate best practices
- deepen our understanding of the problem,
- integrate, target and evaluate efforts.

La vision américaine de l'Europe

La lecture des rapports de Wikileaks est absolument passionnante. Elle nous montre que les Américains ont une vision souvent très originale et moderne de l'Europe. Je pense à quelques phrases d'un câble consacré à la lutte contre le terrorisme en Espagne.

Son auteur propose de créer à Barcelone un "hub" anti-terroriste. Pourquoi Barcelone? Parce que c'est une ville dynamique, un port important, avec des communautés immigrées qui vivent en marge de la société et sont donc susceptibles de verser dans le radicalisme (il fait état de 60 000 paskitanais, le plus souvent célibataires et sans emploi installés en Catalogne), des groupes mafieux qui s'y sont installés pour développer leurs activités (trafic de drogue, de femmes…) et blanchir leur argent (25% des billets de 500€ qui circulent en Espagne se trouveraient dans la région de Barcelone). Mais Barcelone n'est pas la capitale de l'Espagne. Les Américains ne l'ignorent évidemment pas. C'est même à leurs yeux plutôt un atout, au point que ce hub qu'ils imaginent dans la capitale de la Catalogne (un officier accompagné de 7 attachés chargés de traiter, en collaboration avec les autorités locales des dossiers spécifiques) pourrait servir de modèle à des coopérations ailleurs en Europe : "The hub concept can also serve as a potential model of how we can work with our European allies in common purpose on law enforcement, security, and intelligence initiatives away from the more bureaucratic and politicized world of capital cities." Dit autrement, les spécialistes de la lutte contre le terrorisme américain ont pris acte de l'émiettement en cours de l'Europe, ils l'ont compris bien avant beaucoup d'Européens et sont prêts à (ou ont commencé de) ajuster leur politique en conséquence.

Marine Le Pen ou l'épuisement des signes

Nous pensions en avoir fini avec les références à la seconde guerre mondiale dans la politique. Mais non, les voici de retour et de la manière la plus inattendue. Grâce à Marine Le Pen, la représentante d'une famille politique qui s'est plus illustrée dans la collaboration avec l'occupant que dans la résistance. "Il y a dix ou quinze endroits où de manière régulière un certain nombre de personnes viennent pour accaparer les territoires (…) s’il s’agit de parler d’occupation, on pourrait en parler, pour le coup, parce que ça c’est une occupation du territoire. (…) Certes y’a pas de blindés, y’a pas de soldats, mais c’est une occupation tout de même et elle pèse sur les habitants." Le pense-t-elle vraiment? Peu importe : il lui faut durcir son discours pour séduire la frange ultra du FN et l'outrance islamophobe ne peut, dans le contexte des primaires (ou guerre de succession) à l'extrême droite que servir ses ambitions. Reste que l'on peut se demander à quoi rime ce retour insistant de la seconde guerre mondiale dans notre vie politique et ce qu'il nous dit de sa place dans notre imaginaire.

Nous avons connu la France du déni, celle toute résistante des gaullistes, l'aveu pompidolien de 1972 (il faut "jeter le voile", beaucoup de Français ont collaboré, des horreurs ont été commises des deux cotés, il serait temps d'oublier), aveu intéressé puisque, nous l'avons appris hier au détour d'une conversation sur l'épuration, son oncle paternel avait été condamné à mort, la "période Shoa" (les Français ont collectivement fermé les yeux sur les crimes commis en leur nom), l'hymne à la résistance (la Nouvelle Résistance des maoïstes du début des années 70), la saison de l'ambiguïté illustrée par le parcours de François Mitterrand, séduit par le pétainisme avant de devenir résistant et la reconnaissance de la responsabilité française avec le discours de Jacques Chirac sur le Vel d'hiv.

Henri Rousseau dit tout cela infiniment mieux que moi dans Le syndrome de Vichy. Dans ce livre paru au Seuil en 1997, il distingue quatre périodes : le deuil inachevé de l'immédiat après-guerre (de 1944 à 1954), le refoulements (de 1954 à 1971), le  miroir brisé (de 1971 à 1974), 'obsession (depuis le milieu des années 1970).

Et voici la sortie de Marine Le Pen. Avec tout ce qu'ils colportent d'absurdité historique, de brouillage maladroit des symboles, ses propos sont à ce point absurdes qu'ils me font penser que la charge émotionnelle de cette période s'est tout simplement évanouie. Quand les signes n'ont plus de sens on peut leur faire dire n'importe quoi. Et c'est bien ce qu'a fait la future candidate à l'élection présidentielle du FN.

Hier soir, trois films à la télévision en prime time se déroulaient pendant la seconde guerre mondiale. Trois divertissements insignifiants, inutiles que personne n'a remarqués.

vendredi, décembre 10, 2010

Histoires de neige

Arthur Goldhammer se moque de la panique qui a saisi Paris et l'Ile de France avant hier avec cette neige. Il a raison, c'était ridicule. Et plus ridicules encore les dénégations des ministres.

Cet incident devrait amener les autorités à s'interroger sur la gestion de ces incidents climatiques qui semblent se multiplier et révèlent à chaque fois un peu plus la fragilité de nos sociétés contemporaines. Cette réflexion devrait être collective parce que je ne suis pas sûr que nous soyons les seuls à rester ainsi tétanisés devant quelques centimètres de neige. J'étais la semaine dernière à Amsterdam. Il y a neigé comme à Paris. Et les trains ont cessé de fonctionner. Impossible de se rendre de Haarlem à Amsterdam (25 kilomètres, une vingtaine de minutes d'habitude). Les rues d'Amsterdam sont restées couvertes de neige glacée pendant trois jours. On dira qu'Amsterdam n'a pas l'habitude de la neige, mais je me souviens de Genève complètement coincé pendant deux jours par une vingtaine de centimètres de neige Plus rien ne fonctionnait dans une ville qui sait pourtant ce qu'est le froid. Et je ne parle pas de Montréal dont les trottoirs sont restés en février dernier couverts de neige glacée pendant plusieurs jours dans certains quartiers (le dessalement y est réalisé par des sociétés privées et organisé par arrondissement, résultat : certains arrondissements attendent plusieurs jours pour déneiger). Pour ce qui est des Etats-Unis, je me souviens de nuits passées à attendre un avion qui ne partait pas du fait de la neige à Atlanta, à Boston et à New-York. Chez les autres, ce n'est pas mieux. Mais ce n'est évidement pas une excuse. Plutôt que de se défendre, les spécialistes de ces questions devraient revoir leurs méthodes et regarder ce que font ceux qui s'en tirent mieux (les Russes ou les Polonais peut-être?).

jeudi, décembre 09, 2010

On peut aussi aimer Sarkozy

J'ai croisé hier des sarkozystes, deux jeunes femmes charmantes, de droite, catholiques, de milieu traditionnel mais actives, rien à voir avec Nadine Morano, plutôt le genre Valérie Pécresse. C'était dans un de ces dîners entre invités qui ne se connaissent pas et ne se reverront probablement jamais où la conversation, à force de passer d'un sujet à l'autre, finit par tomber sur notre Président. Rien d'agressif dans les propos des uns et des autres, plutôt de la réserve et si la critique était, chez plusieurs convives, à fleur de peau, elle prenait la forme de l'ironie, de l'amusement lorsque ces deux jeunes femmes nous dirent qu'elles l'appréciaient tout particulièrement. C'est si étonnant en ces jours de sondages calamiteux que force fut de leur demander pourquoi. Leur réponse : il parle bien.

Elles auraient pu citer son dynamisme, sa manière de faire avancer les dossiers, son efficacité, ses réformes, l'un ou l'autre de ces arguments qu'avancent les militants UMP (ce qu'elles ne sont pas). Non, elles nous ont parlé de la manière dont il s'exprime. Et comme nous étions tous plutôt d'accord pour dire que la grammaire et l'élégance du style ne sont pas ses premières vertus, elles nous ont expliqué qu'elles comprenaient ce qu'il dit. Il est vrai qu'il n'y a chez lui ni la délicieuse ambiguité de Mitterrand ni la clarté trompeuse de Giscard ni la componction ennuyeuse de Balladur ni l'invention verbale de Ségolène Royal ni, bien sûr, le brouillamini technocratique de Rocard. Il y a autre chose, une autre chose qui ressemble assez bien au discours franc et carré, dynamique et entraînant de ces patrons de choc qui adorent jouer au tribun dans les réunions de cadres.

Je dis cela sans ironie. Sarkozy est moderne en ce qu'il parle aussi mal mais avec autant de conviction, de franchise et d'engagement personnel qu'un patron de PME qui n'a pas fait l'ENA et s'en félicite. C'est sans doute ce que ces deux jeunes femmes appréciaient chez lui. C'est aussi ce qui en exaspère plus d'un.

mardi, décembre 07, 2010

Que nous a appris Wikileaks?

Ai-je été le seul? J'ai bien aimé les révélations de Wikileaks. Et pour je crois de bonnes raisons. Les révélations du site nous ont, en fait, enseigné plein de choses. Dans le désordre :
- que la diplomatie sert à quelque chose. Si on se demandait à quoi elle servait, on a là une belle réponse : elle informe le pouvoir et de manière le plus souvent intelligente,
- que les diplomates américains travaillent et sont souvent aussi subtils que les meilleurs journalistes et bloggers,
- que les dirigeants américains que l'on accuse si souvent de provincialisme sont, en réalité, très bien informés de ce qui se passe à l'extérieur,
- que les puissances, toutes, les plus petites comme les plus grandes, n'hésitent pas à manipuler une Amérique qui n'a pas la liberté sur la scène internationale que l'on dit,
- que Barack Obama est un réaliste déguisé en gentil garçon : il veut bien négocier avec tout le monde mais a toujours un plan de rechange en préparation. Il est tout saut naïf!
- que les zones de friction se sont déplacées, que le Brésil et, surtout, la Chine posent aux Etats-Unis des problèmes nouveaux et réels,
- que l'Iran affole ses voisins arabes tout autant qu'Israël,
- que la maîtrise des technologies joue un rôle déterminant dans les relations internationales. Tout ce que l'on a appris de la bataille entre la France et les USA pour la vente d'avions de combats au Brésil porte sur son transfert : c'est à qui en donnera le moins,
- que beaucoup de décisions importantes se prennent derrière notre dos (comme celle qui concerne la livraison de pétrole à la Chine en provenance d'Arabie Saoudite pour l'inciter à modérer sa défense de l'Iran),
- que nos politiques, et c'est sans doute le plus important méritent mieux que l'image qu'on en a parfois : ils ne pensent pas forcément au court terme et s'intéressent aussi au long terme. Ils apparaissent dans ces cables souvent plus responsables qu'on le dit d'ordinaire.