Nicolas Sarkozy parle de quotas. En parle-t-il sérieusement ? ou n’est-ce qu’une manière de se donner une image moderne ? de donner un nouveau coup de vieux à Jacques Chirac ? Le l’ignore, mais après tout, peu importe : c’est une bonne nouvelle. Des quotas seraient un indéniable progrès sur la situation actuelle. Ils permettraient de construire une politique de l’immigration qui ne soit plus seulement basée sur la fermeture des frontières et l’organisation de charters. Mais disons le tout de suite : ce ne serait qu’un tout petit progrès. Il faudrait aller plus loin et tout simplement ouvrir les frontières, laisser les gens libres de circuler, d’entrer et de sortir comme ils l’entendent, un peu comme on laisse entrer et sortir idées et marchandises.
Les quotas ne sont pas satisfaisants pour au moins quatre motifs :
- la mise en place de quotas suppose que l’Etat sache mesurer et prévoir nos besoins en main d’œuvre dans chaque profession concernée. Or, il ne sait pas faire. S’il le savait, il aurait depuis longtemps demandé à notre système scolaire de former ces spécialistes dont nous avons besoin. A défaut, il va se tourner vers les organisations professionnelles. Ce sont les plus déterminées qui obtiendront les quotas les plus importants et pas forcément les métiers qui en auront le plus besoin. Pour ne prendre qu’un exemple, nous savons tous que nous allons très vite manquer de médecins. Il serait donc utile d’accueillir des médecins étrangers. La création de quotas dans ce domaine risque cependant de se heurter à l’opposition des médecins en place qui ne voudront pas voir arriver de nouveaux concurrents. J’ajouterai que si l’Etat ne sait pas faire , c’est tout simplement qu’il ne peut pas savoir : le marché du travail est très compliqué. On nous dit que nous avons besoin d’informaticiens, mais les entreprises n’ont pas besoin d’informaticiens en général, elles ont besoin de spécialistes en java, en linux, en réseaux… Va-t-on créer un quota pour les spécialistes de java ? et un autre pour les spécialistes des réseaux ?
- l’Etat aura naturellement tendance à réserver ces quotas à des professionnels qualifiés : informaticiens, spécialistes des nouvelles technologies… Or, nous avons également (peut-être même surtout) besoin de gens sans qualifications ou avec des qualifications qui s’acquièrent rapidement (ouvriers du bâtiment, apprentis dans la boucherie, la charcuterie, la boulangerie, emplois de service personnels…). On peut craindre qu’ils restent à nos portes ;
- les quotas, tels qu’on les imagine, reposent tous plus ou moins sur des contrats à durée déterminée : on accueille les gens pour trois, cinq ou sept ans… Mais pour venir s’installer en France, un candidat doit investir massivement. Il doit apprendre la langue et plus il est qualifié plus sa connaissance du français doit être approfondie. Croit-on vraiment que nous pourrons inciter des gens à faire ces investissements pour un contrat de trois ans ? Mettez-vous à la place du jeune vietnamien qui a envie d’émigrer. Il a le choix entre apprendre le français et l’anglais. Le français lui ouvre, dans le meilleur des cas notre marché du travail. L’anglais lui ouvre celui d’au moins quatre grands pays : les Etats-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne et l’Australie. Pas besoin d’être grand clerc pour voir où ses préférences vont le porter. Il en irait naturellement tout autrement si on lui disait : vous pouvez entrer et rester chez nous autant que vous le souhaitez…
- les quotas sont, enfin, personnels : on autorise M.X ou Mlle Y à venir travailler en France. Mais ces candidats heureux à l’immigration ont peut-être une famille, des enfants. Va-t-on leur refuser d’entrer chez nous ? Si on fait ce choix on risque de limiter singulièrement le nombre de candidats. Va-t-on, au contraire, faire preuve d’un peu d’humanité ? Mais alors que feront les conjoints une fois installés en France ? auront-ils le droit de travailler ? Et que deviendront les enfants nés ou élevés en France ?
Encore une fois, des quotas seraient un progrès, mais ils ne seraient que cela. Il faut aller beaucoup plus loin et accepter enfin l’idée que les hommes peuvent librement circuler, entrer et venir comme bon leur semble.
Ceci dit, on aurait tort de bouder notre plaisir. Les quotas ont l’avantage de remettre la question de l’immigration sur la table dans un esprit nouveau. Ce n’est plus le Front National qui impose ses idées à l’ensemble de la classe politique. Leur discussion est l’occasion de voir les dégâts considérables causés par 20 ans de fermeture des frontières : le français ne s’enseigne plus nulle part, nos grandes écoles, nos universités n’ont pas créé de filières à l’étranger, elles ont abandonné ou laissé en déshérence celles créées dans notre ancien empire colonial, les jeunes gens qui veulent émigrer n’ont qu’un rêve : les Etats-Unis.
Pour en savoir plus sur ces questions, vous pouvez aller jeter un coup d’œil sur le livre que j’ai consacré à ces questions : Plaidoyers pour l’immigration
Avoir des opinions est l'un des éléments du bien-être, affirmait il y a une quinzaine d'années, l'économiste A.O.Hirshman. Les blogs sont une bonne manière d'afficher ses opinions mais aussi, et peut-être même surtout, de les construire. C'est ce qui m'a donné envie de tenir celui-ci
vendredi, janvier 28, 2005
jeudi, janvier 27, 2005
L'utilisation systématique de l'anglais va aggraver les erreurs de perception du management
Je me suis souvent interrogé sur le succès croissant de l’anglais dans le monde du travail. Pourquoi le comité de direction d’une entreprise française (allemande, italienne…) qui regroupe 19 Français (Allemands, Italiens…) et un Américain se mettrait-il à parler anglais alors que chacun le sait bien, les Français (mais cela vaut également pour les Italiens, les Espagnols, les Allemands et, plus encore, pour les Japonais) parlent un mauvais anglais. Parleraient-ils même correctement (ce qui arrive parfois), leur anglais est forcément moins riche, nuancé et précis que leur langue maternelle. Ils se mettent volontairement en situation d’infériorité. Ce qui paraît absurde. Sauf à imaginer qu’en fait la méconnaissance de la langue dans laquelle on parle n’a aucune importance, que le monde du travail s’accommode très bien de l’imprécision, des conversations que l’on comprend à moitié, des concepts flous et des raisonnements boiteux. C’est évidemment une hypothèse lourde : on croyait les entrepreneurs gens rationnels, intelligents et soucieux de performances, ils seraient en fait négligents, adeptes du laisser-faire intellectuel et de l’à peu près… Mais peut-être n’est-elle pas complètement absurde.
L’utilisation des statistiques et des formules Excel dans les entreprises aurait déjà dû attirer notre attention. On fait à peu près n’importe quoi avec sans que personne ne s’en offusque vraiment. On compare, chaque jour, la croissance des ventes d’un produit qui part de rien et qui va très vite de zéro à 100 et celle d’un produit ancien qui va lentement de 10 000 à 11 000. On se félicite de la première et l’on se désole de la seconde… Alors que ce devrait être le contraire. On compare sur les mêmes tableaux des progressions de chiffres d’affaires en dollars et en euros, ce qui est trompeur lorsque les monnaient jouent au yo yo (lorsque le dollar baisse rapidement, une augmentation du chiffre d’affaires en dollar peut masquer une baisse des ventes en unités…). Mais ce sont les travaux de Bill Starbuck et John Mezias, deux psychologues qui enseignent respectivement à New-York et Miami, qui mettent en évidence l’importance d’un phénomène méconnu. Ces deux auteurs montrent que ces erreurs sont bien plus courantes qu’on ne le pense d’ordinaire.
Dans un article que l’on peut trouver sur internet (The Mirrors in Our Funhouse: The Distortions in Managers' Perceptions) ils analysent ce qu’ils appellent les erreurs de perception des managers qui ressemblent un peu à ces erreurs de perception visuelle ou cognitive. Ils ont notamment identifié :
- la tendance à exagérer la fréquence d’événements dont la presse parle abondamment (dans un domaine qui n’est pas celui des affaires, on peut penser à l’insécurité ou à la pédophilie),
- la tendance à exagérer sa contribution aux résultats de l’entreprise et, simultanément,à dévaloriser celle d’autrui,
- la tendance à attribuer les succès de l’entreprise aux qualités de son management et ses échecs à un environnement défavorable,
- la confiance aveugle accordée aux informations fournies par des systèmes automatiques (informatique…)
- la tendance à retenir les informations positives et à mettre de coté les informations négatives
Dans une étude qu’ils ont réalisée auprès de cadres moyens et de patrons de PME, ils ont montré que 35% des personnes interrogées se trompaient d’au moins 50% sur le chiffre d’affaires de leur entreprise (ou dans les grandes entreprises de leur département) et 24% se trompaient de plus de 200%. Les erreurs sont aussi fréquentes chez les cadres travaillant dans des services commerciaux, a priori plus intéressés par le chiffre d’affaires, que chez ceux travaillant dans des services plus techniques.
Ils montrent dans la même étude que les cadres sont peu sensibles aux changements de leur environnement ce qui peut expliquer que tant d’entreprises se laissent doubler, sur leur propre marché par de nouveaux entrants avec des technologies plus performantes.
Une autre étude, réalisée par ces mêmes auteurs, montre que deux ans après le lancement d’un programme qualité massif dans une grande entreprise (dont ils ne donnent pas le nom, mais qu’ils disent prestigieuse et réputée pour la qualité de ses politiques de formation), la plupart des managers étaient incapables de donner des informations exactes sur le niveau de qualité dans leur propre service.
Le sujet est suffisamment riche pour avoir fait l’objet en 2002 d’une conférence qui a réuni en Grande-Bretagne plusieurs spécialistes, psychologues et spécialistes du management. On n’y a pas abordé les questions linguistiques, mais on aurait du. L’utilisation de plus en plus courante de l’anglais dans le monde du travail par des gens dont ce n’est ni la langue maternelle ni la langue de travail quotidienne va contribuer à augmenter ces erreurs de perception, ces à peu-près conceptuels et ces imprécisions.
De deux choses l’une :
- ou cela va rendre les entreprises concernées plus fragiles, moins compétitives et l’on verra l’emploi continuer de décroître dans nos pays,
- ou les entreprises peuvent parfaitement s’accommoder d’un management myope qui vit dans une sorte épaisse brume conceptuelle.
Le plus simple serait, bien sûr, d’imaginer d’autres politiques linguistiques, de développer des systèmes de traduction, d’aide aux échanges entre locuteurs de langues différentes et d’enseignement plus efficace des langues étrangères. On y gagnerait de tous points de vue : celui de la protection de nos cultures nationales, de l’efficacité du management (19 Français et 1 Américain qui parlent ensemble français communiquent certainement mieux ensemble que les 20 mêmes parlant anglais), mais aussi du point de vue de l’emploi. Plusieurs dizaines de milliers de postes ne sont pas pourvus dans des entreprises allemandes travaillant en France parce qu’on ne trouve pas de salariés sachant l’allemand !
L’utilisation des statistiques et des formules Excel dans les entreprises aurait déjà dû attirer notre attention. On fait à peu près n’importe quoi avec sans que personne ne s’en offusque vraiment. On compare, chaque jour, la croissance des ventes d’un produit qui part de rien et qui va très vite de zéro à 100 et celle d’un produit ancien qui va lentement de 10 000 à 11 000. On se félicite de la première et l’on se désole de la seconde… Alors que ce devrait être le contraire. On compare sur les mêmes tableaux des progressions de chiffres d’affaires en dollars et en euros, ce qui est trompeur lorsque les monnaient jouent au yo yo (lorsque le dollar baisse rapidement, une augmentation du chiffre d’affaires en dollar peut masquer une baisse des ventes en unités…). Mais ce sont les travaux de Bill Starbuck et John Mezias, deux psychologues qui enseignent respectivement à New-York et Miami, qui mettent en évidence l’importance d’un phénomène méconnu. Ces deux auteurs montrent que ces erreurs sont bien plus courantes qu’on ne le pense d’ordinaire.
Dans un article que l’on peut trouver sur internet (The Mirrors in Our Funhouse: The Distortions in Managers' Perceptions) ils analysent ce qu’ils appellent les erreurs de perception des managers qui ressemblent un peu à ces erreurs de perception visuelle ou cognitive. Ils ont notamment identifié :
- la tendance à exagérer la fréquence d’événements dont la presse parle abondamment (dans un domaine qui n’est pas celui des affaires, on peut penser à l’insécurité ou à la pédophilie),
- la tendance à exagérer sa contribution aux résultats de l’entreprise et, simultanément,à dévaloriser celle d’autrui,
- la tendance à attribuer les succès de l’entreprise aux qualités de son management et ses échecs à un environnement défavorable,
- la confiance aveugle accordée aux informations fournies par des systèmes automatiques (informatique…)
- la tendance à retenir les informations positives et à mettre de coté les informations négatives
Dans une étude qu’ils ont réalisée auprès de cadres moyens et de patrons de PME, ils ont montré que 35% des personnes interrogées se trompaient d’au moins 50% sur le chiffre d’affaires de leur entreprise (ou dans les grandes entreprises de leur département) et 24% se trompaient de plus de 200%. Les erreurs sont aussi fréquentes chez les cadres travaillant dans des services commerciaux, a priori plus intéressés par le chiffre d’affaires, que chez ceux travaillant dans des services plus techniques.
Ils montrent dans la même étude que les cadres sont peu sensibles aux changements de leur environnement ce qui peut expliquer que tant d’entreprises se laissent doubler, sur leur propre marché par de nouveaux entrants avec des technologies plus performantes.
Une autre étude, réalisée par ces mêmes auteurs, montre que deux ans après le lancement d’un programme qualité massif dans une grande entreprise (dont ils ne donnent pas le nom, mais qu’ils disent prestigieuse et réputée pour la qualité de ses politiques de formation), la plupart des managers étaient incapables de donner des informations exactes sur le niveau de qualité dans leur propre service.
Le sujet est suffisamment riche pour avoir fait l’objet en 2002 d’une conférence qui a réuni en Grande-Bretagne plusieurs spécialistes, psychologues et spécialistes du management. On n’y a pas abordé les questions linguistiques, mais on aurait du. L’utilisation de plus en plus courante de l’anglais dans le monde du travail par des gens dont ce n’est ni la langue maternelle ni la langue de travail quotidienne va contribuer à augmenter ces erreurs de perception, ces à peu-près conceptuels et ces imprécisions.
De deux choses l’une :
- ou cela va rendre les entreprises concernées plus fragiles, moins compétitives et l’on verra l’emploi continuer de décroître dans nos pays,
- ou les entreprises peuvent parfaitement s’accommoder d’un management myope qui vit dans une sorte épaisse brume conceptuelle.
Le plus simple serait, bien sûr, d’imaginer d’autres politiques linguistiques, de développer des systèmes de traduction, d’aide aux échanges entre locuteurs de langues différentes et d’enseignement plus efficace des langues étrangères. On y gagnerait de tous points de vue : celui de la protection de nos cultures nationales, de l’efficacité du management (19 Français et 1 Américain qui parlent ensemble français communiquent certainement mieux ensemble que les 20 mêmes parlant anglais), mais aussi du point de vue de l’emploi. Plusieurs dizaines de milliers de postes ne sont pas pourvus dans des entreprises allemandes travaillant en France parce qu’on ne trouve pas de salariés sachant l’allemand !
mardi, janvier 04, 2005
Aide aux victimes du Tsunami : l’impôt ou le don ou comment Jacques Nikonoff a perdu une occasion de se taire
Dans une tribune libre publiée dans Libération (édition du 4 janvier), Jacques Nikonoff, le président d’Attac France, propose de lever une taxe humanitaire pour l’Asie. La communauté internationale pourrait, dit-il, décider d’un prélèvement exceptionnel. Cette proposition a peu de chance d’être retenue alors même qu’elle ne susciterait probablement qu’une faible opposition étant par définition non reconductible (il n’y a pas de catastrophe de cette nature tous les ans) et forcément faible. Mais l’important n’est pas là. Il est dans ce que cet article -mauvais : Nikonoff y parle de tout, des victimes de la malnutrition, du sacre de Sarkozy à l’UMP, des bourses asiatiques, de l’Europe, de tout ce qui fait son fonds de commerce, donc, sauf du sujet principal : l’aide aux victimes du tsunami -, dit des manières de raisonner de certains des dirigeants d’Attac.
On pourrait avancer plusieurs arguments en faveur de l’impôt dans ce genre de situation :
- il est plus équitable dans la mesure où il touche tout le monde ou, du moins, tous ceux qui sont imposés, alors que ne donnent que ceux qui le souhaitent,
- il serait économiquement plus efficace puisqu’il permettrait de collecter des sommes plus importantes avec des contributions individuelles plus faibles (du moins pour ceux qui donnent),
- vu son objet, il serait probablement international (au moins européen tel que l’imagine Nikonoff), ce qui créerait un précédent utile pour aider au développement d’institutions internationales plus puissantes.
Ces arguments (ce ne sont pas ceux que développe Nikonoff dans son papier) ne sont pas insignifiants, mais ils n’emportent pas la conviction. Le don a des atouts qui doivent, en l’espèce, le faire préférer à toute autre forme de collecte de fonds dans ce type de situation où il faut tout à la fois être efficace (les sommes doivent arriver rapidement aux victimes) et uni (rien ne serait pire que des discussions sur l’utilité d’aider les victimes) :
- il est efficace : introduire un nouvel impôt demande de respecter des procédures qui prennent du temps alors que les dons peuvent être collectés rapidement, les organisations caritatives et les ONG étant rompues à cet exercice,
- il ne suscite pas de contestation : le don ne forçant personne ne suscite pas ni débat ni protestations de ceux qui, pour des motifs bons ou mauvais, ne veulent pas aider financièrement les victimes de la catastrophes,
- il ne demande pas de longues réflexions : dans la mesure où donne qui veut, on n’a pas à s’interroger sur l’origine des donateurs, sur leurs revenus, sur leurs moyens.
Le principal défaut des dons (le détournement d’une partie des sommes versées par les associations de collecte pour financer les appels à la charité publique) tombe dans ce cas précis puisque l’essentiel de l’effort de communication est fait gratuitement par les télévisions et journaux qui publient des informations.
Pourquoi donc dans un cas comme celui-ci préférer l’impôt aux dons ? La réponse est à chercher dans le mécanisme suggéré. S’inspirant de la taxe Tobin, Nikonoff propose de taxer (à 0,05% avance-t-il) les actionnaires. Ce qui permettrait, dit-il, de collecter 10 milliards d’euros, soit à peu près l’équivalent de ce que devrait coûter, d’après les premières estimations, cette catastrophe. Mais pourquoi faire payer les actionnaires plutôt que d’autres ? Pourquoi seraient-ils les seuls à payer ? au nom de quel principe moral voudrait-on que les propriétaires des entreprises soient plus solidaires des victimes du Tusnami que les travailleurs (même si ce sont souvent les mêmes) ? Si rien ne justifie qu’ils soient les seuls à payer (et rien, bien sûr, ne le justifie), il n’y a que deux explications :
- la rigidité mentale de militants qui, à l’image des staliniens d’hier et des membres des sectes chrétiennes intégristes d’aujourd’hui, ne voient le monde qu’au travers de leurs discours stéréotypés et utilisent la même grille pour tout analyser, la dette du Tiers-Monde et le glissement des plaques tectoniques,
- la perte du sens moral chez ces mêmes militants : les marchés financiers étant responsables de mille maux (mais pas, bien sûr, du Tsunami), il est normal qu’ils paient pour les autres là où ils sont innocents. C’est ramené au financement de l’aide aux victimes de la catastrophe asiatique, le raisonnement des soldats qui prennent des otages : tu es innocent, mais ce n’est pas grave, tu seras tout de même puni.
C’est dans les deux désolant. Attac nous avait habitué à mieux.
On pourrait avancer plusieurs arguments en faveur de l’impôt dans ce genre de situation :
- il est plus équitable dans la mesure où il touche tout le monde ou, du moins, tous ceux qui sont imposés, alors que ne donnent que ceux qui le souhaitent,
- il serait économiquement plus efficace puisqu’il permettrait de collecter des sommes plus importantes avec des contributions individuelles plus faibles (du moins pour ceux qui donnent),
- vu son objet, il serait probablement international (au moins européen tel que l’imagine Nikonoff), ce qui créerait un précédent utile pour aider au développement d’institutions internationales plus puissantes.
Ces arguments (ce ne sont pas ceux que développe Nikonoff dans son papier) ne sont pas insignifiants, mais ils n’emportent pas la conviction. Le don a des atouts qui doivent, en l’espèce, le faire préférer à toute autre forme de collecte de fonds dans ce type de situation où il faut tout à la fois être efficace (les sommes doivent arriver rapidement aux victimes) et uni (rien ne serait pire que des discussions sur l’utilité d’aider les victimes) :
- il est efficace : introduire un nouvel impôt demande de respecter des procédures qui prennent du temps alors que les dons peuvent être collectés rapidement, les organisations caritatives et les ONG étant rompues à cet exercice,
- il ne suscite pas de contestation : le don ne forçant personne ne suscite pas ni débat ni protestations de ceux qui, pour des motifs bons ou mauvais, ne veulent pas aider financièrement les victimes de la catastrophes,
- il ne demande pas de longues réflexions : dans la mesure où donne qui veut, on n’a pas à s’interroger sur l’origine des donateurs, sur leurs revenus, sur leurs moyens.
Le principal défaut des dons (le détournement d’une partie des sommes versées par les associations de collecte pour financer les appels à la charité publique) tombe dans ce cas précis puisque l’essentiel de l’effort de communication est fait gratuitement par les télévisions et journaux qui publient des informations.
Pourquoi donc dans un cas comme celui-ci préférer l’impôt aux dons ? La réponse est à chercher dans le mécanisme suggéré. S’inspirant de la taxe Tobin, Nikonoff propose de taxer (à 0,05% avance-t-il) les actionnaires. Ce qui permettrait, dit-il, de collecter 10 milliards d’euros, soit à peu près l’équivalent de ce que devrait coûter, d’après les premières estimations, cette catastrophe. Mais pourquoi faire payer les actionnaires plutôt que d’autres ? Pourquoi seraient-ils les seuls à payer ? au nom de quel principe moral voudrait-on que les propriétaires des entreprises soient plus solidaires des victimes du Tusnami que les travailleurs (même si ce sont souvent les mêmes) ? Si rien ne justifie qu’ils soient les seuls à payer (et rien, bien sûr, ne le justifie), il n’y a que deux explications :
- la rigidité mentale de militants qui, à l’image des staliniens d’hier et des membres des sectes chrétiennes intégristes d’aujourd’hui, ne voient le monde qu’au travers de leurs discours stéréotypés et utilisent la même grille pour tout analyser, la dette du Tiers-Monde et le glissement des plaques tectoniques,
- la perte du sens moral chez ces mêmes militants : les marchés financiers étant responsables de mille maux (mais pas, bien sûr, du Tsunami), il est normal qu’ils paient pour les autres là où ils sont innocents. C’est ramené au financement de l’aide aux victimes de la catastrophe asiatique, le raisonnement des soldats qui prennent des otages : tu es innocent, mais ce n’est pas grave, tu seras tout de même puni.
C’est dans les deux désolant. Attac nous avait habitué à mieux.
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