Dans une tribune libre publiée dans Libération (édition du 4 janvier), Jacques Nikonoff, le président d’Attac France, propose de lever une taxe humanitaire pour l’Asie. La communauté internationale pourrait, dit-il, décider d’un prélèvement exceptionnel. Cette proposition a peu de chance d’être retenue alors même qu’elle ne susciterait probablement qu’une faible opposition étant par définition non reconductible (il n’y a pas de catastrophe de cette nature tous les ans) et forcément faible. Mais l’important n’est pas là. Il est dans ce que cet article -mauvais : Nikonoff y parle de tout, des victimes de la malnutrition, du sacre de Sarkozy à l’UMP, des bourses asiatiques, de l’Europe, de tout ce qui fait son fonds de commerce, donc, sauf du sujet principal : l’aide aux victimes du tsunami -, dit des manières de raisonner de certains des dirigeants d’Attac.
On pourrait avancer plusieurs arguments en faveur de l’impôt dans ce genre de situation :
- il est plus équitable dans la mesure où il touche tout le monde ou, du moins, tous ceux qui sont imposés, alors que ne donnent que ceux qui le souhaitent,
- il serait économiquement plus efficace puisqu’il permettrait de collecter des sommes plus importantes avec des contributions individuelles plus faibles (du moins pour ceux qui donnent),
- vu son objet, il serait probablement international (au moins européen tel que l’imagine Nikonoff), ce qui créerait un précédent utile pour aider au développement d’institutions internationales plus puissantes.
Ces arguments (ce ne sont pas ceux que développe Nikonoff dans son papier) ne sont pas insignifiants, mais ils n’emportent pas la conviction. Le don a des atouts qui doivent, en l’espèce, le faire préférer à toute autre forme de collecte de fonds dans ce type de situation où il faut tout à la fois être efficace (les sommes doivent arriver rapidement aux victimes) et uni (rien ne serait pire que des discussions sur l’utilité d’aider les victimes) :
- il est efficace : introduire un nouvel impôt demande de respecter des procédures qui prennent du temps alors que les dons peuvent être collectés rapidement, les organisations caritatives et les ONG étant rompues à cet exercice,
- il ne suscite pas de contestation : le don ne forçant personne ne suscite pas ni débat ni protestations de ceux qui, pour des motifs bons ou mauvais, ne veulent pas aider financièrement les victimes de la catastrophes,
- il ne demande pas de longues réflexions : dans la mesure où donne qui veut, on n’a pas à s’interroger sur l’origine des donateurs, sur leurs revenus, sur leurs moyens.
Le principal défaut des dons (le détournement d’une partie des sommes versées par les associations de collecte pour financer les appels à la charité publique) tombe dans ce cas précis puisque l’essentiel de l’effort de communication est fait gratuitement par les télévisions et journaux qui publient des informations.
Pourquoi donc dans un cas comme celui-ci préférer l’impôt aux dons ? La réponse est à chercher dans le mécanisme suggéré. S’inspirant de la taxe Tobin, Nikonoff propose de taxer (à 0,05% avance-t-il) les actionnaires. Ce qui permettrait, dit-il, de collecter 10 milliards d’euros, soit à peu près l’équivalent de ce que devrait coûter, d’après les premières estimations, cette catastrophe. Mais pourquoi faire payer les actionnaires plutôt que d’autres ? Pourquoi seraient-ils les seuls à payer ? au nom de quel principe moral voudrait-on que les propriétaires des entreprises soient plus solidaires des victimes du Tusnami que les travailleurs (même si ce sont souvent les mêmes) ? Si rien ne justifie qu’ils soient les seuls à payer (et rien, bien sûr, ne le justifie), il n’y a que deux explications :
- la rigidité mentale de militants qui, à l’image des staliniens d’hier et des membres des sectes chrétiennes intégristes d’aujourd’hui, ne voient le monde qu’au travers de leurs discours stéréotypés et utilisent la même grille pour tout analyser, la dette du Tiers-Monde et le glissement des plaques tectoniques,
- la perte du sens moral chez ces mêmes militants : les marchés financiers étant responsables de mille maux (mais pas, bien sûr, du Tsunami), il est normal qu’ils paient pour les autres là où ils sont innocents. C’est ramené au financement de l’aide aux victimes de la catastrophe asiatique, le raisonnement des soldats qui prennent des otages : tu es innocent, mais ce n’est pas grave, tu seras tout de même puni.
C’est dans les deux désolant. Attac nous avait habitué à mieux.
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