La presse française n'en a à peu près pas fait mention, mais le conflit qui oppose depuis quelques jours Google à l'administration américaine est de toute première importance tant pour l'avenir de Google que pour celui des outils internet. Pour ceux qui n'auraient pas suivi l'affaire, l'administration a demandé aux moteurs de recherche, dans le cadre de la préparation d'un texte de loi destiné à lutter contre la pornographie, de lui donner des informations sur les comportements des internautes. Elle lui a, en somme, demandé d'ouvrir ses bases de données et les informations dont le moteur de recherche dispose sur ses utilisateurs. Il ne s'agit pas, semble-t-il, d'informations nominatives (les moteurs de recherche ne disposent que d'adresses IP, encore que par croisement avec les informations disponibles dans le courrier électronique, on doit pouvoir retrouver beaucoup d'identités et d'adresses). Reste que cela pose de réels problèmes en matière de protection de la vie privée. Google a refusé de fournir des informations que d'autres moteurs auraient donné et c'est une décision grave, importante, qui va bien au delà de la seule protection de sa réputation et de son image plutôt positive auprès des internautes.
Ce n'est pas la première fois que l'administration américaine montre son intérêt pour tout ce que les moteurs de recherche savent des internautes. Une disposition du Patriot Act autorise l'administration à recueillir des informations sur les utilisateurs des moteurs de recherche sans que ceux-ci aient l'obligation de demander l'autorisation à utilisateurs (il leur est même, semble-t-il, interdit de les informer de la curiosité des services de sécurité).
Ces mesures posent toute une série de problèmes :
- des problèmes, d'abord, et tout simplement, de protection de la vie privée des internautes : nous n'acceptons pas que l'on écoute nos conversations téléphoniques (que l'administration Bush a écoutées sans vergogne), je ne vois pas pourquoi nous tolérerions que l'on s'intéresse aux questions que nous posons aux moteurs de recherche ou aux documents que nous lisons,
- des problèmes ensuite de protection des droits des internautes qui ne sont pas américains. Que les américains acceptent éventuellement d'être contrôlés par une administration qu'ils ont élue est une chose, mais cela ne veut pas dire que les Européens, les Asiatiques ou les Africains aient la moindre raison d'être ainsi contrôlés,
- des problèmes, enfin, de qualité de la technologie.
Il y a sans doute (et il y aura plus sûrement demain encore) des solutions techniques pour échapper à la curiosité des services spécialisés américains. Il suffirait après tout que Google et les autres moteurs de recherce cessent de conserver des informations sur nos questions. Mais le revers de la médaille est une moindre qualité des recherches. Si Google (et d'autres), gardent aujourd'hui traces de nos séjours sur internet, ce n'est pas pour le plaisir de nous épier, mais plus simplement pour améliorer la qualité de leurs prestations.
Connaître les questions que nous posons leur permet de personnaliser les réponses. Prenons un exemple simple : vous avez un ego un peu disproportionné et vous allez régulièrement vérifier que l'on parle de vous sur internet. Par malheur vous portez un nom banal (François Dupont, Jean Martin ou… Bernard Girard). Si le moteur de recherche conserve trace de vos interrogations passées, il saura ce que vous cherchez et il classera en tête toutes les réponses qui correspondent à ce que vous attendez, comme peut en témoigner l'historique de vos clics.
Cet exemple est un peu béta, mais on ne peut espérer personnaliser (et donc améliorer) les réponses que si l'on dispose d'informations sur les comportements passés. Interdire aux moteurs de recherche de conserver ces informations, c'est s'interdire d'améliorer la qualité de leurs résultats.
Cela fait beaucoup de motifs de s'opposer aux prétentions du gouvernement américain et de se féliciter de l'attitude ferme des dirigeants de Google.
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