Nos principaux candidats à l'élection présidentielle, je veux dire Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, ont fait, de manière plus ou moins officielle, de Tony Blair leur modèle. On comprend bien pourquoi : tous deux aimeraient découvrir ce secret qui l'a fit durer si longtemps, qui lui a permis tout à la fois de conserver des voix de gauche et de faire taire son opposition de droite.
Son image est chez nous médiocre. Cela tient, pour beaucoup à ses positions sur l'Irak et le Liban, sur la manière dont il a collé aux positions américaines. Mais la lecture de la presse anglaise montre que son bilan est mitigé : bon sur le front économique, il est beaucoup plus discutable sur le front de la sécurité, celui qui justement intéresse nos deux candidats.
Sa politique repose sur quelques éléments qui sont inacceptables et qu'il faudrait combattre si l'un ou l'autre de nos deux candidats s'avisaient de les lui emprunter :
- une politique de surveillance accrue de la population qui passe par la technologie (des caméras partout, caméras qui ont permis de retrouver très rapidement les auteurs de l'attentat dans le métro de Londres) mais aussi par des systèmes de surveillance de ses voisins (Neighbourhood Watch et autres dispositifs comparables dont ceux imaginés par des journaux qui donnaient l'adresse de personnes condamnées pour pédophilie ) ;
- le développement d'une politique de lutte contre les risques en matière de sécurité qui conduit à rechercher les prédicteurs de comportements délictueux et à agir avant que tout délit ait été commis. Politique dont le film Minority Report avec ses personnages poursuivis pour des crimes qu'ils n'avaient pas encore commis a montré les dangers (fiction? sans doute, mais il s'est trouvé des éditorialistes en Grande-Bretagne pour demander que l'on mette en prison de manière préventive ceux qui pourraient commettre des crimes sexuels). Les études de l'INSERM qui ont fait tant de bruit au printemps s'inscrivent dans cette logique ;
- le développement d'une politique pénale qui durcit les peines pour les récidivistes sans relation avec la gravité des actes commis : le modèle est là ce dispositif que l'on rencontre dans certains Etats américains qui permet de condamner à la prison à vie ceux qui ont déjà été condamnés deux fois, serait-ce pour des délits mineurs ;
- la notion de comportement anti-social développée par le gouvernement travailliste qui conduit à sanctionner durement des délits mineurs ou des comportements insignifiants et justifie que le gouvernement (travailliste!) finance des écoles religieuses qui seraient mieux à même que des écoles publiques d'enseigner les valeurs morales aux jeunes.
Ces politiques sont dangereuses pour les libertés. Elles profitent :
- de la montée en puissance du mouvement de défense des victimes,
- du développement de toute une série de travaux qui vont chercher du coté de la biologie l'explication des comportements déviants (voir dans le dernier numéro de Prospect l'article de David Rose),
- de l'exploitation des thèses sur la disparition du capital social qu'il faudrait reconstituer,
- de l'action des mouvements religieux dans le monde anglo-saxon,
- de l'arrivée au premier plan de deux nouvelles familles de crimes : la pédophilie et le terrorisme qui tendent à se substituer dans notre imaginaire et dans nos craintes aux crimes et délits plus classiques.
L'exemple britannique est dangereux parce que sont nos liberté qui seraient in fine menacées sans, faut-il le préciser, aucun bénéfice puisque ces politiques sont, semble-t-il, inefficaces. Les caméras permettent de retrouver les auteurs d'attentats une fois ceux-ci commis mais pas de les prévenir. L'analyse des risques ne diminue pas les crimes et délits, mais favorise le développement de carrières criminelles, le Neighbourhood Watch et les systèmes de community policing auraient, selon certains ttravaux récents, plutôt tendance à augmenter les délits (voir par exemple : Adam Crawford, Stuart Lister and David Wall, Great Expectations: Contracted community policing in New Earswick, York).
On sent bien que Nicolas Sarkozy s'inspire au Ministère de l'Intérieur de l'exemple britannique. Il ne faudrait pas que Ségolène Royal fasse de même.
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