samedi, février 12, 2011

La révolution égyptienne, Israël et nos intellectuels

La révolution égyptienne a suscité d'étranges réticences chez plusieurs de nos intellectuels en vue dans les médias, chez Alexandre Adler, Bernard-Henri Levy, Alain Finkelkraut, réticences qui expliquent sans doute pour partie la manière gênée dont nous avons accueilli des événements qui devraient nous réjouir. Deux arguments sont avancés : la crainte des frères musulmans et le manque d'expérience démocratique du monde musulman. Le premier est mal fondé et le second tout simplement insultant, mais le plus surprenant est que ces réticences viennent d'intellectuels d'ordinaire attachés aux droits de l'homme et prompts à condamner leurs violations ailleurs. Pascal Boniface a une explication : cette révolution "pourrait signifier la mise en place de régimes moins accommodants avec Israël. Or c’est leur principale pour ne pas dire unique préoccupation." Il a sans doute raison. Il ne le dit pas, mais il pourrait ajouter que plusieurs de ces intellectuels sont juifs, ce qui renvoie aux relations complexes qu'Israel et la diaspora juive entretiennent.

Israël est pour les juifs, où qu'ils se trouvent dans le monde, la garantie que jamais cela ne se reproduira pas : cela, c'est la shoah, bien sûr, mais ce sont aussi les pogroms et ces siècles de discrimination, de ségrégation et d'exactions dont ont souffert les juifs un peu partout en Europe. Mais Israël a également besoin des juifs de la diaspora : que serait-il si partout en Occident des communautés juives importantes ne prenaient sa défense lorsqu'il est attaqué? L'attention des Etats-Unis, celle de l'Europe ne seraient certainement pas ce qu'elle est si ne se trouvaient dans tous ces pays des communautés juives actives. Quoique puissent dire les sionistes, le sort d'Israël et celui de la diaspora sont intimement liés.

Toute la question est de savoir qui influence qui? Est-ce que ce sont les juifs d'occident qui incitent Israël à la modération dans ses relations avec ses voisins?  qui l'encouragent à chercher la paix? ou est-ce à l'inverse, Israël qui fait oublier aux juifs d'occident leur goût de la liberté et de la démocratie? On aimerait que la première proposition soit la bonne, que Finkelkraut, BHL et tous ceux qui sont en Occident les meilleurs avocats d'Israël sachent convaincre ses dirigeants de faire preuve de modération. Il leur serait assez facile de dire que défendre l'existence d'Israël est une chose, que chasser les Palestiniens de chez eux en est une autre. Mais il semble, malheureusement, que la dernière proposition soit la bonne. La politique nationaliste de l'extrême droite israélienne déteint sur eux et les amène à prendre des positions pour le moins… "insolites" : comment peut-on, quand on vit dans une démocratie et qu'on en sait le prix, craindre les aspirations d'une population à plus de liberté?

Les menaces dont Israël est victime de la part de ses voisins les aveuglent sur ses faiblesses. Plus celles-ci sont grandes, plus Israël est critiqué par la gauche, par la communauté internationale, plus ils se sentent dans l'obligation de le défendre, et plus ils ont, naturellement, le sentiment d'être isolés, incompris. Mais à force de défendre des positions nationalistes de l'extrême-droite israélienne au pouvoir, à force de s'inquiéter du risque islamiste, ils en viennent à le surestimer et à défendre l'indéfendable. Ils en sont en quelque sorte otages de l'extrême-droite au pouvoir en Israël quand on aimerait qu'ils combattent, son influence pour le plus grand bien d'Israël. Car s'il est nécessaire qu'Israël survive, ce n'est pas en empiétant chaque jour un peu plus sur le territoire des Palestiniens qu'il renforce ses chances de signer la paix avec ses voisins.


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