Le débat sur le changement de statut d'EDF a pris une étrange tournure. La nationalisation ne trouve que peu d'avocats et ceux qui tentent l'aventure sont, et c'est un euphémisme, gênés aux entournures. C'est dommage, car les nationalisations ne sont pas forcément une sottise. On en a eu un exemple tout récent aux Etats-Unis où l'on a vu l'administration Bush, qui n'est pas vraiment gauchiste, nationaliser la sécruité dans les aéroports. Et cette expérience mérite qu'on s'y attarde un instant.
Le 12 septembre 2001, les Américains ont découvert que la sécurité de leurs aéroports était quasi inexistante. Depuis des années les experts tiraient la sonnette d'alarme et annonçaient des catastrophes (parfois même de manière étrangement prémonitoire), mais personne ne les écoutait.
A l'origine de cette débacle, il y a la dérégulation du transport aérien. On a alors confié aux compagnies aériennes, dont ce n'est certainement pas la première priorité, le soin de gérer la sécurité dans les aéroports. Pour réduire les coûts, elles se sont adressées à des sous-traitants, des sociétés d'intérim qui payaient mal leurs collaborateurs, ne les formaient pas et ne les contrôlaient guère plus.
Si l'administration s'est résolue à nationaliser cette activité, c'est que la nationalisation présente quatre avantages :
- elle permet de créer une agence spécialisée dans la sécruité, agence dont c'est le seul et l'unique travail. Pas question, pour elle, donc, de distraire une partie de ses ressources pour investir dans d'autres activités,
- elle facilite la coordination entre les services de sécurité des différents aéropports. Tous obéissant à la même hiérarchie utilisent les mêmes normes, peuvent facilement échanger des informations…
- elle facilite le contrôle et le pilotage de la sécurité par les pouvoirs publics (plutôt que d'aller chercher des informations dans des dizaines de sociétés, elles sont réunies dans une seule…) et permet donc de plus rapidement rectifier le tir,
- elle permet enfin d'offrir à des salariés des contrats de plus longue durée ce qui, d'une part, incite à les sélectionner de manière plus attentive et, d'autre part, permet de mieux les former.
On remarquera combien ces arguments sont différents de ceux en général avancés pour justifier les nationalisations. Et l'on peut se demander quel serait l'effet d'une privatisation sur :
- le principe de spécialisation : EDF a déjà été tenté d'investir ailleurs que dans l'énergie, le sera-t-il demain? Et quels en seront les conséquences pour son activité principale?
- la coordination entre les différents acteurs (la normalisation…) : l'exemple du téléphone montre que le marché réduit la coordination (il est aujourd'hui impossible de trouver un anunaire de tous les utilisateurs de mobiles). Qu'en sera-t-il dans le cas d'EDF?
- le contrôle et le pilotage : EDF gère des établissements dangereux. Quel sera l'impact d'une privatisation sur le contrôle de son travail dans le domaine de la sécurité?
- et, enfin, la qualité des personnels. L'exemple des chemins de fer britanniques est inquiétant. On sair qu'ils ont connu plusieurs accidents. Ils viennent de ce que les sociétés privées bénéficiant de monopoles provisoires ont évité d'investir dans la formation des personnels et dans l'entretien des matériels.
Un dernier mot à propos des avantages acquis. La dérégulation de la sécurité a permis de réduire tous les avantages qu'avaient pu acquérir les personnels chargés dans les années 70 de la sécurité dans les aéroports américains. La somme de tous ces avantages n'arrivait pas aux 10ème des coûts de la catastrophe des Twin Towers…
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