Est-ce parce qu'il vieillit, que nous l'avons tellement vu que nous nous nous y sommes habitués, mais Le Pen fait moins peur. Il était hier chez Serge Moati qui l'a accueilli on ne peut plus courtoisement et l'a laissé développer son programme, enfin les quelques points qui lui en tiennent lieu. Je dis quelques, mais il n'en a développé que trois :
- l'immigration zéro (pas tout à fait zéro, a-t-il dit, mais presque), ce qui est depuis toujours son fonds de commerce,
- le retour des frontières et des barrières douanières, en un mot du protectionisme, thème qu'il pargage avec l'extrême-gauche (qui ferait bien de s'interroger sur cet étrange cousinage),
- l'augmentation massive du budget de la Défense nationale (qu'il est le seul à proposer).
Tout cela fait effectivement système et l'on aurait aimé que ses contradicteurs l'interrogent sur l'étrange collusion des frontières et de la Défense. Reconstruire les frontières et augmenter le budget militaire, n'est-ce pas annoncer le retour des conflits armés? Historiquement, reflus du libre-échange et conflits armés sont en général allés de pair. Est-ce bien cela que veulent les Français?
Quant au racisme, on en a évidemment parlé, mais, comme trop souvent, de manière maladroite, donnant à Le Pen la possibilité de rappeler qu'il a fait élire noirs et beurs dans son mouvement et qu'il n'est pas impossible qu'il devienne un jour l'ami de Dieudonné.
Sans doute conviendrait-il de distinguer son racisme populaire du racisme plus "sophistiqué" de l'extrême-droite d'avant-guerre qui avait théorisé l'inégalité des races. A ne pas faire de distinction, on risque simplement que ses électeurs, et beaucoup de Français avec, haussent les épaules : "si c'est cela le racisme… alors il n'y pas de quoi fouetter un chat." (la même chose vaut d'ailleurs pour Georges Frêche dont les propos indignes auraient dû être dénoncés tout autrement. On aurait pu, par exemple, se demander pourquoi règne dans notre société une division du travail qui met les noirs sur les terrains de foot et les blancs dans les conseils d'administration…).
Le Pen n'a pas perdu ses griffes comme on l'a vu dans le débat, mais plutôt que de l'attaquer sur son racisme et ses propos sur les fours crématoires, que tout le monde connaît, ses adversaires feraient mieux de l'interpeller sur son programme. Il serait intéressant de savoir, par exemple, en quoi consiste ce qu'il appelle la préférence nationale. Jusqu'où veut-il aller? Qui veut-il vraiment exclure? Des questions précises seraient certainement la meilleure manière de le déstabiliser, de montrer le vide ou la violence (ou la sottise) de ses propositions.
Ce serait sans doute la meilleure manière de dégonfler une baudruche qui m'a paru, hier soir, et à l'encontre de ce que disait un sondage publié la veille par Le Monde, en petite forme sinon en perte de vitesse. Ce serait certainement la meilleure manière de l'amener à révéler les pans les moins reluisants de son programme.
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