Les jurys citoyens de Ségolène Royal font couler beaucoup d'encre (par exemple ici). Ils suscitent en général beaucoup d'hostilité, mais on sent, même chez les plus critiques, l'intuition que derrière cette proposition, il y a une vraie question : les citoyens ne se sentent plus vraiment ou pas complètement représentés. Sans aller jusqu'à dire que notre démocratie est en crise, les symptomes d'un mal-être sont nombreux :
- la dispersion des voix lors du premier tour de la précédente élection présidentielle sur une myriade de petits candidats, l'importance des abstentions et le nombre élevé de gens qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales indique que beaucoup ne se reconnaissent pas dans les candidats et dans leurs programmes,
- la crispation à l'égard de l'Europe que personne ne juge vraiment démocratique (pour avoir essayé il y a quelques années de le montrer dans un document qui m'avait été commandé par la Commission je peux témoigner qu'il faut beaucoup se creuser les méninges pour trouver les institutions européennes démocratiques au sens classique du mot) témoigne de l'exaspération de beaucoup à l'égard de ces systèmes où l'on se préoccupe moins des désirs des citoyens que des rapports de force entre groupes de pression et lobbies.
Notre politique se fait aujourd'hui au croisement de quatre sources :
- les sondages qui auscultent régulièrement l'opinion,
- les avis d'experts,
- les élections,
- l'action de communication des lobbies et groupes de pression.
En introduisant des jurys citoyens, Ségolène Royal en propose une nouvelle. Ces jurys seraient, nous dit-elle, composés de gens tirés au sort (un peu à la manière des jurys d'assise ou des responsables de la cité dans l'antiquité grecque). Elle a précisé que les jurys n'étaient pas forcément là pour condamner (elle a, à ce propos, fait allusion aux jurys littéraires). On peut compléter :
- ils ne seraient pas représentatifs de l'opinion comme le sont les sondages,
- ils n'auraient pas la compétence des experts,
- ils n'auraient pas la légitimité des élus,
- ils n'auraient pas les intérêts des lobbies.
Est-ce que cela les déconsidère? pas forcément. Ces jurys me rappellent ces assemblées réunies sous un voile d'ignorance qu'imaginait John Rawls pour créer une société juste. Des gens qui ne sachant pas ce que serait leur place dans la société qu'ils concevaient ne pouvaient que concevoir une société juste. Utopie? Sans doute, mais qui met le doigt là où cela fait mal : le sentiment d'impuissance et d'injustice de beaucoup de citoyens qui ont le sentiment que la politique se fait en dehors d'eux et que les décisions prises le sont sans souci de la justice.
1 commentaire:
Je suis d’accord avec Segolene Royal; L’action des élus a besoin d’être contrôlée. C’est une évidence et comme toute évidence la proposition de Madame Royal se situe au-dessus du clivage droite gauche; ce qui me convient assez bien. Cependant la proposition de madame Royal pose des questions sans apporter les solutions. Comment organiser ce contrôle citoyen sans le dénaturer, comment l’installer dans la durée, comment passer outre le désintérêt du citoyen de base pour la chose publique ? Le contrôle des élus par l’électeur c’est ni plus ni moins que l’exercice de la souveraineté par le peuple. Souveraineté confisquée par les élites et les élus. Le rétablissement de la souveraineté populaire à l’intérieur et le rétablissement de la souveraineté nationale à l’extérieur sont des priorités qui exigeront un effort constant.
Les outils juridiques pour organiser la démocratie de proximité existent. Je prends pour exemple les articles L.2141-1, L.2142-1, 3, 4, et L.2143-2 du code général des collectivités territoriales. Mais qui s’en souci ? Il faut par exemple réformer le code des collectivités locales pour redonner aux conseillers municipaux l’espace qu’ils n’auraient jamais du perdre. C’est n'est pas normal qu’un conseiller s’abstienne systématiquement d’intervenir en conseil municipal sous prétexte qu’il a été élu sur la liste du Maire !!
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