C'est de plus en plus clair, avec ce deuxième tour se joue la deuxième manche de la recomposition du paysage politique.
La première manche a été la mise au rancart de l'idéologie marxiste et néo-gauchiste, par les militants du PS qui ont choisi Ségolène Royal contre les barons du PS, par les électeurs qui ont donné des scores ridicules à l'extrême-gauche. Le vote utile a été, dans les deux cas, le moteur : à force de faire peur, Nicolas Sarkozy et Le Pen ont accéléré le mouvement.
La seconde manche est le rapprochement de Ségolène Royal et de Bayrou. Un rapprochement qui ne dit pas son nom et ne le dira pas avant, au plus tôt, les législatives, mais qui fait glisser vers le centre le point d'équilibre de la politique française. C'est ce qui s'était déjà passé en Italie il y a quelques années. Ce rapprochement est d'autant plus facile que Bayrou l'a amorcé très tôt en s'opposant frontalement à Nicolas Sarkozy et que les programmes sont compatibles sur l'essentiel (souvenons-nous qu'il s'agit d'une élection présidentielle dans laquelle on discute plus de méthode et de principe que de mesures de gouvernement).
La troisième manche s'enclenchera dés demain. Bayrou et Royal sont aussi adversaires que complices. L'un et l'autre peuvent prétendre au leadership de ce centre gauche recomposé qui pourrait occuper un large pan de l'espace politique. L'un et l'autre ont du talent et de l'habileté stratégique. Ségolène Royal part cependant avec un handicap : elle a plus besoin de Bayrou que lui d'elle et elle est plus tenue par ses électeurs qu'il ne l'est. Reste qu'il doit lui aussi jouer une partie difficile. Si Ségolène Royal gagne l'élection, il lui sera plus facile de créer son groupe charnière à l'Assemblée que si elle perd et il aura un boulevard pour mener son opération. Ségolène Royal exclue du paysage, puisqu'à l'Elysée, il aura pour adversaire Hollande, DSK, Fabius… Mais peut-il appeler à voter pour elle sans casser ce qui lui reste de troupes et sans se déjuger?
Avoir des opinions est l'un des éléments du bien-être, affirmait il y a une quinzaine d'années, l'économiste A.O.Hirshman. Les blogs sont une bonne manière d'afficher ses opinions mais aussi, et peut-être même surtout, de les construire. C'est ce qui m'a donné envie de tenir celui-ci
vendredi, avril 27, 2007
Le piège Bayrou
En proposant à Farnçois Bayrou un débat, Ségolène Royal a construit, sans l'anticiper, un piège dans lequel Nicolas Sarkozy s'est enfermé à toute vitesse.
Rappelons la séquence des événements.
- Dès qu'elle a anoncé son intention de dialoguer avec le candidat centriste, Nicolas Sarkozy a fait savoir qu'il n'était pas dans son intention de faire de même. Logique : il n'a pas envie de ramener sur le devant de la scène celui de ses adversaires qui a eu au premier tour (Le Pen mis à part, bien sûr), les mots les plus durs sur sa personne.
- Et il fait tout pour éviter que le débat ait lieu. Ce qui lui est facile puisque les règles d'égalité des temps de parole pendant la campagne lui donnent la possibilité de l'empêcher. Il suffit qu'il dise non, qu'il refuse de participer à un débat pour que la télévision qui aurait accepté de recevoir Bayrou et Royal se retrouve dans l'illégalité.
On a envie de dire : bien joué. Le débat n'aura pas lieu à la télévision et Ségolène Royal passe pour ridicule : elle a, une nouvelle fois, improvisé. Sauf que… On ne parle que de ce débat dont personne ne voit bien en quoi il pourrait faire du mal à la démocratie. Amener deux candidats du premier tour à échanger en public est certainement plus moral que de détourner en cachette les élus du perdant.
Bayrou reste donc dans l'actualité et pas n'importe comment : comme victime de l'ostracisme des médias. On l'interdit de télévision, de parole. Et qui l'interdit? Pas Ségolène Royal dont les collaborateurs se démènent pour trouver une solution (qu'ils auront sans doute trouvé lorsque vous lirez ce post), mais Nicolas Sarkozy, celui-là même qui traîne derrière lui, depuis des semaines, des mois, plusieurs casseroles médiatiques : licenciement du patron de Paris-Match, agressions verbales à l'égard des journalistes et de la direction de FR3, amitiés avec les dirigeants des trois grands groupes de média française : Lagardère, Bouygues et Dassault… Si l'on avait voulu illustrer les dangers du contrôle d'un clan sur les médias, on ne s'y serait pas mieux pris. Et c'est toute la campagne de redressement de l'image du candidat UMP, cette opération cosmétique qui vise à effacer ces angles trop rugueux, qui s'en trouve compromise. Il nous fait des risettes à la télévisions, mais derrière les écrans, il se comporte en grand méchant loup.
On peut deviner que Bayrou ne lâchera pas le morceau et que Ségolène Royal ne manquera pas une occasion d'enfoncer le clou. Tous deux ont là une belle occasion de tacler leur adversaire et, plus encore, un motif de se faire les yeux doux…
Rappelons la séquence des événements.
- Dès qu'elle a anoncé son intention de dialoguer avec le candidat centriste, Nicolas Sarkozy a fait savoir qu'il n'était pas dans son intention de faire de même. Logique : il n'a pas envie de ramener sur le devant de la scène celui de ses adversaires qui a eu au premier tour (Le Pen mis à part, bien sûr), les mots les plus durs sur sa personne.
- Et il fait tout pour éviter que le débat ait lieu. Ce qui lui est facile puisque les règles d'égalité des temps de parole pendant la campagne lui donnent la possibilité de l'empêcher. Il suffit qu'il dise non, qu'il refuse de participer à un débat pour que la télévision qui aurait accepté de recevoir Bayrou et Royal se retrouve dans l'illégalité.
On a envie de dire : bien joué. Le débat n'aura pas lieu à la télévision et Ségolène Royal passe pour ridicule : elle a, une nouvelle fois, improvisé. Sauf que… On ne parle que de ce débat dont personne ne voit bien en quoi il pourrait faire du mal à la démocratie. Amener deux candidats du premier tour à échanger en public est certainement plus moral que de détourner en cachette les élus du perdant.
Bayrou reste donc dans l'actualité et pas n'importe comment : comme victime de l'ostracisme des médias. On l'interdit de télévision, de parole. Et qui l'interdit? Pas Ségolène Royal dont les collaborateurs se démènent pour trouver une solution (qu'ils auront sans doute trouvé lorsque vous lirez ce post), mais Nicolas Sarkozy, celui-là même qui traîne derrière lui, depuis des semaines, des mois, plusieurs casseroles médiatiques : licenciement du patron de Paris-Match, agressions verbales à l'égard des journalistes et de la direction de FR3, amitiés avec les dirigeants des trois grands groupes de média française : Lagardère, Bouygues et Dassault… Si l'on avait voulu illustrer les dangers du contrôle d'un clan sur les médias, on ne s'y serait pas mieux pris. Et c'est toute la campagne de redressement de l'image du candidat UMP, cette opération cosmétique qui vise à effacer ces angles trop rugueux, qui s'en trouve compromise. Il nous fait des risettes à la télévisions, mais derrière les écrans, il se comporte en grand méchant loup.
On peut deviner que Bayrou ne lâchera pas le morceau et que Ségolène Royal ne manquera pas une occasion d'enfoncer le clou. Tous deux ont là une belle occasion de tacler leur adversaire et, plus encore, un motif de se faire les yeux doux…
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vendredi, avril 20, 2007
Les étudiants de Sciences-Po Rennes votent Ségolène
On savait Nicolas Sarkozy peu populaire chez les jeunes, mais les résultats de Sciences-Po Rennes, école plutôt peuplée d'enfants de la bonne bourgeoisie de l'ouest de la Fracne (pas exclusivement, bien sûr) le confirme vraiment. A la suite d'un vote organisé dans l'école auquel ont participé 75% des élèves (soit à peu près 400 personnes) :
- Ségolène Royal est arrivée en tête avec 40,5% des voix,
- Bayrou : 23, 2% des voix (sans doute un souvenir de la tradition MRP de la région),
- Nicolas Sarkozy : 8, 9%,
- Dominique Voynet : 6%
- Olivier Besancenot : 4, 8%
- Le Pen : 4, 3% (ce qui n'est pas négligeable, même si l'on me dit que certains ont voté pour lui pour rire…),
- José Bové : 2, 9%
- M.G. Buffet : 1, 8%
- Nihous : 1, 6%
- Schivardi : 1, 1%
- de Villiers : 0, 5%
- Ségolène Royal est arrivée en tête avec 40,5% des voix,
- Bayrou : 23, 2% des voix (sans doute un souvenir de la tradition MRP de la région),
- Nicolas Sarkozy : 8, 9%,
- Dominique Voynet : 6%
- Olivier Besancenot : 4, 8%
- Le Pen : 4, 3% (ce qui n'est pas négligeable, même si l'on me dit que certains ont voté pour lui pour rire…),
- José Bové : 2, 9%
- M.G. Buffet : 1, 8%
- Nihous : 1, 6%
- Schivardi : 1, 1%
- de Villiers : 0, 5%
mercredi, avril 04, 2007
Qu'est-ce qui ne passe pas chez Ségolène Royal?
Je lisais hier dans Libération (ou ailleurs, je ne sais plus très bien tant entre journaux, blogs… on lit de choses) un journaliste s'étonner du silence de la presse féminine qui ne soutient pas Ségolène Royal alors même qu'elle est l'archétype de ces femmes battantes qu'elles mettent en permanence en avant.
Ce silence est l'indice d'un phénomène plus général. Beaucoup de femmes et, notamment beaucoup d'électrices de gauche, ne se retrouvent pas dans Ségolène Royal. Elles la trouvent glaciale, dure… Ce matin encore dans Libération, une journaliste qui accompagne José Bové et se plaint de son manque de discipline dit : «Je suis obligée de faire ma Ségolène Royal, de gueuler et de tout cadrer.»
Ce malaise est certainement l'une des faiblesses de Ségolène Royal. Si les hommes l'accusent d'incompétence (et il y a là beaucoup de machisme), les femmes lui reprochent volontiers sa personnalité alors même qu'elle pourrait être (devrait être) un modèle pour toutes celles qui ont de l'ambition, qui veulent faire carrière, qui sont modernes et, plus généralement, pour toutes celles qui se battent pour obtenir la place qu'elles méritent dans une société largement dominée par les hommes.
Cette difficulté tient probablement à sa personnalité. Dire cela, c'est entrer dans les eaux troubles de la psychologie et de la psychanalyse de bazar. Il me semble, cependant, à écouter plusieurs de ces femmes qu'elles reprochent au fond à Ségolène Royal sa figure maternelle. Elle prend à rebours les idées dominantes en matière d'éducation des enfants, elle met en avant des valeurs (l'effort, le travail, le donnant-donnant…) dont la plupart des femmes se méfient lorsqu'elles élèvent leurs enfants, des valeurs qu'elles reprochent souvent à leur mère d'avoir mises en avant.
Tout se passe comme si au fond ces femmes que Ségolène Royal met mal à l'aise lui reprochaient de trop ressembler à leur mère. Et l'on sait les relations difficiles que des filles peuvent entretenir avec leur mère.
Je vous avais averti, on n'est pas loin de la psychologie de bazar.
Ce silence est l'indice d'un phénomène plus général. Beaucoup de femmes et, notamment beaucoup d'électrices de gauche, ne se retrouvent pas dans Ségolène Royal. Elles la trouvent glaciale, dure… Ce matin encore dans Libération, une journaliste qui accompagne José Bové et se plaint de son manque de discipline dit : «Je suis obligée de faire ma Ségolène Royal, de gueuler et de tout cadrer.»
Ce malaise est certainement l'une des faiblesses de Ségolène Royal. Si les hommes l'accusent d'incompétence (et il y a là beaucoup de machisme), les femmes lui reprochent volontiers sa personnalité alors même qu'elle pourrait être (devrait être) un modèle pour toutes celles qui ont de l'ambition, qui veulent faire carrière, qui sont modernes et, plus généralement, pour toutes celles qui se battent pour obtenir la place qu'elles méritent dans une société largement dominée par les hommes.
Cette difficulté tient probablement à sa personnalité. Dire cela, c'est entrer dans les eaux troubles de la psychologie et de la psychanalyse de bazar. Il me semble, cependant, à écouter plusieurs de ces femmes qu'elles reprochent au fond à Ségolène Royal sa figure maternelle. Elle prend à rebours les idées dominantes en matière d'éducation des enfants, elle met en avant des valeurs (l'effort, le travail, le donnant-donnant…) dont la plupart des femmes se méfient lorsqu'elles élèvent leurs enfants, des valeurs qu'elles reprochent souvent à leur mère d'avoir mises en avant.
Tout se passe comme si au fond ces femmes que Ségolène Royal met mal à l'aise lui reprochaient de trop ressembler à leur mère. Et l'on sait les relations difficiles que des filles peuvent entretenir avec leur mère.
Je vous avais averti, on n'est pas loin de la psychologie de bazar.
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