La gauche a donc choisi de s'attaquer au dossier de la sécurité. Très bien. Il ya matière à faire. Elle a commencé par critiquer la politique du gouvernement. Elle peut poursuivre et approfondir ces critiques en dénonçant son inefficacité, depuis 8 ans que Nicolas Sarkozy gère ces dossiers, l'insécurité n'a pas diminué, mais aussi :
- ses injustices : on poursuit plus durement une gamine qui mendie qu'une milliardaire qui fraude le fisc,
- et ses inégalités : la police ne se comporte pas, mais alors pas du tout de la même manière sur tout le territoire. Dans le 16ème arrondissement, les policiers rendent régulièrement visite aux vieilles dames pour les rassurer, leur dire qu'ils sont, en cas de problème, à leur disposition. A la campagne, les gendarmes n'hésitent pas à frapper à la porte des nouveaux venus pour se présenter. Dans les banlieues, et pas forcément dans les quartiers les plus difficiles, on ne connait que la police anti-émeutes ou les raids de policiers en civil.
Ces critiques seront utiles si elles conduisent à identifier ce qui ne va pas dans la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy. Elles seront inutiles si elles consistent à faire du Sarkozy light, avec un peu plus de policiers, un peu moins de répression mais aucun changement dans les politiques de sécurité. Or le risque existe. D'un coté, on entend Manuel Valls expliquer qu'il a des caméras dans sa ville, que certaines villes socialistes ont des polices municipales armées, qu'il fait donc tout comme la droite, de l'autre, on entend des responsables socialistes expliquer que tout est affaire d'effectifs : il suffirait d'avoir plus de policiers sur le terrain pour que les choses s'arrangent.
Se contenter de ce sarkozysme light serait une double erreur : cela ne réglerait aucun des problèmes et donnerait à l'UMP la possibilité d'appliquer au PS la potion indigeste que lui impose chaque jour le FN : pourquoi ne pas aller plus loin?
Le PS doit inventer une nouvelle manière d'organiser la sécurité. Il doit se poser des questions difficiles :
- comment mieux lutter contre la drogue (avec ce qu'elle entraîne de délinquance)? en poursuivant un combat sans fin contre des trafiquants qui se renouvellent constamment tant les bénéfices de ce commerce sont importants? en légalisant les drogues dures? en médicalisant les drogués (en leur fournissant dans des centres médicalisés les drogues dont ils ne peuvent se passer dans le cadre de protocoles de sortie de la dépendance?) Comment faire accepter des politiques de ce type à une opinion hostile à toute forme de légalisation?
- comment rétablir une relation normale entre la police et les habitants dans tant de banlieues? Les dernières émeutes ont montré que des gens sans histoire étaient prêts à prendre la défense de délinquants tant les comportements de la police les exaspère. Comment en est-on venu là? Comment corriger cela? en mettant des policiers en plus grand nombre au contact de la population avec une mission de maintien de l'ordre au quotidien? sans doute. Mais où trouver ces policiers? Faut-il déplacer ceux qui sont installés dans les centre-ville au risque de déplaire à leurs habitants?
- comment enrayer le développement du trafic d'armes qui équipe les gangs de banlieue?
- comment lutter contre la récidive qui exaspère tant l'opinion?
- comment rendre à la prison son rôle d'épouvantail? Comment éviter qu'elle soit un lieu d'apprentissage de la délinquance? Quels types de sanction alternative peut-on développer pour les petits délits?
En un mot : comment construire une politique de sécurité qui rende confiance à la population.
Avoir des opinions est l'un des éléments du bien-être, affirmait il y a une quinzaine d'années, l'économiste A.O.Hirshman. Les blogs sont une bonne manière d'afficher ses opinions mais aussi, et peut-être même surtout, de les construire. C'est ce qui m'a donné envie de tenir celui-ci
mardi, août 31, 2010
lundi, août 30, 2010
Les noisetiers de Paris
Paris est une ville d'arbres, de platanes, de marronniers et de tilleuls mais aussi, je l'ai découvert place du Québec (cette petite place en face de l'église Saint-Germain des Près au coin des rues de Rennes et de Bonaparte, devant la boutique Cartier sur laquelle trône une fontaine offerte par le Québec qui avait en son temps beaucoup agacé Michel Deguy) des noisetiers. Ce sont, semble-t-il, des noisetiers de Byzance, une des 160 espèces d'arbres que l'on trouve à Paris (d'après ce document de la ville). Ce sont des noisettes tombées à terre qui ont attiré mon attention. Je n'ai jamais vu personne les ramasser ni les cueillir sur l'arbre. Il est vrai qu'elles sont grasses de pollution et couvertes de piquants qui ne donnent pas envie de s'y frotter. Mais j'imagine bien Francis Ponge leur consacrant quelques lignes.
mardi, août 24, 2010
La gauche et la sécurité
Lorsque l’on parle de sécurité et de la gauche, un mot revient en permanence : angélisme. La droite l’utilise abondamment, mais la gauche aussi pour s’en défendre sans voir qu’elle donne à ses adversaires la meilleure arme qui soit.
Mais la gauche a-t-elle vraiment fait preuve d’angélisme? Du temps des gouvernements de gauche, la police et la justice ne laissaient pas plus courir les délinquants que du temps de la droite. L’une et l’autre faisaient leur travail avec autant de rigueur qu’aujourd’hui et n’étaient pas plus laxistes. Si angélisme il y eut, il n’a rien à voir avec le laxisme.
Les reproches que l'on peut faire à la gauche sont à mon sens d'une toute autre nature :
- à l’inverse de la droite, la gauche n’a pas fait de l’insécurité la question centrale de la politique. Jospin pensait que la lutte contre le chômage devait être la priorité de son gouvernement, c’est sur cette bataille qu’il a consacré l’essentiel de ses forces et de sa communication. Avec, d’ailleurs, on s’en souvient, quelques bons résultats ;
- la gauche n’a pas mesuré non plus l’impact émotionnel des faits divers. Il suffit d’un crime particulièrement odieux pour retourner l’opinion. Chacun se sent menacé, pris à parti. Les faits divers apportent de l'eau au moulin du populisme. Chaque crime qui fait la une des journaux télévisés donne le sentiment que les pouvoirs publics sont impuissants (ils n’ont pas réussi à empêcher le crime…) et trop indulgents (puisque selon le principe “qui vole un oeuf volera un jour un boeuf”, ’il aurait suffi de sanctionner plus sévèrement les petits délinquants pour l’éviter) ;
- la gauche n’a pas vraiment pris la mesure du sentiment d’insécurité qui a saisi la société française. Elle a commis l’erreur de confondre les chiffres de la délinquance tels que les révèlent les statistiques policières, chiffres qui ne portent pas particulièrement à l’inquiétude, et le vécu de la délinquance. La droite a été, de ce point de vue, plus habile : elle a compris que le sentiment d’insécurité ne se résumait pas à cela et elle a su faire son miel des enquêtes de victimation qui se sont développées ces trente dernières années.
La gauche a surtout manqué l’importance de la sécurité dans la bataille idéologique. Elle n’a pas vu que dans les sociétés contemporaines, se joue derrière ces questions de sécurité bien plus que le problème de la délinquance. La séquence de l’été 2010 vient de l’illustrer admirablement : pour faire oublier sa complaisance à l’égard de la délinquance financière (évasion fiscale, tricheries sur le financement des partis politiques), Nicolas Sarkozy met l’accent sur la (petite) délinquance des Roms. A ses yeux, aux yeux de ses amis, l’évasion fiscale, la délinquance en col blanc sous toutes ses formes sont infiniment moins graves que le vol ou les incivilités. On pourrait, de ce point, avancer que la gauche a certainement été moins laxiste que la droite qui, non contente d’euphémiser (voire dépénaliser) la délinquance en col blanc, n’a eu de cesse de la justifier. Les arguments selon lesquels il faut éviter de poursuivre les riches qui pratiquent l’évasion fiscale au motif qu’ils peuvent quitter la France ne valent certainement pas mieux que ceux selon lesquels il faut pardonner leurs larcins aux pauvres au motif qu’ils n’ont guère d’autres choix.
La gauche doit donc se battre pour réintroduire dans le champ de la délinquance des délits que la droite nous a appris à considérer avec complaisance. Les scandales Woerth et Bettencourt devraient l'y aider. Elle doit aussi s’attaquer aux politiques menées par la droite en matière de sécurité. Et pas seulement en agitant le drapeau des effectifs de la police en diminution (drapeau difficile à manipuler puisque 1) personne ne connaît avec précision les effectifs de la police, et 2) on ne peut exclure des gains de productivité).
Elle peut le faire en attaquant la droite sur deux points :
- en montrant d’abord que ces politiques ont été inefficaces comme l’indiquent les statistiques du Ministère de l’Intérieur et l’actualité,
- en soulignant, ensuite, que ces politiques ont été profondément contre-productives puisque, bien loin de réduire l’insécurité, elles ont “durci” les comportements des délinquants, comme le montrent les attaques, nouvelles, inédites, contre les policiers et l’indifférence de beaucoup de jeunes délinquants à l’égard des sanctions traditionnelles (garde à vue, prison…). La gauche pourrait ainsi faire remarquer que plus les sanctions prises à l’égard de ceux qui s’en prennent aux policiers sont lourdes et plus se multiplient les incidents qui mettent aux prises policiers et jeunes délinquants. Ce qui est tout de même paradoxal.
Toute la philosophie de la sécurité à la Sarkozy repose sur des sanctions toujours plus dures (peines plancher, peines de prison plus lourdes…). L’argument classique est que seules des sanctions plus rigoureuses peuvent inciter les délinquants à mieux se conduire. Or, cette politique est doublement inefficace :
- les délinquants se soucient moins de la dureté des sanctions que du risque d’être pris : c’est le travail de la police qui les inquiète plus que les jugements lointains de la justice
- un excès de sévérité banalise les sanctions et les rend moins efficaces. On a moins peur de la prison quand y faire un séjour est devenu banal. C’est ce qui se produit aujourd’hui dans un certain nombre de quartiers. On aimerait, à ce propos, recommander à nos politiques la lecture de Beccaia et de ces pages dans lesquelles il recommande la modération des peines : “à mesures que les supplices deviennent plus cruels, l’âme (…) s’endurcit par le spectacle renouvelé de la barbarie. On s’habitue aux supplices horribles ; et après cent ans de cruautés multipliées, les passions, toujours actives, sont moins retenues par la roue et le gibet, qu’elles ne l’étaient auparavant par la prison.”
La gauche, qui s’intéresse à la sécurité, comme l’ont montré les débats sur le sujet lors de l’université d’été des verts, devrait oser un discours qui oppose aux solutions simplistes du pouvoir en place une réflexion qui tienne compte de la complexité du sujet :
- la sécurité n’est pas la seule affaire de la police. D’autres services que ceux du Ministère de l’intérieur s’en préoccupent : les douanes au ministère des finances, l’inspection du travail… Il y a les polices municipales, les polices privées (comme celles de la SNCF et de la RATP, les sociétés de gardiennage) les acteurs privés (lorsqu’un citoyen fait blinder sa porte, il participe à la lutte contre le cambriolage…). Il y a fort à parier que ces différents acteurs ne travaillent pas toujours en bonne intelligence et qu’une meilleure coordination aiderait ;
- tous les délits ne sont pas de même nature et ne doivent donc pas être traités de la même manière, ce que l’on fait aujourd’hui lorsque l’on met également en garde à vue un automobiliste mécontent et un trafiquant de drogue…
- le rôle de la police devrait être d'assurer et garantir l'ordre et non pas de créer le désordre comme c'est si souvent le cas dans les quartiers difficiles où leurs méthodes conduisent de délits mineurs à de véritables révoltes (des gamins ne respectent pas un feu, une limitation de vitesse ou une injonction policière, les policiers partent à leur poursuite, cette course-poursuite donne lieu à un accident mortel, le quartier s'embrase) ;
- tous les services de police ne travaillent pas également bien. Certains obtiennent de meilleurs résultats que d’autres. Il serait bon de mettre en place des systèmes d’évaluation qui permettent d’identifier ceux qui travaillent le mieux, non pas pour sanctionner les autres, mais pour en extraire les bonnes pratiques qui devraient être diffusées ailleurs. Des outils d’évaluation existent qui permettent de comparer des commissariats (notamment les techniques de Data Envelopment Analysis). Il conviendrait de les utiliser en lieu et place des méthodes d’évaluation actuelles dont on a si souvent souligné les effets pervers.
Il y a certainement plein d'autres choses à faire. Mais commencer à discuter de ces questions serait une bonne manière de ramener l'insécurité à sa juste place.
Sur le même sujet, je voudrais signaler l'excellent papier d'Alternatives Economiques : Insécurité : l'échec du tout répressif.
Mais la gauche a-t-elle vraiment fait preuve d’angélisme? Du temps des gouvernements de gauche, la police et la justice ne laissaient pas plus courir les délinquants que du temps de la droite. L’une et l’autre faisaient leur travail avec autant de rigueur qu’aujourd’hui et n’étaient pas plus laxistes. Si angélisme il y eut, il n’a rien à voir avec le laxisme.
Les reproches que l'on peut faire à la gauche sont à mon sens d'une toute autre nature :
- à l’inverse de la droite, la gauche n’a pas fait de l’insécurité la question centrale de la politique. Jospin pensait que la lutte contre le chômage devait être la priorité de son gouvernement, c’est sur cette bataille qu’il a consacré l’essentiel de ses forces et de sa communication. Avec, d’ailleurs, on s’en souvient, quelques bons résultats ;
- la gauche n’a pas mesuré non plus l’impact émotionnel des faits divers. Il suffit d’un crime particulièrement odieux pour retourner l’opinion. Chacun se sent menacé, pris à parti. Les faits divers apportent de l'eau au moulin du populisme. Chaque crime qui fait la une des journaux télévisés donne le sentiment que les pouvoirs publics sont impuissants (ils n’ont pas réussi à empêcher le crime…) et trop indulgents (puisque selon le principe “qui vole un oeuf volera un jour un boeuf”, ’il aurait suffi de sanctionner plus sévèrement les petits délinquants pour l’éviter) ;
- la gauche n’a pas vraiment pris la mesure du sentiment d’insécurité qui a saisi la société française. Elle a commis l’erreur de confondre les chiffres de la délinquance tels que les révèlent les statistiques policières, chiffres qui ne portent pas particulièrement à l’inquiétude, et le vécu de la délinquance. La droite a été, de ce point de vue, plus habile : elle a compris que le sentiment d’insécurité ne se résumait pas à cela et elle a su faire son miel des enquêtes de victimation qui se sont développées ces trente dernières années.
La gauche a surtout manqué l’importance de la sécurité dans la bataille idéologique. Elle n’a pas vu que dans les sociétés contemporaines, se joue derrière ces questions de sécurité bien plus que le problème de la délinquance. La séquence de l’été 2010 vient de l’illustrer admirablement : pour faire oublier sa complaisance à l’égard de la délinquance financière (évasion fiscale, tricheries sur le financement des partis politiques), Nicolas Sarkozy met l’accent sur la (petite) délinquance des Roms. A ses yeux, aux yeux de ses amis, l’évasion fiscale, la délinquance en col blanc sous toutes ses formes sont infiniment moins graves que le vol ou les incivilités. On pourrait, de ce point, avancer que la gauche a certainement été moins laxiste que la droite qui, non contente d’euphémiser (voire dépénaliser) la délinquance en col blanc, n’a eu de cesse de la justifier. Les arguments selon lesquels il faut éviter de poursuivre les riches qui pratiquent l’évasion fiscale au motif qu’ils peuvent quitter la France ne valent certainement pas mieux que ceux selon lesquels il faut pardonner leurs larcins aux pauvres au motif qu’ils n’ont guère d’autres choix.
La gauche doit donc se battre pour réintroduire dans le champ de la délinquance des délits que la droite nous a appris à considérer avec complaisance. Les scandales Woerth et Bettencourt devraient l'y aider. Elle doit aussi s’attaquer aux politiques menées par la droite en matière de sécurité. Et pas seulement en agitant le drapeau des effectifs de la police en diminution (drapeau difficile à manipuler puisque 1) personne ne connaît avec précision les effectifs de la police, et 2) on ne peut exclure des gains de productivité).
Elle peut le faire en attaquant la droite sur deux points :
- en montrant d’abord que ces politiques ont été inefficaces comme l’indiquent les statistiques du Ministère de l’Intérieur et l’actualité,
- en soulignant, ensuite, que ces politiques ont été profondément contre-productives puisque, bien loin de réduire l’insécurité, elles ont “durci” les comportements des délinquants, comme le montrent les attaques, nouvelles, inédites, contre les policiers et l’indifférence de beaucoup de jeunes délinquants à l’égard des sanctions traditionnelles (garde à vue, prison…). La gauche pourrait ainsi faire remarquer que plus les sanctions prises à l’égard de ceux qui s’en prennent aux policiers sont lourdes et plus se multiplient les incidents qui mettent aux prises policiers et jeunes délinquants. Ce qui est tout de même paradoxal.
Toute la philosophie de la sécurité à la Sarkozy repose sur des sanctions toujours plus dures (peines plancher, peines de prison plus lourdes…). L’argument classique est que seules des sanctions plus rigoureuses peuvent inciter les délinquants à mieux se conduire. Or, cette politique est doublement inefficace :
- les délinquants se soucient moins de la dureté des sanctions que du risque d’être pris : c’est le travail de la police qui les inquiète plus que les jugements lointains de la justice
- un excès de sévérité banalise les sanctions et les rend moins efficaces. On a moins peur de la prison quand y faire un séjour est devenu banal. C’est ce qui se produit aujourd’hui dans un certain nombre de quartiers. On aimerait, à ce propos, recommander à nos politiques la lecture de Beccaia et de ces pages dans lesquelles il recommande la modération des peines : “à mesures que les supplices deviennent plus cruels, l’âme (…) s’endurcit par le spectacle renouvelé de la barbarie. On s’habitue aux supplices horribles ; et après cent ans de cruautés multipliées, les passions, toujours actives, sont moins retenues par la roue et le gibet, qu’elles ne l’étaient auparavant par la prison.”
La gauche, qui s’intéresse à la sécurité, comme l’ont montré les débats sur le sujet lors de l’université d’été des verts, devrait oser un discours qui oppose aux solutions simplistes du pouvoir en place une réflexion qui tienne compte de la complexité du sujet :
- la sécurité n’est pas la seule affaire de la police. D’autres services que ceux du Ministère de l’intérieur s’en préoccupent : les douanes au ministère des finances, l’inspection du travail… Il y a les polices municipales, les polices privées (comme celles de la SNCF et de la RATP, les sociétés de gardiennage) les acteurs privés (lorsqu’un citoyen fait blinder sa porte, il participe à la lutte contre le cambriolage…). Il y a fort à parier que ces différents acteurs ne travaillent pas toujours en bonne intelligence et qu’une meilleure coordination aiderait ;
- tous les délits ne sont pas de même nature et ne doivent donc pas être traités de la même manière, ce que l’on fait aujourd’hui lorsque l’on met également en garde à vue un automobiliste mécontent et un trafiquant de drogue…
- le rôle de la police devrait être d'assurer et garantir l'ordre et non pas de créer le désordre comme c'est si souvent le cas dans les quartiers difficiles où leurs méthodes conduisent de délits mineurs à de véritables révoltes (des gamins ne respectent pas un feu, une limitation de vitesse ou une injonction policière, les policiers partent à leur poursuite, cette course-poursuite donne lieu à un accident mortel, le quartier s'embrase) ;
- tous les services de police ne travaillent pas également bien. Certains obtiennent de meilleurs résultats que d’autres. Il serait bon de mettre en place des systèmes d’évaluation qui permettent d’identifier ceux qui travaillent le mieux, non pas pour sanctionner les autres, mais pour en extraire les bonnes pratiques qui devraient être diffusées ailleurs. Des outils d’évaluation existent qui permettent de comparer des commissariats (notamment les techniques de Data Envelopment Analysis). Il conviendrait de les utiliser en lieu et place des méthodes d’évaluation actuelles dont on a si souvent souligné les effets pervers.
Il y a certainement plein d'autres choses à faire. Mais commencer à discuter de ces questions serait une bonne manière de ramener l'insécurité à sa juste place.
Sur le même sujet, je voudrais signaler l'excellent papier d'Alternatives Economiques : Insécurité : l'échec du tout répressif.
lundi, août 23, 2010
Les policiers de Nicolas Sarkozy
Nicolas Sarkozy a récemment nommé à des postes de préfet ou de responsabilité dans son entourage immédiat plusieurs policiers. Ces choix confirment l'importance qu'il accorde aux nominations de collaborateurs qui lui doivent tout. Il aime gouverner entouré d'obligés. C'est vrai de tous ses conseillers qui ne seraient rien sans lui quand ses ministres ont, du fait même de leur capital électoral, une certaine autonomie. Ce l'est de ces policiers qu'il nomme préfets. Quelque brillante qu'ait pu être leur carrière, les commissaires de police deviennent rarement préfets. Ils ne sortent d'aucune de ces écoles qui forment les élites de la nation (beaucoup ont choisi la police faute d'avoir réussi le concours de l'ENA, de l'Ecole Nationale de la magistrature ou de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé ublique), et auraient eu peu de chance d'arriver au sommet de l'Etat sans l'intervention du Prince. On peut imaginer qu'ils lui seront d'autant plus fidèles qu'ils lui doivent beaucoup, sinon, pour certains, tout.
Cette dépendance donne au Prince le droit d'être exigeant et on devine que Nicolas Sarkozy l'est : ses dossiers sont certainement très bien préparés. Elle lui permet également de faire confiance. Et on a également le sentiment qu'il sait déléguer beaucoup à ses plus proches (ses conseillers, pas ses ministres). Comment pourrait-il, d'ailleurs,traiter simultanément autant de dossiers s'il ne donnait les plus grandes marges à ses conseillers les plus proches? L'inconvénient de ce type de gestion est qu'il favorise les phénomènes de cour : les conseillers (et hauts fonctionnaires) n'ayant d'autre légitimité que celle accordée par le prince, ils ne peuvent s'opposer à lui sans risques là où un politique, fort d'une légitimité personnelle, pourrait le mettre en garde. Les mesures prises contre les Roms et les gens du voyage est un bon exemple de ces erreurs graves (parce que c'est une erreur qui lui coûtera cher dans son électorat le plus traditionnel comme le montrent les réactions de l'Eglise, des institutions juives et la gêne de beaucoup d'élus de droite) qu'une écoute plus régulière des politiques lui aurait permis d'éviter.
Chacun le devine, ces nominations de policiers ont été conçues comme un signal adressé à l'opinion : les questions de sécurité sont prises sérieusement en main puisque confiées à des experts. Mais est-ce bien le cas?
Il n'est pas sûr que la carrière d'Eric Le Douaron, le nouveau préfet de l'Isère, l'ait vraiment préparé à résoudre les problèmes rencontrés dans les banlieues de Grenoble. Il a été pendant des années commissaire du 4ème arrondissement de Paris puis directeur de la police des frontières, ce qui est bien loin des problèmes des banlieues. Patron du Raid puis des CRS, Christian Lambert a, quant à lui, plus un profil de responsable du maintien de l'ordre que de spécialiste des problèmes de la Seine Saint-Denis.
Au delà, ces nominations posent un problème de compétence plus général. Les préfets ne sont pas seulement le chef de la police. Ils sont aussi dans leurs départements et régions, chargés d'animer les autres administrations, ce qui demande une expérience qui s'acquiert sur le terrain, dans les sous-préfectures, dans les préfectures, pas dans les commissariats. On peut donc craindre qu'elles se traduisent par un dégradation de la qualité du travail de la fonction publique dans les départements ou régions qui héritent de ces policiers.
Le risque est d'autant plus réel que les policiers viennent d'une administration qui fonctionne de manière très particulière, bien loin de l'image qu'en donnent les séries policières. Les syndicats y exercent un pouvoir considérable et cogèrent l'institution au terme d'un contrat implicite qui ne date pas de Nicolas Sarkozy mais auquel il n'a pas touché. La police obéit au pouvoir politique dans les moments les plus difficiles, elle fait éventuellement le sale boulot (chasser des Roms de leur campement fait aujourd'hui partie de ces sales boulots), mais, en échange, elle se gère largement elle-même et attend du gouvernement protection chaque fois qu'elle commet une erreur. Les sanctions y sont exceptionnelles alors même que c'est un métier qui met plus que d'autres en situation de commettre des bavures aux conséquences graves.
La police est, par ailleurs, la seule administration dans laquelle les organisations syndicales ont la capacité d'infléchir régulièrement la politique gouvernementale. Ces organisations syndicales n'échappent pas aux difficultés des autres syndicats. Elles y répondent par le populisme, l'appel à toujours plus de répression.
Mais revenons à la lutte contre la délinquance. Ces nominations peuvent-elles être efficaces? Non. Toutes choses égales par ailleurs, ces préfets ont trop peu de temps pour éradiquer un phénomène complexe qui prend ses racines dans le chômage, l'échec scolaire, la pauvreté, la désespérance sociale. Ils ne resteront pas les bras croisés. Les policiers maîtrisent depuis longtemps l'art de manipuler la presse, de distiller des informations, de monter des opérations spectacle, ils sont de tous les fonctionnaires ceux qui la pratiquent le plus. Et ils multiplieront (ils ont déjà commencé de le faire) les opérations musclées et cinématographiques susceptibles d'ouvrir les journaux télévisés. On parlera d'eux, ils donneront le sentiment d'agir, mais… les policiers sont aussi de grands spécialistes de la négociation indirecte avec les délinquants, de la sous-traitance de la sécurité aux bandes et mafias. On peut craindre que se mette en place un système où d'un coté la police ferait beaucoup de bruit pour les médias et laisserait de l'autre les délinquants les plus structurés, les plus raisonnables travailler dans le calme.
Cette dépendance donne au Prince le droit d'être exigeant et on devine que Nicolas Sarkozy l'est : ses dossiers sont certainement très bien préparés. Elle lui permet également de faire confiance. Et on a également le sentiment qu'il sait déléguer beaucoup à ses plus proches (ses conseillers, pas ses ministres). Comment pourrait-il, d'ailleurs,traiter simultanément autant de dossiers s'il ne donnait les plus grandes marges à ses conseillers les plus proches? L'inconvénient de ce type de gestion est qu'il favorise les phénomènes de cour : les conseillers (et hauts fonctionnaires) n'ayant d'autre légitimité que celle accordée par le prince, ils ne peuvent s'opposer à lui sans risques là où un politique, fort d'une légitimité personnelle, pourrait le mettre en garde. Les mesures prises contre les Roms et les gens du voyage est un bon exemple de ces erreurs graves (parce que c'est une erreur qui lui coûtera cher dans son électorat le plus traditionnel comme le montrent les réactions de l'Eglise, des institutions juives et la gêne de beaucoup d'élus de droite) qu'une écoute plus régulière des politiques lui aurait permis d'éviter.
Chacun le devine, ces nominations de policiers ont été conçues comme un signal adressé à l'opinion : les questions de sécurité sont prises sérieusement en main puisque confiées à des experts. Mais est-ce bien le cas?
Il n'est pas sûr que la carrière d'Eric Le Douaron, le nouveau préfet de l'Isère, l'ait vraiment préparé à résoudre les problèmes rencontrés dans les banlieues de Grenoble. Il a été pendant des années commissaire du 4ème arrondissement de Paris puis directeur de la police des frontières, ce qui est bien loin des problèmes des banlieues. Patron du Raid puis des CRS, Christian Lambert a, quant à lui, plus un profil de responsable du maintien de l'ordre que de spécialiste des problèmes de la Seine Saint-Denis.
Au delà, ces nominations posent un problème de compétence plus général. Les préfets ne sont pas seulement le chef de la police. Ils sont aussi dans leurs départements et régions, chargés d'animer les autres administrations, ce qui demande une expérience qui s'acquiert sur le terrain, dans les sous-préfectures, dans les préfectures, pas dans les commissariats. On peut donc craindre qu'elles se traduisent par un dégradation de la qualité du travail de la fonction publique dans les départements ou régions qui héritent de ces policiers.
Le risque est d'autant plus réel que les policiers viennent d'une administration qui fonctionne de manière très particulière, bien loin de l'image qu'en donnent les séries policières. Les syndicats y exercent un pouvoir considérable et cogèrent l'institution au terme d'un contrat implicite qui ne date pas de Nicolas Sarkozy mais auquel il n'a pas touché. La police obéit au pouvoir politique dans les moments les plus difficiles, elle fait éventuellement le sale boulot (chasser des Roms de leur campement fait aujourd'hui partie de ces sales boulots), mais, en échange, elle se gère largement elle-même et attend du gouvernement protection chaque fois qu'elle commet une erreur. Les sanctions y sont exceptionnelles alors même que c'est un métier qui met plus que d'autres en situation de commettre des bavures aux conséquences graves.
La police est, par ailleurs, la seule administration dans laquelle les organisations syndicales ont la capacité d'infléchir régulièrement la politique gouvernementale. Ces organisations syndicales n'échappent pas aux difficultés des autres syndicats. Elles y répondent par le populisme, l'appel à toujours plus de répression.
Mais revenons à la lutte contre la délinquance. Ces nominations peuvent-elles être efficaces? Non. Toutes choses égales par ailleurs, ces préfets ont trop peu de temps pour éradiquer un phénomène complexe qui prend ses racines dans le chômage, l'échec scolaire, la pauvreté, la désespérance sociale. Ils ne resteront pas les bras croisés. Les policiers maîtrisent depuis longtemps l'art de manipuler la presse, de distiller des informations, de monter des opérations spectacle, ils sont de tous les fonctionnaires ceux qui la pratiquent le plus. Et ils multiplieront (ils ont déjà commencé de le faire) les opérations musclées et cinématographiques susceptibles d'ouvrir les journaux télévisés. On parlera d'eux, ils donneront le sentiment d'agir, mais… les policiers sont aussi de grands spécialistes de la négociation indirecte avec les délinquants, de la sous-traitance de la sécurité aux bandes et mafias. On peut craindre que se mette en place un système où d'un coté la police ferait beaucoup de bruit pour les médias et laisserait de l'autre les délinquants les plus structurés, les plus raisonnables travailler dans le calme.
samedi, août 14, 2010
Entre Poutine et Berlusconi
Ce n'est pas la première fois que la France et sa politique sont critiquées par la presse ou des organisations internationales. On se souvient des critiques que la politique française avait suscitées pendant la guerre du Vietnam ou, plus près de nous, les réactions américaines aux discours de Dominique de Villepin à propos de l'Irak. Mais à chaque fois, les positions françaises suscitaient l'approbation d'une grande majorité des Français et la sympathie de beaucoup à l'étranger, notamment du coté des non-alignés. C'est, cette fois-ci, tout différent. les critiques faites à l'extérieur relaient celles faites à l'intérieur et viennent, pour beaucoup, de ceux qui trouvaient, à l'étranger, quelques vertus aux positions françaises. C'est l'image de la France, celle qu'elle veut donner d'elle-même qui est écornée. Et avec elle celle d'un Président dont l'image se situe, pour l'instant encore dans une version light, quelque part entre Poutine et Berlusconi. Cela n'augure guère d'une Présidence du G20 dont Nicolas Sarkozy et ses amis attendaient tant.
vendredi, août 13, 2010
L'art de façonner l'opinion : un exemple concret
Il y a quelques jours, Eric Fassin a publiée dans Le Monde une libre opinion mettant en évidence le rôle des commentateurs dans la fabrication de l'opinion :
En matière de sécurité, écrivait-il, "les annonces de la majorité" seraient "plébiscitées". Du moins Le Figaro l'affirmait-il en "une" le 5 août, en s'appuyant sur un sondage IFOP : "Roms, déchéance de nationalité, peines planchers, vidéosurveillance : les idées de l'UMP sont approuvées aussi à gauche." Une dépêche AFP dictera le ton des médias : "Le consensus semble transcender assez largement les tranches d'âge, appartenances sociales ou préférences politiques affichées."
Il est vrai que le "palmarès" du sondage (c'est le mot utilisé par Le Figaro) est impressionnant : 80 % des Français seraient favorables à"l'instauration d'une peine incompressible de trente ans de prison pour les assassins de policiers et de gendarmes", 79 % au"démantèlement des camps illégaux de Roms", et ils le sont au retrait de nationalité pour les Français d'origine étrangère, à 70 % "en cas d'atteinte à la vie d'un policier ou d'un gendarme", et à 80 % en cas "de polygamie ou d'incitation à l'excision". Avec ces scores de maréchal, on peut bien parler de "plébiscite"pour Nicolas Sarkozy.
Le plébiscite médiatique du sondage plébiscitaire est souligné par l'indifférence qui entoure un sondage du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) publié par L'Humanité du 6 août. Il est vrai que les résultats en sont moins spectaculaires : 62 % jugent nécessaire le démantèlement des camps illégaux de Roms (contre 79 % favorables, selon le sondage IFOP), et sur le retrait de la nationalité pour meurtre de policier, ils sont 57 % (contre 70 %). L'écart se creuse d'ailleurs si l'on considère les réponses extrêmes -"tout à fait" ou "pas du tout". Sans doute la tendance n'est-elle pas inversée ; du moins est-elle atténuée.
Les résultats paraissent d'autant plus vrais qu'ils sont moins vraisemblables. "De fait, s'émerveille Le Figaro, qui aurait cru que 62 % des électeurs de gauche approuveraient que l'on retire leur nationalité française à des ressortissants d'origine étrangère coupables de polygamie ou d'excision ?" Et de répondre à Martine Aubry, qui dénonce une "dérive antirépublicaine" : "les dirigeants socialistes, dépassés par leurs troupes, n'ont toujours pas fait leur révolution culturelle, huit ans après l'élimination de Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle".
L'enjeu, c'est le consensus censé réunir électeurs de droite et de gauche. Le 6 août, sur la foi du sondage IFOP, Le Monde s'interrogeait : "Sécurité : la fin d'un clivage ?" ; mais L'Humanité titre, à partir du sondage CSA : "L'ultrasécuritaire clive la France". Car l'écart y est très important entre, d'une part, droite et extrême droite (très semblables dans leurs réponses), et d'autre part gauche et extrême gauche (également proches) - dans un rapport, pour chaque réponse, d'au moins 1 à 2. Même dans le sondage IFOP, l'opposition entre droite et gauche reste "clivante" (bien plus que tout autre critère) - le rapport est de 1 à 1,5 ou 2 !
Cet engouement médiatique est d'autant plus frappant que le sondage IFOP serait un désaveu pour les médias : des résultats jugés "spectaculaires" par Jérôme Fourquet, de l'IFOP, qui voit dans cette enquête la confirmation de ce qu'il pressentait : "L'affaire Bettencourt a occupé une place très importante dans les médias, mais l'opinion, elle, a davantage été marquée par les violences des dernières semaines."
Mais l'insécurité est-elle la priorité des Français ? En réalité, la grande enquête "victimation et sentiment d'insécurité en Ile-de-France", menée tous les deux ans auprès de 10 000 personnes (soit dix fois plus que les sondages IFOP ou CSA), concluait en 2009 que, pour les Franciliens, ce n'est plus du tout la délinquance qui est jugée prioritaire (avec un recul, depuis 2001, de 39,2 % à 12,6 %), mais, et de loin, la pauvreté et le chômage (à 39,8 % et 40,9 %).
Une enquête nationale de l'IFOP, fin juillet, montre certes une forte progression du sentiment que la délinquance a augmenté depuis 2007 (de 43 % à 59 %) ; mais 84 % des sondés se jugent personnellement en sécurité. Mieux : on croit d'autant plus à cette augmentation que le taux de délinquance est plus faible dans son propre département ! France-Soir en conclut que, depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, "le sentiment "d'insécurité" se généralise". N'est-ce pas plutôt la croyance dans la montée de l'insécurité ? La délinquance pèserait-elle moins dans le quotidien des Français que dans l'actualité médiatique ?
La "vérité" résulte d'une construction. Pas plus que les journalistes ou les politiques, les sondeurs ne sont les interprètes autorisés des Français. Les uns et les autres proposent des versions de l'opinion, qui la reflètent moins qu'elles ne contribuent à la former. Quand on interroge sur les"camps illégaux de Roms", note Rue89, on pourrait ajouter une question pour savoir "si les gens sont favorables au respect de la loi qui oblige certaines communes à aménager des terrains d'accueil pour les Roms". "C'est vrai, on aurait pu la poser, reconnaît-on à l'IFOP. Mais on est obligé de faire des choix, et tous les choix sont mutilants."
Définir les questions, ce n'est pas un simple préalable méthodologique ; c'est aussi un enjeu politique. Car les problèmes ne se posent jamais tout seuls ; ce sont toujours des acteurs politiques qui les posent pour en imposer les termes. "L'opinion publique" ne préexiste pas au débat public, dont les représentations médiatiques et sondagières font partie ; elle en est l'enjeu même. Le président de la République définit l'insécurité comme une priorité, et la pose en lien avec l'immigration, voire avec l'origine.
Il reflète moins ainsi quelque xénophobie ou racisme inhérents aux Français qu'il ne les attise par son discours et sa politique. Si la gauche, intimidée par la droite, mais aussi par les médias et les sondeurs, acceptait les termes de Nicolas Sarkozy, elle serait condamnée à perdre en 2012. Sa seule chance de gagner, c'est de poser d'autres questions, et de proposer d'autres articulations, en particulier avec la politique économique - et ainsi de façonner autrement l'opinion.
Quelques heures (et un autre commanditaire, Marianne vs Le Figaro) plus tard, voilà de quoi apporter de l'eau au moulin de Fassin et de quoi montrer, de manière éclatante, que les jugements sur la politique gouvernementale dépendent massivement des questions posées, "69 % des Français jugent Nicolas Sarkozy "inefficace" en matière de sécurité, selon un sondage", selon un autre titre du Monde :
La crédibilité du chef de l'Etat en matière de sécurité s'est fortement effritée, selon un sondage CSA pour le magazine Marianne à paraître samedi 14 août (le fichier PDF de l'enquête est disponible ici). D'après cette enquête, 69 % des sondés jugent "inefficace" son action comme ministre de l'intérieur, puis comme chef de l'Etat, sur les questions de sécurité. Ce constat sévère, et qui explique sans doute la multiplication des annonces sécuritaires par la majorité ces dernières semaines, est partagé à gauche (72 %). Mais les sympathisants de droite sont une majorité (53 %) à faire le même constat. Seuls 27 % des sondés jugent queNicolas Sarkozy a été "efficace" en matière de lutte contre l'insécurité (25 % à gauche, 45 % à droite).
L'enquête montre aussi que Nicolas Sarkozy est jugé inefficace dans tous les aspects de la lutte contre l'insécurité : Pour 58 %, le chef de l'Etat est jugé "plutôt inefficace en matière d'atteintes aux biens" ; 69 % partagent ce constat pour les atteintes aux personnes ; 72 % pour la délinquance financière et 78 % le jugent "plutôt inefficace" pour lutter contre les violences urbaines.
LE LIEN ENTRE INSÉCURITÉ ET IMMIGRATION MINORITAIRE DANS L'OPINION
Autre information qui vient, en partie, contredire le lien établi de plus en plus fréquemment par l'UMP entre immigration et insécurité : la principale cause de celle-ci, aux yeux des Français, est sociale : pour 73 % des sondés et 68 % des sympathisants de droite, ce sont les inégalités qui causent l'augmentation de la délinquance. Pour 68 % d'entre eux et 64 % à droite, la suppression par Nicolas Sarkozy de la police de proximité est également en cause. Deux autres hypothèses sont validées :"l'incivilité des citoyens" (68 %) et la réduction du nombre de policiers (66 %).
L'immigration est citée comme cause de la hausse de l'insécurité par une forte minorité (47 %), tandis que 49 % estiment qu'elle y contribue"peu ou pas du tout". En revanche, les sympathisants de droite sont nettement plus nombreux, 61 % (contre 33 % à gauche), à partager ce constat.
Plus étonnant encore, au vu des précédentes enquêtes d'opinion, dont celle de l'IFOP qui avait fait polémique : le projet de priver de nationalité les Français d'origine étrangère coupables de certains crimes est jugé défavorablement par une courte majorité. Précisément, 51 % des sondés, contre 46 %, jugent que "tous les Français doivent être égaux devant la loi quelle que soit leur origine". Avec un net clivage partisan : 63 % des sympathisants de gauche partagent ce constat, contre seulement 28 % de ceux de droite.
L'institut CSA a également testé l'adhésion à la phrase "les Français d'origine étrangère sont des Français à part entière", qui recueille 75 % d'approbation, contre 22 %. Il a également demandé si les exilés fiscaux méritaient la nationalité française. Seuls 28 % jugent que oui, contre 66 %.
Tout cela invite à prendre les résultats des enquêtes d'opinion avec un certain relativisme…
En matière de sécurité, écrivait-il, "les annonces de la majorité" seraient "plébiscitées". Du moins Le Figaro l'affirmait-il en "une" le 5 août, en s'appuyant sur un sondage IFOP : "Roms, déchéance de nationalité, peines planchers, vidéosurveillance : les idées de l'UMP sont approuvées aussi à gauche." Une dépêche AFP dictera le ton des médias : "Le consensus semble transcender assez largement les tranches d'âge, appartenances sociales ou préférences politiques affichées."
Il est vrai que le "palmarès" du sondage (c'est le mot utilisé par Le Figaro) est impressionnant : 80 % des Français seraient favorables à"l'instauration d'une peine incompressible de trente ans de prison pour les assassins de policiers et de gendarmes", 79 % au"démantèlement des camps illégaux de Roms", et ils le sont au retrait de nationalité pour les Français d'origine étrangère, à 70 % "en cas d'atteinte à la vie d'un policier ou d'un gendarme", et à 80 % en cas "de polygamie ou d'incitation à l'excision". Avec ces scores de maréchal, on peut bien parler de "plébiscite"pour Nicolas Sarkozy.
Le plébiscite médiatique du sondage plébiscitaire est souligné par l'indifférence qui entoure un sondage du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) publié par L'Humanité du 6 août. Il est vrai que les résultats en sont moins spectaculaires : 62 % jugent nécessaire le démantèlement des camps illégaux de Roms (contre 79 % favorables, selon le sondage IFOP), et sur le retrait de la nationalité pour meurtre de policier, ils sont 57 % (contre 70 %). L'écart se creuse d'ailleurs si l'on considère les réponses extrêmes -"tout à fait" ou "pas du tout". Sans doute la tendance n'est-elle pas inversée ; du moins est-elle atténuée.
Les résultats paraissent d'autant plus vrais qu'ils sont moins vraisemblables. "De fait, s'émerveille Le Figaro, qui aurait cru que 62 % des électeurs de gauche approuveraient que l'on retire leur nationalité française à des ressortissants d'origine étrangère coupables de polygamie ou d'excision ?" Et de répondre à Martine Aubry, qui dénonce une "dérive antirépublicaine" : "les dirigeants socialistes, dépassés par leurs troupes, n'ont toujours pas fait leur révolution culturelle, huit ans après l'élimination de Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle".
L'enjeu, c'est le consensus censé réunir électeurs de droite et de gauche. Le 6 août, sur la foi du sondage IFOP, Le Monde s'interrogeait : "Sécurité : la fin d'un clivage ?" ; mais L'Humanité titre, à partir du sondage CSA : "L'ultrasécuritaire clive la France". Car l'écart y est très important entre, d'une part, droite et extrême droite (très semblables dans leurs réponses), et d'autre part gauche et extrême gauche (également proches) - dans un rapport, pour chaque réponse, d'au moins 1 à 2. Même dans le sondage IFOP, l'opposition entre droite et gauche reste "clivante" (bien plus que tout autre critère) - le rapport est de 1 à 1,5 ou 2 !
Cet engouement médiatique est d'autant plus frappant que le sondage IFOP serait un désaveu pour les médias : des résultats jugés "spectaculaires" par Jérôme Fourquet, de l'IFOP, qui voit dans cette enquête la confirmation de ce qu'il pressentait : "L'affaire Bettencourt a occupé une place très importante dans les médias, mais l'opinion, elle, a davantage été marquée par les violences des dernières semaines."
Mais l'insécurité est-elle la priorité des Français ? En réalité, la grande enquête "victimation et sentiment d'insécurité en Ile-de-France", menée tous les deux ans auprès de 10 000 personnes (soit dix fois plus que les sondages IFOP ou CSA), concluait en 2009 que, pour les Franciliens, ce n'est plus du tout la délinquance qui est jugée prioritaire (avec un recul, depuis 2001, de 39,2 % à 12,6 %), mais, et de loin, la pauvreté et le chômage (à 39,8 % et 40,9 %).
Une enquête nationale de l'IFOP, fin juillet, montre certes une forte progression du sentiment que la délinquance a augmenté depuis 2007 (de 43 % à 59 %) ; mais 84 % des sondés se jugent personnellement en sécurité. Mieux : on croit d'autant plus à cette augmentation que le taux de délinquance est plus faible dans son propre département ! France-Soir en conclut que, depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, "le sentiment "d'insécurité" se généralise". N'est-ce pas plutôt la croyance dans la montée de l'insécurité ? La délinquance pèserait-elle moins dans le quotidien des Français que dans l'actualité médiatique ?
La "vérité" résulte d'une construction. Pas plus que les journalistes ou les politiques, les sondeurs ne sont les interprètes autorisés des Français. Les uns et les autres proposent des versions de l'opinion, qui la reflètent moins qu'elles ne contribuent à la former. Quand on interroge sur les"camps illégaux de Roms", note Rue89, on pourrait ajouter une question pour savoir "si les gens sont favorables au respect de la loi qui oblige certaines communes à aménager des terrains d'accueil pour les Roms". "C'est vrai, on aurait pu la poser, reconnaît-on à l'IFOP. Mais on est obligé de faire des choix, et tous les choix sont mutilants."
Définir les questions, ce n'est pas un simple préalable méthodologique ; c'est aussi un enjeu politique. Car les problèmes ne se posent jamais tout seuls ; ce sont toujours des acteurs politiques qui les posent pour en imposer les termes. "L'opinion publique" ne préexiste pas au débat public, dont les représentations médiatiques et sondagières font partie ; elle en est l'enjeu même. Le président de la République définit l'insécurité comme une priorité, et la pose en lien avec l'immigration, voire avec l'origine.
Il reflète moins ainsi quelque xénophobie ou racisme inhérents aux Français qu'il ne les attise par son discours et sa politique. Si la gauche, intimidée par la droite, mais aussi par les médias et les sondeurs, acceptait les termes de Nicolas Sarkozy, elle serait condamnée à perdre en 2012. Sa seule chance de gagner, c'est de poser d'autres questions, et de proposer d'autres articulations, en particulier avec la politique économique - et ainsi de façonner autrement l'opinion.
Quelques heures (et un autre commanditaire, Marianne vs Le Figaro) plus tard, voilà de quoi apporter de l'eau au moulin de Fassin et de quoi montrer, de manière éclatante, que les jugements sur la politique gouvernementale dépendent massivement des questions posées, "69 % des Français jugent Nicolas Sarkozy "inefficace" en matière de sécurité, selon un sondage", selon un autre titre du Monde :
La crédibilité du chef de l'Etat en matière de sécurité s'est fortement effritée, selon un sondage CSA pour le magazine Marianne à paraître samedi 14 août (le fichier PDF de l'enquête est disponible ici). D'après cette enquête, 69 % des sondés jugent "inefficace" son action comme ministre de l'intérieur, puis comme chef de l'Etat, sur les questions de sécurité. Ce constat sévère, et qui explique sans doute la multiplication des annonces sécuritaires par la majorité ces dernières semaines, est partagé à gauche (72 %). Mais les sympathisants de droite sont une majorité (53 %) à faire le même constat. Seuls 27 % des sondés jugent queNicolas Sarkozy a été "efficace" en matière de lutte contre l'insécurité (25 % à gauche, 45 % à droite).
L'enquête montre aussi que Nicolas Sarkozy est jugé inefficace dans tous les aspects de la lutte contre l'insécurité : Pour 58 %, le chef de l'Etat est jugé "plutôt inefficace en matière d'atteintes aux biens" ; 69 % partagent ce constat pour les atteintes aux personnes ; 72 % pour la délinquance financière et 78 % le jugent "plutôt inefficace" pour lutter contre les violences urbaines.
LE LIEN ENTRE INSÉCURITÉ ET IMMIGRATION MINORITAIRE DANS L'OPINION
Autre information qui vient, en partie, contredire le lien établi de plus en plus fréquemment par l'UMP entre immigration et insécurité : la principale cause de celle-ci, aux yeux des Français, est sociale : pour 73 % des sondés et 68 % des sympathisants de droite, ce sont les inégalités qui causent l'augmentation de la délinquance. Pour 68 % d'entre eux et 64 % à droite, la suppression par Nicolas Sarkozy de la police de proximité est également en cause. Deux autres hypothèses sont validées :"l'incivilité des citoyens" (68 %) et la réduction du nombre de policiers (66 %).
L'immigration est citée comme cause de la hausse de l'insécurité par une forte minorité (47 %), tandis que 49 % estiment qu'elle y contribue"peu ou pas du tout". En revanche, les sympathisants de droite sont nettement plus nombreux, 61 % (contre 33 % à gauche), à partager ce constat.
Plus étonnant encore, au vu des précédentes enquêtes d'opinion, dont celle de l'IFOP qui avait fait polémique : le projet de priver de nationalité les Français d'origine étrangère coupables de certains crimes est jugé défavorablement par une courte majorité. Précisément, 51 % des sondés, contre 46 %, jugent que "tous les Français doivent être égaux devant la loi quelle que soit leur origine". Avec un net clivage partisan : 63 % des sympathisants de gauche partagent ce constat, contre seulement 28 % de ceux de droite.
L'institut CSA a également testé l'adhésion à la phrase "les Français d'origine étrangère sont des Français à part entière", qui recueille 75 % d'approbation, contre 22 %. Il a également demandé si les exilés fiscaux méritaient la nationalité française. Seuls 28 % jugent que oui, contre 66 %.
Tout cela invite à prendre les résultats des enquêtes d'opinion avec un certain relativisme…
La disparition de la mixité sociale
On n'a jamais tant parlé de mixité sociale (voir par exemple, ici). Mais n'est-ce pas le signe que plus on en parle plus elle se défait sous le coup de mécanismes puissants?
J'ai eu cette intuition sur la plage, il y a quelques jours. J'étais au Lavandou, cette station très connue depuis que Nicolas Sarkozy y passe ses vacances, qui combine des quartiers de haut luxe et une plage populaire. J'étais sur cette dernière. Et j'ai eu l'impression de découvrir une France que je ne connaissais pas ou, plutôt, que je ne fréquente pas d'ordinaire. Une France de gens souvent en surpoids, de jeunes gens et de jeunes filles avec des tatouages et des piercings, une France comme une autre, ni plus ni moins belle ou agréable que celle que je connais, mais si éloignée. Passé le premier moment de surprise, il m'est apparu que mon étonnement n'était que la révélation de l'impitoyable ségrégation sociale qui s'est mise en place ces dernières années dans notre société.
Autrefois, dans les familles bourgeoises, les plus riches et les classes populaires (domestiques…) vivaient au quotidien ensemble, comme aujourd'hui chez les Bettencourt. C'est aujourd'hui fini : chacun reste dans son univers, les classes les plus riches dans leurs ghettos, les classes moyennes et les classes populaires dans les leurs. Les occasions de se rencontrer, de vivre ensemble se sont raréfiées : le service militaire a disparu, l'école ne joue plus ce rôle tant les classes des quartiers bourgeois (populaires) sont, même dans les établissements publics remplies d'enfants de bourgeois (des classes populaires), le travail a lui aussi cessé de le jouer tant on ne fréquente dans son milieu professionnel que des collègues ayant mêmes diplômes, mêmes profils de carrière… Quant à la culture : il suffit de regarder le public des salles de cinéma ou de théâtre que l'on fréquente pour voir que l'on est entre soi. Même sur les réseaux sociaux, on se découvre entre pairs.
Cette ségrégation croissante se voir partout. Le logement y joue semble-t-il une place déterminante. Son évolution illustre bien le phénomène : les petits logements des beaux quartiers (chambres de bonnes transformées en studios…) qui étaient hier occupés par des ouvriers ou des employés, sont aujourd'hui habités par de jeunes bourgeois qui habiteront demain les appartements, plus spacieux, des étages inférieurs. Ce sont les enfants de ces jeunes bourgeois qui s'inscrivent dans les écoles de ces quartiers, qui vont dans les meilleurs lycées puis dans les classes préparatoires aux grandes écoles.
Le travail y contribue également à sa manière. Le système hiérarchique qui dominait dans l'industrie fordiste mettait en contact direct cadres, ouvriers et employés. Les nouvelles méthodes de management, plus participatives, ont eu pour effet de renforcer les liens entre pairs au dépens de ceux liés à la hiérarchie : les jeunes cadres qui travaillent dans la banque, l'informatique ne se voient pratiquement qu'entre eux.
Faire ses courses, notamment ses courses alimentaires dans les grandes villes, reste, bizarrement, la dernière occasion que l'on ait de croiser des gens d'autres milieux.
A quoi tout cela tient-il? On ne peut parler de volonté politique de créer une société ségréguée. On ne peut non plus tout mettre sur le dos des préférences individuelles. Il faut regarder ailleurs, peut-être du coté du libre jeu du marché. Si le prix du m2 augmente dans les beaux quartiers, même les petits logements deviennent inabordables pour la majorité. Seuls peuvent y prétendre ceux qui ont des ressources familiales ou des profils de carrière avantageux.
J'ai eu cette intuition sur la plage, il y a quelques jours. J'étais au Lavandou, cette station très connue depuis que Nicolas Sarkozy y passe ses vacances, qui combine des quartiers de haut luxe et une plage populaire. J'étais sur cette dernière. Et j'ai eu l'impression de découvrir une France que je ne connaissais pas ou, plutôt, que je ne fréquente pas d'ordinaire. Une France de gens souvent en surpoids, de jeunes gens et de jeunes filles avec des tatouages et des piercings, une France comme une autre, ni plus ni moins belle ou agréable que celle que je connais, mais si éloignée. Passé le premier moment de surprise, il m'est apparu que mon étonnement n'était que la révélation de l'impitoyable ségrégation sociale qui s'est mise en place ces dernières années dans notre société.
Autrefois, dans les familles bourgeoises, les plus riches et les classes populaires (domestiques…) vivaient au quotidien ensemble, comme aujourd'hui chez les Bettencourt. C'est aujourd'hui fini : chacun reste dans son univers, les classes les plus riches dans leurs ghettos, les classes moyennes et les classes populaires dans les leurs. Les occasions de se rencontrer, de vivre ensemble se sont raréfiées : le service militaire a disparu, l'école ne joue plus ce rôle tant les classes des quartiers bourgeois (populaires) sont, même dans les établissements publics remplies d'enfants de bourgeois (des classes populaires), le travail a lui aussi cessé de le jouer tant on ne fréquente dans son milieu professionnel que des collègues ayant mêmes diplômes, mêmes profils de carrière… Quant à la culture : il suffit de regarder le public des salles de cinéma ou de théâtre que l'on fréquente pour voir que l'on est entre soi. Même sur les réseaux sociaux, on se découvre entre pairs.
Cette ségrégation croissante se voir partout. Le logement y joue semble-t-il une place déterminante. Son évolution illustre bien le phénomène : les petits logements des beaux quartiers (chambres de bonnes transformées en studios…) qui étaient hier occupés par des ouvriers ou des employés, sont aujourd'hui habités par de jeunes bourgeois qui habiteront demain les appartements, plus spacieux, des étages inférieurs. Ce sont les enfants de ces jeunes bourgeois qui s'inscrivent dans les écoles de ces quartiers, qui vont dans les meilleurs lycées puis dans les classes préparatoires aux grandes écoles.
Le travail y contribue également à sa manière. Le système hiérarchique qui dominait dans l'industrie fordiste mettait en contact direct cadres, ouvriers et employés. Les nouvelles méthodes de management, plus participatives, ont eu pour effet de renforcer les liens entre pairs au dépens de ceux liés à la hiérarchie : les jeunes cadres qui travaillent dans la banque, l'informatique ne se voient pratiquement qu'entre eux.
Faire ses courses, notamment ses courses alimentaires dans les grandes villes, reste, bizarrement, la dernière occasion que l'on ait de croiser des gens d'autres milieux.
A quoi tout cela tient-il? On ne peut parler de volonté politique de créer une société ségréguée. On ne peut non plus tout mettre sur le dos des préférences individuelles. Il faut regarder ailleurs, peut-être du coté du libre jeu du marché. Si le prix du m2 augmente dans les beaux quartiers, même les petits logements deviennent inabordables pour la majorité. Seuls peuvent y prétendre ceux qui ont des ressources familiales ou des profils de carrière avantageux.
mercredi, août 04, 2010
Sécurité : des mesures si inefficaces que c'en est pathétique
Ce qui frappe, lorsque l'on regarde toutes les mesures annoncées ces derniers jours pour renforcer la lutte contre l'insécurité, c'est, au delà des attaques aux principes républicains justement dénoncés par la presse et une multitude de blogs, leur inefficacité de quelque point de vue qu'on les envisage.
Inefficaces, d'abord, dans leur lutte contre l'insécurité :
- qui peut croire un instant que c'est en envoyant des parents en prison que l'on réduira la délinquance juvénile? Jean-Pierre Rosenczweig le dit excellemment dans son blog ;
- comment imaginer que quelques descentes d'inspecteurs du fisc dans les campements de gens du voyage changeront quoi que ce soit aux habitudes d'une population surtout remarquable par sa pauvreté?
- qui pense, enfin, que le risque de perdre sa nationalité retiendra quiconque de commettre un délit?
Peu importe, dira-t-on, puisqu'il s'agit de lancer un message en direction de l'électorat du Front National. Mais, là encore, ces mesures promettent d'être inefficaces. Pour au moins deux motifs :
- cet électorat a voté pour Nicolas Sarkozy en 2007 et a été terriblement déçu, choqué. Celui qui se présentait comme l'ami des laissés pour compte, de tous ceux que la gauche avait négligés avec ses 35 heures, s'est révélé l'ami des plus riches, non pas des plus méritants (capitalistes qui investissent leur fortune dans de nouveaux projets, entrepreneurs qui mettent toutes leurs ressources dans des entreprises risquées), ce qui aurait été compris et accepté, mais des rentiers : tous ses "amis", Bouygues, Bolloré, Lagardère sont des héritiers qui n'ont eu que la peine de naître ou, pire encore, comme on vient de le découvrir avec l'affaire Woerth, des détrousseurs de vieille dame riche…
- ensuite, cet électorat a, ces dernières années, beaucoup évolué. Moins extrémiste que par le passé (la collaboration, l'antisémitisme, l'Algérie française, l'OAS ne font plus partie de son histoire), populaire, ouvrier, concentré dans des régions frappées de plein fouet par la désindustrialisation et le chômage, il est plus sensible au discours FN sur la mondialisation aux promesses protectionnistes de Marine Le Pen qu'aux rodomontades sur la sécurité. Parce qu'il est populaire et qu'il sait ce que c'est que d'élever seul un enfant, cet électorat peut mieux que quiconque juger de l'inefficacité des mesures proposées pour, par exemple, lutter contre la délinquance juvénile.
Inefficaces encore sur le plan politique puisqu'elles ne peuvent qu'apporter du grain à moudre à ceux qui voudraient, à droite, offrir une alternative républicaine à Nicolas Sarkozy. On n'a pas beaucoup entendu, ces derniers jours Villepin, Juppé ou, même Fillon, mais ce silence ne vaut-il pas désapprobation? Le jour venu, il leur sera toujours possible de dire qu'ils ont résisté à la dérive droitière d'un Président dont les meilleurs soutiens sont les Morano, Lefebvre, Bertrand, Hortefeux et autres Mariani. La fine fleur de la droite de l'UMP.
Tout cela est tout simplement pathétique et montre que ce pouvoir (ou, plutôt, ce Président) a perdu la main.
PS Pour ajouter le pitoyable au pathétique, l'Elysée et ses avocats n'ont rien trouvé de mieux que d'expliquer qu'ils ne font que suivre la gauche lorsqu'ils envisagent la déchéance de nationalité. Non seulement c'est faux, mais ils se révèlent incapables de prendre leurs responsabilités!
Inefficaces, d'abord, dans leur lutte contre l'insécurité :
- qui peut croire un instant que c'est en envoyant des parents en prison que l'on réduira la délinquance juvénile? Jean-Pierre Rosenczweig le dit excellemment dans son blog ;
- comment imaginer que quelques descentes d'inspecteurs du fisc dans les campements de gens du voyage changeront quoi que ce soit aux habitudes d'une population surtout remarquable par sa pauvreté?
- qui pense, enfin, que le risque de perdre sa nationalité retiendra quiconque de commettre un délit?
Peu importe, dira-t-on, puisqu'il s'agit de lancer un message en direction de l'électorat du Front National. Mais, là encore, ces mesures promettent d'être inefficaces. Pour au moins deux motifs :
- cet électorat a voté pour Nicolas Sarkozy en 2007 et a été terriblement déçu, choqué. Celui qui se présentait comme l'ami des laissés pour compte, de tous ceux que la gauche avait négligés avec ses 35 heures, s'est révélé l'ami des plus riches, non pas des plus méritants (capitalistes qui investissent leur fortune dans de nouveaux projets, entrepreneurs qui mettent toutes leurs ressources dans des entreprises risquées), ce qui aurait été compris et accepté, mais des rentiers : tous ses "amis", Bouygues, Bolloré, Lagardère sont des héritiers qui n'ont eu que la peine de naître ou, pire encore, comme on vient de le découvrir avec l'affaire Woerth, des détrousseurs de vieille dame riche…
- ensuite, cet électorat a, ces dernières années, beaucoup évolué. Moins extrémiste que par le passé (la collaboration, l'antisémitisme, l'Algérie française, l'OAS ne font plus partie de son histoire), populaire, ouvrier, concentré dans des régions frappées de plein fouet par la désindustrialisation et le chômage, il est plus sensible au discours FN sur la mondialisation aux promesses protectionnistes de Marine Le Pen qu'aux rodomontades sur la sécurité. Parce qu'il est populaire et qu'il sait ce que c'est que d'élever seul un enfant, cet électorat peut mieux que quiconque juger de l'inefficacité des mesures proposées pour, par exemple, lutter contre la délinquance juvénile.
Inefficaces encore sur le plan politique puisqu'elles ne peuvent qu'apporter du grain à moudre à ceux qui voudraient, à droite, offrir une alternative républicaine à Nicolas Sarkozy. On n'a pas beaucoup entendu, ces derniers jours Villepin, Juppé ou, même Fillon, mais ce silence ne vaut-il pas désapprobation? Le jour venu, il leur sera toujours possible de dire qu'ils ont résisté à la dérive droitière d'un Président dont les meilleurs soutiens sont les Morano, Lefebvre, Bertrand, Hortefeux et autres Mariani. La fine fleur de la droite de l'UMP.
Tout cela est tout simplement pathétique et montre que ce pouvoir (ou, plutôt, ce Président) a perdu la main.
PS Pour ajouter le pitoyable au pathétique, l'Elysée et ses avocats n'ont rien trouvé de mieux que d'expliquer qu'ils ne font que suivre la gauche lorsqu'ils envisagent la déchéance de nationalité. Non seulement c'est faux, mais ils se révèlent incapables de prendre leurs responsabilités!
lundi, août 02, 2010
La spirale de la lose
Les dernières déclarations de Nicolas Sarkozy et de ses fidèles sur la sécurité éclairent d'une lumière crue la méthode de Sarkozy : des déclarations fracassantes conçues pour séduire sans se soucier une seconde de savoir si elles ont la moindre chance d'être mises en oeuvre. En l'espèce, l'exercice atteint ses limites. Chacun sent bien que le Parlement, le Conseil constitutionnel, l'Europe s'y opposeront ou y mettront tant d'obstacles que les mesures annoncées resteront nulles et non avenues. C'est toute sa politique que ces propos déconsidèrent. Mais peu importe, il faut occuper l'espace, j'allais dire l'estrade, faire oublier les scandales, reconquérir l'électorat du Front National en le flattant dans ce que l'on pense être le sens de son poil (je dis pense être parce qu'il n'est pas certain que sa partie populaire, celle que vise Sarkozy, soit si xénophobe et raciste qu'on le dit) et tout est bon pour cela, même le pire.
En choisissant de faire campagne sur la sécurité, Nicolas Sarkozy a pris il y a quelques années le risque de voir les résultats éventuels de sa politique démentis par le moindre fait divers et d'être condamné à aller vers toujours plus de déclarations guerrières, de phrases fortes, de menaces (sinon d'atteintes) sur les libertés. Il est aujourd'hui en plein dans ce qui ressemble à une "spirale de la lose".
En choisissant de faire campagne sur la sécurité, Nicolas Sarkozy a pris il y a quelques années le risque de voir les résultats éventuels de sa politique démentis par le moindre fait divers et d'être condamné à aller vers toujours plus de déclarations guerrières, de phrases fortes, de menaces (sinon d'atteintes) sur les libertés. Il est aujourd'hui en plein dans ce qui ressemble à une "spirale de la lose".
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