samedi, mars 24, 2012

Mohamed Merah : les défaillances de l'Etat sécuritaire

Plus on avance dans l'affaire Merah plus il apparait que l'appareil sécuritaire a dysfonctionné. Mohamed Merah avait été identifié comme faisant problème par tous les services : services de renseignement militaire, DCRI, police locale (suite aux plaintes d'une mère de famille), services sociaux qui s'interrogeaient sur le train de vie d'une famille sans ressources officielles, psychiatres qui recommandaient un suivi psychologique, et il est passé au travers des mailles. Est-ce qu'il était, comme l'a assuré le patron de la DCRI totalement isolé? Mais comment, alors, expliquer qu'il ait trouvé de l'argent pour se procurer des armes? et qu'il ait su les trouver et les transporter, s'il est allé les chercher au Pakistan ou en Afghanistan? Son arsenal allait bien au delà de ce que possèdent les petits délinquants de banlieue.

On peut, comme certains responsables, expliquer qu'une société démocratique ne peut suivre tout le monde, mais Merah n'était manifestement pas tout le monde. On peut, comme l'a fait Nicolas Sarkozy, annoncer de nouveaux textes de loi. Mais on voit bien que tout ce que l'on a accumulé depuis dix ans n'a pas suffi. Et plutôt que de se précipiter et de voter de nouveaux textes, il faudrait comprendre ces dysfonctionnements qui ont probablement été à plusieurs niveaux.  Sont-ils le fait de négligences individuelles? sont-ils liés à des problèmes d'organisation et de coordination entre services? à des faiblesses dans les méthodes de travail? à un défaut de doctrine? Le champ d'investigation est large.

Il serait également utile de mieux comprendre ces phénomènes d'auto-radicalisation dont parle Bernard Squarcini dans son entretien au Monde : "Selon les déclarations qu'il a faites lors du siège par le RAID, il s'est autoradicalisé en prison, tout seul, en lisant le Coran. C'est un acte volontaire, spontané, isolé." Mais peut-on vraiment s'auto-radicaliser jusqu'à tuer de sang-froid des enfants en lisant le Coran? On fait parfois allusion à des phénomènes d'auto-radicalisation à partir d'internet, mais là… Connait-on d'autres exemples avec le Coran ou avec d'autres livres? S'agit-il d'auto-radicalisation ou de la recherche de justification de comportements qui n'ont rien à voir avec le contenu du livre? L'auto-radicalisation solitaire fait-elle partie des comportements que les psychologues observent régulièrement?

On le voit, cela fait beaucoup de questions auxquelles devraient s'attaquer rapidement une commission d'enquête.

1 commentaire:

Louis a dit…

Plusieurs excellents billets sur le blog de JD Merchet concernant cette affaire et surtout son côté "technique". Toutes les questions ne trouvent pas réponse, et les affinités de Merchet ne restent pas dans l'ombre, mais c'est une mise en perspective intéressante.

http://www.marianne2.fr/blogsecretdefense/

Arun Kapil met aussi en avant une interview de Khaled Kelkal au début des années 90, qui à mon sens éclaire bien certains mécanismes de radicalisation:

http://arunwithaview.wordpress.com/2012/03/24/mohamed-merah-deja-vu/

Là encore, on ne peut que garder des interrogations en tête. Mais ce sont des parcours personnels dramatiques, difficiles à théoriser. Par une triste coincidence, le film de Patrick Facon "la désintégration" vient de sortir, qui donne une autre vision de ces mécanismes.