Avoir des opinions est l'un des éléments du bien-être, affirmait il y a une quinzaine d'années, l'économiste A.O.Hirshman. Les blogs sont une bonne manière d'afficher ses opinions mais aussi, et peut-être même surtout, de les construire. C'est ce qui m'a donné envie de tenir celui-ci
mercredi, mai 23, 2007
Composer un gouvernement
Certains ministres ont, dans leur CV, de quoi séduire un comité de recrutement. Pour ne prendre que cet exemple, Kouchner a une incontestable expérience internationale. Cela pouvait donc en faire un bon candidat aux Affaires Etrangères, mais cela aurait pu aussi être sa principale faiblesse. Comme le rappelait hier soir Roland Dumas, la diplomatie et l'action humanitaire sont deux choses différentes. On peut dire la même chose de Michelle Alliot-Marie. Venue de la Défense, elle a une certaine expérience des questions de sécurité, mais est-ce que cela l'a préparée à diriger un ministère que les organisations syndicales cogèrent au su et vu de tout le monde? Hier encore, c'est un syndicaliste que les télévisions interviewaient à l'occasion du déménagement de la DST. Comme si le Ministère n'avait pas une directeur de la communication capable d'intervenir sur des sujets aussi insignifiants (l'essentiel des sujets portant sur le déménagement de valises plombées).
Dans ces deux cas, un DRH aurait donc pu hésiter. Du moins pouvait-il avancer des arguments positifs en faveur de ces nominations. Pour d'autres ministres, il en va bien autrement. Le choix de Rachida Dati à la justice est l'exemple même du choix politique qu'aucun DRH ne recommanderait. Cette jeune femme a certainement beaucoup de talents (encore que l'on puisse en douter au vu de ses prestations lors de la campagne), mais elle n'a manifestement ni l'expérience ni la compétence que le Comité de recrutement d'une entreprise rechercherait pour tenir un poste de cette importance. Ce sont des considérations exclusivement politiques (il fallait une femme, il fallait une enfant d'immigrés) qui l'ont fait choisir pour ce poste hautement symbolique. Mais faut-il le regretter?
Il était certainement plus important pour le nouveau gouvernement d'envoyer des signaux à la société française que de diriger de manière efficace une grande administration. Quoique l'on pense, par ailleurs, de ce gouvernement, il est bon qu'une beurette occupe une place de ce type et que tant de femmes soient ministres.
Si les critères politiques comptent plus que les compétences professionnelles dans la formation d'un gouvernement c'est pour de bonnes raisons. L'expérience a montré que les spécialistes faisaient souvent de mauvais ministres. En fait, ce n'est pas tant l'expertise technique qui compte, dans ce type de poste, que la capacité à imposer ses propositions dans un champ où les premiers concurrents sont les collègues qui se battent pour les budgets, une place dans l'agenda du Parlement et un temps de parole dans les médias.
C'est clair : aucun DRH n'aurait composé le gouvernement de cette manière. Il y a cependant un point sur lequel il rappelle les conseils de direction de beaucoup d'entreprises. Il a été formé de manière à ne faire aucune ombre au Président. S'il y a des têtes connues, il y a peu de poids-lourds capables de contester ses choix, d'imposer leurs vues à leurs collègues et à leurs collaborateurs par leur seul poids électoral. Le plus solide, Alain Juppé, est doublement fragilisé par ses condamnations passées (et ses probables convocations à venir devant la justice) et par les résultats de la Présidentielle à Bordeaux. Quant aux autres, ils pèsent souvent d'un poids électoral si faible qu'il leur sera difficile de résister aux désirs du Président que l'on devine adepte de ce que l'on appelle outre-Atlantique le "hands-on management".
mardi, mai 15, 2007
Les débauchages : version rose
Faire des propositions à des personnalités de gauche, c'est répondre par anticipation à ce qui sera probablement à terme sa principale faiblesse : le pouvoir absolu, le contrôle de tous les leviers : Présidence, Sénat, Parlement, CSA, Conseil Supérieur de la Magistrature, Conseil Constitutionnel, haute fonction publique par le jeu des nominations… On le sait, le pouvoir absolu ne peut conduire qu'à commettre des erreurs. Là-dessus, Ségolène Royal a dit, dans la campagne, à propos du CPE, des choses excellentes.
Nicolas Sarkozy ayant choisi de ne pas modifier les institutions peut chercher dans cette introduction de personnalités de gauche dans son gouvernement une sorte de contre-pouvoir. Pour éviter les dérives que le pouvoir absolu entraîne forcément, il faudrait aller au delà et nommer des personnalités de gauche à des postes qui exercent un contrôle sur le pouvoir. Il peut le faire au Parlement, avec les Présidences des Commissions, et plus tard au CSA, au Conseil Supérieur de la Magistrature… Le fera-t-il? On peut en douter, tant la tentation est forte chez chacun de se protéger des critiques.
Ces annonces de nomination ont un autre avantage : elles lui permettent d'affirmer son autorité sur son camp. Il prouve à tous ceux qui l'ont soutenu qu'il ne leur doit rien, c'est paradoxalement la meilleure manière de s'assurer de leur fidélité.
lundi, mai 14, 2007
Le retour des Jospin's boys
Les prestations répétées de Raffarin et autres Alliot-Marie dans les médias faisaient craindre un retour de la fine équipe du deuxième quinquennat. Voici qu'on nous promet le retour de la jospinie. Tout cela est bien sûr calcul et communication, mais est-ce bien pour revoir ces têtes (toutes très compétentes par ailleurs) que 53% des Français ont voté Sarkozy? Ce serait, pour le moins, à vérifier.
vendredi, mai 11, 2007
Une idée pour corriger les trop gros salaires
Il est cependant une piste qui pourrait être explorée. Aux Etats-Unis où les stock-options fabriquent des millionnaires à la pelle, on voit se développer une philanthropie massive (que Marc Abélès a longuement analysée dans Les Nouveaux Riches - Odile Jacob, 2002). Les cadres supérieurs de Google qui ont ramassé des fortunes en redistribuent une partie significative à des institutions de toutes sortes (culturelles, sociales, éducatives…). Nos millionnaires sont plus radins et égoïstes. Pourquoi ne pas leur forcer un peu la main. On pourrait faire cela de la manière la plus simple. Lorsque une rémunération (prime de départ…) dépasse un certain seuil (que l'on pourrait définir en multiple du salaire moyen, médian, minimum de l'entreprise concernée), l'heureux bénéficiaire serait dans l'obligation d'affecter le surplus à l'oeuvre de son choix définie au préalable, éventuellement avec les salariés. Il garderait ainsi cette rémunération et le plaisir d'en choisir l'affectation, mais celle-ci serait utile à la collectivité. On aurait ainsi le meilleur des deux mondes : la liberté des entreprises de définir les rémunérations des dirigeants, celle du bénéficiaire et l'intérêt collectif.
Est-ce compliqué à mettre en oeuvre? Je n'y ai pas réfléchi, mais cela pourrait faire l'objet de discussions dans les conseils d'administration et donner lieu à l'écriture d'une règle assez simple du type : si Prime> x fois le Salaire Médian, alors le bénéficiaire doit affecter le surplus à une des institutions suivantes : y, u, z…
Des commentaires?
jeudi, mai 10, 2007
Et si la justice apprenait la mesure?
"A Rennes, quatre individus, interpellés dans la nuit de dimanche à lundi, ont été jugés en comparution immédiate, mardi 8 mai, et condamnés par le tribunal correctionnel à deux mois de prison ferme pour l'un et de 105 à 140 heures de travail d'intérêt général pour les autres. L'homme condamné à la peine la plus lourde est âgé de 20 ans et originaire de Vitré (Ille-et-Vilaine). Il était notamment accusé de jets de canettes et de bouteilles, sans faire de blessés, mais le tribunal a souligné qu'il avait déjà été condamné à de nombreuses reprises.
A Lyon, quatre personnes, "essentiellement des jeunes majeurs", ont été jugées, mardi, en comparution immédiate pour des violences sur policiers et des dégradations, selon le parquet de Lyon. Deux d'entre elles ont été condamnées à des peines de six mois et trois mois de prison ferme pour des violences commises lors de la manifestation de dimanche soir. Les deux autres ont été condamnés à 120 heures de travaux d'intérêt général. Une dizaine de jeunes, arrêtés dans le cadre de la manifestation de lundi soir, doivent à leur tour être jugés en comparution immédiate mardi, a-t-on indiqué de même source."
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6 mois de prison ferme pour un jet de bouteille contre les forces de l'ordre! Trois étudiants de Sciences-Po Lyon, sans aucun casier judiciaire, sans la moindre histoire de relations difficiles avec la police ou la justice condamnées à 2 et 3 mois pour des faits qu'ils contestent. Un Président du Tribunal (c'est dans un autre papier du Monde) qui leur explique que c'est pour qu'ils comprennent la gravité de leur acte et qu'ils ne recommencent pas. Mais qu'ils ne recommencent pas quoi? A manifester? à jeter des bouteilles contre les forces de l'ordre?
Ces manifestations n'ont pas grand sens et des jeunes gens qui mettent le feu à des voitures méritent d'être sanctionnés. Mais la participation à une manifestation, un jet de bouteille contre des forces de l'ordre qui n'hésitent pas à utiliser le flasball mérite-t-elle des condamnations à des peines de prison? Ces juges sont tombés sur la tête. Des peines d'intérêt général auraient largement suffi et auraient été tout aussi "pédagogiques".
Les égarements de la justice dans ce genre de situations ne sont pas une nouveauté. Ils ont émaillé à peu près toutes les manifestations étudiantes depuis une trentaine d'années. Ce n'est pas une raison pour les accepter et laisser faire. L'ordre juste cela aurait pu être cela : sanctionner lorsque nécessaire mais mesurer les peines, retrouver la mesure dans la distribution des peines.
mercredi, mai 09, 2007
Vacances à Mate : de la vulgarité au favoritisme
Selon une autre interprétation lue sur l'excellent blog de François Mitterrand revenu parmi nous, cette équipée au royaume du grand luxe n'aurait eu pour tout objet que de convaincre Cécilia, l'épouse absente, d'être un peu plus présente. On avait déjà avancé cette explication pour sa rencontre si controversée avec Bush.
Quelle que soit l'explication, tout cela est vulgaire et sent à plein nez son Berlusconi, le mépris des pauvres et une certain manque de… tact. Mais ce n'est après tout pas très grave : la vulgarité n'a jamais tué personne et il ne sert pas à grand chose d'en parler. Par contre, le risque de favoritisme existe bel et bien. L'Etat va multiplier dans les années qui viennent des projets de partenariat public/privé (pour simplifier : le privé finance, l'Etat est propriétaire mais rembourse progressivement le coût de l'équipement) qui sont naturellement de bonnes affaires pour les grands groupes (par définition, sinon pourquoi s'embêter dans ces projets). Si demain un de ces projets est confié à l'une des entreprises que contrôle Bolloré comment éviter le soupçon?
lundi, mai 07, 2007
Sarkozy, les transfuges et les juifs
Je ne me souviens pas qu'il ait beaucoup parlé de ces questions dans la campagne publique, mais il y a un indice : il a, à plusieurs reprises, donné des signes de sympathie à l'égard des néoconservateurs américains (notamment à propos de l'Irak, il y a quelques mois) qui se sont alliés avec les plus ardents défenseurs d'Israël aux Etats-Unis. Et on pourrait concevoir que cette position ait séduit de ce coté-ci de l'Atlantique, que les amis d'Israël aient vu dans cette complicité avec les néoconservateurs la promesse d'une révision de la politique française dans la région qu'ils jugent trop pro-arabe.
Mais il y a bien d'autres explications plus simples : l'ambition pour certains, l'intérêt bien compris pour d'autres, le glissement vers la droite amorcé depuis longtemps pour d'autres encore… qui valent pour des non-juifs (Allègre, Besson…) comme pour des juifs.
Un mot, pour conclure, sur "l'indicible". La formulation de mon correspondant semble suggérer la violation d'un tabou : il dit (ou plutôt suggére en ne le disant pas, mais en soulignant qu'il ne le dit pas) ce qu'il serait interdit de dire. L'antisémitisme se nourrit de ces vrai-faux tabous. Mieux vaut dire les choses comme elles sont : cela permet d'approfondir l'analyse et éventuellement de la retoquer.
samedi, mai 05, 2007
Pourquoi tant de transfuges?
Difficile de dire si ces défections ont eu un impact sur les électeurs. La plupart se moquent bien de savoir pour qui votent ces personnalités, mais on ne peut exclure que ces annonces aient libéré et déculpabilisé des électeurs qui hésitaient. Reste à comprendre pourquoi tant de compagnons de route du PS ont quitté sa candidate.
Il me semble que l'on peut avancer deux ou trois raisons.
La première tient à la manière dont Ségolène Royal s'est imposée, en contournant le parti qu'elle a pris par surprise de manière non conventionnelle en s'appuyant sur les militants et sur les électeurs beaucoup plus que sur les dirigeants. Elle n'avait aucun réseau, elle n'entretenait aucun lien avec cette "bourgeoisie mitterrandienne" et n'a à aucun moment cherché à les retenir, à les flatter ou à les séduire : ils n'existaient tout simplement pas à ses yeux. Ils se sont donc trouvés libres de toute obligation de fidélité à leurs engagements antérieurs. Et comme tout, âge, statut social, revenus… concourt à en faire des électeurs de droite, ils se sont tout naturellement reportés vers leur famille politique naturelle.
On pourrait également avancer un comportement psychologique un peu particulier. Ce sont des gens attirés par les puissants. Plus que le puissant, ils aiment l'amitié que celui-ci leur porte et ce qu'elle leur dit d'eux-mêmes (le puissant qui m'aime et le montre me donne un peu de son prestige, de son pouvoir). Ils aiment aujourd'hui Sarkozy pour ces mêmes raisons qui leur ont fait aimer en son temps Mitterrand.
Ce transfert s'est fait d'autant plus facilement que Mitterrand est mort depuis assez longtemps pour qu'ils ne se sentent pas coupables de trahison à son égard et que Sarkozy affiche ce goût de la puissance et du pouvoir qu'un Chirac avait plutôt tendance à cacher derrière son coté sympa. Avec lui le pouvoir, le désir de pouvoir est quasiment nu, c'est-à-dire canaille (comme l'affichait cette Rolex qu'il portait au poignet lors du débat, geste d'une formidable insolence que la presse n'a pas relevé, alors même que ces montres valent plusieurs dizaines de Smic). Mitterrand habillait son goût du pouvoir de culture, de livres, de désinvolture… Sarkozy n'a pas de ces subtilités. Il aime le pouvoir et bien loin de le cacher l'affirme. Comment ne pas séduire ceux qui n'aiment, en politique, que le pouvoir qu'elle donne?
vendredi, mai 04, 2007
Et si c'était tout sauf Ségolène?
- ils ne sont pas convaincus par le programme de Sarkozy,
- ils sont plutôt d'accord avec plusieurs des propositions de Ségolène Royal,
- mais ils ne voteront pas pour elle tant sa personnalité les inquiète.
Quand on fouille un peu, on s'aperçoit que c'est son anti-conformisme, sa manière de faire de la politique en dehors des chemins battus qui les gênent. Ils apprécient qu'elle ait su renouveler le discours du PS, mais ils craignent l'aventurière autoritaire qui n'en ferait qu'à sa tête. Ils lui trouvent de nombreuses qualités mais ils n'aiment pas, au fond, la femme insoumise, celle qui ne respecte aucune règle, qui parle de la dette au début du débat quand on l'interroge sur les institutions alors que le choix des thèmes du débat avait été négocié par ses proches. Ce qui lui a permis de gagner l'investiture du PS, de s'imposer dans la campagne est, au fond, ce qui la desservirait aux yeux de cet électorat formidablement conformiste.
Premier bilan de la campagne
En attendant dimanche soir, on peut faire un premier bilan de cette campagne qui aura opposé, sur fond de glissement à droite de l'opinion :
- une formidable machine électorale au service d'un programme ouvertement conservateur,
- à une équipe brouillonne au service d'une réécriture du "logiciel" de la gauche de gouvernement.
A l'inverse de Jacques Chirac, et malgré quelques détours du coté de Jaurés, Nicolas Sarkozy a mené une campagne très à droite. Il a emprunté plusieurs de ses thèmes à Jean-Marie Le Pen (sur l'immigration, notamment), proposé une politique économique de droite classique agrémentée de mesures très favorables aux possédants (droits de succession, baisse des impôts, renforcement du bouclier fiscal mais aussi protectionnisme), multiplié les rapprochements avec les néoconservateurs (ralliement de Glucksman et de quelques autres) et développé des thèmes typiques de la pensée réactionnaire (l'origine génétique de la pédophilie…). Cette campagne qui lui a permis de faire le plein des voix de droite au premier tour aurait pu le gêner au second tour. Ce n'est, semble-t-il, pas le cas, grâce à la formidable machine électorale qu'il a mise en place, grâce à ses relais dans tout ce qui a de pouvoir, mais aussi, il ne faut pas se leurrer, grâce aux Français qui semblent avoir envie d'essayer, après le socialisme et le radicalisme à la Chirac, une expérience brutale et autoritaire, à la Thatcher.
On a beaucoup dit de Ségolène Royal qu'elle avait été choisie par le Parti Socialiste sous la pression de l'opinion. Il serait plus juste de dire qu'elle a été choisie par les militants du PS parce qu'elle promettait une révision de la politique de la gauche. Si sa campagne a été brouillonne et a manqué, sur de nombreux dossiers, de précision, elle a amorcé une véritable mue du "logiciel" de la gauche sur quatre points majeurs :
- les institutions avec le rôle des régions (la gauche jacobine est devenue girondine) et l'invention de mécanismes de contrôle de l'action politique par les citoyens (les jurys citoyens tant moqués représentent sans doute une des voies de rénovation de la politique dans les régimes démocratiques à suivre de très près) ;
- l'économie avec la fin de la diabolisation du marché, la mise en avant des entrepreneurs et du dialogue social qui signe l'abandon de la lutte des classe au profit d'une recherche de compromis par la négociation ;
- l'Etat providence : en mettant systématiquement en avant la règle du donnant-donnant, la candidate socialiste a introduit une inflexion majeure dans le discours classique de gauche ;
- la "cible" électorale : Ségolène Royal s'est adressée à une société française diverse. Sa gauche est moins associée à la cIasse ouvrière, façon PC, aux fonctionnaires façon PS, qu'à la France colorée des banlieues.
Son échec (si échec il y a) pourrait pour partie venir de que ce que changement de logiciel lancé sans préparation, jamais vraiment théorisé, a désorienté beaucoup des électeurs traditionnels de la gauche qui ont voté pour elle sans enthousiasme, sont allés chez Bayrou et ont laissé développer, sans réagir, des attaques sur ses compétences.
vendredi, avril 27, 2007
Ségolène Royal sera-t-elle aussi forte que Mitterrand?
La première manche a été la mise au rancart de l'idéologie marxiste et néo-gauchiste, par les militants du PS qui ont choisi Ségolène Royal contre les barons du PS, par les électeurs qui ont donné des scores ridicules à l'extrême-gauche. Le vote utile a été, dans les deux cas, le moteur : à force de faire peur, Nicolas Sarkozy et Le Pen ont accéléré le mouvement.
La seconde manche est le rapprochement de Ségolène Royal et de Bayrou. Un rapprochement qui ne dit pas son nom et ne le dira pas avant, au plus tôt, les législatives, mais qui fait glisser vers le centre le point d'équilibre de la politique française. C'est ce qui s'était déjà passé en Italie il y a quelques années. Ce rapprochement est d'autant plus facile que Bayrou l'a amorcé très tôt en s'opposant frontalement à Nicolas Sarkozy et que les programmes sont compatibles sur l'essentiel (souvenons-nous qu'il s'agit d'une élection présidentielle dans laquelle on discute plus de méthode et de principe que de mesures de gouvernement).
La troisième manche s'enclenchera dés demain. Bayrou et Royal sont aussi adversaires que complices. L'un et l'autre peuvent prétendre au leadership de ce centre gauche recomposé qui pourrait occuper un large pan de l'espace politique. L'un et l'autre ont du talent et de l'habileté stratégique. Ségolène Royal part cependant avec un handicap : elle a plus besoin de Bayrou que lui d'elle et elle est plus tenue par ses électeurs qu'il ne l'est. Reste qu'il doit lui aussi jouer une partie difficile. Si Ségolène Royal gagne l'élection, il lui sera plus facile de créer son groupe charnière à l'Assemblée que si elle perd et il aura un boulevard pour mener son opération. Ségolène Royal exclue du paysage, puisqu'à l'Elysée, il aura pour adversaire Hollande, DSK, Fabius… Mais peut-il appeler à voter pour elle sans casser ce qui lui reste de troupes et sans se déjuger?
Le piège Bayrou
Rappelons la séquence des événements.
- Dès qu'elle a anoncé son intention de dialoguer avec le candidat centriste, Nicolas Sarkozy a fait savoir qu'il n'était pas dans son intention de faire de même. Logique : il n'a pas envie de ramener sur le devant de la scène celui de ses adversaires qui a eu au premier tour (Le Pen mis à part, bien sûr), les mots les plus durs sur sa personne.
- Et il fait tout pour éviter que le débat ait lieu. Ce qui lui est facile puisque les règles d'égalité des temps de parole pendant la campagne lui donnent la possibilité de l'empêcher. Il suffit qu'il dise non, qu'il refuse de participer à un débat pour que la télévision qui aurait accepté de recevoir Bayrou et Royal se retrouve dans l'illégalité.
On a envie de dire : bien joué. Le débat n'aura pas lieu à la télévision et Ségolène Royal passe pour ridicule : elle a, une nouvelle fois, improvisé. Sauf que… On ne parle que de ce débat dont personne ne voit bien en quoi il pourrait faire du mal à la démocratie. Amener deux candidats du premier tour à échanger en public est certainement plus moral que de détourner en cachette les élus du perdant.
Bayrou reste donc dans l'actualité et pas n'importe comment : comme victime de l'ostracisme des médias. On l'interdit de télévision, de parole. Et qui l'interdit? Pas Ségolène Royal dont les collaborateurs se démènent pour trouver une solution (qu'ils auront sans doute trouvé lorsque vous lirez ce post), mais Nicolas Sarkozy, celui-là même qui traîne derrière lui, depuis des semaines, des mois, plusieurs casseroles médiatiques : licenciement du patron de Paris-Match, agressions verbales à l'égard des journalistes et de la direction de FR3, amitiés avec les dirigeants des trois grands groupes de média française : Lagardère, Bouygues et Dassault… Si l'on avait voulu illustrer les dangers du contrôle d'un clan sur les médias, on ne s'y serait pas mieux pris. Et c'est toute la campagne de redressement de l'image du candidat UMP, cette opération cosmétique qui vise à effacer ces angles trop rugueux, qui s'en trouve compromise. Il nous fait des risettes à la télévisions, mais derrière les écrans, il se comporte en grand méchant loup.
On peut deviner que Bayrou ne lâchera pas le morceau et que Ségolène Royal ne manquera pas une occasion d'enfoncer le clou. Tous deux ont là une belle occasion de tacler leur adversaire et, plus encore, un motif de se faire les yeux doux…
vendredi, avril 20, 2007
Les étudiants de Sciences-Po Rennes votent Ségolène
- Ségolène Royal est arrivée en tête avec 40,5% des voix,
- Bayrou : 23, 2% des voix (sans doute un souvenir de la tradition MRP de la région),
- Nicolas Sarkozy : 8, 9%,
- Dominique Voynet : 6%
- Olivier Besancenot : 4, 8%
- Le Pen : 4, 3% (ce qui n'est pas négligeable, même si l'on me dit que certains ont voté pour lui pour rire…),
- José Bové : 2, 9%
- M.G. Buffet : 1, 8%
- Nihous : 1, 6%
- Schivardi : 1, 1%
- de Villiers : 0, 5%
mercredi, avril 04, 2007
Qu'est-ce qui ne passe pas chez Ségolène Royal?
Ce silence est l'indice d'un phénomène plus général. Beaucoup de femmes et, notamment beaucoup d'électrices de gauche, ne se retrouvent pas dans Ségolène Royal. Elles la trouvent glaciale, dure… Ce matin encore dans Libération, une journaliste qui accompagne José Bové et se plaint de son manque de discipline dit : «Je suis obligée de faire ma Ségolène Royal, de gueuler et de tout cadrer.»
Ce malaise est certainement l'une des faiblesses de Ségolène Royal. Si les hommes l'accusent d'incompétence (et il y a là beaucoup de machisme), les femmes lui reprochent volontiers sa personnalité alors même qu'elle pourrait être (devrait être) un modèle pour toutes celles qui ont de l'ambition, qui veulent faire carrière, qui sont modernes et, plus généralement, pour toutes celles qui se battent pour obtenir la place qu'elles méritent dans une société largement dominée par les hommes.
Cette difficulté tient probablement à sa personnalité. Dire cela, c'est entrer dans les eaux troubles de la psychologie et de la psychanalyse de bazar. Il me semble, cependant, à écouter plusieurs de ces femmes qu'elles reprochent au fond à Ségolène Royal sa figure maternelle. Elle prend à rebours les idées dominantes en matière d'éducation des enfants, elle met en avant des valeurs (l'effort, le travail, le donnant-donnant…) dont la plupart des femmes se méfient lorsqu'elles élèvent leurs enfants, des valeurs qu'elles reprochent souvent à leur mère d'avoir mises en avant.
Tout se passe comme si au fond ces femmes que Ségolène Royal met mal à l'aise lui reprochaient de trop ressembler à leur mère. Et l'on sait les relations difficiles que des filles peuvent entretenir avec leur mère.
Je vous avais averti, on n'est pas loin de la psychologie de bazar.
vendredi, mars 30, 2007
Le MEDEF, le contrat de travail et l'Australie
mardi, mars 27, 2007
Le cas Besson, ou comment la presse rend riche (et fou)
On aimerait savoir comment il vit aujourd'hui, s'il rumine matin, midi et soir sa colère comme un de ces vieux obsessionnels que nous avons tous rencontrés un jour ou l'autre. Mais est-ce bien cela? Je n'en suis pas sûr. J'ai une autre hypothèse : à la suite d'un conflit avec la candidate, il se retrouve sur le carreau, déçu forcément. Et sans doute aurait-il gardé pour lui son amertume jusqu'à l'oublier s'il n'avait trouvé sur son chemin des journalistes pour donner à cette rancune une valeur : valeur monétaire puisque j'imagine que son livre lui a rapporté beaucoup d'argent, valeur symbolique ensuite, puisque chaque nouvelle interview entretient sa réputation (une réputation qui l'aide à vendre de nouveaux exemplaires de son livre).
Et comme il n'intéresse les journalistes que s'il va toujours un peu plus loin, il lui faut à chaque fois en rajouter (imaginons qu'il ait dit : malgré tout, Ségolène est la meilleure, ils l'auraient vite négligé). Cette fois-ci (interview du Figaro), il dit du bien de Sarkozy, mais il lui reste encore à se prononcer en sa faveur et à appeler à voter pour lui. C'est ce qu'il fera dans une prochaine interview.
Que restera-t-il de tout cela dans quelques mois? Pas grand chose, mais il aura une maison de campagne, un appartement, un bateau, que sais-je… Pas reluisant, mais pas tellement exceptionnel.
dimanche, mars 25, 2007
Le joli lapsus : François Sarkozy
François Sarkozy assume le bilan du gouvernement, fera autrement
Ainsi est titré une dépèche sur le site internet du Monde ce dimanche aprés-midi. Comme tous les lapsus, cette phrase détient une part de vérité.
samedi, mars 24, 2007
La bavure de trop?
Cette bavure est d'autant plus remarquable et gênante pour le futur ex-ministre de l'intérieur qu'elle s'inscrit dans le droit fil des discours les plus récents du candidat de l'UMP qui emprunte ses thématiques à la droite la plus extrême au point que certains de ses soutiens le critiquent.
jeudi, mars 22, 2007
Curiosa politiques
vendredi, mars 16, 2007
Convaincante!
Seul moment un peu délicat : lorsqu'on lui a posé des questions techniques sur les impôts. Elle a botté en touche ou, plutôt, renvoyé à son gouvernement, mais a-t-elle eu tort? Elle a en tout cas mis le doigt sur une difficulté de cette campagne : comment se positionner comme candidat à la Présidentielle sans tomber dans le programme de gouvernement?
Cette émission réussie peut contribuer à faire tomber les questions sur ses capacités à gouverner. Moins par sa réussite que parce qu'elle a mis en évidence une réelle capacité à s'améliorer, à s'imposer face au Parti Socialiste, à s'émanciper et à prendre de la hauteur.
dimanche, mars 11, 2007
Après Chirac, Le Pen… et la droite pourra se recomposer
Auront alors disparu les deux obstacles à l'union des droites : Chirac, d'un coté, qui s'est opposé (non sans mérite) à l'alliance avec le Front National, et Le Pen, de l'autre, qui a tout fait pour que ce rapprochement soit impossible. Les discours croisés de Nicolas Sarkozy sur l'identité nationale et de Marine Le Pen sur l'antiracisme annoncent une nouvelle époque où les frères ennemis se retrouveront. Pour peu que l'épopée de Bayrou ne sombre pas dans le ridicule (mais elle n'en prend pas le chemin) on devrait voir se constituer un paysage politique à l'anglaise, avec trois acteurs : le PS, à gauche, une force de centre droit avec Bayrou, et un large parti conservateur à droite, avec une aile nationaliste dirigée par la jeune Le Pen.
samedi, mars 10, 2007
Pas facile d'être un journal d'opinion
vendredi, mars 09, 2007
Pourquoi Ségolène Royal passe-t-elle si mal auprès des couches supérieures?
Lorsqu'on lui en parle, l'intéressée parle de machisme, explique que les femmes doivent faire deux fois plus d'efforts que les hommes. Toutes choses exactes, mais ces mêmes couches aisées aujourd'hui si sévères ne lui étaient pas hostiles au début de la campagne. Le machisme n'explique donc pas tout.
Il me semble que l'on peut dater le décrochage des déclarations de François Hollande sur les impôts. En fixant la barre à 4000€, ce qui est beaucoup pour une majorité de Français, mais pas énorme pour ces classes aisées pour lesquelles cette réflexion a sonné un peu comme une déclaration de guerre. Non qu'ils soient opposés au paiement d'impôts, mais ils ont le sentiment (pas forcément faux) de contribuer plus que leur part au financement des dépenses collectives. Cette remarque de François Hollande était en phase avec le choix stratégique de Ségolène Royal de viser les classes populaires qui ont manqué à Jospin en 2002, mais c'était laisser un espace vide au centre que Bayrou a su habilement exploiter.
Ont également joué deux facteurs :
- la volonté d'être concrète, proche des gens, genre dans lequel Ségolène Royal excelle, mais qui lui interdit de faire rêver. L'utopie est rarement pragmatique, or les classes aisées préfèrent l'utopie qui leur permet de continuer de profiter de leur confort aux mesures concrètes qui peut les gêner au quotidien,
- l'absence de programme culturel qui parle à ces classes moyennes qui sont en les premiers consommateurs. Elle aurait dû demander à Jack Lang des conseils dans ce domaine.
J'y ajouterai un défaut personnel : il manque à Ségolène Royal comme à beaucoup de femmes qui se sont battues pour arriver là où elles sont cette "élégance" intellectuelle que l'on retrouve, sous des formes différentes, chez Fabius, Giscard, Straus-Khan, Lang ou Villepin. Elle n'a pas cette facilité, cette grâce dans les échanges d'idées que possède celui qui sait, depuis la plus petite enfance qu'il est un peu supérieur aux autres. Ce n'est pas qu'elle manque d'humour, elle en a manifestement beaucoup, mais on aimerait qu'elle sache faire croire, comme faisait si bien François Mitterrand, qu'elle peut un instant s'évader pour aller admirer une cathédrale, écouter un concert, se promener seule dans un musée, rêver… Cette absence de toute désinvolture lui donne parfois un aspect autoritaire et sec qui la dessert (je pense à cette scène prise dans un aéroport au proche-orient, elle croise Françoise de Panafieu, ne la voit pas ou fait semblant de ne pas la voir, et lorsque celle-ci l'interpelle, elle refuse de lui répondre).
A tout cela, Ségolène Royal peut opposer de véritables qualités : une formidable détermination, une approche originale des problèmes, une réelle capacité d'écoute et une force de conviction qui frappe au milieu d'interventions médiocres. Je pense à ce qu'elle disait hier, sur Canal +, sur l'importance de savoir dire non pour construire sa vie, moment étonnant de vérité où on la sentait toute entière dans ce qu'elle disait. Il y a chez cette femme quelque chose d'authentique que l'on rencontre rarement chez les hommes politiques. Elle sait faire parler son coeur, ce qui la distingue certainement de Nicolas Sarkozy chez lequel on soupçonne toujours le spécialiste en marketing qui calcule les mots qui peuvent séduire.
jeudi, mars 08, 2007
Jean-Marie Bigard est-il lepeniste?
Personne n'en ayant à ma connaissance parlé, j'en suis à me demander si ce n'est pas un montage réalisé par quelque spectateur mal intentionné. Je crains malheureusement que si contrefaçon il y a eu, elle n'est pas très éloignée de la lettre et de l'esprit de l'original.
Petite entourloupe ordinaire
J'utilise un de ses produits depuis des années. Je reçois une publicité me proposant une remise à jour à un prix avantageux affiché en gras : 89€ HT. En dessous, en un peu moins gros (mais très lisible), le prix TTC : 117,44€. Comme je récupère la TVA (comme tous ceux auxquels s'adresse cette publicité), je ne retiens que le premier chiffre et ne prête pas attention au second.
Ayant, depuis quelques mois, choisi de renouveler mon logiciel de compta, je téléphone à l'entreprise qui m'envoie aussitôt par mail un devis. Surprise : le prix TTC n'a pas changé, mais le prix HT a grossi de 9,20€ correspondant à des frais de conditionnement et d'expédition. Et pour cause : pour que le prix TTC soit de 117€, il fallait appliquer au prix HT annoncé un taux de TVA de 31%…
On remarquera comme tout a été calculé pour se situer en dessous de seuils psychologiques (90€, 10€).
Il s'agit manifestement d'une publicité conçue dans le seul but d'induire en erreur. Ce n'est cependant pas, d'après la Direction générale des Prix et de la Concurrence et de la Répression des Fraudes que j'ai interrogée par curiosité, suffisamment flagrant pour qu'elle intervienne directement. Seule une éventuelle action en justice d'un client pourrait, me dit mon interlocuteur, avoir un effet. Mais qui va se lancer dans cette aventure pour récupérer, au mieux, 9,20€?
J'ai malgré tout acheté le produit. Mais on a là une illustration plaisante de cette optimisation des recettes dont on parle parfois dans les couloirs des grandes entreprises. Je serais curieux de connaître la marge sur ces frais de conditionnement et d'expédition. Elle doit être considérable…
jeudi, mars 01, 2007
Des intellectuels s'engagent pour Ségolène Royal
S'il s'agissait de montrer que les soutiens de Ségolène ont plus de classe, de talent et de diplômes que ceux déclarés de son adversaire (de doc Gynéco à Johnny en passant par Steevy), c'est réussi mais était-ce vraiment nécessaire?
S'il s'agissait de montrer que les intellectuels s'engagent, c'est là encore réussi, mais ce qui frappe, à lire la liste, c'est le nombre de signataires dont on n'a jamais entendu parler. Ce qui veut probablement dire que les intellectuels sont rentrés dans les souterrains, qu'ils n'occupent plus le devant de la scène envahi par des journalistes, des comédiens, des chanteurs, des gens qui ne correspondent pas forcément à ce qu'on appelait autrefois les intellectuels.
S'il s'agissait de faire parler du Nouvel Observateur qui investit, semble-t-il, moins dans les sondages que ses confrères, c'est également réussi, mais n'est-ce pas un peu dérisoire?
Il y a dans cette pétition comme un goût de cendre… ou plutôt, comme un goût de cigarette qui n'est plus qu'un souvenir depuis que l'on a cessé de fumer.
lundi, février 26, 2007
Et si Le Pen n'avait pas ses 500 signatures?
Soit, mais l'élection présidentielle a été conçue pour élire une personne et, avec elle, une équipe capables de diriger la France. Les difficultés que rencontre Le Pen disent long sur ce que pensent en vérité les Français de sa capacité à diriger la France. Si le Front National était, avec ses résultats à la dernière présidentielle, un parti comme les autres, il n'aurait aucun mal à trouver des élus qui le parrainent. S'ils n'en trouvent pas, c'est que les électeurs ne lui font pas confiance pour gérer leur commune. Ils ne le prennent tout simplement pas au sérieux. Ils peuvent voter pour ses candidats lorsqu'ils savent qu'ils ont peu de chance d'être élus, ils évitent de le faire là où ce serait possible. Qui croit, en effet, que le programme du FN et de son président pourrait régler n'importe lequel de nos problèmes?
Ce qui vaut pour le Front National vaut pour tous les petits partis qui rencontrent des difficultés dans la collecte des signatures.
Le refus des maires de parrainer Le Pen et consort n'est que preuve qu'ils ont du bon sens : il n'est pas souhaitable que des gens dont personne ne pense qu'ils ont (eux et leur équipe) la capacité de diriger la France soient candidats. Si le Front National réussissait à s'imposer dans des élections locales, il en irait naturellement tout autrement…
vendredi, février 23, 2007
Trop de fonctionnaires?
Nicolas Sarkozy précise également les domaines où il entend concentrer son action. «L’administration générale des Douanes a autant d’agents aujourd’hui (20.000) qu’elle en avait en 1980. Or, depuis cette date, il n’y a plus de frontières », fait-il valoir. Il souhaite également fusionner certaines administrations : l’ANPE avec l’Unedic et les maisons de l’emploi, et la Direction générale des impôts avec la comptabilité publique."
Je sais bien que les propos de campagne incitent à simplifier, mais tout de même… Le sujet mériterait une analyse un peu plus fine. Après tout, les 5 millions de fonctionnaires font autant d'électeurs qui sont, on peut au moins le supposer, à peu près informés de ce qui se passe dans leur environnement de travail.
On remarquera que Nicolas Sarkozy ne parle que de la fonction publique d'Etat (3 millions de fonctionnaires) et ne dit rien des deux autres : la fonction publique territoriale (1, 750 000 fonctionnaires) et la fonction publique hospitalière (850 000 fonctionnaires). Or, si problème il y a, il est moins dans le nombre de douaniers ou de telle autre catégorie, que dans les dysfonctionnements de cette organisation. Or, c'est là que se trouvent les marges de manoeuvre. Plusieurs phénomènes mériteraient d'être explorés avant de donner des chiffres à l'emporte-pièce.
Les effectifs de la fonction publique territoriale progressent rapidement (+ 3% en 2002, + 1,6% en 2003), ce qui n'est pas choquant dans un contexte de décentralisation, mais devient problématique lorsqu'il n'y a pas réduction équivalente des effectifs dans la fonction publique d'Etat, ce qui veut tout simplement dire que l'on fabrique des doublons.
Comme toute organisation, la fonction publique d'Etat résiste à tout ce qui pourrait réduire son pouvoir, et d'abord à la décentralisation qui la menace directement. L'une de ses armes préférées, dans cette bataille, est la création de règles, de normes qui lui permettent de conserver son pouvoir de contrôle sur l'activité de la fonction publique territoriale mais aussi de maintenir son emploi.
On dit beaucoup que les fonctionnaires ne font rien. C'est inexact. Ils travaillent. Et s'ils sont si nombreux, c'est que les élus leur donnent du travail. L'explosion réglementaire et législative, dénoncée par le Conseil d'Etat, est la première raison de cet excédent de fonctionnaire d'Etat. Et cette explosion est le fait des élus. Nous avons autant de fonctionnaires parce que nous sommes mal gouvernés. Et de ce point de vue, le bilan de Nicolas Sarkozy, avec ses lois répétées sur l'immigration, est plutôt mauvais.
Les emplois sont d'autant plus nombreux qu'ils sont mal distribués. Est-il, pour ne prendre que cet exemple, normal qu'il y ait trois fois plus de policiers par habitant à Paris que dans la lointaine banlieue? On tient là un des facteurs de la croissance des effectifs : pour augmenter les effectifs là où ils manquent, on a recruté là où on aurait pu redéployer. Mais qui est responsable de ce dysfonctionnement, sinon les élus locaux qui se battent bec et ongle pour conserver les effectifs de policiers même lorsque ceux-ci sont en surnombre? Et les gouvernements qui leur cèdent? Ce qui est vrai de la police l'est de bien d'autres domaines.
La fonction publique a un absentéisme supérieur au secteur privé. C'est vrai dans les trois fonctions publiques, mais surtout dans la fonction publique territoriale (voir, là-dessus, les chiffres de l'IFRAP). Lutter contre permettrait certainement de produire autant avec des effectifs réduits. Mais on remarquera le silence de Nicolas Sarkozy (et des élus en général) sur cette question. Le sujet est tabou! Il est vrai qu'un absentéisme trop élevé est le symptome d'un management déficient. Et qui dirige les collectivités publiques territoriales, sinon les élus de droite comme de gauche?
Vouloir réduire le nombre de fonctionnaires n'est pas en soi une mauvaise chose lorsque le sureffectif est le résultat d'une mauvaise organisation ou d'un mauvais management. Encore faut-il travailler sur les causes, sinon on risque de jeter le bébé avec l'eau du bain, de dégrader la qualité des services publics sous couvert de faire des économies.
jeudi, février 22, 2007
Nous, socialistes et Français de gauche…
Sur le fond, les motifs qui les amènent à préférer François Bayrou à Ségolène Royal sont plutôt banals : ils reprochent à la candidate socialiste son programme, son souci de proximité ("Mme Royal compte donc gérer la France comme on gère une région ou un département en créant toujours plus de charges pour la collectivité"), ce que l'on a beaucoup entendu et qu'on entendra sans doute souvent encore. C'est la forme qui interroge. Que veut donc dire ce "Nous, socialistes et Français de gauche…" anonyme?
Il y a deux façons de juger des positions politiques d'un individu : par ses propos ou ses actes passés, par ses positions actuelles. Si les mots ont un sens, le positionnement des auteurs de ce texte, tel qu'il transparait dans cet article, en fait des gens du centre. Ce seraient donc leurs actes passés qui leur permettraient de se dire de gauche. Peut-être est-ce le cas, mais comment le savoir s'ils restent anonymes? Comme vérifier qu'ils ne sont pas un banal sous-marin d'une officine de communication financée par l'UDF?
L'UDF n'étant pas très riche j'imagine qu'il s'agit plutôt de quelques amis qui ont un jour, dans leur jeunesse, voté à gauche et qui, depuis, parent de cette couleur toutes leurs positions politiques. Mais alors se dire de gauche n'est qu'un effet rhétorique…
On comprend que des (hauts, ils le précisent, ce qui permet de douter de la profondeur de leurs convictions de gauche) fonctionnaires, attachés à l'éfficacité et habitués aux alternances aspirent au centrisme qui donne aux experts la main. Sa victoire leur permettrait de poursuivre leurs projets sans hiatus ni contorsions, mais qu'ils nous le disent, plutôt que de se cacher derrière un masque qui leur va si mal.
mercredi, février 21, 2007
Les journalistes et la blogosphère
Exaspération d'autant plus vive que les internautes n'hésitent pas à critiquer la presse, à écrire noir sur blanc ce que beaucoup pensaient plus ou moins. Ce qui pousse la presse à un examen de conscience dont témoignent, entre autres choses, les papiers des journalistes du Monde qui accompagnent les candidats en campagne. On aîmerait que ce travail d'introspection se poursuive et que les journalistes nous expliquent comment se font les informations, on voudrait qu'ils décortiquent la fabrique de l'information, qu'ils nous éclairent sur le jeu trouble de la communication et de la presse.
Que sortira-t-il de tout cela? Sans doute un bien, pour peu que les journalistes se mettent vraiment au travail. Puisque concurrence il y a, puisqu'ils ont des compétences (c'est leur métier et non pas un hobby comme pour nous) et des réseaux que nous n'avons pas, ils peuvent produire une information qui les distingue des internautes. Si c'est bien ce qui se passe, bien loin de faire du tort à la presse traditionnelle, internet aura contribué à l'améliorer. A moins que tout ceci ne soit que du "wishful thinking."
vendredi, février 16, 2007
Bayrou ou la stratégie du dindon… de la farce
Bonne nouvelle pour François Bayrou : il aurait de bonnes chances de l'emporter, les électeurs de gauche qui ne veulent surtout pas de Nicolas Sarkozy et qui lui sont gré de ses attaques contre l'actuel gouvernement s'ajoutant aux électeurs de droite qui ne veulent pas non plus du ministre de l'intérieur à L'Elysée, cela pourrait faire une majorité anti-sarko. Mais une fois élu que fera-t-il?? ou, plutôt, que pourra-t-il faire?
Dans la foulée des élections présidentielles, il doit y avoir des élections législatives qui seront certainement très disputées, chaque camp voulant rattraper une élection perdue pour les uns par la faute d'une candidate maladroite, volée pour les autres par des chiraquiens revanchards. Sans doute verra-t-on quelques seconds couteaux rejoindre à toute vitesse l'UDF, mais les pesanteurs de la politique sont telles que la bataille se jouera entre le PS et ses alliés et l'UMP.
Quelque que soit celui qui l'emporte, François Bayrou sera amené à choisir le patron de la formation gagnante qui fera, naturellement, la politique pour laquelle il aura été élue. Et Bayrou pourra se retirer à l'Elysée en dindon de la farce condamné à jouer les rois fainéants.
Pour qu'il en aille autrement, il faudrait que les deux partis soient à égalité, qu'il y ait autant de députés d'un coté que de l'autre, que la solution soit si inextricable qu'il n'y ait, comme en Allemagne il y a quelques mois, d'autre solution qu'un gouvernement d'union nationale. Avouons que c'est peu probable et que l'on ne voit pas bien qui pourrait le diriger, le seul ayant autorité et légitimité pour le faire étant, du fait de son élection, à l'Elysée. Là encore, François Bayrou serait le dindon de la farce.
Cette impasse stratégique est le fait de nos institutions. Bayrou ne pourrait donc s'en sortir qu'en les changeant rapidement, en organisant, par exemple, un référendum sur une sixième république qui modifierait les règles du jeu, réduirait le rôle des grands partis et faciliterait l'émergence de forces centristes. Des élections législatives à un seul tour avec une forte dose de proportionnelle pourrait être l'une de ces solutions…
jeudi, février 15, 2007
La démocratie participative et les experts
Plus que cette éviction, ce qui me frappe c'est la fragilité de l'expertise de tous ces "sachants", fragilité qui plus que tout autre chose justifie que l'on ne prenne pas pour argent comptant tout ce qu'ils nous disent. Pour rester dans l'actualité, telle que nous la présentent les pages Débats du Monde, je prendrai deux exemples :
- le premier n'a rien à voir avec la politique puisqu'il s'agit de climat. Il y a quelques jours, Serge Galam, très estimable sociophysicien qui applique les lois de la physique au monde social nous expliquait que les prévisions des experts en climatologie étaient très contestables. Rien, expliquait-il en substance, ne permet de dire que le réchauffement climatique est lié à l'activité humaine. Dans les jours qui ont suivi deux climatologues ont démonté son texte montrant qu'il confondait la météorologie (qui fait des prévisions à court terme et se trompe souvent) et la climatologie (qui fait des prévisions à long terme et se trompe beaucoup moins) et qu'il confondait, à propos de Galilée, la rotation de la terre autour du soleil et la forme de la terre (ce qui pour un physicien qui se pique d'épistémologie est un peu gênant) : l'expert disait des sottises ;
- le second a à voir avec la campagne électorale. Raymond Boudon, sociologue estimable, théoricien de la droite depuis longtemps, expliquait du haut de sa science (qui n'est pas mince) que la démocratie participative n'a pas de sens. A preuve : elle n'est pas traduisible en anglais. Là encore, l'expert disait des sottises. Non seulement, l'expression est traduisible en anglais, comme le rappelle Yves Sintomer, dans Le Monde, mais le concept a fait l'objet, tout récemment encore, de débats vifs aux Etats-Unis. Le concept est né de réflexions sur la société civile, sur le rôle des associations et des ONG, mais également de la place prise dans les débats publics des échanges sur internet. Que Raymond Boudon soit passé à coté veut tout simplement dire que son expertise ne lui permet pas de tout voir.
Au travers de ces discussions, c'est le rôle des experts et des intellectuels qui est en cause. On sait depuis longtemps que les intellectuels touche-à-tout disent beaucoup de bêtises et sont parfois dangereux (il suffit de relire ce qui a pu être écrit par des gens intelligents au lendemain de 68 pour frémir à posteriori : s'ils avaient eu le pouvoir que d'horreurs auraient pu être commises au nom de leur expertise!). Les intellectuels qui ne l'ignorent pas se sont pendant des années retiré du champ public (d'où ce silence que l'on a si souvent regretté alors que l'on aurait du s'en réjouir. S'il se taisaient, c'est qu'ils travaillaient et ne parlaient en public que de choses qu'ils connaissaient). Or, l'on voit depuis quelques années, ces mêmes intellectuels, jaloux des succès des essayistes et autres journalistes pressés de revenir sur le devant de la scène et d'afficher leurs opinions sur tout et rien au risque de dire des sottises comme tout un chacun.
En mettant en avant sa démocratie participative, Ségolène Royal a mis des bâtons dans leurs roues, ceci explique peut-être leur dépit…
mercredi, février 14, 2007
Le mépris de Bernard Tapie
- "Le "je" utilisé en permanence m'inquiète car en bordurant, comme elle semble le faire, les DSK, Fabius, Jospin et autres Kouchner, elle rend son inexpérience personnelle plus flagrante et dangereuse. Tu ne gagnes pas la Champion's League avec une équipe de deuxième division ! Or mis à part [Jean-Louis] Bianco [directeur de campagne de Ségolène Royal], ce ne sont pas ceux qui l'entourent aujourd'hui qui pourront lui permettre de surmonter les difficultés que la France connaît."
- "Elle a été ministre, députée, elle est présidente de région, et elle ne sait pas de quoi souffrent les gens? Mais on ne construit pas la France de l'avenir en faisant le tour des cafés du commerce, en réunissant deux cents à trois cents pékins dans un préau pour leur demander quels sont leurs problèmes. Ces débats participatifs, c'est le contraire de ce que réclament les gens en souffrance, ils veulent des réponses, des solutions."
- "Les socialistes ont choisi Ségolène Royal, exclusivement sur la foi des sondages. Ce n'était pas mon choix : tu ne passes pas de journaliste à La Montagne à directeur de la rédaction du Monde. Ça ne remet pas en cause son intelligence, sa bonne foi, mais il y a des responsabilités qui ne s'improvisent pas. Pour être le premier des français, il faut avoir accompli un autre parcours."
Tout cela est détestable, grossier et antipathique (les journalistes de la Montagne, les gens qui ont participé aux réunions participatives, ceux, tous ceux qui ont une opinion et ont envie de la faire entendre apprécieront). Mais Tapie n'est pas le seul. Beaucoup d'autres ex-Mitterandistes se sont prononcés pour Nicolas Sarkozy. J'ai même entendu Roger Hanin expliquer qu'il voterait pour lui parce que c'était un homme de gauche (oui! de gauche!).
Je sais bien qu'Hanin n'est pas un analyste politique de premier plan, mais cela laisse tout de même rêveur. Que des gens plutôt bien informés puissent prendre pour un homme de gauche un candidat qui propose de supprimer l'impôt sur les successions, une mesure conservatrice s'il en est une, fait douter de notre intelligence ou de notre bon sens : sommes-nous donc si naïfs qu'il suffit de citer les noms de Jaurès ou de Blum dans un discours pour être qualifié d'homme de gauche? Si c'est cela être de gauche, alors ce mot n'a plus beaucoup de sens.
lundi, février 12, 2007
L'étonnant discours de Madame Royal
Il commence, ce qui n'est pas banal, par un long développement sur la dette et sur les entreprises, notamment les PME, avec une proposition qui semble provenir directement des débats participatifs sur un système de caution mutuel qui évite aux patrons de PME d'offrir des garanties sur leurs biens personnels lorsque leur entreprise rencontre des difficultés. Je ne suis pas sûr que cela convainque beaucoup de patrons de PME de voter pour Ségolène Royal (d'autant que les médias n'ont pas beaucoup relayé cette proposition), mais cela indique une approche nouvelle de la société pour une socialiste : non seulement les fonctionnaires et les travailleurs ne sont plus les seuls dont elle se préoccupe mais elle a, de plus, une vision assez réaliste du monde des PME (beaucoup de patrons sont effectivement amenés à offrir leurs biens personnels en garantie lorsque leur entreprise va mal).
On aurait aimé qu'elle aille plus loin dans cette même direction et qu'elle aborde une autre question qui gêne les plus petites PME : celle du lissage des revenus pour éviter les effets de ciseau que connaissent tous ceux qui ont des revenus en montagnes russes (comme l'on paie des impôts sur les revenus des années précédentes, on peut se trouver pris à la gorge pour peu que l'on ait fait une bonne année suivie d'une ou deux mauvaise année, avec des impôts (et cotisations sociales) très élevés à payer les années où l'on a des revenus faibles. On aurait également aimé qu'elle approfondisse sa réflexion économique et qu'elle éclaire mieux les faiblesses de notre économie, avec quelques dizaines d'entreprises très puissantes, très compétitives (Michelin, Dassault, Lagardère, Bouygues; Aventis, Air Liquide, EDF, Renault, Peugeot…) qui ne créent plus d'emplois en France (leur expansion se fait à l'étranger) et une multitude de PME sous-capitalisées, sous-managées qui ne peuvent pas créer d'emplois parce qu'elles n'ont pas les moyens de la croissance. Mais un discours de candidat n'est pas un cours d'économie…
Ségolène Royal insiste également beaucoup sur la réforme de l'Etat, ce qui n'est pas forcément dans la tradition socialiste, elle fait une place très importante aux femmes et aux jeunes, notamment ceux des banlieues, plus présents dans son discours que les travailleurs. Elle insiste sur les logiques du donnant-donnant (des droits et des devoirs) qui dessine une approche nouvelles des valeurs de la gauche. Si elle a repris plusieurs des propositions du programme socialiste, elle n'a certainement pas mis son mouchoir dans sa poche et repris plusieurs de ses propositions antérieures (jurys citoyens, encadrement militaire, révision de la carte scolaire…). Qui peut dire qu'elle manque de caractère et de courage (car il en faut pour expliquer aux fonctionnaires que l'on va moderniser la fonction publique, pour dire aux enseignants que l'on va revoir la carte scolaire…)?
Socialiste, son discours? Peut-être, mais surtout ségoliniste, mais qu'il ait été bien accueilli par les militants montre que la révolution du Parti Socialiste est bel et bien engagée en profondeur. C'est ce que n'avaient sans doute pas vu ses concurrents malheureux au sein du parti socialiste.
dimanche, février 11, 2007
Heures supplémentaires : discipliner les salariés ou les augmenter?
Il suffirait donc, en somme, de lever les plafonds des heures supplémentaires pour que tout le monde soit content : les employeurs (fin des 35 heures), les salariés (des revenus plus élevés). C'est, naturellement, un peu plus compliqué que cela. Il faut, en effet, bien voir que les heures supplémentaires sont à la discrétion de l'employeur, c'est lui qui en décide et les salariés ne peut les refuser. Et c'est là que le bât blesse : sous couvert d'enrichir les salariés, ce mécanisme va surtout renforcer la domination de l'employeur en lui donnant un nouveau moyen de dsicipliner les salariés.
Il suffit d'avoir vécu quelques semaines dans une usine ou dans l'un de ces établissements dans lesquels on utilise les heures supplémentaires pour voir comment les choses peuvent se passer.
Prenons le cas d'un atelier de 100 personnes. L'employeur a besoin de 100 heures de plus pour répondre à une commande. Il peut les partager entre ses 100 salariés (1 heure de plus chacun), il peut également choisir de les affecter à 20 (avec pour chacun 5 heures de plus), 25 (avec pour chacun 4 heures supplémentaires), 50 salariés (avec pour chacun 2 heures de plus) qu'il a aura choisis en toute discrétion. Dit autrement, l'employeur peut utiliser les heures supplémentaires pour les refuser à ceux qu'il veut sanctionner pour indiscipline, esprit critique… C'est ce qui se fait de manière courante dans les entreprises de toutes sortes, la décision étant, dans celles d'une certaine taille prise par le management de proximité.
Ce n'est bien évidemment pas comme cela que l'on augmentera les salaires. S'ils sont si faibles, ce n'est pas, comme on nous le répète matin midi et soir de la faute des 35 heures, c'est plus simplement que le rapport de force n'a jamais été plus en faveur des employeurs. La seule augmentation qui vaille est celle du salaire horaire, mais elle ne pourra être obtenue que lorsque nous aurons des organisations syndicales plus puissantes capables de mener des combats pour les obtenir. L'augmentation du SMIC que propose la gauche n'est qu'un palliatif sympathique mais probablement illusoire dans un environnement réglementaire dans lequel les entreprises ont, grâce aux contrats de travail précaires et à la sous-traitance, de nombreux moyens d'y échapper (voir là-dessus mon papier dans Personnel : Le Smic, un instrument émoussé?). De ce point de vue, les propositions de Ségolène Royal sur les syndicats me paraissent plus intéressantes que sa reprise du mot d'ordre de Laurent Fabius.
dimanche, février 04, 2007
Les blogs, la rumeur
La blogosphère fait sortir la rumeur de l'univers des échanges verbaux, ce qui change beaucoup de choses :
- alors qu'il est à peu près impossible de savoir d'où vient la rumeur qui circule dans les conversations, il est relativement facile d'identifier les sources des rumeurs sur le web,
- alors qu'il est à peu près impossible de saisir la rumeur, invisible à qui n'est pas partie prenante des conversations, il est très facile d'accéder à la rumeur sur internet qui est écrite et au vu et su de tout le monde : la victime est plus tôt informée,
- alors que la rumeur verbale vaut par sa clandestinité, la rumeur sur internet, parce qu'elle est écrite, prend une existence nouvelle, l'écriture lui donne une existence nouvelle, elle peut être reprise dans la presse, ce qui donne aux victimes la possibilité de la combattre, de démentir de faire intervenir la justice, de prouver leur innocence.
Pour tous ces motifs, et à l'inverse de ce qui est souvent dit, internet ne multiplie pas les rumeurs, il en change la nature. On en a récemment eu, à l'occasion de la campagne présidentielle plusieurs exemples : les impôts de Ségolène Royal, ses amants…
Dans les deux cas, la publicité faite sur internet à des informations sans fondement a permis aux victimes de réagir très vite, de démentir des informations fausses, d'identifier les responsables de leur diffusion (des gens proches de l'UMP), de les dénoncer et, éventuellement, de les poursuivre en justice. Résultat : des rumeurs qui auraient pu circuler pendant des mois sans être démenties sont mortes dans l'oeuf.
jeudi, février 01, 2007
Le ralliement d'André Glucksman fait pschiit

Autant dire que tout le monde, ou presque, s'en moque. Faut-il ajouter que ceux qui ont parlé de ce ralliement, bien loin d'être aimables avec Glucksman et Sarkozy, ont rappelé que tous deux étaient favorables à l'intervention américaine en Irak, ce qui n'est évidemment pas de nature à aider Nicolas Sarkozy dans sa campagne.
La blogosphère se révèle en cette occasion, comme en d'autres lors de cette campagne électorale un formidable révélateur de l'opinion qui fonctionne de manière originale : en posant des questions, les sondeurs aident les personnes qu'ils interrogent à se former une opinion (ne serait-ce qu'en choisissant entre plusieurs options), le web témoigne de toout autre chose : de l'intérêt que l'on a à avoir une opinion sur un sujet : si l'on n'en pense rien, on n'en parle pas, un point c'est tout. Ce ralliement est un non événement parce que personne n'a d'opinion dessus.
Grosse gaffe à l'Elysée sur le nucléaire iranien
Voici l'histoire telle que la raconte ce matin le New-York Times :
PARIS, Jan. 31 — President Jacques Chirac said this week that if Iran had one or two nuclear weapons, it would not pose a big danger, and that if Iran were to launch a nuclear weapon against a country like Israel, it would lead to the immediate destruction of Tehran.
The remarks, made in an interview on Monday with The New York Times, The International Herald Tribune and Le Nouvel Observateur, a weekly magazine, were vastly different from stated French policy and what Mr. Chirac has often said.
On Tuesday, Mr. Chirac summoned the same journalists back to Élysée Palace to retract many of his remarks.
Mr. Chirac said repeatedly during the second interview that he had spoken casually and quickly the day before because he believed he had been talking about Iran off the record.
“I should rather have paid attention to what I was saying and understood that perhaps I was on the record,” he said.
Question : qu'est-ce qui est le plus grave? un Président en exercice qui s'emmêle les pieds sur un sujet aussi sensible devant des journalistes de la presse internationale? un candidat qui commet un lapsus à la sortie d'un entretien qui s'est bien passé (Sarkozy et Blair)ou une candidate qui dit en riant dans une conversation privée ce que beaucoup de Français auraient dit dans des circonstances voisines (je fais naturellement allusion à ses propos sur la Corse)?
Sauf à imaginer que Jacques Chirac ait voulu, par ce biais, venir au secours de la candidate en difficulté, il faut bien reconnaître que nul n'est à l'abri des gaffes. Ou, plutôt, que les frontières entre le privé et le public, le "on the record" et le "off the record" sont devenues si ténues, si fragiles, que la moindre imprécision devient affaire d'Etat. Peut-être conviendrait-il de rendre aux politiques le droit à l'erreur, à l'hésitation, au changement d'opinion. Sarkozy l'a revendiqué dans son discours. Il a eu raison.
mercredi, janvier 31, 2007
L'abbé Pierre te les chips
Mais puisque l'on parle de l'abbé Pierre, je m'interroge sur l'émotion que sa mort a suscitée. Et j'ai envie de poser deux questions :
- cette émotion a-t-elle été ce qu'en ont dit les médias? ou n'a-telle été qu'une fabrication des mêmes médias? Si l'émotion avait été ce qu'on a dit, on l'aurait sans doute vue dans la rue, un peu comme lorsque la mort de François Mitterrand avait rempli la place de la Bastille de parisiens tristes,
- cette émotion, si émotion il y a, va-t-elle au delà de ce simple sentiment de tristesse que l'on éprouve lorsque l'on voit un inconnu souffrir ou conduit-elle à la compassion? nous rend-elle, en d'autres mots, meilleurs?
On l'aura compris, je suis sur l'une comme l'autre question plutôt sceptique…
lundi, janvier 29, 2007
André Glucksman choisit Nicolas Sarkozy
C'est son droit et on ne saurait le lui reprocher même si l'on attendait depuis quelque temps avec une certaine gourmandise cet aveu. Mais puisqu'il parle des droits de l'homme (et qu'il en fut l'un des théoriciens), on aimerait lui recommander de s'abonner à la lettre de RESF, le réseau qui lutte contre les expulsions d'immigrés sans papier. Il changerait peut-être d'avis… ou serait plus prudent quant à ses enthousiasmes.
Trou d'air
Reste à comprendre ce qui se passe. Ce que l'on reproche à Ségolène Royal est pour l'essentiel, et quoique disent les gens de l'UMP, assez insignifiant. On n'y fait vraiment attention que parce qu'elle a choisi une stratégie qui ne laisse aucun os à ronger à ses adversaires. Sa démarche participative lui permet de retarder la présentation de son programme, de laisser le doute sur ce qu'elle présentera (le programme du PS, le sien, un mélange des deux?). Et en l'absence de vrais os à ronger, ses adversaires se précipitent sur ses bévues, n'hésitant pas, à l'occasion, à en fabriquer de toutes pièces. On les aura rapidement oubliées lorsqu'elle égrénera des propositions que ses adversaires pourront combattre. Reste que ces attaques répétées sur ces maladresses d'expression, ses à peu-près, ces formules prononcées un peu trop vite accréditent l'idée qu'elle serait incompétente ou pas à la hauteur, ce qui n'est pas très bon pour elle.
Les socialistes tout à la défense de leur candidate accusent leur adversaire de taper sous la ceinture, de faire une politique des boules puantes, ce qui est habile : l'affaire Clearstream, pour ne citer qu'un exemple très récent, a montré combien certains pouvaient utiliser de détestables méthodes pour faire de la politique. Et il n'est jamais bon de passer pour un mauvais joueur. Tant que Nicolas Sarkozy restera ministre de l'intérieur il leur sera facile de créer le doute et de suggérer qu'il utilise les moyens de l'Etat au service de sa carrière et de sa campagne.
On objectera que ce n'est pas nouveau. Ce qui n'est pas faux. Ce qui l'est, par contre, c'est que même le ministre de l'intérieur ne puisse plus faire ses coups en douce. L'article du Canard Enchaîné qui révélait l'enquête des Renseignements Généraux sur le collaborateur de Ségolène Royal était d'une impitoyable précision. Il ne racontait pas une rumeur mais donnait les noms des fonctionnaires responsables de l'opération. Même dans les services de police les plus discrets, il n'y a plus de secrets. Cela ne fait que confirmer une tendance que l'on observe depuis quelques années.
Dans l'affaire Clearstream, on a vu un général, présenté comme une vedette des services de contre-espionnage, habitué donc, a priori, à travailler dans l'ombre, tout raconter à des juges. Il y a quelques années, on avait vu comment un secret d'Etat (les liens présumés de Charles Hernu et des services secrets des pays de l'Est) était tombé entre les mains des journalistes. Les mésaventures de Chirac et de ses valises de billet se situent dans la même logique : on ne peut plus tenir, dans nos sociétés modernes, de secret. Et avec le secret, c'est l'espace privé de chacun qui se rétrécit comme peau de chagrin, comme dans cette conversation téléphonique sur la Corse avec un humoriste…
Je ne suis pas sûr que les politiques, même les plus modernes, aient pris conscience de ce que cela implique. Je ne suis pas sûr non plus que nous ayons collectivement beaucoup à gagner à cette transparence de tous les instants. D'un coté, elle peut nous permettre d'exercer un contrôle plus serré sur les élus, mais de l'autre, elle rend plus difficile toute action politique qui suppose réflexion, maturation des idées et un peu de liberté dans leur expression…
lundi, janvier 22, 2007
Le prix d'une réputation
Ce blog est d'autant plus intéressant qu'il montre comment politiques et médias peuvent se iguer contre une entreprise, les premiers en se contentant de citer, dans chaque reportage qu'ils font dessus, les critiques de l'entreprise dans un simple souci d'équilibre (les critiques sont assez bien organisés pour avoir obtenu cela de la presse), les seconds en ayant la possibilité de tenir des propos d'une brutalité qu'aucun concurrent ne pourrait s'autoriser.
Il faut dire que les Américains ont deux bons motifs d'en vouloir à Wallmart :
- sa politique sociale extrêmement brutale,
- sa politique d'achat qui a largement contribué à faire de la Chine le premier fournisseur d'un très grand nombre de produits de consommation courante aux Etats-Unis.
D'ici à ce que Wallmart s'effondre à cause de la rébellion de ses consommateurs, il y a un immense pas à franchir, ce que je ne ferai pas, mais on a là une des premières illustrations vraiment convaincantes des thèses sur les consommateurs comme partie prenante.
vendredi, janvier 19, 2007
Sur les 4000€ de François Hollande
Qu'il ait fait hurler à Paris ne devrait surprendre personne. On me parlait hier d'un appartement de 120m2 (belle surface, sans doute, mais ce n'est pas non plus un chateau) loué à Paris dans le 8ème (quartier élégant, mais pas forcément le plus choisi) 4500€ par mois. J'imagine que le locataire de cet appartement qui ne se sent pas forcément riche (ce loyer peut prendre une part importante de ses revenus) ni réactionnaire (peut-être était-il de voter à gauche) a pris les propos de François Hollande pour une déclaration de guerre. Mais, un sondage montre que 65% (chiffre cité de mémoire) des militants socialistes sont d'accord avec lui et des conversations avec des connaissances, cadres moyens dont les rémunérations sont de cet ordre, me font penser que pour beaucoup de gens, 4000€ reste un seuil acceptable.
Ce que confirme ce post de Bernard Salanié que j'ai retrouvé. Il y parle des salaires des universitaires américains et montre que là aussi le seuil des 4000€ n'est pas absurde. Je le cite : "Comme mon camarade Chiappori a lancé un débat sur le salaire des profs sur Débat 2007, j'apporte mon eau au moulin en donnant les chiffres suivants, extraits d'une enquête de l'American Association of University Professors. Px représente le pourcentile x : P10 est le salaire au-dessous duquel se situent 10% des individus, P95 celui au-dessus duquel on trouve 5% des individus. Il s'agit du salaire de base (9 mois de l'année) ; de nombreux profs obtiennent un "summer stipend", par un grant par exemple, qui rajoute deux mois. Comme 1 dollar vaut 0,8 euros, je multiplie par 10/9*0.8/12 pour avoir un salaire en euros par mois, et j'enlève 45% en prélèvements sociaux et fiscaux pour avoir ce que nous appellerions en France un salaire net. Les universitaires ont généralement de très bons benefit packages, si bien que je n'applique pas de facteur rendant compte de la supériorité moyenne de la Sécu---vous pouvez appliquer celui que vous voudrez, ceci est à la louche. Je ne tiens pas compte non plus du fait que le logement dans certaines grandes villes américaines est cher ; Paris n'est pas donné non plus, et les universités américaines subventionnent souvent le logement.
Tout ceci est bien sûr à la louche, mais en voici le résultat :
Professors :
P20 : 88 000 dollars, soit 3 600 euros par mois
P40 : 95 000 dollars, soit 3 900 euros par mois
P60 : 106 000 dollars, soit 4 300 euros par mois
P80 : 117 000 dollars, soit 4 800 euros par mois
P95 : 141 000 dollars, soit 5 700 euros par mois.
Assistant professors :
P20 : 55 000 dollars, soit 2 200 euros par mois
P40 : 60 000 dollars, soit 2 400 euros par mois
P60 : 64 000 dollars, soit 2 600 euros par mois
P80 : 70 000 dollars, soit 2 900 euros par mois
P95 : 79 000 dollars, soit 3 200 euros par mois.
Ces chiffres valent pour la moyenne de tous les établissements qui délivrent des doctorats, toutes matières confondues. Certaines matières (l'économie...) paient beaucoup mieux : on voit régulièrement de jeunes docteurs engagés par des business schools pour des salaires deux fois plus élevés que ceux qui figurent ci-dessus---les départements d'économie sont un peu moins riches. Et les salaires des profs laissent souvent P95 loin derrière.
En revanche, il ne faut pas oublier que de nombreux docteurs travaillent dans des "baccalaureate institutions", où 1) les salaires sont plus bas (de 25% environ : l'assistant professor médian y gagne à peu près 45 000 dollars, soit 1 600 euros par mois) 2) la charge d'enseignement est plus lourde 3) l'environnement de recherche est peu porteur. Il me semble que ces chiffres confirment dans ses grandes lignes le diagnostic de Chiappori : c'est surtout au niveau des "stars" que la différence se fait sentir. "
François Hollande aurait sans doute mieux fait de se taire, mais… ses 4000€ n'étaient pas si mal vus. Ils avaient en tout cas le mérite de ne pas être démagogique, ce que l'on ne peut pas dire des propositions de Nicolas Sarkozy, mais c'est une autre affaire.
jeudi, janvier 18, 2007
La valeur travail et la critique du salariat
Ce retour de la valeur travail est un peu étrange alors que le chômage n'a pas disparu et que la critique du salariat s'est évanouie. Bien malin qui peut aujourd'hui trouver en librairie un ouvrage qui le critique comme on pouvait le faire dans les années 60 ou 70. Des décennies de chômage ont rendu inaudible des thèses qui étaient à l'origine de la réflexion sur le temps de travail (réflexion devenue, avec la loi sur les 35 heures, recherche d'une meilleure organisation du temps de travail, ce qui est tout différent).
Mais qu'une critique s'évanouisse ne veut pas dire que ses raisons ont disparu. Le salariat n'est pas plus aimable aujourd'hui qu'hier, mais ces critiques ont changé de nature, elles sont passé de l'espace public à l'espace privé. Lorsque l'on examine les comportements des salariés, des cadres notamment, on découvre de nombreuses attitudes qui sont l'expression d'une attitude critique à l'égard du travail. Je prendrai trois exemples :
- le succès des pré-retraites. Tout le monde s'accorde pour les condamner et, cependant, leur succès ne se dément pas. Vu du coté des entreprises, c'est assez logique (cela leur permet de se séparer de salariés dont elles n'ont plus besoin), mais les salariés ne sont pas les derniers à en profiter. Tous les programmes de pré-retraite ont du succès, même lorsqu'ils s'accompagnent d'une réduction significative des revenus. Comment l'interpréter sinon comme une critique de la vie au travail. Je le fais d'autant plus volontiers que j'ai, il y a une vingtaine d'années, réalisé une étude pour une grande entreprise dont le programme de pré-retraite venait de connaître un succès foudroyant. "Essayez donc, m'a-t-on demandé, d'aller comprendre ce qui motive tous ces gens? Sont-ils donc si malheureux chez nous?" Je me souviens de la réponse de l'une des personnes que j'ai alors interviewée, qui illustrait le sentiment général : "J'ai 53 ans, une maison, des enfants éduqués, je n'en peux plus des comportements de la hiérarchie, j'en ai assez de devoir en permanence dire oui, monsieur, même lorsque je pense non." Je précise qu'il s'agissait d'une entreprise qui avait bonne réputation et traitait plutôt bien ses collaborateurs ;
- le succès du bénévolat que j'ai analysé dans un papier (Le bénévolat, critique silencieux du travail salarié) que l'on peut trouver ici, comme une critique implicite et indirecte du salariat : en investissant dans des actions bénévoles, humanitaires, sans visée commerciale ni lucrative, des salariés, souvent des cadres expriment leur refus d'un monde dans lequel les seules valeurs seraient celles de la relation salariale ;
- les comportements électoraux des cadres supérieurs que j'ai analysés dans ce papier (Pourquoi les cadres supérieurs votent-ils à gauche?) publié en 2005 dans le Banquet dans lequel je montre que ces cadres votent à gauche, voire à l'extrême-gauche, pour exprimer leur critique du modèle social développé par les entreprises.
On pourrait ajouter à cela, une critique des organisations dont le fonctionnement ressemble à celui des sectes qui serait à mener.
mercredi, janvier 17, 2007
La campagne électorale et la blogosphère
- la communication à l'ancienne, telle que la pratique Nicolas Sarkozy sur son blog n'est pas satisfaisante : les photos trop léchées (trop visiblement retouchées), les réponses "spontanées" au micro-trottoirs, tout cela sonne creux et faux : la blogosphère a son style, ce n'est pas celui des plaquettes politiques traditionnelles ;
- les rumeurs ne circulent plus tout à fait de la même manière : elles sortent plus rapidement de la semi-clandestinité, ce qui force les candidats à y répondre plus vite (exemple, la polémique sur la feuille d'impôts des Hollande). Elles gagnent à être écrites et diffusées largement une sorte d'autorité qui permet de les citer dans les grands médias et, ainsi, de les officialiser. Si la rumeur n'avait été que de bouche à oreille, le député UMP Jacques Godfrain n'aurait certainement pas pris le risque de la révéler dans une interview à la Dépèche du Midi (ne serait-ce que parce que des poursuites en diffamation perdent beaucoup de leur sens lorsqu'une information a circulé sur de nombreux sites) ;
- le partage entre le privé et le public s'estompe. On l'a vu tout récemment avec l'exécution de Saddam Hussein. Cette exécution qui aurait du être privée a fait le tour du monde grâce à un téléphone portable et à internet. Les propos que Ségolène Royal avait tenu sur le temps de travail des enseignants avait de la même manière quitté l'intimité d'une réunion de militants pour se retrouver dans l'espace public ;
- les grands médias ont emboité le pas à la blogosphère et bien loin de la combattre ou d'en réduire l'influence, ils mettent leurs moyens à sa disposition (papiers de la presse écrite qui citent des blogs, appel des grandes chaînes de télévision aux images des internautes, comme France 2 qui vient de créer un espace dédié à la campagne présidentielle sur GoogleVidéo) ;
- de nouveaux acteurs s'imposent dans le débat public : les experts, économistes, sociologues, juristes dont les opinions "éclairées" sortent de la semi-clandestinité pour être affichées en plein jour. Le projet de droit au logement opposable a été une des premières mesures gouvernementales à faire les frais de cette montée en puissance des experts : en quelques jours, les juristes qui connaissent le dossier on décortiqué, critiqué le projet gouvernemental et fait connaître leur scepticisme. Sans la blogosphère ces réflexions seraient restées éparpillées, réservées aux proches de ces juristes.
Tout cela suggère un contrôle beaucoup plus serré de l'opinion sur les candidats, mais également des mécanismes nouveaux de formation de l'opinion. Les politiques n'ont plus l'exclusivité des propositions et des discours politiques. La société civile se réapproprie une partie de ces discours.
Autant de défis nouveaux pour les candidats. Ségolène Royal sans doute trouvé le mot juste en parlant de transparence et en demandant à Nicolas Sarkozy de publier également ses feuilles d'impôt. Mais la campagne ne se joue pas que dans la blogosphère comme le montre la montée en puissance de Sarkozy après sa grand-messe réussie du 14 janvier.