mercredi, juin 15, 2005

Les quotas, l’immigration

Le gouvernement parle depuis quelques jours des quotas en matière d’immigration. Il voudrait, comme le dit Le Monde, trouver le moyen de ne faire venir en France que des immigrés utiles, ceux dont notre économie a besoin. Disons-le tout de suite : c’est un progrès sur les positions antérieures qui revenaient à interdire, dans les discours sinon dans les faits, toute entrée de travailleurs étrangers. Mais c’est plus un progrès dans la symbolique (une reconnaissance de ce que notre économie a besoin de travailleurs étrangers) que dans la réalité. Pourquoi ? Tout simplement, parce que cette position repose sur une triple illusion :
- illusion de croire que nous sommes capables de mesurer nos besoins en matière d’effectifs et de traduire ces besoins en prescription administrative du type : 750 plombiers, 225 tanneurs, 72 psychanalystes… Une entreprise peut le faire puisqu’elle maîtrise les projets qu’elle envisage de développer, un Etat ne peut pas le faire puisque les décisions sont prises par une multitude d’acteurs indépendants qui ne prennent leur décision qu’au vu des disponibilités sur le marché du travail. Les critiques que Hayek faisait la planification sont ici pleinement valides ;
- illusion de croire, à l’inverse de ce que suggère dans son blog Bernard Salanié, que nous n’avons besoin que de gens qualifiés : une jeune sénégalaise sans qualification qui garde des enfant et permet à une mère de famille diplômée de l’enseignement supérieur de prendre un emploi est aussi utile à notre économie qu’une diplômée de l’enseignement supérieur d’origine étrangère. J’ajouterai que la distinction emploi qualifié/emploi non-qualifié perd beaucoup de sa pertinence lorsque l’on se rapproche des emplois réels : l’essentiel des compétences des agents économiques sont aujourd’hui, plus peut-être encore qu'hier, apprises sur le tas. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le système scolaire agit beaucoup plus comme un moyen de sélection qui donne à l’employeur des informations sur le niveau, la capacité de travail et les préférences des candidats que comme un outil de formation à des compétences qui évoluent en permanence ;
- illusion de penser que l’immigration fonctionne sur le modèle de l’ANPE avec des petites annonces pour des CDD : les immigrés qui viennent se décident pour un emploi, mais aussi pour une carrière. Ils choisissent le pays qui leur offre les meilleures possibilités d’emploi, d’accueil pour leur famille sur la durée. Ce ne sont pas des mercenaires que l’on peut révoquer et renvoyer chez eux à tout instant.
Mais, plutôt que de me citer, j’ai envie de renvoyer sur ces questions les lecteurs à Plaidoyers pour l’immigration, le livre que j’ai publié aux éditions Les Points sur les i en septembre dernier.

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