Le Monde du 28/09/05 se fait l’écho d’une enquête d’opinion originale qu’a fait réaliser le maire de Vénissieux après le succès du non (qu’il avait défendu au dernier référendum) dans sa ville : 69,5%. J’en retiens cette phrase qui fait écho à ce que l’on entend de plus en plus souvent : « Les hommes et les femmes interrogés sont d'autant plus amers qu'ils jugent les "élites" politiques, catégorie où sont rejetés le PS et l'UMP, "incapables" de proposer des solutions. » alors même que ces électeurs jugent incapables de gouverner les mouvements (extrême-gauche ou extrême-droite) pour lesquels ils ont voté. Et cette autre phrase : « La situation sociale et politique, jugée catastrophique avant le référendum, paraît désormais bloquée entre "des élites politiques sourdes, un retour à la normale, ponctué de jeux de chaises musicales, tant au gouvernement qu'au PS" , analysent les auteurs de l'étude, et des "forces alternatives qui ne semblent ni assez puissantes ni assez crédibles pour redéfinir un cap". »
Ce n’est pas la première fois que j’entends développer cette idée selon laquelle nos élites seraient incapables de proposer des solutions à nos problèmes, idée que me surprend toujours un peu. Après tout, qu’ils soient de droite ou de gauche, nos gouvernants savent en général ce qu’il faudrait faire. C’est du moins le sentiment qu’ils donnent lorsqu’ils s’expriment en privé. Ils admettent, en gros, qu’il faut introduire plus de souplesse dans notre système, banaliser le statut de la fonction publique, favoriser les mobilités du secteur privé au secteur public, retarder l’âge de la retraite, réformer en profondeur nos systèmes scolaire et universitaire, simplifier le droit du travail et notre système fiscal et éliminer tous ces dispositifs qui favorisent les lobbies et autres groupes de pression (des cultivateurs aux transporteurs en passant par bien d’autres corporations et catégories). Ils ne sont pas forcément d’accord sur le détail, mais sur le fond, ils sont à peu près d’accord sur les pistes à suivre. S’ils n’affichent pas avec toute la fermeté que l’on aimerait ce programme (que l’on peut habiller des couleurs de droite comme des couleurs de gauche), c’est qu’ils ont le sentiment (peut-être justifié) que ce serait la meilleure manière de perdre toute chance d’emporter les élections.
Je ne dirai donc pas que nos élites sont sourdes, mais plutôt qu’elles sont tétanisées, qu’elles n’osent mener aucune réforme de peur de devoir reculer sous la pression de la rue. C’est cette peur de l’opinion qui guide depuis plusieurs années la politique de Chirac, qui retarde les réformes que tout le monde juge indispensables et conduit à ces programmes mi figue-mi-raisin qui ne satisfont personne et à cette politique qui ne se préoccupe plus que de communication (comme nous en a encore donné un exemple Nicolas Sarkozy : que la police arrête des islamistes qui préparent des attentats est une excellente chose, mais pourquoi le faire devant des caméras ? A quoi cela sert-il, sinon à faire parler du ministre alors que Dominique de Villepin a le vent en poupe ?). Un livre à la mode (l’auteur a les moyens de faire sa publicité sur les murs du métro) parle de la société de la peur.Ce sont nos dirigeants qui ont aujourd’hui trop souvent peur des électeurs.
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