Les valeurs du travail, de l'effort devraient être l'un des thèmes de la campagne présidentielle. Ce qui serait un changement par rapport aux campagnes précédentes dans lesquelles le travail n'était envisagé que comme manque.
Ce retour de la valeur travail est un peu étrange alors que le chômage n'a pas disparu et que la critique du salariat s'est évanouie. Bien malin qui peut aujourd'hui trouver en librairie un ouvrage qui le critique comme on pouvait le faire dans les années 60 ou 70. Des décennies de chômage ont rendu inaudible des thèses qui étaient à l'origine de la réflexion sur le temps de travail (réflexion devenue, avec la loi sur les 35 heures, recherche d'une meilleure organisation du temps de travail, ce qui est tout différent).
Mais qu'une critique s'évanouisse ne veut pas dire que ses raisons ont disparu. Le salariat n'est pas plus aimable aujourd'hui qu'hier, mais ces critiques ont changé de nature, elles sont passé de l'espace public à l'espace privé. Lorsque l'on examine les comportements des salariés, des cadres notamment, on découvre de nombreuses attitudes qui sont l'expression d'une attitude critique à l'égard du travail. Je prendrai trois exemples :
- le succès des pré-retraites. Tout le monde s'accorde pour les condamner et, cependant, leur succès ne se dément pas. Vu du coté des entreprises, c'est assez logique (cela leur permet de se séparer de salariés dont elles n'ont plus besoin), mais les salariés ne sont pas les derniers à en profiter. Tous les programmes de pré-retraite ont du succès, même lorsqu'ils s'accompagnent d'une réduction significative des revenus. Comment l'interpréter sinon comme une critique de la vie au travail. Je le fais d'autant plus volontiers que j'ai, il y a une vingtaine d'années, réalisé une étude pour une grande entreprise dont le programme de pré-retraite venait de connaître un succès foudroyant. "Essayez donc, m'a-t-on demandé, d'aller comprendre ce qui motive tous ces gens? Sont-ils donc si malheureux chez nous?" Je me souviens de la réponse de l'une des personnes que j'ai alors interviewée, qui illustrait le sentiment général : "J'ai 53 ans, une maison, des enfants éduqués, je n'en peux plus des comportements de la hiérarchie, j'en ai assez de devoir en permanence dire oui, monsieur, même lorsque je pense non." Je précise qu'il s'agissait d'une entreprise qui avait bonne réputation et traitait plutôt bien ses collaborateurs ;
- le succès du bénévolat que j'ai analysé dans un papier (Le bénévolat, critique silencieux du travail salarié) que l'on peut trouver ici, comme une critique implicite et indirecte du salariat : en investissant dans des actions bénévoles, humanitaires, sans visée commerciale ni lucrative, des salariés, souvent des cadres expriment leur refus d'un monde dans lequel les seules valeurs seraient celles de la relation salariale ;
- les comportements électoraux des cadres supérieurs que j'ai analysés dans ce papier (Pourquoi les cadres supérieurs votent-ils à gauche?) publié en 2005 dans le Banquet dans lequel je montre que ces cadres votent à gauche, voire à l'extrême-gauche, pour exprimer leur critique du modèle social développé par les entreprises.
On pourrait ajouter à cela, une critique des organisations dont le fonctionnement ressemble à celui des sectes qui serait à mener.
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