Une nouvelle formule a fait son apparition ces dernières semaines : le trou d'air, pour décrire les difficultés que rencontre Ségolène Royal. Etrange formule qui évite d'insulter l'avenir. Les trous d'air que l'on connaît lorsque l'on est en avion conduisent rarement à la chute, ils ne sont qu'un mauvais moment à passer. Tout se passe comme les socialistes avaient au moins gagné cette bataille des mots dans l'opinion et les médias : le recul de Ségolène Royal dans les sondages, les incidents qui se multiplient ne seraient donc pas si graves que cela…
Reste à comprendre ce qui se passe. Ce que l'on reproche à Ségolène Royal est pour l'essentiel, et quoique disent les gens de l'UMP, assez insignifiant. On n'y fait vraiment attention que parce qu'elle a choisi une stratégie qui ne laisse aucun os à ronger à ses adversaires. Sa démarche participative lui permet de retarder la présentation de son programme, de laisser le doute sur ce qu'elle présentera (le programme du PS, le sien, un mélange des deux?). Et en l'absence de vrais os à ronger, ses adversaires se précipitent sur ses bévues, n'hésitant pas, à l'occasion, à en fabriquer de toutes pièces. On les aura rapidement oubliées lorsqu'elle égrénera des propositions que ses adversaires pourront combattre. Reste que ces attaques répétées sur ces maladresses d'expression, ses à peu-près, ces formules prononcées un peu trop vite accréditent l'idée qu'elle serait incompétente ou pas à la hauteur, ce qui n'est pas très bon pour elle.
Les socialistes tout à la défense de leur candidate accusent leur adversaire de taper sous la ceinture, de faire une politique des boules puantes, ce qui est habile : l'affaire Clearstream, pour ne citer qu'un exemple très récent, a montré combien certains pouvaient utiliser de détestables méthodes pour faire de la politique. Et il n'est jamais bon de passer pour un mauvais joueur. Tant que Nicolas Sarkozy restera ministre de l'intérieur il leur sera facile de créer le doute et de suggérer qu'il utilise les moyens de l'Etat au service de sa carrière et de sa campagne.
On objectera que ce n'est pas nouveau. Ce qui n'est pas faux. Ce qui l'est, par contre, c'est que même le ministre de l'intérieur ne puisse plus faire ses coups en douce. L'article du Canard Enchaîné qui révélait l'enquête des Renseignements Généraux sur le collaborateur de Ségolène Royal était d'une impitoyable précision. Il ne racontait pas une rumeur mais donnait les noms des fonctionnaires responsables de l'opération. Même dans les services de police les plus discrets, il n'y a plus de secrets. Cela ne fait que confirmer une tendance que l'on observe depuis quelques années.
Dans l'affaire Clearstream, on a vu un général, présenté comme une vedette des services de contre-espionnage, habitué donc, a priori, à travailler dans l'ombre, tout raconter à des juges. Il y a quelques années, on avait vu comment un secret d'Etat (les liens présumés de Charles Hernu et des services secrets des pays de l'Est) était tombé entre les mains des journalistes. Les mésaventures de Chirac et de ses valises de billet se situent dans la même logique : on ne peut plus tenir, dans nos sociétés modernes, de secret. Et avec le secret, c'est l'espace privé de chacun qui se rétrécit comme peau de chagrin, comme dans cette conversation téléphonique sur la Corse avec un humoriste…
Je ne suis pas sûr que les politiques, même les plus modernes, aient pris conscience de ce que cela implique. Je ne suis pas sûr non plus que nous ayons collectivement beaucoup à gagner à cette transparence de tous les instants. D'un coté, elle peut nous permettre d'exercer un contrôle plus serré sur les élus, mais de l'autre, elle rend plus difficile toute action politique qui suppose réflexion, maturation des idées et un peu de liberté dans leur expression…
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