Tout le monde l'a observé, Ségolène Royal passe mal, très mal auprès des classes moyennes supérieures diplômées devenues le coeur de l'électorat du PS qui avaient plébiscité, lors des primaires socialistes Dominique Strauss-Khan. Ce sont ces classes moyennes aisées et cultivées qui lui font un procès en incompétence, qui rient de ses bévues (qui les grossissent parce qu'après tout, Sarkozy en fait autant et qui n'en ferait pas dans ce genre de compétition?) et de ses tailleurs blancs.
Lorsqu'on lui en parle, l'intéressée parle de machisme, explique que les femmes doivent faire deux fois plus d'efforts que les hommes. Toutes choses exactes, mais ces mêmes couches aisées aujourd'hui si sévères ne lui étaient pas hostiles au début de la campagne. Le machisme n'explique donc pas tout.
Il me semble que l'on peut dater le décrochage des déclarations de François Hollande sur les impôts. En fixant la barre à 4000€, ce qui est beaucoup pour une majorité de Français, mais pas énorme pour ces classes aisées pour lesquelles cette réflexion a sonné un peu comme une déclaration de guerre. Non qu'ils soient opposés au paiement d'impôts, mais ils ont le sentiment (pas forcément faux) de contribuer plus que leur part au financement des dépenses collectives. Cette remarque de François Hollande était en phase avec le choix stratégique de Ségolène Royal de viser les classes populaires qui ont manqué à Jospin en 2002, mais c'était laisser un espace vide au centre que Bayrou a su habilement exploiter.
Ont également joué deux facteurs :
- la volonté d'être concrète, proche des gens, genre dans lequel Ségolène Royal excelle, mais qui lui interdit de faire rêver. L'utopie est rarement pragmatique, or les classes aisées préfèrent l'utopie qui leur permet de continuer de profiter de leur confort aux mesures concrètes qui peut les gêner au quotidien,
- l'absence de programme culturel qui parle à ces classes moyennes qui sont en les premiers consommateurs. Elle aurait dû demander à Jack Lang des conseils dans ce domaine.
J'y ajouterai un défaut personnel : il manque à Ségolène Royal comme à beaucoup de femmes qui se sont battues pour arriver là où elles sont cette "élégance" intellectuelle que l'on retrouve, sous des formes différentes, chez Fabius, Giscard, Straus-Khan, Lang ou Villepin. Elle n'a pas cette facilité, cette grâce dans les échanges d'idées que possède celui qui sait, depuis la plus petite enfance qu'il est un peu supérieur aux autres. Ce n'est pas qu'elle manque d'humour, elle en a manifestement beaucoup, mais on aimerait qu'elle sache faire croire, comme faisait si bien François Mitterrand, qu'elle peut un instant s'évader pour aller admirer une cathédrale, écouter un concert, se promener seule dans un musée, rêver… Cette absence de toute désinvolture lui donne parfois un aspect autoritaire et sec qui la dessert (je pense à cette scène prise dans un aéroport au proche-orient, elle croise Françoise de Panafieu, ne la voit pas ou fait semblant de ne pas la voir, et lorsque celle-ci l'interpelle, elle refuse de lui répondre).
A tout cela, Ségolène Royal peut opposer de véritables qualités : une formidable détermination, une approche originale des problèmes, une réelle capacité d'écoute et une force de conviction qui frappe au milieu d'interventions médiocres. Je pense à ce qu'elle disait hier, sur Canal +, sur l'importance de savoir dire non pour construire sa vie, moment étonnant de vérité où on la sentait toute entière dans ce qu'elle disait. Il y a chez cette femme quelque chose d'authentique que l'on rencontre rarement chez les hommes politiques. Elle sait faire parler son coeur, ce qui la distingue certainement de Nicolas Sarkozy chez lequel on soupçonne toujours le spécialiste en marketing qui calcule les mots qui peuvent séduire.
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