Faut-il prendre au sérieux l'inflexion stratégique que Marine Le Pen semble avoir imposé au FN? Certains en doutent : un jour d'extrême-droite, toujours d'extrême-droite. Je serais plutôt penché à penser qu'elle continuera dans ce chemin, ne serait-ce que pour satisfaire ses ambitions personnelles auxquelles je faisais allusion dans un précédent post.
Si tel est le cas, l'impact sur le reste de la vie politique à l'horizon des prochaines présidentielles risque d'être significatif tant à gauche qu'à droite.
Le tournant populiste qu'elle a donné au FN, l'accent mis sur les thématiques du protectionnisme, du nationalisme, de la laïcité (mot destiné à masquer l'anti-islamisme) devraient lui permettre de conforter sa place dans les sondages dans les mois qui viennent. A gauche, cela devrait inciter au vote utile et renforcer le candidat socialiste aux dépens de la candidate écologiste (déjà bien bas dans les sondages) donnant ainsi raison à Cohn-Bendit qui préfèrerait la négociation de sièges au Parlement à la présence à la présidentielle.
Ses thèmes populistes étant assez proches de certains de ceux développés à l'extrême-gauche (notamment sur le protectionnisme) on ne peut par ailleurs exclure un certain siphonage des voix qui se portent traditionnellement de ce coté. La mise en avant au FN de militants venus du NPA ou de l'extrême-gauche montre que cela est en tout cas une de leurs ambitions. Mais la balance devrait renforcer le poids du candidat socialiste au premier tour et lui permettre de passer en tête.
A droite, les choses sont plus compliquées, puisque le FN fait directement concurrence à l'UMP, séduit ses électeurs et risque donc de lui prendre des voix. Comme Marine Le Pen n'a aucun intérêt à ce que Nicolas Sarkozy soit reconduit dans ses fonctions, elle devrait poursuivre ses attaques contre lui, au moins tant que l'UMP refusera des alliances.
Pour ajouter à la confusion, on devrait voir émerger et se développer au sein de l'UMP des clivages :
- entre ceux qui sont ouverts à des alliances avec le FN, au moins au plan local, et ceux qui s'y refusent (aujourd'hui, officiellement, la majorité, mais pour combien de temps?),
- entre ceux qui souhaitent infléchir le programme de l'UMP dans le sens du FN en développant des thématiques sécuritaires, identitaires mais aussi et surtout protectionnistes et nationalistes et ceux qui s'y refusent obstinément, division entre la France qui souffre des délocalisations et n'a que faire du commerce extérieur et celle des grands groupes internationaux qui aurait tout à perdre à l'application du programme du FN (abandon de l'euro, réintroduction de taxes douanières…).
Sachant qu'il a été élu grâce à son succès chez les électeurs du Front National, Nicolas Sarkozy pourrait être tenté d'aller une nouvelle fois sur les terres de sa rivale. Mais c'est doublement risqué :
- il risque de s'aliéner toute la partie centriste de son électorat qu'il a fortement déçue et qui n'a apprécié ni son style ni sa manière de gouverner ni ses dérives anti-roms…
- il lui sera difficile de l'emporter contre une démagogue qui ne s'étant jamais frottée à l'exercice du pouvoir aura beau jeu de lui renvoyer les résultats de sa politique que ce soit en matière de sécurité, d'emploi ou de réforme.
Confronté à la démagogie d'une Marine Le Pen qui ne manquera pas de faire feu de tout bois, il aurait sans doute intérêt à s'appuyer sur les socialistes, à engager avec eux des débats solides, sérieux, à l'image de ce qu'avaient fait autrefois Mendés-France et Michel Debré, débats qui rendent à la politique sa noblesse et montrent aux électeurs la complexité des dossiers à traiter. Il en a les capacités et pourrait trouver en Aubry, Strauss-Khan ou Hollande des adversaires disposés à jouer le jeu. Il n'est pas sûr qu'il en ait l'envie.
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