J’étais il y a quelques jours, dans un dîner, assis à coté d’une française, une avocate, qui s’était installée en Belgique pour échapper aux impôts, à coté d’elle il y avait un belge qui s’était installé en France pour les mêmes motifs. Je ne suis pas un spécialiste des questions fiscales, mais il me semble avoir compris de leurs échanges que l’expatriation leur permettait d’autant plus facilement d’échapper à l’impôt que leur statut d’étranger leur permettait d’en payer moins que les résidents.
Je ne crois pas que la Constitution traite spécifiquement de cette question (ce n’est pas d’ailleurs son rôle de traiter de tout et de n’importe quoi), mais je crains qu’en la refusant on s’interdise à jamais de développer des outils pour lutter contre cette forme pernicieuse de dumping social. Si les plus riches s’expatrient pour échapper à l’impôt, si les grandes entreprises installent à l’étranger leurs sièges sociaux pour éviter à leurs dirigeants d’en payer trop (et elles le feront d’autant plus volontiers que les gouvernements multiplieront les textes destinés à empêcher le versement de salaires ou d’indemnités extravagantes, comme dans le cas de l’ex-Président de Carrefour), nous risquons tout à la fois :
1) une augmentation massive des impôts pour ceux qui restent, moins riches ou moins mobiles que ceux qui partent,
2) une dégradation des prestations financées par la puissance publique…
La constitution prévoit un droit de pétition. C’est un sujet qui pourrait rapidement lui être soumis. Un million de signatures, ce n’est pas tant que cela…
Avoir des opinions est l'un des éléments du bien-être, affirmait il y a une quinzaine d'années, l'économiste A.O.Hirshman. Les blogs sont une bonne manière d'afficher ses opinions mais aussi, et peut-être même surtout, de les construire. C'est ce qui m'a donné envie de tenir celui-ci
dimanche, avril 24, 2005
vendredi, avril 22, 2005
Des petits états valent-ils mieux qu'une grande Europe?
Le débat sur la constitution traverserait-il l’Atlantique ? Dans le blog qu’ils partagent, Richard Posner et Richard Becker, le premier théoricien réputé de l’approche économique du droit, le second Prix Nobel d’économie connu pour sa théorie du capital humain et l’utilisation du raisonnement économique pour analyser les comportements sociaux, s’interrogent sur la taille des nations. Why small has become beautiful s’interroge Becker. Son papier commence par une référence à un des pères de la constitution américaine, Alexander Hamilton, qui dans ses Federalist papers justifie la création des Etats-Unis pour des raisons économiques qui ne sont pas sans rappeler les arguments utilisés depuis une cinquantaine d’années par les avocats de l’Europe : croissance assurée grâce à un marché intérieur plus vaste, pouvoir central plus riche et donc plus puissant qui peut mieux protéger des agressions extérieures et mieux collecter l’impôt. Et, cependant, dit-il, depuis 1946 le nombre de pays a explosé passant de 76 à près de 200 ans. La fin des empires coloniaux a joué un rôle important, mais ces dernières années, on a vu plusieurs pays se scinder (Yougoslavie, Tchécoslovaquie, empire soviétique) et des mouvements autonomistes un peu partout dans le monde (il cite le pays basque et Québec) font penser que ce n’est pas terminé. Or, dit-il, ce rétrécissement des pays n’a pas empêché, à l’inverse de ce que disait Hamilton, leur croissance. Les dragons asiatiques sont de petits pays. A cela dit-il deux motifs :
- le Gatt, puis l’OMC ont fait tomber les barrières douanières et donné aux pays dont le marché intérieur est trop étroit la possibilité de vendre leur production à l’étranger. Leur taille les empêchant de développer des politiques d’autosuffisance les a amenés à se spécialiser dans quelques niches où ils sont rapidement devenus compétitifs (il donne bizarrement en exemple de cette stratégie de niche Monaco et ses activités financières) ;
- ils n’ont pas eu besoin d’investir massivement dans les dépenses militaires puisqu’ils ont pu vivre protégés par le gendarme américain et l’ONU qui règle les conflits internationaux.
A contrario, ajoute-t-il, on a vu l’impact sur l’économie allemande de la réunification. : explosion du chômage, ralentissement de la croissance. Si ces deux pays étaient restés indépendants, explique-t-il, les salaires est-allemands seraient restés faibles (à hauteur de la productivité des salariés), les entreprises allemandes et européennes auraient délocalisé pour profiter de ces salaires plus faibles et l’Allemagne de l’Ouest n’aurait pas autant souffert.
Ce à quoi Posner répond que d’un point de vue historique l’éclatement des Empires et la création de nouvelles nations est le fait de mouvements nationalistes. Ce qui est évidemment le bon sens. Il déplace la discussion en mettant l’accent sur les problèmes de gouvernance, de gouvernement. S’il est, dit-il en substance, plus difficile de gouverner un grand Etat, il est toujours possible de résoudre cette difficulté en jouant de la décentralisation comme le montre le fédéralisme américain.
A première vue, cette discussion qui met en avant les mérites des petits pays pourrait apporter des armes aux partisans du non à la constitution. Mais ce serait à condition d’accepter ce que justement ils refusent : la libre circulation des biens et des services, l’ouverture des frontières, le libre jeu des marchés et les délocalisations. Les partisans du oui disent souvent que les libéraux et les anglo-saxons (qu'ils mélangent pour l’occasion de manière un peu injuste, mais c’est une autre histoire) n’ont qu’un désir : que les Français votent non et que l’Europe reste ce qu’elle est : un vaste marché intérieur sans trop de lois. Cet échange entre deux intellectuels américains ultralibéraux le confirme.
- le Gatt, puis l’OMC ont fait tomber les barrières douanières et donné aux pays dont le marché intérieur est trop étroit la possibilité de vendre leur production à l’étranger. Leur taille les empêchant de développer des politiques d’autosuffisance les a amenés à se spécialiser dans quelques niches où ils sont rapidement devenus compétitifs (il donne bizarrement en exemple de cette stratégie de niche Monaco et ses activités financières) ;
- ils n’ont pas eu besoin d’investir massivement dans les dépenses militaires puisqu’ils ont pu vivre protégés par le gendarme américain et l’ONU qui règle les conflits internationaux.
A contrario, ajoute-t-il, on a vu l’impact sur l’économie allemande de la réunification. : explosion du chômage, ralentissement de la croissance. Si ces deux pays étaient restés indépendants, explique-t-il, les salaires est-allemands seraient restés faibles (à hauteur de la productivité des salariés), les entreprises allemandes et européennes auraient délocalisé pour profiter de ces salaires plus faibles et l’Allemagne de l’Ouest n’aurait pas autant souffert.
Ce à quoi Posner répond que d’un point de vue historique l’éclatement des Empires et la création de nouvelles nations est le fait de mouvements nationalistes. Ce qui est évidemment le bon sens. Il déplace la discussion en mettant l’accent sur les problèmes de gouvernance, de gouvernement. S’il est, dit-il en substance, plus difficile de gouverner un grand Etat, il est toujours possible de résoudre cette difficulté en jouant de la décentralisation comme le montre le fédéralisme américain.
A première vue, cette discussion qui met en avant les mérites des petits pays pourrait apporter des armes aux partisans du non à la constitution. Mais ce serait à condition d’accepter ce que justement ils refusent : la libre circulation des biens et des services, l’ouverture des frontières, le libre jeu des marchés et les délocalisations. Les partisans du oui disent souvent que les libéraux et les anglo-saxons (qu'ils mélangent pour l’occasion de manière un peu injuste, mais c’est une autre histoire) n’ont qu’un désir : que les Français votent non et que l’Europe reste ce qu’elle est : un vaste marché intérieur sans trop de lois. Cet échange entre deux intellectuels américains ultralibéraux le confirme.
jeudi, avril 21, 2005
A qui profite le non?
C’est une question subsidiaire au regard de l’enjeu de la constitution mais que l’on doit se poser. A qui profiterait un vote négatif au prochain référendum ? Sur le plan intérieur, la réponse est claire : à Nicolas Sarkozy. Candidat déclaré à la succession de Jacques Chirac, un non lui laisserait une voie royale à droite en éliminant le seul qui pourrait éventuellement lui faire concurrence, l’actuel Président de la République. Elle caserait par ailleurs durablement la gauche en deux sinon trois ou quatre blocs. Les fabusiens qui pensent qu’un non mettrait en selle leur candidat préféré se trompent lourdement. Il ne pourrait être candidat qu’après des primaires au sein du Parti où les partisans du oui forts de leur légitimité (la victoire au référendum interne) ne lui feront pas de cadeaux. Et s’il passe cet obstacle, il lui faudra affronter l’hostilité de cette partie de l’extrême-gauche populiste qui semble avoir fait du PS son premier adversaire. Elle a il y a deux ans fait passer Le Pen avant Jospin, et tout dans son attitude et ses propos fait penser qu’elle est prête à recommencer. Elle le fera d’autant plus volontiers qu’elle saura se souvenir en temps opportun que Fabius a longtemps été classé à la droite du PS.
On peut se demander pourquoi l’extrême-gauche mène depuis quelques années une bataille aussi vive contre le PS. La réponse est probablement dans l’analyse qu’elle fait de la situation, que l’on peut résumer ainsi : parce qu’ils ont occupé des postes de responsabilité, qu’ils ont dirigé le pays et qu’ils se sont heurtés aux réalités les dirigeants du PS sont convaincus comme la droite et comme, sans doute, une majorité des élites qu’il faut engager des réformes dans toute une série de domaines, réformes que l’extrême gauche (le PC, les trotskystes, une partie des verts) refuse et combat. La droite et la gauche auraient donc les mêmes objectifs et si l’une est plus brutale et l’autre plus sociale, la différence ne justifie pas que l’on s’y attarde. Seuls, dés lors, prévalent les arguments tactiques : avec qui au pouvoir a-t-on le plus de chance de retarder ces réformes ? Réponse : avec la droite. Sa présence au gouvernement permet de mobiliser plus largement : une partie des électeurs du parti socialiste, voire même tout le parti serait contraints de suivre le mouvement, alors qu'avec la gauche les choses seraient beaucoup plus compliquées : la sensibilité plus sociale des réformes, les contacts de la gauche avec la presse, les associations, les organisations syndicales, l’atonie de la droite (qui n’aurait aucun intérêt à jeter de l’huile sur le feu) rendraient toute opposition plus difficile. Si l'extrême-gauche veut exister, il lui faut des combats qui la mettent au premier plan et des alliés qui lui donnent une chance de les gagner. C'est plus facile lorsque la droite est au pouvoir. Reste, bien sûr, à savoir si l’on peut vivre longtemps sans réforme. Nos 10% de chômeurs, notre million de rmistes, nos 3 millions de pauvres… parlent tout seul.
On peut se demander pourquoi l’extrême-gauche mène depuis quelques années une bataille aussi vive contre le PS. La réponse est probablement dans l’analyse qu’elle fait de la situation, que l’on peut résumer ainsi : parce qu’ils ont occupé des postes de responsabilité, qu’ils ont dirigé le pays et qu’ils se sont heurtés aux réalités les dirigeants du PS sont convaincus comme la droite et comme, sans doute, une majorité des élites qu’il faut engager des réformes dans toute une série de domaines, réformes que l’extrême gauche (le PC, les trotskystes, une partie des verts) refuse et combat. La droite et la gauche auraient donc les mêmes objectifs et si l’une est plus brutale et l’autre plus sociale, la différence ne justifie pas que l’on s’y attarde. Seuls, dés lors, prévalent les arguments tactiques : avec qui au pouvoir a-t-on le plus de chance de retarder ces réformes ? Réponse : avec la droite. Sa présence au gouvernement permet de mobiliser plus largement : une partie des électeurs du parti socialiste, voire même tout le parti serait contraints de suivre le mouvement, alors qu'avec la gauche les choses seraient beaucoup plus compliquées : la sensibilité plus sociale des réformes, les contacts de la gauche avec la presse, les associations, les organisations syndicales, l’atonie de la droite (qui n’aurait aucun intérêt à jeter de l’huile sur le feu) rendraient toute opposition plus difficile. Si l'extrême-gauche veut exister, il lui faut des combats qui la mettent au premier plan et des alliés qui lui donnent une chance de les gagner. C'est plus facile lorsque la droite est au pouvoir. Reste, bien sûr, à savoir si l’on peut vivre longtemps sans réforme. Nos 10% de chômeurs, notre million de rmistes, nos 3 millions de pauvres… parlent tout seul.
mercredi, avril 20, 2005
Economie : un livre utile et gratuit sur le net
Wall Street de Doug Henwood est en accès libre sur le net!
Lorsqu’il est sorti en 1997, Wall Street de Doug Henwood a beaucoup fait parler de lui : enfin, une vision progressiste et critique de Wall Street et de la bulle financière par un économiste qui sait ce dont il parle (ce qui n’est malheureusement pas de tous les critiques du système). Dès 1998, ce livre a été réédité en poche. Cette édition est aujourd’hui épuisée mais son éditeur ne souhaite le republier. Son contrat lui rendant ses droits en 2005, Doug Henwood a décidé de mettre gratuitement son livre sur internet à disposition des lecteurs.
Une lecture pour les vacances, en attendant que quelqu’un veuille bien le traduire en français.
Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Doug Henwood est l’éditeur du Left Business Observer, l’une des meilleures publications de gauche sur l’économie que l’on trouve sur le net (si l’on voulait une comparaison, c’est une sorte d’Alternatives Economiquesen plus incisif et en moins pédagogique). Beaucoup d’articles sont en accès libres, ils sont le plus souvent percutants et s’ils s’en prennent aux mythes du libéralisme, ils n’hésitent pas non plus à critiquer les «bien pensants » (je pense, notamment, à une critique de Jeremy Rifkin et à un papier sur le micro-crédit, si à la mode, qui montre qu’il ne sort pas vraiment les pauvres de la pauvreté).
Lorsqu’il est sorti en 1997, Wall Street de Doug Henwood a beaucoup fait parler de lui : enfin, une vision progressiste et critique de Wall Street et de la bulle financière par un économiste qui sait ce dont il parle (ce qui n’est malheureusement pas de tous les critiques du système). Dès 1998, ce livre a été réédité en poche. Cette édition est aujourd’hui épuisée mais son éditeur ne souhaite le republier. Son contrat lui rendant ses droits en 2005, Doug Henwood a décidé de mettre gratuitement son livre sur internet à disposition des lecteurs.
Une lecture pour les vacances, en attendant que quelqu’un veuille bien le traduire en français.
Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Doug Henwood est l’éditeur du Left Business Observer, l’une des meilleures publications de gauche sur l’économie que l’on trouve sur le net (si l’on voulait une comparaison, c’est une sorte d’Alternatives Economiquesen plus incisif et en moins pédagogique). Beaucoup d’articles sont en accès libres, ils sont le plus souvent percutants et s’ils s’en prennent aux mythes du libéralisme, ils n’hésitent pas non plus à critiquer les «bien pensants » (je pense, notamment, à une critique de Jeremy Rifkin et à un papier sur le micro-crédit, si à la mode, qui montre qu’il ne sort pas vraiment les pauvres de la pauvreté).
lundi, avril 18, 2005
Un américain qui vote oui!
Comme il est rafraichissant de lire un texte sur la constitution européenne qui aborde les choses sous un autre angle que celui des partisans du non qui ont envahi les médias. Dommage qu'il faille aller le chercher aux Etats-Unis. Voici en tout cas ce qu'en pense Brad Setter, un économiste américain. Est-ce parce qu'il voit les choses de loin, il développe quelques arguments que les partisans du oui pourraient méditer de ce coté-ci de l'Atlantique :
April 17, 2005
A few things Europe does (relatively) well
(…) I want to take the other side of the trade, and highlight some things Europe has done right.
1) France and Germany -- along with the rest of Europe -- seem quite happy NOT to refight World War 2, or World War 1 for that matter. Japan and China do not seem to have reached quite the same conclusions.
2) At least within Europe, the flow of capital makes sense: it flows from wealthy, already developed countries (Germany, Switzerland) to "emerging" Europe (Spain as well as Eastern Europe). Germany finances Poland, not vice versa. The same cannot be said globally.
3) The desire to be part of the "club" (i.e. the European Union) has prompted Eastern European countries to remake many of their own domestic institutions in Europe's image. Joining the European Union usually requires a wholesale (and entirely voluntary) rewriting of the laws on a country's books. That is soft power. No doubt, "Europe’s" broad appeal to countries on its periphery creates real problems for its founding members. But it is also hard not to be impressed by the lengths to which countries like Turkey are willing to go to try to get in.
4) As Kevin Drum, Kash and Paul Krugman all have noted, many European countries provide health care, without long waiting lists, to all their citizens, for less than the US spends providing health care to some of its citizens. I lived in France for a while, and my own experience with French health care was quite good -- better, alas, than my recent experience with US health care. Suffice to say that there is nothing like having your doctor to put in the wrong "authorization" code in an insurance form to see first hand how bureaucratic the private US health care system can be ...
5) Europe has contributed to global rebalancing. True, European domestic demand has been a bit sluggish recently. But that is only half the equation. Europe also has let its exchange rate adjust. As a result, even though the Eurozone's demand growth last year was only 1.5%, import volumes were up 6% (according to the IMF). Nothing like the US -- where domestic demand grew 4.4%, and import volumes increased 9.9%. But not all that bad either. Because of the euro's appreciation, every percentage point of demand growth in Europe produced a larger percentage increase in import volumes. This has had an impact: US exports to Europe grew at a healthy clip in 2004, despite Europe's sluggish overall growth.
All in all, in a world where there is plenty to worry about, I am more worried about Asia than Europe. Asia's growth model -- premised on producing to meet the seemingly insatiable demand of the US consumer -- is likely to run into real limits, notably the fact that the US trade deficit cannot expand forever. And Asia's underdeveloped political institutions will be severely tested by a shifting regional balance of power, and unresolved tensions between Asia's biggest countries.
Don't get me wrong, Europe has its share of problems. Above all, it takes people too long to get into the labor force in Europe, and too many Europeans leave the labor force at too early an age.
It certainly would help global rebalancing if European consumption was more responsive to low interest rates. The world does need more domestic demand growth outside the US. It would be nice, for example, if low rates in Europe started to say push German housing prices, and Germany went on something like a US style spending spree. That is not totally implausible: in 2004, a surge in housing prices supported relatively strong consumption growth in France ...
On peut trouver ce texte et d'autres tout aussi intéressants sur le blog de Brad Setser
April 17, 2005
A few things Europe does (relatively) well
(…) I want to take the other side of the trade, and highlight some things Europe has done right.
1) France and Germany -- along with the rest of Europe -- seem quite happy NOT to refight World War 2, or World War 1 for that matter. Japan and China do not seem to have reached quite the same conclusions.
2) At least within Europe, the flow of capital makes sense: it flows from wealthy, already developed countries (Germany, Switzerland) to "emerging" Europe (Spain as well as Eastern Europe). Germany finances Poland, not vice versa. The same cannot be said globally.
3) The desire to be part of the "club" (i.e. the European Union) has prompted Eastern European countries to remake many of their own domestic institutions in Europe's image. Joining the European Union usually requires a wholesale (and entirely voluntary) rewriting of the laws on a country's books. That is soft power. No doubt, "Europe’s" broad appeal to countries on its periphery creates real problems for its founding members. But it is also hard not to be impressed by the lengths to which countries like Turkey are willing to go to try to get in.
4) As Kevin Drum, Kash and Paul Krugman all have noted, many European countries provide health care, without long waiting lists, to all their citizens, for less than the US spends providing health care to some of its citizens. I lived in France for a while, and my own experience with French health care was quite good -- better, alas, than my recent experience with US health care. Suffice to say that there is nothing like having your doctor to put in the wrong "authorization" code in an insurance form to see first hand how bureaucratic the private US health care system can be ...
5) Europe has contributed to global rebalancing. True, European domestic demand has been a bit sluggish recently. But that is only half the equation. Europe also has let its exchange rate adjust. As a result, even though the Eurozone's demand growth last year was only 1.5%, import volumes were up 6% (according to the IMF). Nothing like the US -- where domestic demand grew 4.4%, and import volumes increased 9.9%. But not all that bad either. Because of the euro's appreciation, every percentage point of demand growth in Europe produced a larger percentage increase in import volumes. This has had an impact: US exports to Europe grew at a healthy clip in 2004, despite Europe's sluggish overall growth.
All in all, in a world where there is plenty to worry about, I am more worried about Asia than Europe. Asia's growth model -- premised on producing to meet the seemingly insatiable demand of the US consumer -- is likely to run into real limits, notably the fact that the US trade deficit cannot expand forever. And Asia's underdeveloped political institutions will be severely tested by a shifting regional balance of power, and unresolved tensions between Asia's biggest countries.
Don't get me wrong, Europe has its share of problems. Above all, it takes people too long to get into the labor force in Europe, and too many Europeans leave the labor force at too early an age.
It certainly would help global rebalancing if European consumption was more responsive to low interest rates. The world does need more domestic demand growth outside the US. It would be nice, for example, if low rates in Europe started to say push German housing prices, and Germany went on something like a US style spending spree. That is not totally implausible: in 2004, a surge in housing prices supported relatively strong consumption growth in France ...
On peut trouver ce texte et d'autres tout aussi intéressants sur le blog de Brad Setser
Locataires, un film étonnant
C’est un film coréen tout juste sorti, dont la presse n’a pratiquement pas parlé, qui ne se joue que dans quelques salles (neuf à Paris) et, cependant, samedi après-midi le Saint-Germain des Près était plein, comme si les premiers à l’avoir vu avaient aussitôt dit à leurs amis : précipitez-vous ! Et il est vrai qu’il y a de quoi. Il s’agit d’un très beau film dont on sort heureux, une histoire d’amour et de regards, de gestes improbables et de silence (les deux personnages principaux ne disent pas un mot sans être le moins du monde muet : le regard leur suffit). Il est rare qu’un cinéaste nous étonne en nous montrant des choses qu’on n’a jamais vues. Et c’est le cas à plusieurs reprises dans ce film qui commence comme une histoire de voleur et finit comme un ballet. Du début à la fin, le réalisateur, Kim Ki-duk, réussit à nous montrer l’invisible, à filmer l’absence, l’ombre. C’est splendide. Le seul risque est de trouver fades les films que l’on voit ensuite…
vendredi, avril 15, 2005
Georges Marchais, le retour
J’avais ce matin dans mon courrier un mail de la Riposte, une publication sur internet proche du PC, qui m’adresse régulièrement des informations. Il s’agissait, cette fois-ci, d’un texte d’un certain Gerg Oxley, militant du PC (c’est ainsi qu’il se présente), sur la Constitution européenne. Ce texte appelle à voter non, ce qui ne surprendra pas mais il le fait sur un ton et avec des arguments qui m’ont fait penser que l’on avait sorti Georges Marchais de sa tombe ou, plutôt, que le PC était victime (consentante ?) d’une remontée de stalinisme. Tout dans ce texte, du ton aux arguments en passant par le vocabulaire sent bon les tracts des années 70, le bilan globalement positif des pays socialistes et autres fariboles qui feraient sourire si l’on ne savait l’horreur qu’a été la vie dans les pays que dirigeaient des partis communistes (et qu'elle est toujours en Chine pour les travailleurs : 140 000 morts d'accidents du travail l'année dernière, 400 000 morts de maladies professionnelles… qui dit mieux?).
Je donne par curiosité la référence de ce texte. Bonne lecture…
Je donne par curiosité la référence de ce texte. Bonne lecture…
Chirac et les jeunes : pas terrible
Alors, une bonne ou une mauvaise idée ce débat avec 83 jeunes ? Je dirai l’un et l’autre. Ce fut un mauvais débat, souvent ennuyeux, passant du coq à l’âne ou, plutôt de l’adoption d’enfants par les couples homosexuels au tri sélectif (mais oui ! il y eut une question sur ce sujet de toute première importance !) mal conduit (ah ! ces animateurs qui avaient passé la matinée avec ces jeunes gens et ne savaient pas qui voulait demander quoi !) et presque toujours déséquilibré : on a eu l’impression que le panel était composé de 80% de partisans du non.
Chirac ne fut vraiment convaincant qu’une seule fois, à l’occasion de l’agriculture. Son argument est fort et il devrait porter : la France est le premier bénéficiaire de la PAC, elle a arraché son maintien contre l’avis du reste de l’Europe, si son poids politique diminue, ce qui sera le cas après un vote négatif, elle ne pourra plus résister à la pression et les cultivateurs en seront directement affectés. Ses rappels du principe de subsidiarité (sur la santé, sur les questions touchant au couple, sur la laïcité…) ses évocations des protestations à l’occasion de l’entrée de l’Espagne et du Portugal dans la Communauté furent également bien venues, tout comme ses remarques sur les écarts de productivité entre les pays de l’Est et la France qui rendent peu probables des délocalisations massives.
Pour le reste il se noya dans des déclarations trop générales et ne sut à aucun moment faire vivre cette constitution, montrer ce qu’elle pouvait changer dans la vie des uns et des autres. Pas un mot sur le droit de pétition, rien de très convaincant sur le ministre des affaires étrangères commun alors qu’il devrait renforcer la voix de l’Europe dans les négociations internationales, comme celles sur le protocole de Kyoto ou le conflit israélo-palestinien. Rien non plus sur le Président de l’Europe que beaucoup découvraient probablement, rien non plus sur le Parlement.
On avait envie de lui souffler des réponses, de lui faire dire : « cette Europe libérale dont vous vous plaigniez, c’est justement ce dont nous essayons de nous sortir avec cette constitution qui nous donne des règles de vie commune… » On aurait aussi aimé qu’il use plus de son autorité pour renvoyer dans leurs buts ceux que rien ne peut convaincre, pas même les avis du Conseil constitutionnel.
On a surtout eu l’impression qu’il était vraiment sourd (ce qui n’est pas très grave) et qu’il découvrait avec beaucoup d’effarement l’angoisse de jeunes qui ne trouvent pas de travail et qui craignent pour leur avenir, ce qui est plus inquiétant. S’il a eu raison de dire à plusieurs reprises que nous n’avions rien à craindre, que nous étions riches et solides, il devrait s’interroger sur les effets d’une politique qui fabrique autant d’inquiétude sociale.
On a également découvert :
- que la plupart des jeunes qui se sont exprimés n’avaient aucune idée de ce qu’était une constitution, ce qui laisse rêveur : n’ont-ils donc jamais suivi de cours d’éducation civique ? les animateurs qui les avaient rencontrés le matin ne leur avaient-ils pas aidé à formuler leurs questions ?
- que les partisans du non s’opposaient plus à l’Europe telle qu’elle existe, avec ses marchés ouverts, qu’à une constitution qu’ils n’avaient pas lue.
Pour tous ceux qui pensent qu’il faut voter oui, il reste encore beaucoup, beaucoup de travail à faire…
Chirac ne fut vraiment convaincant qu’une seule fois, à l’occasion de l’agriculture. Son argument est fort et il devrait porter : la France est le premier bénéficiaire de la PAC, elle a arraché son maintien contre l’avis du reste de l’Europe, si son poids politique diminue, ce qui sera le cas après un vote négatif, elle ne pourra plus résister à la pression et les cultivateurs en seront directement affectés. Ses rappels du principe de subsidiarité (sur la santé, sur les questions touchant au couple, sur la laïcité…) ses évocations des protestations à l’occasion de l’entrée de l’Espagne et du Portugal dans la Communauté furent également bien venues, tout comme ses remarques sur les écarts de productivité entre les pays de l’Est et la France qui rendent peu probables des délocalisations massives.
Pour le reste il se noya dans des déclarations trop générales et ne sut à aucun moment faire vivre cette constitution, montrer ce qu’elle pouvait changer dans la vie des uns et des autres. Pas un mot sur le droit de pétition, rien de très convaincant sur le ministre des affaires étrangères commun alors qu’il devrait renforcer la voix de l’Europe dans les négociations internationales, comme celles sur le protocole de Kyoto ou le conflit israélo-palestinien. Rien non plus sur le Président de l’Europe que beaucoup découvraient probablement, rien non plus sur le Parlement.
On avait envie de lui souffler des réponses, de lui faire dire : « cette Europe libérale dont vous vous plaigniez, c’est justement ce dont nous essayons de nous sortir avec cette constitution qui nous donne des règles de vie commune… » On aurait aussi aimé qu’il use plus de son autorité pour renvoyer dans leurs buts ceux que rien ne peut convaincre, pas même les avis du Conseil constitutionnel.
On a surtout eu l’impression qu’il était vraiment sourd (ce qui n’est pas très grave) et qu’il découvrait avec beaucoup d’effarement l’angoisse de jeunes qui ne trouvent pas de travail et qui craignent pour leur avenir, ce qui est plus inquiétant. S’il a eu raison de dire à plusieurs reprises que nous n’avions rien à craindre, que nous étions riches et solides, il devrait s’interroger sur les effets d’une politique qui fabrique autant d’inquiétude sociale.
On a également découvert :
- que la plupart des jeunes qui se sont exprimés n’avaient aucune idée de ce qu’était une constitution, ce qui laisse rêveur : n’ont-ils donc jamais suivi de cours d’éducation civique ? les animateurs qui les avaient rencontrés le matin ne leur avaient-ils pas aidé à formuler leurs questions ?
- que les partisans du non s’opposaient plus à l’Europe telle qu’elle existe, avec ses marchés ouverts, qu’à une constitution qu’ils n’avaient pas lue.
Pour tous ceux qui pensent qu’il faut voter oui, il reste encore beaucoup, beaucoup de travail à faire…
mercredi, avril 13, 2005
Dégradation des services publics : l'Europe n'y est pour rien
L’un des arguments les plus souvent avancés par les critiques de gauche de la constitution européenne touche au sort fait aux services publics. L’Europe, nous dit-on en substance, les menacerait, sans que l’on sache bien d’ailleurs s’il s’agit de l’Europe d’avant le Traité constitutionnel ou de celle d’après qui prend en compte la notion d’intérêt général (mais cette confusion est permanente : les critiques du Traité constitutionnel s’en prennent beaucoup plus à l’Europe telle qu’elle existe qu’ils n’ont, pour la plupart, jamais acceptée qu’au Traité lui-même). L’Europe les menacerait en instituant une concurrence qui leur serait, à terme, fatale. Cette analyse est doublement erronée : elle fait l’impasse sur la capacité de nos entreprises publiques à se sortir par le haut de la concurrence et elle néglige les mécanismes qui les éloignent de leurs missions de service public, mécanismes qui n’ont rien à voir avec le Traité constitutionnel ni même avec l’Europe.
L’impasse sur leur capacité à faire face à la concurrence est d’autant plus surprenante que les services auxquels on pense en général, l’électricité, les transports ferroviaires, la poste, sont assurés par des entreprises publiques qui ont fait preuve de leur efficacité et sont, souvent, leader mondial dans leur domaine. C’est le cas d’EDF, c’est celui de la SNCF et de la RTAP, la Poste est également bien placée dans le palmarès des entreprises postales (on pourrait ajouter à cette liste l’APHP qui gère les hôpitaux parisiens, mais les problèmes de la santé sont différents).
En fait, et à l’inverse, de ce qu’assurent les critiques de l’Europe, ces entreprises publiques sont particulièrement bien placées sur leurs marchés respectifs. Elles ont de nombreux atouts qui tiennent à leur histoire. Toutes ont bénéficié depuis la guerre de quelques avantages majeurs :
- les investissements massifs de l’Etat jusqu’au milieu des années 80 qui leur ont permis de développer des technologies en pointe, qu’il s’agisse de l’énergie nucléaire ou des trains à grande vitesse,
- leur statut de sociétés publiques qui les a contraint à créer des services de masse et à concevoir des produits grand public (on se souvient, par exemple, de Charles Fiterman qui a imposé que le TGV soit ouvert aux secondes classes),
- leur position de monopole qui leur a permis de consacrer l’essentiel de leurs efforts au développement techniques,
- des liens privilégiés avec les grandes écoles d’ingénieur auxquelles elles ont longtemps offert leurs premiers débouchés, un atout que n’ont pas forcément eu leurs concurrents étrangers.
Elles en ont profité pour développer une offre de service de qualité qui butte aujourd’hui sur une triple difficulté :
- la difficulté d’assurer des missions de service publique égale pour tous,
- la complexité croissante des systèmes de prise de décision publique dés qu’il s’agit d’infrastructures,
- les limites du marché français qui ne leur offre plus les espaces de croissance dont elles ont besoin pour développer leurs technologies et les maintenir au meilleur niveau.
La première de ces difficultés est patente à la SNCF : en mettant l’accent sur les trains à grande vitesse, la SNCF a sans doute sauvé le train, mais elle a en même temps développé un mode de transport coûteux et réservé à une clientèle relativement aisée. Les billets de TGV ne sont pas accessibles à tout le monde et le monopole de la SNCF sur les transports publics interdit le développement de transports meilleur marché : les sociétés d’autocar dont les coûts sont beaucoup plus faibles n’ont pas le droit de créer des liaisons qui feraient concurrence à la SNCF. Ceux qui ne peuvent s’offrir les billets de TGV sont, en pratique, interdits de voyager en transports en commun sur de nombreuses relations.
La seconde difficulté est évidente à EDF : on ne peut plus aujourd’hui construire en France de centrale nucléaire sans déclencher un tollé. Les éoliennes chères aux écologistes suscitent une opposition si vive de tous les riverains que l’on peut douter de leur développement.
Quant à la troisième difficulté, il se suffit de se souvenir des difficultés d’Alstom pour la comprendre : si la SNCF avait plus vendu à l’étranger ses compétences, l’industriel qui fabrique ses matériels à grande vitesse n’aurait pas tant souffert.
En fait, toutes ces entreprises souffrent depuis quelques années d’une même maladie : elles manquent d’air en France. Elles ont besoin pour se développer de traverser les frontières, de vendre à l’étranger leur savoir-faire. C’est la condition sine qua non pour qu’elles puissent continuer de se développer et de faire évoluer les prestations et les techniques qu’elles nous offrent en France. Leur interdire de sortir de nos frontières serait les asphyxier.
Mais sortir des frontières présente deux inconvénients :
- cela force à changer à terme de statut : on imagine mal un gouvernement étranger accepter que des entreprises contrôlées par l’Etat français prennent longtemps en charge des missions de service public,
- cela se fait au dépens des missions de service public en France. On voit bien que la SNCF consacre l’essentiel de ses efforts à ses réseaux de train à grande vitesse et néglige les dessertes locales que ne financent pas les régions.
A l’inverse de ce qu’avancent les adversaires du Traité constitutionnel, les menaces sur le service public ne viennent pas de l’Europe, de la concurrence qu’elle organiserait systématiquement, mais des entreprises publiques elles-mêmes, de leur besoin de sortir de France pour continuer de vivre et de se développer. Est-ce à dire que les services publics sont condamnés ? Non. Cela veut simplement dire qu’il faut les organiser autrement. Et c’est justement ce que propose le Traité constitutionnel lorsqu’il parle de services d’intérêt général. L’important est qu’il existe un système de transport public à des prix accessible entre Montreuil-Bellay et Thouars. Qu’il soit assuré par la SNCF ou par un opérateur privé importe en rélité peu.
L’impasse sur leur capacité à faire face à la concurrence est d’autant plus surprenante que les services auxquels on pense en général, l’électricité, les transports ferroviaires, la poste, sont assurés par des entreprises publiques qui ont fait preuve de leur efficacité et sont, souvent, leader mondial dans leur domaine. C’est le cas d’EDF, c’est celui de la SNCF et de la RTAP, la Poste est également bien placée dans le palmarès des entreprises postales (on pourrait ajouter à cette liste l’APHP qui gère les hôpitaux parisiens, mais les problèmes de la santé sont différents).
En fait, et à l’inverse, de ce qu’assurent les critiques de l’Europe, ces entreprises publiques sont particulièrement bien placées sur leurs marchés respectifs. Elles ont de nombreux atouts qui tiennent à leur histoire. Toutes ont bénéficié depuis la guerre de quelques avantages majeurs :
- les investissements massifs de l’Etat jusqu’au milieu des années 80 qui leur ont permis de développer des technologies en pointe, qu’il s’agisse de l’énergie nucléaire ou des trains à grande vitesse,
- leur statut de sociétés publiques qui les a contraint à créer des services de masse et à concevoir des produits grand public (on se souvient, par exemple, de Charles Fiterman qui a imposé que le TGV soit ouvert aux secondes classes),
- leur position de monopole qui leur a permis de consacrer l’essentiel de leurs efforts au développement techniques,
- des liens privilégiés avec les grandes écoles d’ingénieur auxquelles elles ont longtemps offert leurs premiers débouchés, un atout que n’ont pas forcément eu leurs concurrents étrangers.
Elles en ont profité pour développer une offre de service de qualité qui butte aujourd’hui sur une triple difficulté :
- la difficulté d’assurer des missions de service publique égale pour tous,
- la complexité croissante des systèmes de prise de décision publique dés qu’il s’agit d’infrastructures,
- les limites du marché français qui ne leur offre plus les espaces de croissance dont elles ont besoin pour développer leurs technologies et les maintenir au meilleur niveau.
La première de ces difficultés est patente à la SNCF : en mettant l’accent sur les trains à grande vitesse, la SNCF a sans doute sauvé le train, mais elle a en même temps développé un mode de transport coûteux et réservé à une clientèle relativement aisée. Les billets de TGV ne sont pas accessibles à tout le monde et le monopole de la SNCF sur les transports publics interdit le développement de transports meilleur marché : les sociétés d’autocar dont les coûts sont beaucoup plus faibles n’ont pas le droit de créer des liaisons qui feraient concurrence à la SNCF. Ceux qui ne peuvent s’offrir les billets de TGV sont, en pratique, interdits de voyager en transports en commun sur de nombreuses relations.
La seconde difficulté est évidente à EDF : on ne peut plus aujourd’hui construire en France de centrale nucléaire sans déclencher un tollé. Les éoliennes chères aux écologistes suscitent une opposition si vive de tous les riverains que l’on peut douter de leur développement.
Quant à la troisième difficulté, il se suffit de se souvenir des difficultés d’Alstom pour la comprendre : si la SNCF avait plus vendu à l’étranger ses compétences, l’industriel qui fabrique ses matériels à grande vitesse n’aurait pas tant souffert.
En fait, toutes ces entreprises souffrent depuis quelques années d’une même maladie : elles manquent d’air en France. Elles ont besoin pour se développer de traverser les frontières, de vendre à l’étranger leur savoir-faire. C’est la condition sine qua non pour qu’elles puissent continuer de se développer et de faire évoluer les prestations et les techniques qu’elles nous offrent en France. Leur interdire de sortir de nos frontières serait les asphyxier.
Mais sortir des frontières présente deux inconvénients :
- cela force à changer à terme de statut : on imagine mal un gouvernement étranger accepter que des entreprises contrôlées par l’Etat français prennent longtemps en charge des missions de service public,
- cela se fait au dépens des missions de service public en France. On voit bien que la SNCF consacre l’essentiel de ses efforts à ses réseaux de train à grande vitesse et néglige les dessertes locales que ne financent pas les régions.
A l’inverse de ce qu’avancent les adversaires du Traité constitutionnel, les menaces sur le service public ne viennent pas de l’Europe, de la concurrence qu’elle organiserait systématiquement, mais des entreprises publiques elles-mêmes, de leur besoin de sortir de France pour continuer de vivre et de se développer. Est-ce à dire que les services publics sont condamnés ? Non. Cela veut simplement dire qu’il faut les organiser autrement. Et c’est justement ce que propose le Traité constitutionnel lorsqu’il parle de services d’intérêt général. L’important est qu’il existe un système de transport public à des prix accessible entre Montreuil-Bellay et Thouars. Qu’il soit assuré par la SNCF ou par un opérateur privé importe en rélité peu.
mardi, avril 12, 2005
Augmenter le salaire minimum ne sert malheureusement à rien
A l’occasion des dernières grèves, on a entendu de nombreux commentateurs demander l’augmentation du Smic, demande qu’ils justifiaient de deux manières :
- d’abord, en avançant un argument de type pragmatique : on ne peut pas vivre de manière décente avec un salaire aussi faible, ce qui est vrai,
- ensuite, et surtout, en avançant un argument directement emprunté à la vulgate keynésienne (la thèse de la demande effective) : une augmentation du salaire minimum augmente le pouvoir d’achat global, relance l’activité et crée, donc, de l’emploi.
Cet argument économique est souvent repris par les syndicalistes. Il a malheureusement perdu beaucoup de sa validité.
On sait qu’au début des années 80, la relance de l’activité organisée par le gouvernement Mauroy avait buté sur le fait que ces augmentations de salaires avaient surtout servi à acheter des produits importés, notamment des produits venus d’Asie. Si créations d’emploi il y a eu, elles se sont faites à l’étranger.
Un autre mécanisme rend aujourd’hui peu probable la relance de l’activité par le salaire : l’évolution de l’environnement légal et réglementaire. Ces vingt dernières années, on a multiplié les exceptions au contrat de travail ordinaire. Les entreprises qui recrutent ne se contentent plus de choisir des salariés, elles choisissent également leurs contrats : intérim, CDD, stage, CDI, durées de travail… Or, cette liberté de choix leur permet de corriger les effets des augmentations de salaire. Une augmentation du Smic peut être rapidement compensée dans les entreprises à fort turn-over par une modification des contrats de travail : plutôt que de recruter des salariés à plein temps, elles recrutent des salariés à temps partiel. Dans celles qui utilisent de l’intérim, il suffit de la même manière d’agir sur la variable intérim pour maintenir la masse salariale à son niveau initial. Les modifications apportées par le gouvernement Raffarin aux lois Aubry sur la réduction du temps de travail ont donné aux entreprises de nouveaux outils allant dans le même sens : l’employeur étant celui qui décide du nombre d’heures supplémentaires, il peut contrôler sa masse salariale en jouant sur ce paramètre.
On objectera à cela que toutes les entreprises n’ont pas un turn-over élevé. Ce qui est exact à ceci près :
- que les entreprises qui conservent longtemps leurs salariés les rémunèrent souvent au dessus du Smic, ce qui leur permet d’effacer la hausse (il suffit de ne pas en tenir compte),
- que ces entreprises jouent souvent sur les qualifications de leurs collaborateurs pour maîtriser leur masse salariale.
Quoique moins connu ce phénomène est très répandu. Un salarié exerce toujours plusieurs tâches qui ne sont pas toutes valorisées de la même manière. Pour ne prendre que cet exemple, un ingénieur effectue des tâches qui demandent des compétences élevées et justifient d’un salaire important et d’autres, plus banales, que pourraient prendre en charge des collaborateurs moins bien rémunérés (comme la saisie de textes sur un ordinateur). Il suffit pour une entreprise de jouer sur cette répartition des tâches, de donner à un salarié des tâches correspondant à un niveau de qualification supérieur au sien pour effacer en partie les augmentations salariales. C’est ce que font en permanence les PME et de plus en plus souvent les grandes entreprises qui, sous couvert, d’enrichissement des tâches lissent vers le bas leur masse salariale (les grandes entreprises obtiennent le même résultat en réduisant le nombre de niveaux hiérarchiques : des salariés plus autonomes permettent de faire l'économie du management de proximité). Elles le font d’autant plus facilement que les salariés sont les premiers à réclamer ces évolutions : des tâches plus riches sont plus intéressantes et plus prometteuses que des tâches trop parcellisées.
Pour tous ces motifs, des augmentations du salaire minimum, si elles sont souhaitables, risquent de ne pas avoir d’effet positif sur l’activité. Disons le clairement : il n’y a pas de quoi s’en félliciter.
- d’abord, en avançant un argument de type pragmatique : on ne peut pas vivre de manière décente avec un salaire aussi faible, ce qui est vrai,
- ensuite, et surtout, en avançant un argument directement emprunté à la vulgate keynésienne (la thèse de la demande effective) : une augmentation du salaire minimum augmente le pouvoir d’achat global, relance l’activité et crée, donc, de l’emploi.
Cet argument économique est souvent repris par les syndicalistes. Il a malheureusement perdu beaucoup de sa validité.
On sait qu’au début des années 80, la relance de l’activité organisée par le gouvernement Mauroy avait buté sur le fait que ces augmentations de salaires avaient surtout servi à acheter des produits importés, notamment des produits venus d’Asie. Si créations d’emploi il y a eu, elles se sont faites à l’étranger.
Un autre mécanisme rend aujourd’hui peu probable la relance de l’activité par le salaire : l’évolution de l’environnement légal et réglementaire. Ces vingt dernières années, on a multiplié les exceptions au contrat de travail ordinaire. Les entreprises qui recrutent ne se contentent plus de choisir des salariés, elles choisissent également leurs contrats : intérim, CDD, stage, CDI, durées de travail… Or, cette liberté de choix leur permet de corriger les effets des augmentations de salaire. Une augmentation du Smic peut être rapidement compensée dans les entreprises à fort turn-over par une modification des contrats de travail : plutôt que de recruter des salariés à plein temps, elles recrutent des salariés à temps partiel. Dans celles qui utilisent de l’intérim, il suffit de la même manière d’agir sur la variable intérim pour maintenir la masse salariale à son niveau initial. Les modifications apportées par le gouvernement Raffarin aux lois Aubry sur la réduction du temps de travail ont donné aux entreprises de nouveaux outils allant dans le même sens : l’employeur étant celui qui décide du nombre d’heures supplémentaires, il peut contrôler sa masse salariale en jouant sur ce paramètre.
On objectera à cela que toutes les entreprises n’ont pas un turn-over élevé. Ce qui est exact à ceci près :
- que les entreprises qui conservent longtemps leurs salariés les rémunèrent souvent au dessus du Smic, ce qui leur permet d’effacer la hausse (il suffit de ne pas en tenir compte),
- que ces entreprises jouent souvent sur les qualifications de leurs collaborateurs pour maîtriser leur masse salariale.
Quoique moins connu ce phénomène est très répandu. Un salarié exerce toujours plusieurs tâches qui ne sont pas toutes valorisées de la même manière. Pour ne prendre que cet exemple, un ingénieur effectue des tâches qui demandent des compétences élevées et justifient d’un salaire important et d’autres, plus banales, que pourraient prendre en charge des collaborateurs moins bien rémunérés (comme la saisie de textes sur un ordinateur). Il suffit pour une entreprise de jouer sur cette répartition des tâches, de donner à un salarié des tâches correspondant à un niveau de qualification supérieur au sien pour effacer en partie les augmentations salariales. C’est ce que font en permanence les PME et de plus en plus souvent les grandes entreprises qui, sous couvert, d’enrichissement des tâches lissent vers le bas leur masse salariale (les grandes entreprises obtiennent le même résultat en réduisant le nombre de niveaux hiérarchiques : des salariés plus autonomes permettent de faire l'économie du management de proximité). Elles le font d’autant plus facilement que les salariés sont les premiers à réclamer ces évolutions : des tâches plus riches sont plus intéressantes et plus prometteuses que des tâches trop parcellisées.
Pour tous ces motifs, des augmentations du salaire minimum, si elles sont souhaitables, risquent de ne pas avoir d’effet positif sur l’activité. Disons le clairement : il n’y a pas de quoi s’en félliciter.
lundi, avril 11, 2005
Sur le châtiment et ses limites
Trouvé dans La généalogie de la morale de Nietzsche, ce passage sur le châtiment que nos juges, nos policiers et tous ceux qui acceptent les bavures judiciaires et policières devraient méditer : on cherche dans le châtiment
« le véritable instrument de la réaction psychique qu’on appelle « mauvaise conscience », « remords ». Mais par là on se méprend sur la réalité et sur la psychologie (…) Le véritable remords est quelque chose d’extrêmement rare chez les criminels et les condamnés, les prisons, les pénitenciers ne sont pas du tout les lieux où prospère cette espèce de ver rongeur (…) Globalement, le châtiment durcit et refroidit ; il concentre ; il aiguise le sentiment d’exclusion ; il accroît la force de résistance. (…) il ne faut pas sous-estimer à quel point le criminel est justement empêché, par la vue des procédures du jugement et de son exécution, d’éprouver son forfait et la nature de son acte comme méprisables en soi : car il voit justement la même sorte d’action s’accomplir au service de la justice et ensuite être approuvée et accomplie en toute bonne conscience. »
Et dans le chapitre suivant, « pendant des siècles, les fauteurs de trouble frappés d’une peine ont réagi à l’égard de leur « délit » : « quelque chose, inopinément, a mal tourné », et non pas : « je n’aurais pas dû faire cela »- ils se soumettaient au châtiment comme on se soumet à une maladie… »
Que dire de plus? de mieux?
« le véritable instrument de la réaction psychique qu’on appelle « mauvaise conscience », « remords ». Mais par là on se méprend sur la réalité et sur la psychologie (…) Le véritable remords est quelque chose d’extrêmement rare chez les criminels et les condamnés, les prisons, les pénitenciers ne sont pas du tout les lieux où prospère cette espèce de ver rongeur (…) Globalement, le châtiment durcit et refroidit ; il concentre ; il aiguise le sentiment d’exclusion ; il accroît la force de résistance. (…) il ne faut pas sous-estimer à quel point le criminel est justement empêché, par la vue des procédures du jugement et de son exécution, d’éprouver son forfait et la nature de son acte comme méprisables en soi : car il voit justement la même sorte d’action s’accomplir au service de la justice et ensuite être approuvée et accomplie en toute bonne conscience. »
Et dans le chapitre suivant, « pendant des siècles, les fauteurs de trouble frappés d’une peine ont réagi à l’égard de leur « délit » : « quelque chose, inopinément, a mal tourné », et non pas : « je n’aurais pas dû faire cela »- ils se soumettaient au châtiment comme on se soumet à une maladie… »
Que dire de plus? de mieux?
Le débat sur la constitution européenne
Les débats sur la constitution européenne me rappellent que la Commission m’avait, il y a quelques années, demandé d’écrire un texte sur la démocratie en Europe. Il s’agissait de montrer que la construction européenne fonctionnait de manière démocratique. J’y avais passé deux mois sans beaucoup de succès. Sur ce point, au moins, le projet de constitution qu’on soumet à notre suffrage apporte des progrès indéniables, à commencer par cette possibilité de pétitionner qui permet de porter au Parlement des questions qui intéressent deux millions d’Européens.
Mais j’avais alors été frappé par l’épais brouillard que nos politiques laissaient planer sur cette construction européenne. Toutes les mesures qui faisaient problème avaient été discutées et acceptées dans des instances représentant les différents Etats, les différents gouvernements. Et l’on voyait bien comment tous, et d’abord le gouvernement français, utilisaient l’Europe pour faire passer des idées, des projets qu’ils craignaient de mettre en avant. On se défaussait sur Bruxelles de ce que l’on pensait souhaitable mais qu’on ne voulait pas mettre soi-même en place de crainte des réactions. Le « cela vient de Bruxelles » permettait de faire passer ce que l’on avait voulu sans avoir le courage de le dire. C’était d’autant plus facile que les procédures européennes prenant pas mal de temps, il y avait de fortes chances que la mesure arrive à maturité après qu’on ait quitté les affaires. L’ouverture du marché intérieur des services (la fameuse circulaire Bolkenstein) a donné un exemple récent de ce mécanisme qui met aujourd’hui les politiques en porte-à-faux, obligés qu’ils sont de défendre une Europe qu’ils ont prise comme bouc émissaire pendant des années. Ce n’est évidemment pas facile, d’où leurs maladresses et leurs hésitations.
Par chance, les arguments des partisans du « Non » sont particulièrement médiocres et bien peu démocratiques.
Je passerai sous silence tout ce que l’on nous a dit sur l’avortement, le divorce et la laïcité que cette Constitution permettrait de remettre en cause (les politiques qui l’affirment nous prennent probablement pour des crétins !), pour m’interroger sur l’idée que le non permettrait de remettre à plat la constitution. Soit, mais avec qui ?
Le texte actuel est le fruit d’une négociation, croit-on pouvoir obtenir mieux de ceux qui trouvent ce texte déjà trop audacieux, alors même que nous serons seuls à réclamer un gauchissement, comme nous l’affirment les partisans de gauche du non ? Il faut une bonne dose d’arrogance nationaliste pour croire que toute l’Europe se pliera à nos désirs.
Et pour quoi faire ? Sur quelles bases renégocier ? Sur celles de Philippe de Villiers ou sur celles d’Attac ? Sur celles du PC (ce ne sont pas tout à fait celles d’Attac) ou sur celles du Front National ? sur celles d’Emmanuelli ou sur celles de Jean-Pierre Chevênement ?
Le Non serait plus crédible si ses partisans avaient un programme commun ou, à défaut, des valeurs communes or, l’on voit bien que tout les oppose sauf, peut-être, le populisme (de droite et de gauche qui se retrouve pour dire « merde » au système) et une sorte de repli frileux sur le protectionnisme que l’on devine dans tant de propos.
Mais j’avais alors été frappé par l’épais brouillard que nos politiques laissaient planer sur cette construction européenne. Toutes les mesures qui faisaient problème avaient été discutées et acceptées dans des instances représentant les différents Etats, les différents gouvernements. Et l’on voyait bien comment tous, et d’abord le gouvernement français, utilisaient l’Europe pour faire passer des idées, des projets qu’ils craignaient de mettre en avant. On se défaussait sur Bruxelles de ce que l’on pensait souhaitable mais qu’on ne voulait pas mettre soi-même en place de crainte des réactions. Le « cela vient de Bruxelles » permettait de faire passer ce que l’on avait voulu sans avoir le courage de le dire. C’était d’autant plus facile que les procédures européennes prenant pas mal de temps, il y avait de fortes chances que la mesure arrive à maturité après qu’on ait quitté les affaires. L’ouverture du marché intérieur des services (la fameuse circulaire Bolkenstein) a donné un exemple récent de ce mécanisme qui met aujourd’hui les politiques en porte-à-faux, obligés qu’ils sont de défendre une Europe qu’ils ont prise comme bouc émissaire pendant des années. Ce n’est évidemment pas facile, d’où leurs maladresses et leurs hésitations.
Par chance, les arguments des partisans du « Non » sont particulièrement médiocres et bien peu démocratiques.
Je passerai sous silence tout ce que l’on nous a dit sur l’avortement, le divorce et la laïcité que cette Constitution permettrait de remettre en cause (les politiques qui l’affirment nous prennent probablement pour des crétins !), pour m’interroger sur l’idée que le non permettrait de remettre à plat la constitution. Soit, mais avec qui ?
Le texte actuel est le fruit d’une négociation, croit-on pouvoir obtenir mieux de ceux qui trouvent ce texte déjà trop audacieux, alors même que nous serons seuls à réclamer un gauchissement, comme nous l’affirment les partisans de gauche du non ? Il faut une bonne dose d’arrogance nationaliste pour croire que toute l’Europe se pliera à nos désirs.
Et pour quoi faire ? Sur quelles bases renégocier ? Sur celles de Philippe de Villiers ou sur celles d’Attac ? Sur celles du PC (ce ne sont pas tout à fait celles d’Attac) ou sur celles du Front National ? sur celles d’Emmanuelli ou sur celles de Jean-Pierre Chevênement ?
Le Non serait plus crédible si ses partisans avaient un programme commun ou, à défaut, des valeurs communes or, l’on voit bien que tout les oppose sauf, peut-être, le populisme (de droite et de gauche qui se retrouve pour dire « merde » au système) et une sorte de repli frileux sur le protectionnisme que l’on devine dans tant de propos.
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