Les débats sur la constitution européenne me rappellent que la Commission m’avait, il y a quelques années, demandé d’écrire un texte sur la démocratie en Europe. Il s’agissait de montrer que la construction européenne fonctionnait de manière démocratique. J’y avais passé deux mois sans beaucoup de succès. Sur ce point, au moins, le projet de constitution qu’on soumet à notre suffrage apporte des progrès indéniables, à commencer par cette possibilité de pétitionner qui permet de porter au Parlement des questions qui intéressent deux millions d’Européens.
Mais j’avais alors été frappé par l’épais brouillard que nos politiques laissaient planer sur cette construction européenne. Toutes les mesures qui faisaient problème avaient été discutées et acceptées dans des instances représentant les différents Etats, les différents gouvernements. Et l’on voyait bien comment tous, et d’abord le gouvernement français, utilisaient l’Europe pour faire passer des idées, des projets qu’ils craignaient de mettre en avant. On se défaussait sur Bruxelles de ce que l’on pensait souhaitable mais qu’on ne voulait pas mettre soi-même en place de crainte des réactions. Le « cela vient de Bruxelles » permettait de faire passer ce que l’on avait voulu sans avoir le courage de le dire. C’était d’autant plus facile que les procédures européennes prenant pas mal de temps, il y avait de fortes chances que la mesure arrive à maturité après qu’on ait quitté les affaires. L’ouverture du marché intérieur des services (la fameuse circulaire Bolkenstein) a donné un exemple récent de ce mécanisme qui met aujourd’hui les politiques en porte-à-faux, obligés qu’ils sont de défendre une Europe qu’ils ont prise comme bouc émissaire pendant des années. Ce n’est évidemment pas facile, d’où leurs maladresses et leurs hésitations.
Par chance, les arguments des partisans du « Non » sont particulièrement médiocres et bien peu démocratiques.
Je passerai sous silence tout ce que l’on nous a dit sur l’avortement, le divorce et la laïcité que cette Constitution permettrait de remettre en cause (les politiques qui l’affirment nous prennent probablement pour des crétins !), pour m’interroger sur l’idée que le non permettrait de remettre à plat la constitution. Soit, mais avec qui ?
Le texte actuel est le fruit d’une négociation, croit-on pouvoir obtenir mieux de ceux qui trouvent ce texte déjà trop audacieux, alors même que nous serons seuls à réclamer un gauchissement, comme nous l’affirment les partisans de gauche du non ? Il faut une bonne dose d’arrogance nationaliste pour croire que toute l’Europe se pliera à nos désirs.
Et pour quoi faire ? Sur quelles bases renégocier ? Sur celles de Philippe de Villiers ou sur celles d’Attac ? Sur celles du PC (ce ne sont pas tout à fait celles d’Attac) ou sur celles du Front National ? sur celles d’Emmanuelli ou sur celles de Jean-Pierre Chevênement ?
Le Non serait plus crédible si ses partisans avaient un programme commun ou, à défaut, des valeurs communes or, l’on voit bien que tout les oppose sauf, peut-être, le populisme (de droite et de gauche qui se retrouve pour dire « merde » au système) et une sorte de repli frileux sur le protectionnisme que l’on devine dans tant de propos.
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