Rebert Redeker, professeur de philosophie, membre du comité de rédaction des Temps Modernes (c'est à ce titre que j'ai eu quelques échanges avec lui lorsque j'ai publié des articles dans cette revue) est, dit le Monde d'aujourd'hui menacé de mort par des islamistes pour un article du Figaro dans lequel il critique l'Islam.
Disons le tout net : c'est inadmissible!!!
N'étant pas un lecteur régulier du Figaro, je n'ai pas lu son intervention. Je sais que Redeker dit en général des choses pertinentes, même si un de ses textes récents sur l'école m'avait… peu convaincu. Mais peu importe. Nous avons le droit de critiquer l'Islam, d'insulter Mohamet, le Christ ou Moïse. Que ces insultes soient le plus souvent idiotes et inutiles ne retire rien au fait que dans une société laïque et démocratique, c'est un droit sur lequel il n'est certainement pas question de revenir ni même de négocier. C'est une valeur de base de notre société, une de ces celles sans laquelle nous ne serions plus ce que nous sommes.
S'il y a des musulmans que les propos de Redeker ont choqué (il accuse l'Islam d'exalter la violence) qu'ils nous expliquent d'abord en quoi les quelques mots d'un professeur de philosophie sont plus insultants pour l'Islam que les attentats suicide et les massacres commis en son nom. Ce sont les intégristes qui tuent en son nom qui insultent l'Islam, pas ceux qui s'en prennent à des textes.
Il faut réagir d'autant plus vivement que le modèle laïque est actuellement soumis à une terrible pression : celle des intégristes musulmans qui voudraient nous pousser à l'auto-censure au nom du respect d'une religion qu'ils respectent moins que tout autre, celle des intégristes catholiques, protestants ou juifs (il faudrait ajouter à la liste les orthodoxes, naturellement) qui veulent nous interdire de parler au nom du même respect en leur foi. Que leur foi soit respectable nul n'en doute, mais notre liberté d'opinion l'est tout autant. S'ils n'aiment pas ce que dit tel ou tel, qu'ils se bouchent les oreilles!
Avoir des opinions est l'un des éléments du bien-être, affirmait il y a une quinzaine d'années, l'économiste A.O.Hirshman. Les blogs sont une bonne manière d'afficher ses opinions mais aussi, et peut-être même surtout, de les construire. C'est ce qui m'a donné envie de tenir celui-ci
vendredi, septembre 29, 2006
samedi, septembre 23, 2006
Les Etats-Unis et la torture
Libération titre ce matin sur la torture que Washington serait sur le point de légaliser. Pour ceux qui penseraient qu'il ne s'agit là que d'une dérive de plus d'une administration très à droite, j'invite à lire le texte que j'ai écrit sur le sujet, texte publié il y a quelques mois dans les Temps Modernes, que l'on trouve sur mon site : Tortures en Irak : l'inquiétante candeur américaine. On y voit comment cette question de la torture repose sur des fondements idéologiques profonds, qui vont bien au delà des délires de quelques "right-wingers". On y voit aussi comment le principal théoricien des "interrogatoires coercitifs" est devenu le ministre de la justice du G.W.Bush.
vendredi, septembre 22, 2006
Islam : sortir du choc des civilisations
Les réactions aux propos du Pape ont réactivé la notion de choc des civilisations. Il faudrait pourtant s'en sortir complètement. Cette idée que nous vivrions une guerre entre l'Islam et l'Occident (confondu avec la chrétienté), idée théorisée par Samuel Huntington mais largement développée par l'administration Bush, est une formidable erreur historique.
Les islamistes sont bien en guerre, mais pas contre nous, contre les dirigeants du Moyen-Orient, dictateurs, le plus souvent laïques, qui ont tenté d'imposer la modernisation (confondue avec l'occidentalisation) à marche forcées à des populations rétives. Je pense à Saddam Hussein, au Shah d'Iran, aux régimes socialistes hérités de Nasser en Egypte, au régime baasiste de Syrie, au régime d'Arabie saoudite qui, quoique religieux, a également transformé la société.
Le succès des islamistes dans les opinions arabes (succès que l'on aurait tort de mésestimer) tient sur trois bases :
- ils se sont battus contre les dictatures abominables de ces régions que les régimes occidentaux ont toujours soutenues,
- ils s'appuient sur le nationalisme rampant de sociétés qui ont, toutes ou presque, étaient victimes de la colonisation, qui ont vécu la modernisation comme une contrainte imposée par la force par des étrangers,
- ils disent vouloir créer une société plus conforme à l'identité, aux valeurs traditionnelles des pays du Moyen-Orient.
Ils profitent des erreurs répétées de l'Occident et de ses alliés dans cette région. L'intervention en Irak et la guerre du Liban en sont les deux derniers exemples. Leurs stratégies violentes (attentats…) sont acceptées de beaucoup parce qu'elles donnent le sentiment de renverser l'asymétrie des situations (pour une fois, les occidentaux sont touchés). Mais rien de tout cela ne veut dire qu'ils nous visent directement. Les victimes des attentats de Londres, Madrid… sont, si j'ose dire, les victimes collatérales d'un conflit qui se déroule au sein même du monde musulman. Et plutôt que d'exaspérer les musulmans qui n'ont rien à voir avec les intégristes, qui n'en veulent pour rien au monde, nous devrions les aider. Et nous pouvons le faire depuis chez nous.
Les musulmans d'occident qui ne voudraient pas vivre dans une société islamique, qui se disent en privé effarés, désespérés par cette montée de la violence, de l'intolérance, pourraient, s'ils le voulaient, amorcer un mouvement de rebellion contre cette prise d'otage de l'Islam par des fascistes intégristes. Il suffirait qu'ils disent tout haut et en public ce qu'ils pensent tout bas, qu'ils descendent massivement dans la rue, en France, en Grande-Bretagne… pour dire aux islamistes : cela suffit! vous ne parlez pas en notre nom! vos assassinats insultent infiniment plus l'Islam que quelques mauvaises caricatures. Leur exemple rendrait courage à tous ceux qui dans le monde musulman sont écrasés par la dictature intégriste, il aiderait à renverser le rapport de force qui joue aujourd'hui, dans les pays d'Islam, trop souvent en faveur des extrémistes.
Les islamistes sont bien en guerre, mais pas contre nous, contre les dirigeants du Moyen-Orient, dictateurs, le plus souvent laïques, qui ont tenté d'imposer la modernisation (confondue avec l'occidentalisation) à marche forcées à des populations rétives. Je pense à Saddam Hussein, au Shah d'Iran, aux régimes socialistes hérités de Nasser en Egypte, au régime baasiste de Syrie, au régime d'Arabie saoudite qui, quoique religieux, a également transformé la société.
Le succès des islamistes dans les opinions arabes (succès que l'on aurait tort de mésestimer) tient sur trois bases :
- ils se sont battus contre les dictatures abominables de ces régions que les régimes occidentaux ont toujours soutenues,
- ils s'appuient sur le nationalisme rampant de sociétés qui ont, toutes ou presque, étaient victimes de la colonisation, qui ont vécu la modernisation comme une contrainte imposée par la force par des étrangers,
- ils disent vouloir créer une société plus conforme à l'identité, aux valeurs traditionnelles des pays du Moyen-Orient.
Ils profitent des erreurs répétées de l'Occident et de ses alliés dans cette région. L'intervention en Irak et la guerre du Liban en sont les deux derniers exemples. Leurs stratégies violentes (attentats…) sont acceptées de beaucoup parce qu'elles donnent le sentiment de renverser l'asymétrie des situations (pour une fois, les occidentaux sont touchés). Mais rien de tout cela ne veut dire qu'ils nous visent directement. Les victimes des attentats de Londres, Madrid… sont, si j'ose dire, les victimes collatérales d'un conflit qui se déroule au sein même du monde musulman. Et plutôt que d'exaspérer les musulmans qui n'ont rien à voir avec les intégristes, qui n'en veulent pour rien au monde, nous devrions les aider. Et nous pouvons le faire depuis chez nous.
Les musulmans d'occident qui ne voudraient pas vivre dans une société islamique, qui se disent en privé effarés, désespérés par cette montée de la violence, de l'intolérance, pourraient, s'ils le voulaient, amorcer un mouvement de rebellion contre cette prise d'otage de l'Islam par des fascistes intégristes. Il suffirait qu'ils disent tout haut et en public ce qu'ils pensent tout bas, qu'ils descendent massivement dans la rue, en France, en Grande-Bretagne… pour dire aux islamistes : cela suffit! vous ne parlez pas en notre nom! vos assassinats insultent infiniment plus l'Islam que quelques mauvaises caricatures. Leur exemple rendrait courage à tous ceux qui dans le monde musulman sont écrasés par la dictature intégriste, il aiderait à renverser le rapport de force qui joue aujourd'hui, dans les pays d'Islam, trop souvent en faveur des extrémistes.
Immigration : Ségolène, encore un effort!
Ségolène Royal a organisé sur son site internet, Désir d'avenir, un débat sur l'immigration, brouillon comme sont souvent ces débats, mais intéressant. Il montre notamment que l'opinion est plus riche, plus diversifiée, plus généreuse aussi, que ne le disent les sondages et les politiques qui s'en inspirent (c'est l'un des bénéfices de ces débats en ligne de nous montrer que nous sommes plus compliqués, nuancés, hésitants, audacieux… que ne le suggèrent les experts en opinions).
L'objectif de ces débats est de l'aider à construire son programme pour les présidentielles. L'idée est excellente, encore faut-il la suivre. Ce qui n'est pas forcément ce qu'elle fait si j'en juge par les propos qu'elle a tenus le 19 septembre sur LCI à Christophe Barbier : "Le chiffre de sans-papiers régularisés pose un problème de crédibilité de la parole de l'Etat. Bizarrement, le chiffre des régularisés correspond aux chiffres annoncés à l'avance par le ministère de l'Intérieur. Il y a un mensonge public, puisque Nicolas Sarkozy avait annoncé une régularisation au cas par cas en examinant les cas individuels et comme par hasard, il aboutit au résultat qu’il avait affiché avant.
Il faut avoir dans ce domaine (celui des régularisations) des attitudes responsables, appliquer des critères. Nicolas Sarkozy en est sa troisième loi. Il a cassé le seul outil de régularisation en continu, c’est-à-dire la carte de 10 ans qui permettait avant de régulariser tranquillement chaque année 2000 ou 3 000 étrangers qui participaient à l’économie de notre pays. En cassant cet outil, Sarkozy a créé la situation actuelle. L’Etat français doit, c’est sa responsabilité, établir des règles claires et ensuite les appliquer. Dans le domaine de l’accueil des étrangers, il faut tenir les deux bouts de façon équilibrée, c’est à dire respecter les étrangers qui sont ici en situation régulière, les loger correctement, les respecter dans leur travail, ne pas tenir des propos xénophobes à leur encontre, c’est-à-dire ne pas faire l’amalgame entre tous les étrangers en France. Ensuite c’est fixer des règles claires. La solution, comme dans tous les pays d’Europe, c’est la régularisation au long cours des étrangers.
J’ai proposé des visas aller retour, qui permettent aux étrangers de venir pour des activités saisonnières ou autres de façon régulière et de pouvoir rentrer en toute sécurité dans leur pays. L’idée ce n’est pas de revenir sur le droit au regroupement familial, C’est une solution gagnant-gagnant. Gagnant pour le travailleur étranger qui n’a pas forcément envie de se déraciner. Et gagnant pour l’économie française.”.
On est évidemment très loin de la démagogie de Nicolas Sarkozy, mais très loin également de ce que l'on pourrait attendre d'une candidate qui a choisi de mettre de l'air frais dans nos débats politiques.
On aimerait qu'elle aborde la question de fond : celle des migrations dont l'immigration n'est que l'un des aspects, qu'elle nous explique pourquoi fermer nos frontières est non seulement irréaliste, inefficace mais absurde, qu'elle nous dise comment elle compte non pas interdire ou bloquer, mais :
- ce qu'elle compte faire pour réguler les flux d'entrée et de sortie (réguler ne voulant pas dire interdire, mais plutôt organiser, comme on organise une queue dans une administration pour éviter les bousculades),
- quelles mesures elle pense prendre pour faciliter les aller-retour des immigrés (question centrale : les immigrés qui sont entrés ne peuvent pas repartir même lorsqu'ils le souhaitent de crainte de ne pouvoir revenir). Son projet de visa aller-retour est un premier pas dans cette direction, mais il faut aller plus loin,
- quels dispositifs elle imagine (ou, plus modestement, quelle procédure elle compte prendre pour trouver des solutions) pour protéger les droits des travailleurs migrants, qu'il s'agisse des immigrés qui viennent chez nous ou des Français qui s'installent à l'étranger.
On aimerait, enfin, qu'elle construise un discours positif sur l'immigration (discours étrangement absent de son intervention), qu'elle explique que nous avons changé de monde, que nous vivons dans un monde ouvert où chacun de nous peut être appelé à migrer, revenir, repartir, que c'est le quotidien de nos enfants, de tous nos enfants, que les marchés du travail se sont eux aussi globalisés et que plutôt que de tenter de fermer nos frontières, on devrait les ouvrir.
Encore un (gros) effort, Ségolène!
L'objectif de ces débats est de l'aider à construire son programme pour les présidentielles. L'idée est excellente, encore faut-il la suivre. Ce qui n'est pas forcément ce qu'elle fait si j'en juge par les propos qu'elle a tenus le 19 septembre sur LCI à Christophe Barbier : "Le chiffre de sans-papiers régularisés pose un problème de crédibilité de la parole de l'Etat. Bizarrement, le chiffre des régularisés correspond aux chiffres annoncés à l'avance par le ministère de l'Intérieur. Il y a un mensonge public, puisque Nicolas Sarkozy avait annoncé une régularisation au cas par cas en examinant les cas individuels et comme par hasard, il aboutit au résultat qu’il avait affiché avant.
Il faut avoir dans ce domaine (celui des régularisations) des attitudes responsables, appliquer des critères. Nicolas Sarkozy en est sa troisième loi. Il a cassé le seul outil de régularisation en continu, c’est-à-dire la carte de 10 ans qui permettait avant de régulariser tranquillement chaque année 2000 ou 3 000 étrangers qui participaient à l’économie de notre pays. En cassant cet outil, Sarkozy a créé la situation actuelle. L’Etat français doit, c’est sa responsabilité, établir des règles claires et ensuite les appliquer. Dans le domaine de l’accueil des étrangers, il faut tenir les deux bouts de façon équilibrée, c’est à dire respecter les étrangers qui sont ici en situation régulière, les loger correctement, les respecter dans leur travail, ne pas tenir des propos xénophobes à leur encontre, c’est-à-dire ne pas faire l’amalgame entre tous les étrangers en France. Ensuite c’est fixer des règles claires. La solution, comme dans tous les pays d’Europe, c’est la régularisation au long cours des étrangers.
J’ai proposé des visas aller retour, qui permettent aux étrangers de venir pour des activités saisonnières ou autres de façon régulière et de pouvoir rentrer en toute sécurité dans leur pays. L’idée ce n’est pas de revenir sur le droit au regroupement familial, C’est une solution gagnant-gagnant. Gagnant pour le travailleur étranger qui n’a pas forcément envie de se déraciner. Et gagnant pour l’économie française.”.
On est évidemment très loin de la démagogie de Nicolas Sarkozy, mais très loin également de ce que l'on pourrait attendre d'une candidate qui a choisi de mettre de l'air frais dans nos débats politiques.
On aimerait qu'elle aborde la question de fond : celle des migrations dont l'immigration n'est que l'un des aspects, qu'elle nous explique pourquoi fermer nos frontières est non seulement irréaliste, inefficace mais absurde, qu'elle nous dise comment elle compte non pas interdire ou bloquer, mais :
- ce qu'elle compte faire pour réguler les flux d'entrée et de sortie (réguler ne voulant pas dire interdire, mais plutôt organiser, comme on organise une queue dans une administration pour éviter les bousculades),
- quelles mesures elle pense prendre pour faciliter les aller-retour des immigrés (question centrale : les immigrés qui sont entrés ne peuvent pas repartir même lorsqu'ils le souhaitent de crainte de ne pouvoir revenir). Son projet de visa aller-retour est un premier pas dans cette direction, mais il faut aller plus loin,
- quels dispositifs elle imagine (ou, plus modestement, quelle procédure elle compte prendre pour trouver des solutions) pour protéger les droits des travailleurs migrants, qu'il s'agisse des immigrés qui viennent chez nous ou des Français qui s'installent à l'étranger.
On aimerait, enfin, qu'elle construise un discours positif sur l'immigration (discours étrangement absent de son intervention), qu'elle explique que nous avons changé de monde, que nous vivons dans un monde ouvert où chacun de nous peut être appelé à migrer, revenir, repartir, que c'est le quotidien de nos enfants, de tous nos enfants, que les marchés du travail se sont eux aussi globalisés et que plutôt que de tenter de fermer nos frontières, on devrait les ouvrir.
Encore un (gros) effort, Ségolène!
jeudi, septembre 21, 2006
Le retour des intellectuels?
Pendant des années, on s'est plaint du déclin des intellectuel. Le plus souvent marxistes, ils ont sombré avec la chute du mur de Berlin, leur parole vidée de toute force tant ils s'étaient trompés, tant ils nous avaient menti, tant ils s'étaient menti. Ils se sont enfermés dans leurs universités, replié sur les publications savantes et les colloques austères. L'intellectuel était devenu chercheur. Depuis quelques mois (quelques années?), il me semble que cette figure est de retour. J'en vois deux indices :
- l'intervention de plus en plus fréquente des économistes dans le débat public, dans la presse et, surtout, sur les blogs qui se sont multipliés ces dernières années. Non contents d'être les conseillers du prince, ils veulent former l'opinion, la convaincre, corriger ses erreurs (en matière d'économie, mais aussi dans des domaines connexes que leur discipline a progressivement investis) ;
- les signatures d'une revue grand public comme Philosophie magazine. Dans son dernier numéro, on retrouve Alain de Libera, Sandra Laugier, Barbara Cassin et Luc Brisson qu'on retrouvait plutôt dans des revues savantes.
Espérons qu'ils diront, qu'ils disent moins de sottises que leurs grands prédécesseurs. Pour l'heure, ils ne sont pas moins arrogants, quoique peut-être moins emphatiques. Un reste de la prudence du chercheur?
- l'intervention de plus en plus fréquente des économistes dans le débat public, dans la presse et, surtout, sur les blogs qui se sont multipliés ces dernières années. Non contents d'être les conseillers du prince, ils veulent former l'opinion, la convaincre, corriger ses erreurs (en matière d'économie, mais aussi dans des domaines connexes que leur discipline a progressivement investis) ;
- les signatures d'une revue grand public comme Philosophie magazine. Dans son dernier numéro, on retrouve Alain de Libera, Sandra Laugier, Barbara Cassin et Luc Brisson qu'on retrouvait plutôt dans des revues savantes.
Espérons qu'ils diront, qu'ils disent moins de sottises que leurs grands prédécesseurs. Pour l'heure, ils ne sont pas moins arrogants, quoique peut-être moins emphatiques. Un reste de la prudence du chercheur?
mercredi, septembre 20, 2006
Le fantasme du complot a la vie dure
Les attentats du 11 septembre n'ont-ils été qu'une illusion? On sait que depuis le début un certain nombre d'auteurs, plus malins que tous les témoins, toutes les caméras, tous les journalistes… nous assurent que la destruction des deux tours new-yorkaises n'est que le fruit d'un immense complot d'une administration américaine en perdition.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, cette thèse n'a pas disparu. Elle réapparaît régulièrement. Dernier exemple, cette analyse (voir également celle-ci), à l'apparence tout à fait scientifique, qui "montre" que les tours se seraient effondrées comme font celles que l'on démolit de manière contrôlée. Tout cela avec à l'appui une analyse de la vidéo. On ne sait pas très bien ce que veulent prouver ses auteurs? Que les bâtiment auraient été minés avant l'impact des avions? Mais qui aurait pu les miner sans que personne ne s'en rende compte?
Le plus extraordinaire est qu'il y ait des gens manifestement intelligents qui consacrent autant de temps à pareilles balivernes. Question : convainquent-ils quiconque?
Reste que tout cela rappelle l'assassinat de Kennedy et le flou qui l'entoure. On sait probablement depuis toujours la vérité, mais… il ne se passe pas de décennie (que dis-je? d'année) sans qu'un nouveau livre ne conteste la vérité officielle. Vérité contestable parce qu'officielle.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, cette thèse n'a pas disparu. Elle réapparaît régulièrement. Dernier exemple, cette analyse (voir également celle-ci), à l'apparence tout à fait scientifique, qui "montre" que les tours se seraient effondrées comme font celles que l'on démolit de manière contrôlée. Tout cela avec à l'appui une analyse de la vidéo. On ne sait pas très bien ce que veulent prouver ses auteurs? Que les bâtiment auraient été minés avant l'impact des avions? Mais qui aurait pu les miner sans que personne ne s'en rende compte?
Le plus extraordinaire est qu'il y ait des gens manifestement intelligents qui consacrent autant de temps à pareilles balivernes. Question : convainquent-ils quiconque?
Reste que tout cela rappelle l'assassinat de Kennedy et le flou qui l'entoure. On sait probablement depuis toujours la vérité, mais… il ne se passe pas de décennie (que dis-je? d'année) sans qu'un nouveau livre ne conteste la vérité officielle. Vérité contestable parce qu'officielle.
mardi, septembre 19, 2006
Internet : l'erreur de la presse
Les journaux sont aujourd'hui malades d'internet. Ils le savent et tentent, par tous les moyens de se sortir de l'impasse dans laquelle ils se sentent inéluctablement poussés. Internet remet, en effet, directement en cause :
- la production de contenu,
- l'accès au lecteur,
- les relations avec les annonceurs.
Pour s'en sortir, les journaux ont pesé que le plus simple serait de se mettre sur internet. Pensant bien faire, ils ont mis gratuitement à disposition leur contenu pendant quelques jours. Ce faisant, ils ont commis une double erreur :
- erreur marketing, puisqu'en mettant gratuitement à disposition leur contenu du jour, ils ont accéléré la déperdition des lecteurs (pourquoi acheter un journal que l'on peut feuilleter gratuitement sur internet?);
- erreur sur la nature même d'internet. Ils n'ont pas vu qu'internet est, d'abord, un formidable outil d'archivage.
Ils auraient du faire exactement le contraire : maintenir payant le journal du jour (et éventuellement de la veille) et mettre gratuitement à disposition des internautes, les journaux des jours précédents auxquels le lecteur ne peut pas avoir accès, sinon en se rendant dans une bibliothèque, ils auraient ainsi contribué à enrichir le contenu du web sans se tirer une balle dans le pied. Certains l'ont fait, comme l'Humanité ou, dans un genre différent la revue Le Banquet. Résultat, on les trouve lorsque l'on fait une recherche et leur présence sur le web est plus importante que ne l'est celle dans les kiosques. On dira que cela ne leur apporte pas d'argent, ce qui est vrai, mais cela augmente leur visibilité sans leur en faire perdre plus.
- la production de contenu,
- l'accès au lecteur,
- les relations avec les annonceurs.
Pour s'en sortir, les journaux ont pesé que le plus simple serait de se mettre sur internet. Pensant bien faire, ils ont mis gratuitement à disposition leur contenu pendant quelques jours. Ce faisant, ils ont commis une double erreur :
- erreur marketing, puisqu'en mettant gratuitement à disposition leur contenu du jour, ils ont accéléré la déperdition des lecteurs (pourquoi acheter un journal que l'on peut feuilleter gratuitement sur internet?);
- erreur sur la nature même d'internet. Ils n'ont pas vu qu'internet est, d'abord, un formidable outil d'archivage.
Ils auraient du faire exactement le contraire : maintenir payant le journal du jour (et éventuellement de la veille) et mettre gratuitement à disposition des internautes, les journaux des jours précédents auxquels le lecteur ne peut pas avoir accès, sinon en se rendant dans une bibliothèque, ils auraient ainsi contribué à enrichir le contenu du web sans se tirer une balle dans le pied. Certains l'ont fait, comme l'Humanité ou, dans un genre différent la revue Le Banquet. Résultat, on les trouve lorsque l'on fait une recherche et leur présence sur le web est plus importante que ne l'est celle dans les kiosques. On dira que cela ne leur apporte pas d'argent, ce qui est vrai, mais cela augmente leur visibilité sans leur en faire perdre plus.
lundi, septembre 18, 2006
Le pape, l'Islam…
On conçoit aisément que les musulmans aient été blessés par les propos peu oecuméniques et pas très diplomatiques du Pape, mais on aimerait que les foules musulmanes dépensent autant d'énergie pour condamner ceux qui tuent sans discriminationau nom de Dieu et insultent certainement plus l'Islam que le Pape ou quelques caricaturistes.
Tant que les foules musulmanes ne se lèveront pas pour manifester leur colère contre les assassins et les terroristes, j'aurai, pour ma part, du mal à prendre au sérieux l'émotion de ceux qui demandent des excuses au Pape. Nous vivons dans des sociétés libres qui nous donnent le droit de tenir les propos que nous voulons. Et cela me parait infiniment plus respectable qu'une foi qui conduit des gamins au suicide.
La colère des foules islamiques ne doit pas nous faire mettre sous le manteau nos valeurs.
Tant que les foules musulmanes ne se lèveront pas pour manifester leur colère contre les assassins et les terroristes, j'aurai, pour ma part, du mal à prendre au sérieux l'émotion de ceux qui demandent des excuses au Pape. Nous vivons dans des sociétés libres qui nous donnent le droit de tenir les propos que nous voulons. Et cela me parait infiniment plus respectable qu'une foi qui conduit des gamins au suicide.
La colère des foules islamiques ne doit pas nous faire mettre sous le manteau nos valeurs.
mercredi, septembre 13, 2006
Le pouvoir du regard
Il y a actuellement au (petit) musée du Luxembourg une exposition de peintures du Titien que ses organisateurs ont étrangement choisi de titrer : "le pouvoir en face". C'est, comme toujours dans ce musée, trop petit, un peu court, mais cela plait au public qui le fréquente, public dont la jeunesse n'est pas la première caractéristique (on a même l'impression que le Sénat, qui gère ce musée, a emprunté ses fichiers au Figaro magazine tant la clientèle est âgée), mais l'exposition est intéressante. Elle ne présente que des portraits, tous ou presque pris de 3/4. Seules exceptions, deux ou trois portraits de profil (dont celui, célèbre, de François 1er). Une question vient immédiatement à l'esprit lorsque l'on visite cette exposition : pourquoi ces expositions de 3/4. Pourquoi pas de portraits de face?
La réponse vient rapidement : cette vue de 3/4 permet de mettre en évidence le regard des modèles ou, plutôt, de leur donner une vision panoramique. Tandis que l'on se déplace devant les tableaux, que ce soit de droite à gauche, ou de près à loin, on a l'impression d'être suivi du regard par le personnage peint. Cette exposition donne aux modèles une vision panoramique, j'allais dire panoptique qui serait inquiétante s'ils n'avaient le plus souvent un regard tendre, mélancolique. Tendresse et mélancolie qui ne leur étaient pas forcément naturelles si l'on en juge par les biographies de certains. Mais peu importe, cette présentation en coin les met en position de nous dominer, de nous scruter et, surtout, de vivre.
On pourrait se trouver mal à l'aise. Ce n'est pas le cas. Sans doute parce que cette présentation a toujours quelque chose d'artificiel. Elle ne cherche pas à nous tromper, elle ne cache pas son jeu : elle met de la vie dans ce qui ne se cache pas de n'être qu'une image.
La réponse vient rapidement : cette vue de 3/4 permet de mettre en évidence le regard des modèles ou, plutôt, de leur donner une vision panoramique. Tandis que l'on se déplace devant les tableaux, que ce soit de droite à gauche, ou de près à loin, on a l'impression d'être suivi du regard par le personnage peint. Cette exposition donne aux modèles une vision panoramique, j'allais dire panoptique qui serait inquiétante s'ils n'avaient le plus souvent un regard tendre, mélancolique. Tendresse et mélancolie qui ne leur étaient pas forcément naturelles si l'on en juge par les biographies de certains. Mais peu importe, cette présentation en coin les met en position de nous dominer, de nous scruter et, surtout, de vivre.
On pourrait se trouver mal à l'aise. Ce n'est pas le cas. Sans doute parce que cette présentation a toujours quelque chose d'artificiel. Elle ne cherche pas à nous tromper, elle ne cache pas son jeu : elle met de la vie dans ce qui ne se cache pas de n'être qu'une image.
Les régimes spéciaux, l'équité…
Depuis que François Fillon a fait ses déclarations au Parisien, on ne parle plus que des régimes spéciaux. Nouveau sujet pour la campagne électorale? On verra bien. Les arguments utilisés par ceux qui veulent réformer ces régimes méritent qu'on s'y attarde un instant. Ils sont deux types :
- économiques : ces régimes sont en faillite, la collectivité doit les renflouer,
- moraux : il n'est pas normal ("normal" voulant ici dire "juste") que les salariés des entreprises publiques bénéficient d'un régime plus avantageux que les autres.
Je me limiterai à cette dimension morale. La thèse défendue est, qu'au fond, si l'on veut être équitable, et il faut l'être, tout le monde doit être traité de la même manière (les règles de calcul de la pension doivent être les mêmes pour tous). Cet argument moral joue un rôle déterminant puisque c'est celui qui va permettre aux partisans de la réforme de convaincre des citoyens, qui n'ont pas de lumière sur la dimension économique du problème, de sa justesse.
Or, il ne va pas de soi. On peut poser au moins deux questions :
- Pourquoi faudrait-il, d'abord, que les pensions soient calculées de la même manière pour tout le monde?
- Et si on applique ce principe d'équité aux pensions, pourquoi ne pas l'appliquer à d'autres éléments du contrat de travail, aux rémunérations, à ce que les américains appellent les "benefits", disons les avantages sociaux. Est-il équitable que les cadres aient des mutuelles plus avantageuses que les employés et ouvriers?
La question centrale est celle du statut de la retraite. De quoi s'agit-il? D'une rémunération que la société accorde aux travailleurs âgés? ou d'une composante du contrat de travail? Dit autrement : est-ce une assistance ou du salaire différé?
Si la retraite relevait de l'assistance, son montant ne serait pas indexé sur les rémunérations pendant la vie professionnelle. Si elle est un salaire différé, son calcul est un élément du deal que le salarié qui entre dans une entreprise passe avec son employeur, c'est une composante du contrat de travail (implicite dans les entreprises publiques puisque le statut remplace en pratique le contrat) qu'il signe lors de son embauche.
On trouve dans ce deal d'autres éléments, comme la sécurité dans l'emploi, le salaire ou les conditions de travail. En échange de la sécurité de l'emploi et d'une retraite plus précoce et meilleure, le salarié accepte un certain nombre d'inconvénients : salaires qui peuvent être plus faibles que dans le privé, conditions de travail difficiles, acquisition de compétences qui n'ont pas de valeur marchande en dehors de l'entreprise qui les emploie (que peut faire un conducteur de TGV qui quitte la SNCF de ses compétences?).
On peut juger ce deal déséquilibré (et sans doute l'est-il dans certaines entreprises) mais c'est un contrat que les salariés ont passé avec l'entreprise. Ce contrat est intervenu dans un grand nombre de leurs décisions, il les a guidés tout au long de leur vie. S'ils ont choisi de rester dans l'entreprise quand ils auraient pu poursuivre leur carrière ailleurs, s'ils ont accepté des promotions lentes quand ils auraient pu espérer mieux, c'était pour conserver ces avantages. Les entreprises publiques ne peuvent revenir unilatéralement sur ce contrat sans manquer à leur parole. Ce qui veut dire que les salariés de ces entreprises auront de bonnes raisons de se sentir floués si leur régime de retraite est modifié par une décision du gouvernement. Et c'est justement parce qu'ils auront le sentiment d'être victime d'une injustice qu'il y a de bonnes chances qu'ils résistent à toute tentative de le réformer.
Le dilemme moral est donc plus compliqué que ne veulent bien le dire les partisans d'une réforme de ces régimes spéciaux. Est-ce que cela veut dire que l'on ne peut rien faire? Pas forcément. S'il n'est pas moral de modifier unilatéralement un contrat, rien n'interdit de le renégocier et de demander aux salariés des entreprises publiques de contribuer complètement au financement de leurs pensions.
Il n'y a de problème que parce que les régimes spéciaux en grande difficulté sont financés par le régime général. Il n'y a, effectivement, pas de motif que les salariés du privé paient pour ceux des entreprises publiques, sauf à penser que ce paiement est une subvention déguisée qui permet à ces entreprises de nous offrir leurs services à des prix avantageux. C'est probablement la réalité, mais on voit bien ce que ce tour de passe passe peut avoir de contestable : pourquoi les habitants de Perpignan contribueraient-ils au financement des transports en commun dans la région parisienne?
Si l'on sen tient à la dimension morale, la solution serait donc de se tourner vers les entreprises et leurs salariés et de leur dire : il est injuste de faire payer à la collectivité vos déficits. Si aujourd'hui vos régimes sont en difficulté, c'est du fait des décisions que vous avez prises. Trouvez chez vous les moyens de financer ces pensions. Nous vous aiderons à passer le cap, mais nous ne pouvons plus accepter cette injustice.
Une solution de ce type amènerait les entreprises à renégocier avec leurs salariés les conditions de leur contrat en tenant compte de leurs situations particulières. L'alignement sur les conditions du régime général pourrait être l'une des solutions retenues, mais d'autres pistes pourraient être explorées, comme l'augmentation des cotisations (particulièrement faibles dans ces entreprises), l'allongement des durées d'activité…
Conclusion : si l'on s'en tient à un raisonnement de type moral, la solution passe par la responsabilisation des entreprises et la renégociation en leur sein de leurs contrats de travail. Propriétaire et financier de ces entreprises, l'Etat serait en droit de leur donner des échéances et des objectifs, d'exercer une pression forte pour obtenir des résultats, mais rien ne justifie qu'il passe en force.
- économiques : ces régimes sont en faillite, la collectivité doit les renflouer,
- moraux : il n'est pas normal ("normal" voulant ici dire "juste") que les salariés des entreprises publiques bénéficient d'un régime plus avantageux que les autres.
Je me limiterai à cette dimension morale. La thèse défendue est, qu'au fond, si l'on veut être équitable, et il faut l'être, tout le monde doit être traité de la même manière (les règles de calcul de la pension doivent être les mêmes pour tous). Cet argument moral joue un rôle déterminant puisque c'est celui qui va permettre aux partisans de la réforme de convaincre des citoyens, qui n'ont pas de lumière sur la dimension économique du problème, de sa justesse.
Or, il ne va pas de soi. On peut poser au moins deux questions :
- Pourquoi faudrait-il, d'abord, que les pensions soient calculées de la même manière pour tout le monde?
- Et si on applique ce principe d'équité aux pensions, pourquoi ne pas l'appliquer à d'autres éléments du contrat de travail, aux rémunérations, à ce que les américains appellent les "benefits", disons les avantages sociaux. Est-il équitable que les cadres aient des mutuelles plus avantageuses que les employés et ouvriers?
La question centrale est celle du statut de la retraite. De quoi s'agit-il? D'une rémunération que la société accorde aux travailleurs âgés? ou d'une composante du contrat de travail? Dit autrement : est-ce une assistance ou du salaire différé?
Si la retraite relevait de l'assistance, son montant ne serait pas indexé sur les rémunérations pendant la vie professionnelle. Si elle est un salaire différé, son calcul est un élément du deal que le salarié qui entre dans une entreprise passe avec son employeur, c'est une composante du contrat de travail (implicite dans les entreprises publiques puisque le statut remplace en pratique le contrat) qu'il signe lors de son embauche.
On trouve dans ce deal d'autres éléments, comme la sécurité dans l'emploi, le salaire ou les conditions de travail. En échange de la sécurité de l'emploi et d'une retraite plus précoce et meilleure, le salarié accepte un certain nombre d'inconvénients : salaires qui peuvent être plus faibles que dans le privé, conditions de travail difficiles, acquisition de compétences qui n'ont pas de valeur marchande en dehors de l'entreprise qui les emploie (que peut faire un conducteur de TGV qui quitte la SNCF de ses compétences?).
On peut juger ce deal déséquilibré (et sans doute l'est-il dans certaines entreprises) mais c'est un contrat que les salariés ont passé avec l'entreprise. Ce contrat est intervenu dans un grand nombre de leurs décisions, il les a guidés tout au long de leur vie. S'ils ont choisi de rester dans l'entreprise quand ils auraient pu poursuivre leur carrière ailleurs, s'ils ont accepté des promotions lentes quand ils auraient pu espérer mieux, c'était pour conserver ces avantages. Les entreprises publiques ne peuvent revenir unilatéralement sur ce contrat sans manquer à leur parole. Ce qui veut dire que les salariés de ces entreprises auront de bonnes raisons de se sentir floués si leur régime de retraite est modifié par une décision du gouvernement. Et c'est justement parce qu'ils auront le sentiment d'être victime d'une injustice qu'il y a de bonnes chances qu'ils résistent à toute tentative de le réformer.
Le dilemme moral est donc plus compliqué que ne veulent bien le dire les partisans d'une réforme de ces régimes spéciaux. Est-ce que cela veut dire que l'on ne peut rien faire? Pas forcément. S'il n'est pas moral de modifier unilatéralement un contrat, rien n'interdit de le renégocier et de demander aux salariés des entreprises publiques de contribuer complètement au financement de leurs pensions.
Il n'y a de problème que parce que les régimes spéciaux en grande difficulté sont financés par le régime général. Il n'y a, effectivement, pas de motif que les salariés du privé paient pour ceux des entreprises publiques, sauf à penser que ce paiement est une subvention déguisée qui permet à ces entreprises de nous offrir leurs services à des prix avantageux. C'est probablement la réalité, mais on voit bien ce que ce tour de passe passe peut avoir de contestable : pourquoi les habitants de Perpignan contribueraient-ils au financement des transports en commun dans la région parisienne?
Si l'on sen tient à la dimension morale, la solution serait donc de se tourner vers les entreprises et leurs salariés et de leur dire : il est injuste de faire payer à la collectivité vos déficits. Si aujourd'hui vos régimes sont en difficulté, c'est du fait des décisions que vous avez prises. Trouvez chez vous les moyens de financer ces pensions. Nous vous aiderons à passer le cap, mais nous ne pouvons plus accepter cette injustice.
Une solution de ce type amènerait les entreprises à renégocier avec leurs salariés les conditions de leur contrat en tenant compte de leurs situations particulières. L'alignement sur les conditions du régime général pourrait être l'une des solutions retenues, mais d'autres pistes pourraient être explorées, comme l'augmentation des cotisations (particulièrement faibles dans ces entreprises), l'allongement des durées d'activité…
Conclusion : si l'on s'en tient à un raisonnement de type moral, la solution passe par la responsabilisation des entreprises et la renégociation en leur sein de leurs contrats de travail. Propriétaire et financier de ces entreprises, l'Etat serait en droit de leur donner des échéances et des objectifs, d'exercer une pression forte pour obtenir des résultats, mais rien ne justifie qu'il passe en force.
mardi, septembre 12, 2006
Automne, un film gratuit sur Google video
C'est un film de 1h 50 minutes que l'on peut voir intégralement et gratuitement sur internet sans le télécharger de manière illégale. Un "vrai" film, avec des comédiens professionnels, Laurent Lucas, Iréne Jaocb, Michel Aumont, Benjamin Rolland… dirigé par Ra'up McGee, un metteur en scène américain dont c'est, semble-t-il, le premier film.
Ce film est sorti en salle aux Etats-Unis en juin, il a été bien accueilli par la critique qui y a vu un hommage rendu par un américain au cinéma noir français (Melville, Becker) lui-même inspiré du cinéma noir américain. Il est, depuis juillet, disponible sur le net. C'est, semble-t-il, une première. Je n'ai pas trouvé de blog qui en parle (mais je n'ai pas cherché longtemps). On peut imaginer que le réalisateur et le producteur (qui a certainement eu son mot à dire) y ont vu un moyen de faire parler de leur film, peut-être une façon d'intéresser un distributeur en France puisque ce film en français, avec des comédiens français, n'a pas à ma connaissance (le nom du réalisateur est inconnu de la base de données d'Allociné) trouvé de salle chez nous. C'est en tout cas une manière de faire circuler une oeuvre qui resterait autrement enfermée dans des cartons. Et donc une bonne idée. D'autant que le film est loin d'être inintéressant. les personnages vivent, existent.
A voir sur… Googlevidéo (et peut-être ailleurs).
Ce film est sorti en salle aux Etats-Unis en juin, il a été bien accueilli par la critique qui y a vu un hommage rendu par un américain au cinéma noir français (Melville, Becker) lui-même inspiré du cinéma noir américain. Il est, depuis juillet, disponible sur le net. C'est, semble-t-il, une première. Je n'ai pas trouvé de blog qui en parle (mais je n'ai pas cherché longtemps). On peut imaginer que le réalisateur et le producteur (qui a certainement eu son mot à dire) y ont vu un moyen de faire parler de leur film, peut-être une façon d'intéresser un distributeur en France puisque ce film en français, avec des comédiens français, n'a pas à ma connaissance (le nom du réalisateur est inconnu de la base de données d'Allociné) trouvé de salle chez nous. C'est en tout cas une manière de faire circuler une oeuvre qui resterait autrement enfermée dans des cartons. Et donc une bonne idée. D'autant que le film est loin d'être inintéressant. les personnages vivent, existent.
A voir sur… Googlevidéo (et peut-être ailleurs).
vendredi, septembre 01, 2006
Violence à l'école : une mauvaise action
La publication par le Point de la liste des 450 établissements recensant le plus d'actes de violence est tout à la fois une sottise et une mauvaise action.
Une sottise, car cette liste, telle qu'elle est présentée ne veut rien dire. Tous ceux qui s'intéressent à la chose publique et aux sondages savent depuis longtemps que les journalistes sont en ces matières atrocement nuls. A preuve, lorsqu'il s'agit de commenter le plus petit sondage politique, il font maintenant appel à des experts. Mais lorsqu'il s'agit de tirer à boulets rouges sur l'Education Nationale, tout est bon (regardez donc le titre de l'Express de cette semaine!).
Mais c'est aussi une mauvaise action. Imaginez un instant que vous soyez parent d'un enfant appelé, du fait de la carte scolaire à entrer dans l'un des établissements ainsi stigmatisés, qu'allez-vous faire? vous allez chercher à le mettre ailleurs. Dans le public, si vous y arrivez, dans le privé si vous en avez les moyens. Résultat : ne resteront dans cet établissement que ceux dont les parents ne s'intéressent pas à leurs enfants. Il y a quelques chances que ce soient ceux-là mêmes dont les enfants sont fauteurs de violence. Résultat : la violence augmentera alors que l'action des enseignants et de l'Education Nationale informée par ces statistiques correctement traitées auraient permis d'agir.
Irresponsables, incompétents… cela fait beaucoup pour une corporation qui passe son temps à donner des leçons aux autres. Je ne suis pas de ceux qui trouvent à la presse tous les défauts, mais en l'espèce, les journalistes du Point auraient mieux fait de tourner sept fois leur plume dans l'encrier avant de publier cette liste.
Une sottise, car cette liste, telle qu'elle est présentée ne veut rien dire. Tous ceux qui s'intéressent à la chose publique et aux sondages savent depuis longtemps que les journalistes sont en ces matières atrocement nuls. A preuve, lorsqu'il s'agit de commenter le plus petit sondage politique, il font maintenant appel à des experts. Mais lorsqu'il s'agit de tirer à boulets rouges sur l'Education Nationale, tout est bon (regardez donc le titre de l'Express de cette semaine!).
Mais c'est aussi une mauvaise action. Imaginez un instant que vous soyez parent d'un enfant appelé, du fait de la carte scolaire à entrer dans l'un des établissements ainsi stigmatisés, qu'allez-vous faire? vous allez chercher à le mettre ailleurs. Dans le public, si vous y arrivez, dans le privé si vous en avez les moyens. Résultat : ne resteront dans cet établissement que ceux dont les parents ne s'intéressent pas à leurs enfants. Il y a quelques chances que ce soient ceux-là mêmes dont les enfants sont fauteurs de violence. Résultat : la violence augmentera alors que l'action des enseignants et de l'Education Nationale informée par ces statistiques correctement traitées auraient permis d'agir.
Irresponsables, incompétents… cela fait beaucoup pour une corporation qui passe son temps à donner des leçons aux autres. Je ne suis pas de ceux qui trouvent à la presse tous les défauts, mais en l'espèce, les journalistes du Point auraient mieux fait de tourner sept fois leur plume dans l'encrier avant de publier cette liste.
Sarkozy et le droit de grève : mais à qui parle-t-il donc?
Nicolas Sarkozy est délicieux. Dès que l'on commence à l'oublier, à ne plus y penser (difficile, ces jours-ci, avec ses reconduites à la frontière de gamins qui ne demandaient rien de plus que de terminer leur scolarité, mais enfin…), dès que l'on tourne un instant la tête ailleurs, il trouve le moyen de se rappeler à notre bon souvenir. Cette fois-ci, c'est à propos du droit de grève qu'il veut associer, dans les 8 jours, d'un vote à bulletin secret pour en finir avec ce qu'il appelle la dictature des minorités. Il a prononcé ces fortes phrases devant les patrons du MEDEF, ce qui fait sourire. Où sont les patrons qui ont connu ces vingt dernières années des grèves de plus d'une semaine? Ceux qui avaient mis la clef sous le paillasson, et ceux là seulement. Pour le reste les organisations syndicales du privé ont depuis longtemps abandonné la grève comme moyen de pression sur les directions. Parce qu'elles savent qu'il est difficile de l'organiser en période de chômage massif avec des personnels dont on peut facilement se séparer. Parce qu'elles savent également qu'elles peuvent revendiquer de bien d'autres manières (il suffit d'interroger n'importe quel DRH pour savoir que les syndicats n'ont pas besoin de se mettre en grève pour le mettre en rogne).
Même dans la fonction publique, plus habituée des arrêts de travail, les grèves qui durent plus de 8 jours sont rares. Combien l'année dernière? Il faut revenir à 1995 pour en retrouver de vraiment longues (je me trompe peut-être, mais…). Moralité : ce sont des mots en l'air, une manière de s'attirer les bonnes graces d'une clientèle qui lui est acquise et qui crie d'autant plus fort contre les grèves qu'ils en ont peu dans leurs établissements.
Un peu de démagogie, rien de plus. Mais on est en campagne électorale…
Même dans la fonction publique, plus habituée des arrêts de travail, les grèves qui durent plus de 8 jours sont rares. Combien l'année dernière? Il faut revenir à 1995 pour en retrouver de vraiment longues (je me trompe peut-être, mais…). Moralité : ce sont des mots en l'air, une manière de s'attirer les bonnes graces d'une clientèle qui lui est acquise et qui crie d'autant plus fort contre les grèves qu'ils en ont peu dans leurs établissements.
Un peu de démagogie, rien de plus. Mais on est en campagne électorale…
Inscription à :
Articles (Atom)