Ségolène Royal a organisé sur son site internet, Désir d'avenir, un débat sur l'immigration, brouillon comme sont souvent ces débats, mais intéressant. Il montre notamment que l'opinion est plus riche, plus diversifiée, plus généreuse aussi, que ne le disent les sondages et les politiques qui s'en inspirent (c'est l'un des bénéfices de ces débats en ligne de nous montrer que nous sommes plus compliqués, nuancés, hésitants, audacieux… que ne le suggèrent les experts en opinions).
L'objectif de ces débats est de l'aider à construire son programme pour les présidentielles. L'idée est excellente, encore faut-il la suivre. Ce qui n'est pas forcément ce qu'elle fait si j'en juge par les propos qu'elle a tenus le 19 septembre sur LCI à Christophe Barbier : "Le chiffre de sans-papiers régularisés pose un problème de crédibilité de la parole de l'Etat. Bizarrement, le chiffre des régularisés correspond aux chiffres annoncés à l'avance par le ministère de l'Intérieur. Il y a un mensonge public, puisque Nicolas Sarkozy avait annoncé une régularisation au cas par cas en examinant les cas individuels et comme par hasard, il aboutit au résultat qu’il avait affiché avant.
Il faut avoir dans ce domaine (celui des régularisations) des attitudes responsables, appliquer des critères. Nicolas Sarkozy en est sa troisième loi. Il a cassé le seul outil de régularisation en continu, c’est-à-dire la carte de 10 ans qui permettait avant de régulariser tranquillement chaque année 2000 ou 3 000 étrangers qui participaient à l’économie de notre pays. En cassant cet outil, Sarkozy a créé la situation actuelle. L’Etat français doit, c’est sa responsabilité, établir des règles claires et ensuite les appliquer. Dans le domaine de l’accueil des étrangers, il faut tenir les deux bouts de façon équilibrée, c’est à dire respecter les étrangers qui sont ici en situation régulière, les loger correctement, les respecter dans leur travail, ne pas tenir des propos xénophobes à leur encontre, c’est-à-dire ne pas faire l’amalgame entre tous les étrangers en France. Ensuite c’est fixer des règles claires. La solution, comme dans tous les pays d’Europe, c’est la régularisation au long cours des étrangers.
J’ai proposé des visas aller retour, qui permettent aux étrangers de venir pour des activités saisonnières ou autres de façon régulière et de pouvoir rentrer en toute sécurité dans leur pays. L’idée ce n’est pas de revenir sur le droit au regroupement familial, C’est une solution gagnant-gagnant. Gagnant pour le travailleur étranger qui n’a pas forcément envie de se déraciner. Et gagnant pour l’économie française.”.
On est évidemment très loin de la démagogie de Nicolas Sarkozy, mais très loin également de ce que l'on pourrait attendre d'une candidate qui a choisi de mettre de l'air frais dans nos débats politiques.
On aimerait qu'elle aborde la question de fond : celle des migrations dont l'immigration n'est que l'un des aspects, qu'elle nous explique pourquoi fermer nos frontières est non seulement irréaliste, inefficace mais absurde, qu'elle nous dise comment elle compte non pas interdire ou bloquer, mais :
- ce qu'elle compte faire pour réguler les flux d'entrée et de sortie (réguler ne voulant pas dire interdire, mais plutôt organiser, comme on organise une queue dans une administration pour éviter les bousculades),
- quelles mesures elle pense prendre pour faciliter les aller-retour des immigrés (question centrale : les immigrés qui sont entrés ne peuvent pas repartir même lorsqu'ils le souhaitent de crainte de ne pouvoir revenir). Son projet de visa aller-retour est un premier pas dans cette direction, mais il faut aller plus loin,
- quels dispositifs elle imagine (ou, plus modestement, quelle procédure elle compte prendre pour trouver des solutions) pour protéger les droits des travailleurs migrants, qu'il s'agisse des immigrés qui viennent chez nous ou des Français qui s'installent à l'étranger.
On aimerait, enfin, qu'elle construise un discours positif sur l'immigration (discours étrangement absent de son intervention), qu'elle explique que nous avons changé de monde, que nous vivons dans un monde ouvert où chacun de nous peut être appelé à migrer, revenir, repartir, que c'est le quotidien de nos enfants, de tous nos enfants, que les marchés du travail se sont eux aussi globalisés et que plutôt que de tenter de fermer nos frontières, on devrait les ouvrir.
Encore un (gros) effort, Ségolène!
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