mercredi, octobre 18, 2006

Le débat

Alors ce débat?

Première remarque : il n'était pas une seconde ennuyeux. Cela était un risque, mais les intervenants et les journalistes et l'ont mené de telle manière que l'on est resté attentif jusqu'au bout.

Seconde remarque. Malgré leurs ressemblances (même génération, même formation, même appartenance politique, même programme à respecter), les trois candidats ont su marquer leurs différences tant dans le fond que dans la forme et la méthode.

Sur la forme, d'abord : Ségolène Royal a certainement été la plus incisive, la seule à entrer directement dans le vif du sujet sans faire de commentaire sur l'exercice, la seule à ne citer ses concurrents qu'au tout dernier moment, presque avec réticence. Sur le plan de la courtoisie, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn l'ont emporté haut la main, mais Ségolène Royal est la seule qui ait tenté, en fin d'émission, une pointe d'humour, signe sans doute d'un soulagement.

Toujours sur la forme : Fabius est certainement celui qui maîtrise le mieux, et avec le plus d'élégance, la langue française. Il est précis, ses phrases sont bien construites, il ne bafouille pas (comme l'a fait deux ou trois fois DSK). Ségolène Royal est, sur ce plan là, loin derrière les deux autres (comment peut-on sortir de l'ENA et maîtriser aussi mal l'expression parlée?) et ses explications ont paru à une ou deux reprises embarassées (je pense notamment à tout ce qu'elle a dit de la valeur ajoutée qui sentait la récitation de fiche préparée par ses collaborateurs).

Venons-en maintenant au fond. On a beaucoup dit que ce débat était à haut risque pour Ségolène Royal. Elle s'en est bien sortie. On attendait DSK sur les questions économiques. Il a été brillant lorsqu'il a parlé de la dette, mais pour le reste, il a déçu. Trop général, trop dans le flou et le vague. Ses tentatives répétées de mettre le changement en perspective, de convier dans la discussion le futur, les tendances profondes de la sociétéé sont toutes tombées à plat. Laurent Fabius a été des trois le plus précis, mais c'est aussi celui dont les propositions paraissaient le plus vieillies (augmentation du Smic sans réflexion sur son impact sur les autres salaires, réflexion que l'on trouvait chez ses deux concurrents). Fabius est le seul à avoir longuement et à plusieurs reprises parlé de l'Europe. Il a eu raison de mettre en avant cette dimension, mais était-il le mieux placé pour le faire? Comment ne pas s'interroger sur son "non" à la constitution européenne? Essayait-il de séduire ceux qui ne lui ont pas pardonné cette trahison? Il n'a sans doute fait que la leur rappeler.

Quant à Ségolène Royal, concrète et pragmatique, elle a montré de véritables qualités. Mal à l'aise dans l'exposé général, elle a marqué des points chaque fois qu'elle s'est appuyée sur son expérience du terrain : 35 heures, délocalisations, bureaucratie, dépendance… On sentait qu'elle était, au quotidien, confrontée à ces questions et qu'elle s'était attachée à les résoudre. Aux promesses de ses deux concurrents, elle opposait sa pratique quotidienne. Sans doute est-ce ce qui fait sa popularité.

Si proches et, cependant, si différents… Ce sont des personnalités, des manières d'aborder la politique qui se sont révélées dans ce débat. Plus proche du concret chez Ségolène Royal, plus sensible aux rapports de force à gauche chez Laurent Fabius, plus attentif aux évolutions profondes de notre société chez DSK.

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