Avoir des opinions est l'un des éléments du bien-être, affirmait il y a une quinzaine d'années, l'économiste A.O.Hirshman. Les blogs sont une bonne manière d'afficher ses opinions mais aussi, et peut-être même surtout, de les construire. C'est ce qui m'a donné envie de tenir celui-ci
jeudi, décembre 31, 2009
Taxe carbone ; le Conseil Constitutionnel a bien fait
Cet impôt était critiquable pour deux raisons majeures :
- il aurait été inefficace, ce qu'Art Goldhammer reconnait,
- il aurait été injuste puisqu'il aurait d'abord sanctionné ceux qui n'ont d'autres solutions que le transport automobile et le chauffage au fuel, c'est-à-dire ceux qui habitent en banlieue loin des centre-villes.
On sait depuis très longtemps que les dépenses de carburant et de chauffage sont peu sensibles au prix : les gens qui ont besoin de se déplacer et de se chauffer continuent de le faire. Un impôt ne fera, dans ces conditions, qu'appauvrir les plus pauvres.
Si l'on veut effectivement réduire les consommations et modifier les comportements, il faut proposer des alternatives à nos modes de consommation, des transports en commun, des véhicules plus économes et, surtout, un urbanisme mieux adapté à la nouvelle donne. Or, la taxe carbone ne permet rien de tout cela. C'est pourquoi on peut, on doit la critiquer. La lutte contre le réchauffement climatique passe beaucoup plus dans nos pays par une refonte des politiques d'occupation des sols que par une augmentation des prix déjà très élevés des produits pétroliers. Et tout cela, je le précise, n'a rien à voir avec l'opposition à Nicolas Sarkozy.
PS J'ai été dés les premiers jours hostile à cette taxe, et pour des motifs qui n'ont que peu à voir avec une quelconque animosité à l'égard de Nicolas Sarkozy, ce que j'ai expliqué dans cette chronique de septembre dernier.
PS bis Bonne année Art et longue vie à votre blog!
mercredi, décembre 30, 2009
Identité nationale : le point de vue d'Aristote
Dans son Traité de politique, Aristote consacre un chapitre (III, 3) à l'identité de la cité et deux autres au concept de citoyen (qui l'est, qui ne l'est pas? chap. 1 et 2 du même livre III), deux questions qu'il lie explicitement.
On y trouve des formulations voisines de ce que l'on peut entendre dans les débats organisés par Eric Besson : "sur le citoyen aussi il y a une controverse, puisque tout le monde n'est pas d'accord pour dire du même individu qu'il est citoyen; tel, en effet, qui est citoyen dans une démocratie souvent dans une oligarchie ne sera pas citoyen." (1274 - b, 40).
Il aborde la question centrale quoique non-dite de ces débats qui n'est pas l'immigration mais la citoyenneté des enfants nés en France de parents immigrés. Car, c'est bien à cela que reviennent tous les discours sur l'Islam, la racaille des banlieues et les casquettes à l'envers : ces jeunes gens nés en France de parents (ou de grands-parents) nés à l'étranger peuvent-ils vraiment être Français? "Dans la pratique, écrit-il, on définit un citoyen celui qui est né de deux citoyens et non pas d'un seul, père ou mère; mais il y en a qui demandent plus, par exemple deux aïeux ou trois au plus. Mais à ceux qui posent cette définition politique brute certains objectent : ce troisième ou quatrième aïeul de quel droit sera-t-il citoyen?" Traduit en français moderne : qu'est-ce qui autorise des gens qui sont Français depuis six ou sept générations à contester le droit de l'être à ceux qui ne le sont que depuis une génération?
Toute la difficulté revient, explique-t-il, à savoir si l'on peut être injustement citoyen? Réponse : bien sûr que non. La preuve : il y a de mauvais magistrat (élus, jurés) et jamais on ne s'interroge sur leur appartenance à la cité. Ces jeunes gens qui mettent leur casquette à l'envers, ces jeunes filles qui portent un voile ne respectent peut-être pas les règles usuelles de comportement dans l'espace pubic, mais ils sont citoyens au même titre que n'importe qui d'autre.
Cette discussion sur la citoyenneté en amène, chez Aristote comme chez nous, une autre sur ce qu'est la cité (la nation, en vocabulaire contemporain). On retrouve dans ses propos des questions voisines de celles qui ont agité la classe politique il y a quelques années : fallait-il nous excuser pour les fautes commises par Vichy (thèse de Chirac qui l'a amené à affirmer la complicité de l'état français)? ou, au contraire, refuser de le faire au motif que la République n'a rien à voir avec l'Etat français de Pétain (thèse de Mitterrand)? "Certains, nous dit Aristote, sont d'avis qu'il ne faut pas honorer les contrats du fait que ce n'est pas la cité qui les a passés mais le tyran." Ce qui le conduit à cette question qui nous ramène au débat sur l'identité nationale : "d'après quel critère faut-il dire que la cité est la même ou n'est pas la même mais une autre?"
Ce n'est en tout cas pas "du fait de ses murailles, car on pourrait entourer le Péloponnèse d'une muraille sans en faire pour autant une cité." Ce ne sont pas nos frontières qui font l'identité. Ce n'est pas non plus la race ni la population puisque celle-ci change en permanence (les individus naissent et meurent). C'est la constitution, son organisation qui assurent l'identité de la société. Mais ces constitutions peuvent évoluer, changer.
En changeant de régime en 1940, la France a plus sûrement saccagé son identité qu'en accueillant des étrangers, polonais, espagnols ou italiens. Les débats actuels pourraient nous faire croire le contraire.
Chine : Savoir dire non
A ne rien dire, on prend tout simplement le risque de laisser la Chine en prendre chaque jour un peu plus à son aise à nos dépens.
mardi, décembre 22, 2009
Le Figaro a aussi des lecteurs antisémites
lundi, décembre 21, 2009
Echec de Copenhague : une chance pour Sarkozy?
Il pourrait, notamment, pousser à l'instauration de taxes, tarifs et mesures discriminatoires aux frontières de l'Europe à l'égard des produits industriels dont l'empreinte écologique serait trop médiocre. Cela irait contre les règles de l'OMC, mais qui pourrait lui en vouloir :
- de frapper ceux (les Chinois, mais aussi les Américains) qui ont le plus freiné à Copenhague,
- de prendre des mesures protectionnistes susceptibles de protéger l'industrie française (et l'agriculture : hier dans une grande surface de province, j'ai trouvé des haricots blancs venant de Chine à coté de lentilles cultivées en Argentine!)?
Cela lui serait d'autant plus facile que les affaires étrangères sont le domaine par excellence des Présidents français pour des motifs institutionnels : c'est leur chasse gardée, ils ne sont pas, comme les Présidents américains, entravés par le Parlement. Indépendamment de leurs qualités personnelles, cette liberté explique pour beaucoup le poids qu'ils ont dans les affaires internationales.
Des mesures de ce type lui vaudraient une large sympathie allant des protectionnistes classiques, à la FN, aux écologistes. De quoi reconstruire une popularité un peu comme sut faire Chirac avec l'Irak.
samedi, décembre 12, 2009
Clip des jeunes UMP : le corps en politique
Il est vrai que j'ai une double excuse, tout cela a été conçu de manière quasi subliminale et le premier réflexe est de regarder nos ministres dans leur corps. Trois seulement s'en sortent à peu près bien, Nadine Morano, la seule qui ne soit pas ridicule, dont on comprend que c'est la culture, Jean-Pierre Raffarin qui s'est sans doute souvenu qu'il a chanté dans sa jeunesse dans un orchestre rock, et Valérie Pécresse qui a dû être cheftaine d'une troupe scout. Pour les autres, c'est une catastrophe alors même qu'ils sont souvent plutôt bons à la télévision (ou, en tout cas, pas si mauvais).
Au delà de ce qu'il a de ridicule et de consternant, ce clip révèle sans doute la place nouvelle prise par le corps en politique. On se souvient du pas de coté de Nicolas Sarkozy lors d'un jogging, de ses gestes pour s'approprier la popularité de Dany Boon lors d'une remise de médaille. Autant de gestes qui en disaient autant sur sa personnalité que ses mots. Le cas de Raffarin est intéressant : ce Monsieur Prudhomme sait bouger, il a appris dans sa jeunesse, à l'inverse d'Eric Woerth. L'attitude de Christine Lagarde est elle aussi intéressante : on devine dans ses gestes, dans sa maladresse, une difficulté à aller vers les autres, à prendre le rythme, à être à l'aise avec les autres. Ce n'est pas une politique.
Ce n'est pas tout à fait une première, mais c'est une expérience intéressante qui devrait, au delà de la consternation, enseigner aux politiques que leur corps parle aussi et en dit souvent autant sur eux que de longues phrases. Et qu'en ces temps de médias omniprésents, ils ne peuvent plus le cacher.
vendredi, décembre 11, 2009
Un clip… consternant
Mais au delà de cette déficience lexicale, que penser de ministres s'essayant à cet étrange jeu. Qu'ils sont ridicules? C'est l'évidence. Qu'ils en souffrent? C'est probable. Comment imaginer que Christine Lagarde ait pu prendre plaisir à cet exercice qui la rend grotesque et, plus encore, la révèle telle qu'en elle même : formidablement coincée?
J'en retiendrai pour ma part autre chose : ce genre d'exercice est assez fréquent dans les séminaires qu'organisent les grandes entreprises. Chacun s'y sent un peu ridicule, surtout qui a passé l'âge de prendre plaisir aux soirées du Club Med, mais on s'y prête, par complaisance, parce qu'il parait que cela fait branché, dans le coup. Et on l'oublie aussitôt. Cela ne sort pas des caméscopes des participants.
Que des ministres, et non des moindres, aient accepté de jouer ce jeu consternant pour un clip appelé à être diffusé largement suggère qu'ils ne font plus tellement la différence entre ce qui peut passer lorsque l'on est entre soi (entre militants UMP) et ce que l'on doit aux Français que l'on prétend représenter. Cette absence de respect de soi et, donc, des autres est tout simplement consternant.
mercredi, décembre 09, 2009
Le dernier papier de Guaino?
Cet article sensé réagir aux dérapages répétés des débats sur l'identité nationale est l'exemple même de la mauvaise dissertation : platitude sur truisme, idée générale inconsistante, sujet pas traité On ne sait d'ailleurs meme pas de quoi son auteur parle : des minarets? de la Suisse? de l'Islam? de la tolérance? C'est tellement filandreux et mou que l'on n'a meme pas envie de critiquer.
Ce ratage n'est évidemment pas un hasard. Le gouvernement a ouvert avec ces débats une boite à Pandore et la votation suisse l'a un peu plus encore mis dans l'embarras. Il ne sait comment s'en sortir sans, d'un coté, désespérer ces électeurs de la droite profonde qu'il veut séduire ni, de l'autre, se couper complètement de ces électeurs musulmans qui ne sont probablement pas moins nombreux. La difficulté est d'autant plus réelle que Nicolas Sarkozy est l'un des premiers politiques à avoir vraiment pris la mesure de la diversité de la société française et à en avoir tiré des conséquences positives. Mais il arrive qu'à vouloir être trop habile on se prenne les pieds dans le tapis.
dimanche, décembre 06, 2009
Pascal Dumay et l'incontinence
Ce qui me surprend le plus c'est l'attitude de Pascal Dumay s'il est avéré qu'il a consulté et fait circuler des images pédo-pornographiques. Il n'est certainement pas sans savoir que cela suscite une formidable réprobation dans notre société, il sait également qu'il occupe un poste relativement sensible et cependant il continue. On est en plein dans ce qu'Aristote appelait l'incontinence (akrasia) ou faiblesse de la volonté que des philosophes comme Donald Davidson, Amélie Rorty ou Richard Holton, entre bien d'autres, ont cherché à comprendre. Je n'entrerai pas ici dans le détail des analyses des uns et des autres dont on peut trouver un aperçu sur Wikipedia, je voudrais seulement souligner la force des passions, du désir lorsqu'ils sont confrontés à la rationalité et combien, malgré tous nos efforts, ils peuvent nous entraîner à faire le contraire de ce que nous jugeons, par ailleurs, juste et bon.
J'ajouterai, enfin, que grâce à Internet on peut facilement avoir des portraits de Pascal Dumay et que rien, mais vraiment rien sur son visage n'annonce le pervers (on peut également y découvrir que ce pianiste que la presse nous présente comme un grand interprète a quitté le monde de l'interprétation il y a plus de vingt ans pour devenir un fonctionnaire de la musique, mais c'est autre chose). Un mystère, donc. Ou plutôt un fait avec lequel il faut vivre.
L'opposition dans les médias audiovisuels
Le phénomène n'est pas propre à la France. Mais il a pris chez nous une tournure particulière du fait de la révérence traditionnelle de nos journalistes audiovisuels à l'égard du pouvoir en place.
A quoi est-ce que cela tient? Sans doute à l'effet internet. Les journalistes sont en compétition avec tous ceux qui s'expriment sur ce nouveau média en toute liberté, sans le moindre contrôle. La liberté sur internet les a sans doute désinhibés et incités à multiplier les décryptages et à faire preuve de plus d'audace.
vendredi, décembre 04, 2009
Les effets inattendus du débat sur l'identité nationale
En donnant un espace à l'expression de toutes les xénophobies, il a fait sortir le Front National du trou dans lequel il était. Plusieurs sondages indiquent qu'il remonte dans les intentions de vote pour les régionales au point de rendre difficile voire impossible la reconquête de régions par la droite. On l'avait oublié, la droite l'a remis en selle en reprenant une de ses thématiques préférées.
De l'autre, cette même confusion de l'identité nationale et de la lutte contre l'immigration a requinqué la gauche, lui a donné l'occasion d'afficher ses valeurs, ce qu'a fait Martine Aubry dans son discours d'il y a quelques jours en parlant de la France qu'elle aime. Des valeurs que toute la gauche partage et sur lesquelles il n'y a pas de débat son sein.
mardi, décembre 01, 2009
Le site de Besson, publication raciste?
domi83
30/11/09 à 13:20
Etre Français, c’est se sentir bien dans son pays, sans crainte, ni peur. Etre fier de la France, de nos magnifiques régions, d’attirer tant de touristes. Mais ce qui me peine beaucoup, et je ne suis plus fière d’être française, c’est d’attirer tous ces étrangers qui profitent du social, ces gens là ne travaillent pas !! ils vivent grace aux allocations familiales et autres aides diverses, que nous propres français, nous n’y avons pas droit car nous travaillons. Je paye un impôt social pour la sécu et les services sociaux, mais j’en ai franchement MARRE de devoir travailler et d’être prise pour une vache à lait. QUELLE DEVIENT MOCHE LA FRANCE, J’AI HONTE POUR ELLE ET J’AI HONTE D’ETRE FRANCAISE !! Voilà ma bien triste opinion de la France. QUEL GACHIS
valynette
30/11/09 à 13:14
aux armes citoyens
Regarder ce qui vient de se passer en suisse ! eux au moins le courage de leurs opignons a savoir non aux mosquées et au signe instantatoires de tous ordres. On cri haro sur eux je crois qu’illes s’en fissent comme de l’an 40. Auront nous le même courage et surtout nos politiqes je ne crois pas et pourtant -de 1% de la population suisse est magrébine alors que dire chez nous ou dans certains quartiers on se sent en minorité et ou en permanence l’insulte de ces gens nous sert de garde robes et ou le voile la robe noire et la totla sont aujourd’hui courant (dans ma ville doit se trouver les 2200 emballages complets que soit disant il y a en france).
Pour eux la France n’est qu’un tiroir caisse pu l’on pratique le holdop permanent.
Sur le protectionnisme
- que la mondialisation peut être synonyme de constitution de monopoles mondiaux et donc de réduction de la concurrence,
- que le sentiment protectionniste n'est pas inconnu aux Etats-Unis : "We cannot continue to create jobs in China and subtract jobs in the U.S. The next new wave of technology must create jobs here at home" dit un lecteur de Paul Krugman,
- que la protection de l'environnement pourrait passer pour une manière acceptable de faire passer la pilule : " We can trade with them, but only if they abide by the same production rules that we do; otherwise, we become China," dit un autre.
Minarets : Bertrand se trompe
Tout cela me rappelle cette bourgeoisie bien pensante qui n'est pas antisémite mais qui ne manque jamais l'occasion d'une allusion à la puissance des juifs, à leur goût de l'argent… cette même bourgeoisie qui pense comme Bernanos que le premier tort d'Hitler est d'avoir rendu les antisémites infréquentables (cet écrivain par ailleurs très estimable disait également : "Je ne suis ni antijuif, ni antisémite, mais j'ai toujours cru qu'il y a un problème juif"). Le Figaro, qui n'en manque pas une, en fait son titre ce matin et lancé un sondage sur internet (Faut-il interdire la construction de minarets en France?) avec, lorsque je l'ai consulté, un résultat attendu : 77% des internautes ont répondu par l'affirmative. Tout cela est, bien sûr, très déplaisant. Et stupide.
L'objectif est, bien sûr de rameuter les électeurs du Front National que la politique de Nicolas Sarkozy a éloignés de la majorité. Tout comme les mesures prises contre l'immigration clandestine ou ces débats absurdes sur l'identité nationale. Mais cela repose, je crois, sur une formidable erreur politique. A l'inverse de ce que l'on a si souvent dit, l'électorat du Front National est composite. Il est formé pour une part de gens d'extrême-droite, racistes, antisémites… et pour une autre d'électeurs issus des classes populaires qui ne sont pas spécialement racistes, qui ne le sont en tout cas ni de manière systématique ni de manière idéologique. Ils vivent, plus que la bourgeoisie et les classes moyennes, dans une société mixte et s'en accommodent très bien. S'ils ont voté pour le Front National, c'est qu'il a longtemps été le seul parti à soutenir une politique protectionniste. C'est cela qu'ils appréciaient chez lui et qu'ils ne trouvaient pas ailleurs, ni à gauche ni à droite. Ce n'est pas en agitant l'immigration clandestine ou les minarets que la droite regagnera leurs voix. Ce serait en prenant des mesures protectionnistes ou, à défaut, en développant un discours de ce type. Mais… c'est ce qu'elle ne peut pas faire car ce serait se mettre à dos le Medef et risquer de perdre tous ceux qui dans son électorat profitent ou s'accommodent de la mondialisation, du libre-échange et de l'ouverture des frontières.
jeudi, novembre 26, 2009
L'immigration : un chiffon plus très rouge
Il y a cependant de fortes chances que cela ne lui serve pas à grand chose. Pour trois motifs :
- la société française d'aujourd'hui n'est plus celle d'il y a quinze ans. Elle a changé dans ses profondeurs, elle a beaucoup évolué sur ces sujets et accepté l'idée que nous étions une société diverse, métisse. L'un des effets inattendus du débat sur l'identité nationale aura été le coming out de tous ces enfants d'immigrés (espagnols, italiens, polonais, algériens…) qui révèlent une ascendance dont ils ne parlaient à peu près jamais. Ce qui relevait du privé, de l'intime est en passe de devenir public, et ceci dans tous les milieux ;
- ces évolutions sont sans doute plus marquées dans les classes populaires que dans les classes moyennes. Tout simplement parce qu'elles vivent plus massivement cette diversité. C'est dans les classes populaires que le métissage se fait le plus naturellement, le plus simplement ;
- le discours de la droite est paradoxal, contradictoire. Nicolas Sarkozy et quelques autres autour de lui, comme Coppé ont compris que la société française a profondément évolué sur ces sujets. Ils en ont d'ailleurs tiré les conséquences en aidant notamment des personnes issues de l'immigration à faire carrière dans la politique. Comment peuvent-ils être pris au sérieux lorsqu'ils tentent de stigmatiser la population issue de l'immigration?
Copenhague : il faut aider le soldat Obama
Le plus grave est qu'il est sans doute au plus loin de ce qu'il peut faire tant ses marges de manoeuvre sont réduites : l'opinion américaine est infiniment moins convaincue que l'opinion européenne de la nécessité d'agir, le parlement est travaillé au corps par des lobbies pétroliers dont nous ne mesurons pas ici la puissance, sa volonté de faire avancer ses projets sur l'assurance maladie l'obligent à des concessions avec les élus les plus conservateurs, l'explosion du chômage rend difficile toute concession qui ne soit pas cosmétique. Les chances qu'il avance plus sur ce dossier sont pour toutes ces raisons très minimes. Sauf si l'Europe en pointe sur ce dossier trouve le moyen de l'aider. Mais comment faire?
Utiliser le rapport de force? Il faudrait que l'Europe soit capable de convaincre les pays émergents et les pays en développement de se battre sur ce dossier et de pousser l'Amérique dans un coin. Mais cela parait difficile.
Agiter l'arme du protectionisme, mettre des taxes élevées sur les produits dont l'empreinte écologique est trop mauvaise? C'est difficile et dangereux, même si l'exemple des OGM montre que l'Europe lorsqu'elle est soutenue par son opinion sait marquer des points.
Reste une piste : battre les Américains à leur propre jeu.
On sait qu'ils ont plus que les Européens confiance dans le marché et dans la technologie. Si l'Europe prenait une avance réelle en matière de technologies environnementales, si elle finançait massivement des travaux de recherche dans ce domaine, elle pourrait inciter les autorités américaines à faire des efforts pour éviter que ses industriels ne prennent trop de retard. Il faudrait, au fond, retourner contre les Américains la stratégie du bouclier anti-missile qui a si bien réussi à Reagan contre l'URSS. Pas pour les vaincre et les ruiner, pour les forcer à se lancer dans l'aventure.
Que se passerait-il si à Copenhague, les Européens arrivaient avec un plan de financement très massif des technologies environnementales? Que feraient les Chinois? Resteraient-ils les bras croisés? Et si les Chinois et les Indiens s'y mettaient vraiment, que feraient les Américains? Créer une concurrence internationale sur les technologies environnementales serait sans doute la meilleure manière de les inciter à se lancer dans la bataille contre le réchauffement climatique. Mais en avons nous les moyens?
mercredi, novembre 18, 2009
Le CNRS publie plus que l'Académie des sciences de Chine et que Harvard
Je ne sais pas comment interpréter ces résultats, ni si les comparaisons avec les universités américaines ont beaucoup de sens (Harvard + l'université de Californie + Ann Arbor publient plus que le CNRS. Paris VI, la première université française n'arrive qu'en 71ème position) mais ils invitent à revisiter les remarques récurrentes sur les chercheurs qui ne travaillent pas, sur la bureaucratie au CNRS (ou à l'INSERM classé en 14ème position) ou sur la méfiance des chercheurs français à l'égard de la mesure de leurs efforts par le nombre de publications…
Le soleil nous boude, mais il brille à l'étranger
Ce grand écart entre des difficultés récurrentes à l'intérieur et des succès à l'extérieur est, me semble-t-il, une particularité française qui tient probablement à ce que la politique étrangère y fait moins débat chez nous qu'ailleurs. Cela tient sans doute à une tradition d'indépendance nationale qui unit gauche et droite dans la volonté de se démarquer des Etats-Unis, dans la volonté partagée par tous, à gauche comme à droite, de maintenir un certain rang dans le monde, ce qui suppose ouverture aux problèmes des autres et activisme diplomatique, dans un pacifisme de façade (de façade puisque nos soldats se battent depuis longtemps un peu partout) qui évite les aventures trop risquées. Cela tient aussi à des institutions qui font des affaires étrangères un domaine réservé que le Président peut labourer comme il l'entend sans l'obligation de s'expliquer devant les parlementaires.
Le tout rend cette politique relativement efficace : le Président sait qu'il peut compter sur l'opinion et cela renforce ses positions dans les négociations avec ses partenaires. Tout le contraire des Présidents américains qui doivent en permanence négocier avec les parlementaires et une opinion tentée par le renfermement sur elle-même.
Et comme cette politique est assez efficace, elle produit des succés dont profitent des Présidents qui souffrent bien plus sur la scène nationale. Pas étonnant, dans ces conditions, qu'il leur arrive de préférer l'Arabie Saoudite au Congrès des maires.
Ségolène Royal : la bonne élève des médias
Elle fait cela d'autant mieux que chacun lui reconnaît une véritable intuition politique : que ce soit sur l'alliance avec le modem, la taxe carbone ou sur le passe contraception, elle sait toucher juste. Cela ne fait malheureusement ni une stratégie politique, ni un programme ni un projet.
Occuper l'espace médiatique avec talent, c'est bien, encore faudrait-il que cela ne se fasse pas aux dépens de sa prochaine candidature à la candidature. Parce qu'après tout : qui peut aujourd'hui dire que nous serions mieux gouvernée si elle était à l'Elysée? Alors même que c'est la seule idée qui pourrait lui en ouvrir les portes.
Si l'on était de ses proches, on lui recommanderait un peu de jeûne médiatique…
jeudi, novembre 12, 2009
De quelques nuances de l'anticapitalisme
Libé a publié il y a quelques jours un intéressant sondage de Viavoice sur l'éclatement de la gauche en plusieurs familles : social-libéral, anticapitaliste, écologiste, étatiste… Le fait marquant est, cette année, "l’installation massive de la galaxie antisystème écologiste", qui se nourrit de l’effritement des quatre familles identifiées dans les précédentes enquêtes. Ses membres placent l’environnement au cœur des politiques publiques mais se disent aussi "proches" à 95% des idées anticapitalistes.
Les écologistes sont donc anticapitalistes mais pas de la manière dont le sont les électeurs proches du NPA. La différence porte, bien sûr, sur les thèmes : ils se soucient plus de l'environnement que des questions sociales, même s'ils ne négligent pas celles-ci, mais pas seulement. Il me semble que leur anticapitalisme n'est pas de la même nature. Les anticapitalistes traditionnels à la NPA, disons pour simplifier les marxistes, critiquent le capitalisme, les entreprises capitalistes pour ce qu'elles sont et ce qu'elles font. Elles leur reprochent d'exploiter les salariés, de s'enrichir sur leur dos, de leur faire une vie impossible, de leur imposer des cadences infernales… Toutes critiques qu'il est facile de documenter. Il suffit de se promener dans quelques usines…
Les écologistes reprochent aux entreprises moins ce qu'elles font que ce qu'elles pourraient faire. Leurs critiques portent moins sur leurs actes que sur leur potentiel de nuisance. Nul ne sait si les antennes de téléphonie mobile sont un risque pour la santé, mais le fait même qu'elles puissent en présenter un suffit à militer pour leur interdiction et à condamner les entreprises qui les installent. Même chose avec les OGM, les déchets nucléaires (dont nul ne sait si nous saurons demain les traiter) ou le vaccin contre la grippe qui suscite aujourd'hui tant de méfiance : nul ne peut prouver qu'il est inutile ou inefficace (voire même dangereux), il suffit cependant qu'il soit produit par des laboratoires privés pour qu'on les soupçonne d'avoir fait passer dans cette affaire les intérêts de leurs actionnaires avant ceux de la collectivité. Les écologistes ne condamnent pas des actes (où sont les documents, les déclarations… qui montreraient que les laboratoires ont monté cette opération vaccin pour arrondir leurs fins de mois?) mais du possible. C'est toute la logique du principe de précaution.
Cette nuance dans l'anticapitalisme a probablement d'ores et déjà un impact sur les stratégies des uns et des autres. La cible n'est pas la même, ce ne sont plus les entreprises qui exploitent les ouvriers que visent les écologistes, mais l'Etat qui contrôle et délivre éventuellement les autorisations de commercialisation des produits. Ce ne sont plus les salariés victimes de l'exploitation qu'ils tentent de mobiliser mais les consommateurs et les citoyens. Il ne s'agit plus, comme chez les marxistes à la NPA, de militer pour une modification de la composition du capital des entreprises (introduction de l'Etat, des salariés dans le système de gouvernance…) mais d'exercer un contrôle fin sur les activités de l'entreprise (ses produits, ses technologies…).
Il ne suffit pas de se reconnaître dans l'anticapitalisme pour être d'accord sur tout.
Lettres à Aube
La campagne de vaccination commence
Sans doute en ira-t-il autrement lorsque la presse annoncera les premiers cas de grippe mortelle. Cette méfiance intrigue cependant. On peut y voir l'échec d'une campagne de publicité gouvernementale maladroite ou plus simplement victime de la communication tous azimuts d'un exécutif qui ne sait pas nous laisser une seconde en paix.
Mais on peut aussi y voir un signe de notre relation compliquée avec la technologie, de notre méfiance à son égard. Et, en ce sens, cet échec serait à rapprocher des batailles contre le nucléaire, les antennes de téléphonie mobile, les OGM. On retrouve effectivement chez les adversaires de la vaccination des arguments qui servent contre ces autres techniques : avidité des grands groupes industriels, faiblesse des controles réalisés par des laboratoires financés par l'industrie.
Mais on peut également y voir l'inverse, une sorte de lassitude de l'opinion à l'égard de toutes ces menaces qu'on nous annonce chaque matin : cette grippe vient après les déchets nucléaires, le réchauffement climatique, les effets pervers des OGM ou des antennes de téléphonies mobile… On y croit un petit peu, assez pour se faire peur dans nos conversations de bureau, mais pas suffisamment pour se protéger.
Entre les deux, je ne sais que choisir. Peut-être y a-t-il des deux.
vendredi, novembre 06, 2009
Eric Besson va-t-il gagner son pari?
On aimerait recommander à tous ceux qui entreprennent de s'interroger sur l'identité nationale de relire le Jean-Paul Sartre de la question juive. Ce n'est évidemment pas en nous regardant dans un miroir que nous trouverons notre identité, c'est en écoutant ce que les autres, ceux qui nous regardent de l'extérieur, ont à nous dire sur ce que nous sommes. Si traits communs il y a, seuls des regards étrangers peuvent le discerner. Nous en sommes incapables, sauf à penser qu'être Français se résume à quelques imbécilités jusqu'alors réservées aux supporters des clubs de foot et de rugby, genre Marseillaise, drapeau et coq gaulois.
Pour conclure, une anecdote. Je me trouvais il y a quelques années à l'aéroport de Séoul. A l'autre bout du grand hall où j'attendais mon avion, se trouvait un groupe d'une vingtaine de jeunes filles autour de deux bonnes soeurs. D'où j'étais, je ne pouvais pas distinguer leur visage, pas plus les entendre, juste voir leurs gestes, leurs mouvements. C'étaient incontestablement des Françaises. Par curiosité, je me suis rapproché. C'étaient effectivement des Françaises, mais toutes nées en Corée et amenées en France bébé parce qu'orphelines. Leur francité s'exprimait dans leurs manières de se tenir, de mettre la main sur la hanche, de se projeter dans la conversation vers leur interlocutrices, de rire…
lundi, novembre 02, 2009
Chirac, lui, n’a pas d’amis.
Les nouveaux habits du débat public
Tous ces débats ont les mêmes caractéristiques :
- on en connaît les conclusions avant même qu'ils aient débuté (il faut maintenir la poste dans le service public, la burqua n'est pas française, il faut chanter la marseillaise…),
- ils ont l'allure du débat démocratique, de cette démocratie participative dont parlait Ségolène Royal, mais en sont tout le contraire puisque n'y participent que ceux qui partagent les conclusions initiales de leurs organisateurs,
- ils ont pour objet de donner une certaine légitimité populaire à des décisions qui suscitent une forte opposition,
- ils valent moins par les propositions qui en sortent (elles sont déjà écrites) que par le nombre de ceux qui y ont participé. Eric Besson ne convaincra vraiment que s'il fait mieux que les organisateurs de la votation sur la poste.
L'organisation du débat sur l'identité nationale est en général interprétée comme une opération pour reconquérir les voix d'extrême-droite. Il est en ce sens à rapprocher des Etats généraux que veut organiser le ministre de l'industrie dont on sait déjà qu'ils recommanderont toute une série de mesures protectionnistes qui visent à satisfaire un électorat ouvrier victime des délocalisations (il fallait entendre l'autre soir Estrosi à la télévision répéter jusqu'à plus soif le mot "ouvrier" pour deviner la cible). Le souci tactique est évident. Mais on peut aussi y voir la volonté de légitimer une politique qui se heurte à une opposition qui a su prendre de nouvelles formes avec, notamment, les micro-mobilisations sur des cas concrets que le RESF (Réseau Education sans frontière) réussit très régulièrement. Disons le simplement : les politiques de reconduite à la frontière qui séduisent tant la droite de la droite ne passent pas dans l'opinion. L'objet du débat sur l'identité nationale est de leur donner la légitimité qui leur manque.
mardi, octobre 27, 2009
Ostracisme de masse : au tour de la génétique?
Hypothèse plausible. qui fait penser que ces propos s'inscrivent dans une vieille tradition de l'ostracisme de masse qui prend des visages différents selon les périodes mais ne disparait jamais complètement. Cette histoire est certainement très complexe, mais j'imagine que l'on pourrait la réduire a gros traits en ces quelques étapes :
- dans l'antiquité grecque, le climat fabriquait des barbares que l'on pouvait réduire en esclavage avec la meilleure conscience du monde (brutes lorsque nés dans des pays trop froids, mollassons lorsque nés dans des pays trop chauds il leur manquait la faculté délibératrice qui distinguait les grecs)) ;
- plus tard, le sang a permis à l'aristocratie de justifier ses privilèges et sa domination sur un peuple qui manquait justement de ce sang : "bon sang ne saurait mentir" ;
- au XVIIIème siècle, quand les peuples commencent à s'émanciper émerge la notion de race et, avec elle, le racisme qui autorise, au nom de la supériorité de la race blanche, massacres de masse et esclavage ;
- le nazisme a porte un coup mortel au racisme (ce qui ne veut pas dire qu'il ne subsiste pas, mais plus personne n'ose en faire une théorie positive). Le voilà donc remplacé par cette "théorie" des gênes qui permet tout à la fois de justifier les positions acquises (je l'ai dans les gênes), la transmission à ses enfants (ils ont les mêmes gênes) mais aussi de sélectionner au plus tôt (dès le plus jeune âge, à quand des analyses génétiques à la naissance) les individus susceptibles de devenir dangereux et de les traiter (emprisonner, castrer…) avant qu'ils ne passent à l'acte.
On remarquera que dans tous les cas (sauf peut-être dans celui de l'aristocratie) la science est convoquée pour justifier ce qui n'est qu'idéologie.
samedi, octobre 24, 2009
Dynasties politiques
Pareto, Mosca, Michels et tous les théoriciens de l'élitisme en ont, en leur temps, parlé. Trois jeunes économistes, Pedro & Ernesto Dal Bó et Jason Snyder, viennent de reprendre le dossier. Ils ont publié, il y a un peu plus de deux ans, un papier, Political dynasties, qui montre, à partir de données américaines, que ces dynasties sont fréquentes dans cette grande démocratie. On pense aux Bush, aux Kennedy, mais il n’y a pas qu’eux, loin s’en faut. Et ils s’interrogent sur les raisons de cela.
On peut avancer plusieurs hypothèses :
- la première est qu’il y aurait dans ces familles des gênes qui rendraient particulièrement aptes à l’exercice de responsabilités politiques. C’est une thèse qui nous était jusqu’à présent un peu étrangère et dont on a pu deviner l’émergence en France ces derniers jours. Il fallait lire les réactions de la presse, je ne parle même pas des politiques, au lendemain de la déclaration télévisée du jeune Jean pour voir combien l’idée était implicite dans de nombreux commentaires admiratifs : c’était "tel père tel fils…” à longueur de colonnes ;
- la seconde est le népotisme pur : la nomination d’un de ses enfants est une manière pour l’élu d’affirmer son pouvoir, de s’imposer face à ses adversaires politiques, c’est une marque de son pouvoir : “je suis élu, je fais ce que je veux” ;
- la troisième est que le pouvoir engendre le pouvoir.
Partant d'une analyse statistique sophistiquée Pedro et Ernesto Dal Bó et Jason Snyder retiennent cette dernière hypothèse : tout se passe comme si les élus construisaient au fil des années un capital, leur nom, leur réseau… qu’ils transmettent à leurs enfants. Plus quelqu’un a de pouvoir, plus il dure dans le pouvoir, plus il y a de chance qu’un de leurs enfants en hérite.
Ce phénomène dynastique choque nos sensibilités démocratiques. Ces trois auteurs montrent cependant qu'il a eu des effets inattendus. Il a notamment contribué à favoriser la montée en puissance des femmes dans la politique. Et, effectivement, beaucoup de femmes politiques sont des héritières. Comme Martine Aubry, Roselyne Bachelot qui a hérité de la circonscription de son père, Françoise de Panafieu, fille de François Missoffe et, bien sûr, Marine Le Pen. 31% des parlementaires femmes américains sont, d'après leurs calculs, des héritiers contre seulement 8% des hommes. Ce qui éclaire d’un jour un peu blême les progrès de la féminisation de la politique.
A l'inverse de ce que le cas Jean Sarkozy pourrait faire penser cela ne permet pas aux héritiers d’entrer dans la carrière plus jeune. Ce qui confirme que cette affaire est exceptionnelle et va bien au delà des pratiques ordinaires.
Ces trois auteurs montrent enfin, et ce n'est pas le moins surprenant, que la tradition dynastique, ce qu’ils appellent le biais dynastique, est plus forte dans le monde politique que dans la plupart des autres professions.
vendredi, octobre 23, 2009
Une faute politique majeure : la réforme de la taxe professionnelle
Cette réforme imaginée pour favoriser l'investissement industriel laisse, d'abord, de coté les professions libérales (les 700 000 travailleurs indépendants sous le régime des BNC) qui continueront de payer cette taxe. Médecins, infirmiers libéraux, experts-comptables, géomètres, kinésithérapeutes… il s'agit, pour l'essentiel d'électeurs de la droite qui pourraient très bien se venger lors des prochaines régionales.
Ensuite, et surtout, cette réforme suscite les plus extrêmes réserves (et ce n'est sans doute qu'un euphémisme!) chez les élus locaux, maires, conseillers généraux, régionaux qui savent mieux que quiconque que cette taxe représente 50% des recettes des collectivités territoriales.
L'Etat s'est, naturellement, engagé à compenser par transfert des impôts les recettes perdues Mais qui peut vraiment le croire? Une loi de finance promulguée en 1995 prévoyait de consacrer plus de 17,8 milliards de francs, soit 2, 8 milliards d’€ à la compensation de la taxe professionnelle. Dans la loi de finances pour 2009, cette compensation est passée à 582 millions d'euros, soit cinq fois moins.
Mais il n'y a pas que les montants, il y a aussi les affectations. Les élus territoriaux peuvent à bon droit craindre que l'Etat ne profite de ces transferts pour pousser ses projets qui ne sont pas forcément les leurs (zones franches, quartiers en difficulté…). En un mot, ils peuvent craindre de perdre une partie de leur liberté d'action.
Ils peuvent également craindre la perte d'un outil de négociation important. Lorsqu'une entreprise industrielle veut s'installer, il n'est pas rare qu'elle rencontre des oppositions de tous ceux qui craignent des nuisances. Les maires favorables à ces implantation pouvaient les défendre au nom de l'emploi et des recettes qu'elle pouvaient apporter ("avec la taxe professionnelle que va payer cette entreprise, nous allons pouvoir construire une piscine, réduire les impôts locaux…"). Ce sera impossible avec des transferts venus de l'Etat. D'où, probablement des problèmes d'aménagement du territoire pour les années à venir.
Sur le plan économique, cette réforme n'est pas plus convaincante. Elle repose sur l'idée que des entreprises moins imposées investiraient plus. Mais c'est mal comprendre le fonctionnement des entreprises qui :
- choisissent leurs investissements en fonction de leurs débouchés et non des taux d'imposition,
- savent parfaitement jouer des différentiels entre taux d'imposition. Faut-il le rappeler, dans un groupe international, il suffit de demander à la filiale installée dans un pays à imposition élevée de vendre à un prix faible à une filiale installée dans un pays avec peu d'impôt pour réduire ses bénéfices là où ils sont le plus imposés et les augmenter là où l'Etat est moins gourmand.
mercredi, octobre 21, 2009
"Les commentateurs, ils commentent…"
"Les commentateurs, ils commentent. Moi je suis du côté des acteurs, donc j'agis" (Nicolas Sarkozy à Saint-Dizier, le 20 octobre)
Phrase qui en dit long sur les ambitions de Nicolas Sarkozy : il aimerait rester dans l'histoire comme celui qui a agi, qui a transformé la société française.Mais il n'est pas sûr qu'il réussisse par la faute de la méthode qu'il a choisie.
On le sait, il est en permanence sur le front. C'est à lui qu'il revient d'annoncer toutes les réformes, il intervient sur tous les sujets au risque de lasser. Qui l'écoute encore? qui se souvient de ce qu'il nous disait la semaine dernière sur la jeunesse? sur la réforme des lycées? Ce zapping permanent laisse l'opinion désorientée, sceptique… Mais ce n'est pas le plus grave. A tout prendre à son compte, il retire à ses ministres le bénéfice de leurs efforts, il les démobilisent : pourquoi se donneraient-ils le mal de mener à bien n'importe laquelle de ses réformes dés lors qu'ils n'en tireront aucun bénéfice politique? Et comme cela n'avance pas, il intervient directement dans la gestion des ministères, prend des sanctions à l'égard des hauts fonctionnaires qui ne sont pas assez dociles (hier les préfets, demain qui d'autre?), au risque de rendre impossible toute action suivie. Une réforme, petite ou grande, bien ou mal acceptée de l'opinion, demande de la constance, un travail continu, de longue haleine or c'est ce dont il se prive, leur préférant de longs discours qui lui assurent un passage au journal de 20 heures et de textes soumis au Parlement dans la précipitation, au risque d'être inapplicables.
Peut-être devrait-il relire Henri Fayol qui dénonçait en 1920 dans un rapport d'une extrême férocité toutes les faiblesses de l'administration des PTT et de sa gestion par les politiques. Il y trouverait matière à réflexion. Ce rapport n'est pas à ma connaissance disponible sur internet mais on le trouve dans toutes les bonnes bibliothèques.
lundi, octobre 19, 2009
Petite leçon de vocabulaire
Dans un article du Times online sur cette affaire, Charles Bremmer, le correspondant parisien de ce journal, commente un papier du Monde sur le phénomène de cour. Il y parle de "courtiers", ce qui en anglais veut dire "courtisan". Le meme mot veut dire en français "intermédiaire", ce que l'on traduit en anglais par "middleman" ou par "broker". Voilà pour notre faux-ami.
"Courtier" vient manifestement du français "cour". Mais pourquoi diable les britanniques n'ont-il pas emprunté notre "courtisan"? Est-ce que le concept s'est développé dans les deux pays indépendamment? Cela valait bien une recherche dans quelques dictionnaires en ligne.
Le Merriam-Webster date "courtier" du 14ème siècle. Le trésor de la langue française ne donne pas d'occurrence du mot "courtier" antérieure au 19ème siècle, alors que le mot "courtisan" viendrait de "courtisien" (on se rapproche de l'anglais) mot utilisé au 14 ème siècle pour décrire les membres de la cour du pape Clément V. "Courtisan" serait apparu en français au XVème siècle dans un ordonnance de Louis XI.
Mais autre surprise, le féminin de "courtier" est en anglais "courtesan", ce qui est proche de notre "courtisan", alors que "courtisane", qui viendrait de l'italien "cortigiana", a pris chez nous très tôt, dès le 16ème siècle (chez Ronsard), le sens de femme galante.
Autre bizarrerie, les phénomènes de cour semblent être, si l'on en croit Wikipedia, un effet réservé à la France de Louis XIV et à quelques empires ou royaumes exotiques (la Chine, la Turquie…). Comme si la couronne britannique y avait échappé. L'article sur Ann Boleyn semble confirmer cette influence française : "Anne's education in France proved itself in later years, inspiring many new trends among the ladies and courtiers of England."
On s'y perd… délicieusement.
Pour terminer ces quelques vers de Banville, poète bien oublié que seuls les lexicographes lisent encore, que cite leTrésor de la langue française :
Oh! si quelqu'un lisait sous vos regards baissés
Tous les impurs désirs dont vous vous enlacez,
Courtisanes d'esprit, filles dont le corps chaste
Est comme un champ de fleurs que l'ouragan dévaste!
BANVILLE, Les Cariatides, Les Baisers de pierre, 1842, p. 55.
dimanche, octobre 18, 2009
Comme en Corée du Nord?
samedi, octobre 17, 2009
Sarkozy(s) : quand le grotesque le dispute à l'insupportable
Nous avions eu Isabelle Balkany parlant, à propos de ce jeune homme, du "meilleur d'entre nous." Eric Besson en remet une couche dans une interview donnée à Libération : "Ce garçon regorge de talents. Il va vite, très vite. Je prends date avec vous, s’il poursuit en politique, il ira très loin, il n'a pas besoin de grand monde pour le faire. Beaucoup de fées se sont penchées sur son berceau, je l’ai remarqué dès que j’ai fait sa connaissance.
Quand un joueur éclate sur un terrain de foot à 16 ou 17 ans, vous ne vous demandez pas s’il a tous les titres de noblesse, vous ne le laissez pas sur le banc de touche. Lui, son talent est éclatant au sens propre du terme. Je pense qu’il a des ambitions fortes et des atouts."
Et ce qui vaut pour le fils vaut également pour le père dont Jean-François Copé nous disait il y a quelques jours qu'il méritait plus le Nobel de la Paix qu'Obama!!
Réalisent-ils le ridicule de ce qu'ils disent? On ne fait pas pire en Corée du Nord, en Haïti, au Gabon, en Syrie… dans toutes ces dictatures où la violence du pouvoir est telle que l'on ne peut se maintenir en place qu'en léchant les bottes du chef suprême.
Mesurent-ils le mauvais tour qu'ils jouent à ceux qu'ils louent ainsi? Que le jeune Sarkozy soit fort, c'est indiscutable. Il suffit d'avoir vu son interview d'il y a quelques jours sur France 3 pour s'en convaincre. Mais faut-il le lui dire et le lui répéter au risque de casser ce qui pourrait devenir une belle machine politique?
Ont-ils donc à ce point perdu le sens commun qu'ils ne voient pas que ces propos choquent tous les bords, à gauche, bien sûr, mais aussi à droite. Qu'ils mettent, en les tenant, à mal l'un des principes fondateurs de notre société?
vendredi, octobre 16, 2009
Les publicitaires sont des imbéciles
Une enquête tout récemment réalisée en Allemagne dont les résultats viennent d'être publiés dans le Spiegel ("Geschmack dreht dich um") montre que j'avais raison de m'interroger. Un quart seulement des personnes interrogées (des Allemands censés mieux parler anglais que les Français) comprennent le sens des publicités. L'article cite notamment des publicités d'Opel (Explore the City limits) et de Youtube (Broadcast yourself). On aimerait avoir une étude comparable en France. Cela nous éviterait bien des lois inutiles et inappliquées.
PS Il y a quelques années, j'ai été amené à animer une réunion de responsables de sociétés informatiques sur l'externalisation de la production informatique que certains appelaient alors "outsourcing". Près de la moitié de la discussion a consisté à chercher à distinguer les deux concepts. De l'art de couper les cheveux en quatre…
mercredi, octobre 14, 2009
Pédophilie, l'invention d'une nouvelle norme
A la fin des années 70 et au tout début des années 80 apparaît, dans la foulée du mouvement de libération de l'homosexualité (l'homosexualité cesse d'être un délit en France en juillet 1982 avec la suppression de l'article 332-1 du code pénal) et de levée de la censure sur les production pornographiques (loi de 1975 sur le classement des films X qui lève en réalité toute censure), un mouvement qui tend à dédiaboliser la pédophilie. Quelques écrivains la banalisent dans des livres qui présentent les relations sexuelles entre adultes et enfants avec une certaine complaisance. C'est le cas de Tony Duvert (L'enfant au masculin), de Gabriel Matzneff, mais aussi de Guy Hocquenghem (Les petits garçons, livre qui retrace l'affaire du Coral). Un philosophe, René Schérer, publie un livre (Emile perverti ou des rapports entre l'éducation et la sexualité) qui dénonce l'exclusion du désir dans la relation enseignante. Des psychologues et des éducateurs mettent en avant l'autonomie des enfants.
C'est dans ce contexte que Daniel Cohn-Bendit fait les déclarations qui lui sont aujourd'hui reprochées. Mais il n'est pas le seul. On en trouve de similaires dans d'autres textes et déclarations contemporaines. Dans un livre interview publié en 1983, le psychologue canadien Roch Duval dit, pour s'en offusquer, "l'autre soir, j'ai vu et entendu à la télévision un psychologue reconnu défendre avec opiniâtreté la pédophilie ; il est allé jusqu'à affirmer le plus sérieusement du monde que même les tous jeunes enfants ont "le droit de vivre leur sexualité"." Pour ces éducateurs et psychologues, c'est la liberté des enfants qui est en cause.
Des organisations se mettent en place qui militent pour l'abaissement de la majorité sexuelle à 13 voire 11 ans. Ce faisant, ces organisations radicalisent la revendication du CUARH (Comité d'Urgence Anti-Répression Homosexuelle) qui demande dans son manifeste de 1980 "l'abrogation immédiate de l'alinéa 3 de l'article 331 du code pénal, qui fixe à dix-huit ans l'âge licite pour les relations homosexuelles, alors qu'il est de quinze ans pour les relations hétérosexuelles."
Ce mouvement a une certaine visibilité. Gabriel Matzneff et Cohn-Bendit s'expriment sur le sujet dans les médias, notamment dans les émissions littéraires de Bernard Pivot, mais aussi dans la presse écrite. Plusieurs intellectuels de renom (dont Michel Foucault, Philippe Sollers…) signent en 1977 une pétition demandant l’abrogation de plusieurs articles de la loi sur la majorité sexuelle et la dépénalisation de toutes relations consenties entre adultes et mineurs de moins de quinze ans. La même année, Le Monde publie une lettre ouverte signée de Jack Lang, Bernard Kouchner, Michel Bon, André Glucksman qui prend la défense de trois Français accusés d'avoir eu des relations sexuelles avec des garçons et des filles de 13 et 14 ans. Libération publie, en 1979, une autre pétition en défense d'un certain Gérard R qui vit avec des jeunes filles de 6 à 12 ans. Puis, quelques mois plus tard, une longue lettre de Jacque Dugué dans laquelle on peut lire des phrases qui nous paraissent aujourd'hui intolérables : "Un enfant qui aime un adulte, sait très bien qu'il ne peut pas encore donner, aussi, il comprend et il accepte très bien de recevoir. C'est un acte d'amour. C'est une de ses façons d'aimer et de le prouver. Ce fut le comportement avec moi des quelques garçons que j'ai sodomisés."
Pourquoi ce coup d'arrêt? On peut, je crois, avancer plusieurs raisons :
- l'affaire du Coral a, d'abord, considérablement affaibli la thèse du consentement : il s'agissait de très jeunes adolescents psychologiquement fragiles, plusieurs autistes, pour lesquels il est difficile d'avancer qu'ils aient été consentants. Les accusations font état d'un réseau de personnalités, ce qui conforte la thèse d'une exploitation des enfants ;
- le vieillissement de la génération 68, la plus susceptible de porter ces thèses. Au début des années 80, les étudiants de 68 ont une trentaine d'années, sont parents et donc plus sensibles aux risques que peuvent courir leurs propres enfants ;
- la revendication de non-discrimination à l'encontre des parents homosexuels en matière de droit de garde, de visite et d'hébergement de leurs enfants qui venait immédiatement après la dépénalisation a incité la communauté homosexuelle à se démarquer de la revendication pédophile (comment faire avancer cette revendication si, par ailleurs, on entretient le doute sur l'exploitation sexuelle des enfants?) ;
- la dépénalisation de la pornographie invitait à fixer de nouvelles limites. La dépénaliser ne voulait pas dire la supprimer mais seulement en déplacer les frontières. La banalisation de la pornographie s'est faite au nom de la liberté des partenaires consentants : chacun peut vivre comme il l'entend dés lors qu'il ne fait pas de tort à autrui. Le consentement est la pierre angulaire de cette dépénalisation. Ce n'est pas un hasard si le premier argument contre la pédophilie est que les enfants ne peuvent en aucun cas donner leur consentement.
Depuis, la pédophilie n'a pas quitté l'actualité. Elle est devenue l'image même de l'horreur la plus intégrale, à l'occasion de plusieurs affaires qui ont effrayé l'opinion : affaire Dutroux en Belgique, affaire Outreau en France, mais aussi procès des prêtres pédophiles aux Etats-Unis.
Toutes ces affaires ont en commun de réveiller les images :
- de l'ogre qui mange les enfants (les coupables ne sont plus des pervers qui relèvent de la psychiatrie mais des monstres),
- du violeur en série (la plupart des affaires mettent en cause des pédophiles qui ont une longue histoire de violences à l'égard des enfants),
- des mauvais parents qui abandonnent ou, pire encore, vendent leurs enfants,
- et de plus ou moins avérés réseaux internationaux (on retrouve cette idée tant dans l'affaire Dutroux que dans l'affaire Outreau)
Toutes, enfin, gravement en cause des institutions chargées de protéger les enfants : l'école, l'église mais aussi la justice. De toutes ces institutions c'est la justice qui a, avec l'église, payé le prix le plus lourd. Les cas de pédophilie l'ont révèlée incompétente par excès d'insouciance comme en Belgique, ou par excès de brutalité comme en France, incapable de les traiter de manière satisfaisante. L'exaspération de l'opinion, la volonté de répondre à l'émotion populaire ont, par ailleurs, amené les politiques à multiplier les mesures qui, sous couvert de protéger des délinquants sexuels, réduisent les marges de liberté de chacun : textes sur les récidivistes, mesures prises pour s'assurer que demain ils ne recommenceront pas, projets de castration chimique…
L'enjeu de cette nouvelle norme est donc double. Il y a la figure de l'enfant qui est forcément une victime parce qu'il ne peut être consentant, qui n'a pas toute sa raison, a peur de l'adulte, ne sait pas lui dire non. Et celle du criminel dont on doute qu'il puisse être amendable et qu'il faudrait donc maintenir sous contrôle tout au long de sa vie.
mardi, octobre 13, 2009
Jean Sarkozy : une torture pour les responsables de l'UMP
Beaucoup doivent aujourd'hui maudire ce Président qui fait i peu de cas de leur confort moral.
lundi, octobre 12, 2009
Nicolas Sarkozy doit garder Frédéric Mitterrand
dimanche, octobre 11, 2009
Polanski-Mitterrand : l'histoire d'une norme en construction
Celle-ci a profondément changé ces dernières années, comme je l'ai montré dans Pourquoi tant de pornographie sur le net?
La pornographie qui était hier encore interdite, censurée, est devenue objet de consommation courante. L'homosexualité est à ce point acceptée que les politiques ne s'en cachent plus. On parle librement de l'adoption d'enfants par les homosexuels. Les lesbiennes, hier encore invisibles ne se cachent plus.
La nouvelle frontière est devenue l'enfance et ce qui va avec (l'inceste et violence). S'il y a une chose qui est censurée, devenue proprement inadmissible, ce sont les relations entre un adulte et un enfant qui ne peut, dit la nouvelle norme, jamais être consentant, qui est donc forcément forcé, violé.
Cette nouvelle norme ne fait pas vraiment problème, nul ne s'y oppose, sinon peut-être dans la clandestinité. Mais elle est récente, très récente. Et cela a pour conséquence :
- que l'on trouve assez facilement dans les textes littéraires, chez Gide, Proust, Pierre Louys, Montherlant bien plus que chez Frédéric Mitterrand, des allusions à des amours pédophiles,
- que certains qui ont vécu avant que cette norme ne s'impose peuvent avoir tenu (comme Cohn-Bendit ou Frédéric Mitterrand) des propos équivoques.
Ce débat devrait renforcer cette nouvelle norme, contribuer à la rendre plus visible et surtout mieux partagée. Après tout, Polanski, bien loin de se justifier, s'est surtout excusé. Même chose pour Frédéric Mitterrand dont le texte est surtout une longue plainte (qui ne traite pas d'amours pédophiles mais d'amours tarifés qui ne vont jamais sans une certaine violence).
Chaque fois qu'une nouvelle norme émerge, se pose la même question : que faire de ceux qui ont exprimé dans le passé une norme différente? Faut-il les interdire, les censurer?
La question vaut surtout pour les grands textes littéraires. Je doute que l'on expurge Gide ou Proust. Jamais on n'a, à ma connaissance, censuré Aristote pour ses analyses de l'homosexualité présentée dans Politiques (II, 9, 1269b) comme une manière d'éviter le pouvoir des femmes dans les sociétés militaristes. Il en ira de même pour nos écrivains.
Pour les contemporains qui ont tenu des propos équivoques, les choses sont certainement plus compliquées. Ils n'ont d'autre choix que de contribuer à renforcer cette norme par leurs excuses et de s'en faire les meilleurs propagandistes. Au prix d'une mauvaise conscience lourde à porter et de quelques reniements qui ne sont pas sans conséquences : penser que des enfants ne peuvent être consentants, c'est leur enlever un peu de leur liberté et les renvoyer dans cette zone incertaine où les mettait déjà Aristote lorsqu'il leur retirait la faculté délibératrice. Tout le débat sur les valeurs de 1968 dont parle Bayrou porte, en fait, là-dessus.
samedi, octobre 10, 2009
Népotisme
Polanski, Mitterand et la pédophilie
L'affaire Mitterrand donne, par ailleurs, l'occasion de réflexions qui tournent de questions voisines, comme dans ce commentaire sur le site d'Art Goldhammer où l'on peut lire ce qui sonne comme une évidence : "there is probably not a colonel in the French army who has not indulged in some questionable sexual escapade abroad. Even the supposedly "puritanical Americans" tend to run wild when serving abroad." et "I have spent enough time in the Third World to know that, for me, the unconscionable thing is the way in which the juxtaposition of wealth and abject poverty at once creates temptations and opportunities and subdues moral compunctions."
Au delà du corporatisme des élites qu'elles révèlent (mais ce n'est pas une surprise), ces affaires jettent un coin dans le consensus sur la pédophilie qui nourrit tant de propositions sur la censure sur internet et l'aggravation des peines. C'est sans doute ce qu'on en retiendra.
jeudi, septembre 24, 2009
"Je ne prononce plus mon nom au téléphone…"
mercredi, septembre 23, 2009
Le bon score des écologistes, les faiblesses du PS
C'est aussi son incapacité à innover, à apporter des idées nouvelles sur la manière de gouverner. Nous venons de traverser, nous sommes en plein dans une crise économique profonde. Où sont les propositions du PS pour en sortir, pour redécoller? Si elles existent, elles sont bien cachées. Les écologistes ont un projet, des idées, loin du productivisme de la gauche classique mais dont on commence à voir qu'elles ne sont pas incompatibles avec une certaine croissance. Que Renault veuille se reconstruire autour de la voiture électrique est sans doute, et tout aussi paradoxal que cela puisse paraître, la preuve de leur sérieux. Ils avaient raison avant tout le monde.
C'est également son déficit moral. On a beaucoup reproché à Ségolène Royal ses réactions lors de la publication de ce livre qui rapportait les tricheries lors de l'élection de Martine Aubry. Sans doute a-t-elle agacé les militants qui ne voulaient plus entendre parler de cette affaire. Mais qu'en pensent les électeurs du PS? Est-on sûr qu'ils sont aussi indulgents que les militants avec les tricheurs? J'en doute un peu. Ségolène Royal a eu raison de demander des sanctions. C'était la meilleure manière de retrouver cet ascendant moral qui conduit au succès. On ne peut pas prétendre incarner la vertu (et on attend de nos dirigeants qu'ils l'incarnent, ce que fait à sa manière, paradoxale, Nicolas Sarkozy lorsqu'il se porte partie civile dans l'affaire Clearstream) et fermer les yeux devant cette sorte de tricherie.
jeudi, septembre 17, 2009
Mais qu'est-ce donc que le Modem?
mercredi, septembre 16, 2009
ADN : merci Brice!
lundi, septembre 14, 2009
Brice Hortefeux n'est pas raciste, il est de droite, classique…
Toute la défense de ses amis consiste à dire qu'il n'est pas raciste. Ils ont certainement raison. Et il est vrai que l'on a tendance à dégainer un peu rapidement les accusations de racisme et d'antisémitisme. Reste que ces propos ne sont pas insignifiants, comme en témoignent les réactions qu'ils suscitent. Ils nous disent en fait beaucoup sur le personnage et, au delà, sur ceux qui nous gouvernent.
Si Hortefeux n'est pas raciste, il s'est montré en cette affaire arrogant, suffisant et condescendant. On aurait parlé autrefois à son propos de morgue : il y a lui et ceux de sa classe, les enfants de Neuilly, de cette bourgeoisie de droite pas forcément extrême qui se sent tellement au dessus du lot, et les autres, toujours un peu méprisables, les pauvres, les mal nés, que l'on peut insulter sans risque puisqu'il suffit d'un sourire, d'un mot gentil pour les flatter.
C'est ce monde de la droite classique qui nous gouverne. C'est ce que nous révèle (confirme) cette affaire. Ni plus ni moins.
"Rétablir la vérité" ou se mettre à dos les journalistes?
J'ai écouté l'émission sur France Inter où elle parlait de ces tricheries et j'ai effectivement été surpris lorsque j'ai lu dans la presse qu'elle voulait porter plainte. Elle a parlé de justice mais n'a à aucun moment dit qu'elle irait en justice, malgré l'insistance des journalistes à le lui faire dire. Elle n'a pas non plus dit le contraire. Elle a expliqué qu'elle réservait sa décision. En l'espèce, donc, la presse est allée un peu vite en affaire. Mais doit-elle s'en prendre à la presse? N'est-elle pas pour partie au moins responsable de ces à peu près?
Ségolène Royal semble avoir faite sienne une des tactiques rhétoriques préférées de François Mitterrand : l'ambiguïté. C'était pour lui une manière de donner du temps au temps, de retarder le moment de la décision, de laisser les autres, amis et adversaires, s'avancer et lui donner l'avantage de trancher en dernier. Cette tactique lui fut souvent utile, mais parfois aussi nuisible. Je me souviens de l'avoir entendu, dans les années soixante, refuser de condamner l'intervention américaine au Vietnam. Il ne la soutenait pas mais il ne la condamnait pas non plus. J'imagine qu'il voulait alors envoyer un signe aux Américains que son alliance avec le Parti communiste effrayait. Mais il arrive que trop de subtilité nuise : les Américains sont restés effrayés et tous ceux, notamment parmi les jeunes, qui étaient violemment hostiles à la guerre du Vietnam ont compris qu'il la soutenait. C'était avant 1968.
Je crains que Ségolène Royal ne se trouve dans cette même position et que les à peu près qu'elle souhaite corriger soient surtout le résultat d'une certaine maladresse dans la communication :
- elle a bien reçu une mission du PNUD, mais pas tout à fait celle qu'elle annonçait triomphalement. Et elle s'est fait taper sur les doigts.
- elle a certainement raison sur le fond de refuser de glisser les tricheries sous le tapis. Les électeurs ne pourront faire confiance au PS que s'il montre sa capacité à se moderniser, à se rénover et à en finir avec ces pratiques douteuses. On conçoit qu'elle cherche à faire pression sur la direction pour la forcer à agir, mais elle ne peut attendre des journalistes qu'ils entrent dans son jeu.
L'ambiguïté a un prix : celui d'être mal comprise et de voir ses propos déformés. Elle le paie aujourd'hui. Et ce n'est pas en s'en prenant aux journalistes qu'elle résoudra le problème, c'est en travaillant sa communication. En évitant les à peu près, les ambiguïtés qui la mettent régulièrement en porte à faux. A vouloir "rétablir la vérité" elle risque surtout de voir passées aux crible toutes ses affirmations. C'est un risque qu'aucun politique ne peut longtemps courir sans risque de se voir démenti, comme le suggère chaque matin une rubrique de Libération consacrée à corriger les à peu près et les petits mensonges des uns et des autres.
mercredi, septembre 09, 2009
Martine Aubry, Julien Dray et… Aristote
On sait que le philosophe grec a proposé une morale de la vertu. Dans ses traités (Ethique à Nicomaque, Ethique à Eudème), il explique que la vertu et le vice sont le produit de l'éducation mais aussi des habitudes. "Ce sont, dit-il, à l'origine et tout du long, les mêmes actes qui entraînent dans chaque cas l'apparition et la disparition d'une vertu." "C'est en exécutant ce que supposent les contrats qui regardent les personnes que nous devenons, les uns, justes, les autres, injustes." "En un mot il y a similitude entre les actes et les états qui en procèdent" (Ethique à Nicomaque, II, 1, 1103 a-1103b). Dit autrement, et de manière plus familière, qui prend l'habitude de voler des oeufs finira par voler un boeuf. Ce qui m'amène à rapprocher ce qu'André et Rissouli nous disent de l'élection de Martine Aubry des comportements de Julien Dray. Si le député de l'Essonne s'est comporté de manière aussi imprudente (pour ne pas dire aussi peu vertueuse), c'est peut-être qu'il a pris, tout au long de sa carrière politique, de mauvaises habitudes, qu'il a pris celle de ne plus faire la différence entre ce qui est convenable, juste, et ce qui ne l'est pas, qu'il est devenu, pour reprendre le vocabulaire d'Aristote, intempérant, ce qui expliquerait qu'il ait été, comme tant d'autres avant lui, surpris qu'on puisse le mettre en cause (on sait qu'Aristote distingue l'intempérant qui fait mal sans mauvaise conscience de l'incontinent qui fait mal en ayant mauvaise conscience). Ce ne serait pas, dans ce scénario, le sentiment d'impunité qui expliquerait ses dérives mais de mauvaises habitudes qui ont transformé son caractère.
Au delà des personnes qui peuvent être jugées et condamnées (et si le PS est aujourd'hui visé, il est probable que les mêmes phénomènes se rencontrent dans d'autres formations politiques), ce sont les institutions qui favorisent ou tolèrent ces pratiques qu'il faudrait revoir. La meilleure manière d'empêcher les dérives à la Dray est d'imposer la transparence dans le fonctionnement des partis politiques, dans leur financement (ce qui a commencé) mais aussi dans leurs procédures internes. La gauche s'interroge sur la meilleure manière de désigner son candidat à la prochaine élection présidentielle. Ce pourrait être l'occasion d'inventer des procédures qui incitent à la vertu.