Réduire le nombre de fonctionnaires est l'une des pièces maîtresses du programme de Nicolas Sarkozy. Je cite le Figaro : "Il compte ne pas remplacer un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, ce qui représenterait 450 000 personnes. La France retrouverait en 2012 le nombre de fonctionnaires de 1992, « quand François Mitterrand était président de la République et où personne ne disait que la France était sous administrée ».
Nicolas Sarkozy précise également les domaines où il entend concentrer son action. «L’administration générale des Douanes a autant d’agents aujourd’hui (20.000) qu’elle en avait en 1980. Or, depuis cette date, il n’y a plus de frontières », fait-il valoir. Il souhaite également fusionner certaines administrations : l’ANPE avec l’Unedic et les maisons de l’emploi, et la Direction générale des impôts avec la comptabilité publique."
Je sais bien que les propos de campagne incitent à simplifier, mais tout de même… Le sujet mériterait une analyse un peu plus fine. Après tout, les 5 millions de fonctionnaires font autant d'électeurs qui sont, on peut au moins le supposer, à peu près informés de ce qui se passe dans leur environnement de travail.
On remarquera que Nicolas Sarkozy ne parle que de la fonction publique d'Etat (3 millions de fonctionnaires) et ne dit rien des deux autres : la fonction publique territoriale (1, 750 000 fonctionnaires) et la fonction publique hospitalière (850 000 fonctionnaires). Or, si problème il y a, il est moins dans le nombre de douaniers ou de telle autre catégorie, que dans les dysfonctionnements de cette organisation. Or, c'est là que se trouvent les marges de manoeuvre. Plusieurs phénomènes mériteraient d'être explorés avant de donner des chiffres à l'emporte-pièce.
Les effectifs de la fonction publique territoriale progressent rapidement (+ 3% en 2002, + 1,6% en 2003), ce qui n'est pas choquant dans un contexte de décentralisation, mais devient problématique lorsqu'il n'y a pas réduction équivalente des effectifs dans la fonction publique d'Etat, ce qui veut tout simplement dire que l'on fabrique des doublons.
Comme toute organisation, la fonction publique d'Etat résiste à tout ce qui pourrait réduire son pouvoir, et d'abord à la décentralisation qui la menace directement. L'une de ses armes préférées, dans cette bataille, est la création de règles, de normes qui lui permettent de conserver son pouvoir de contrôle sur l'activité de la fonction publique territoriale mais aussi de maintenir son emploi.
On dit beaucoup que les fonctionnaires ne font rien. C'est inexact. Ils travaillent. Et s'ils sont si nombreux, c'est que les élus leur donnent du travail. L'explosion réglementaire et législative, dénoncée par le Conseil d'Etat, est la première raison de cet excédent de fonctionnaire d'Etat. Et cette explosion est le fait des élus. Nous avons autant de fonctionnaires parce que nous sommes mal gouvernés. Et de ce point de vue, le bilan de Nicolas Sarkozy, avec ses lois répétées sur l'immigration, est plutôt mauvais.
Les emplois sont d'autant plus nombreux qu'ils sont mal distribués. Est-il, pour ne prendre que cet exemple, normal qu'il y ait trois fois plus de policiers par habitant à Paris que dans la lointaine banlieue? On tient là un des facteurs de la croissance des effectifs : pour augmenter les effectifs là où ils manquent, on a recruté là où on aurait pu redéployer. Mais qui est responsable de ce dysfonctionnement, sinon les élus locaux qui se battent bec et ongle pour conserver les effectifs de policiers même lorsque ceux-ci sont en surnombre? Et les gouvernements qui leur cèdent? Ce qui est vrai de la police l'est de bien d'autres domaines.
La fonction publique a un absentéisme supérieur au secteur privé. C'est vrai dans les trois fonctions publiques, mais surtout dans la fonction publique territoriale (voir, là-dessus, les chiffres de l'IFRAP). Lutter contre permettrait certainement de produire autant avec des effectifs réduits. Mais on remarquera le silence de Nicolas Sarkozy (et des élus en général) sur cette question. Le sujet est tabou! Il est vrai qu'un absentéisme trop élevé est le symptome d'un management déficient. Et qui dirige les collectivités publiques territoriales, sinon les élus de droite comme de gauche?
Vouloir réduire le nombre de fonctionnaires n'est pas en soi une mauvaise chose lorsque le sureffectif est le résultat d'une mauvaise organisation ou d'un mauvais management. Encore faut-il travailler sur les causes, sinon on risque de jeter le bébé avec l'eau du bain, de dégrader la qualité des services publics sous couvert de faire des économies.
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