Le discours du 11 février de Ségolène Royal a été bien reçu par les militants socialistes et, de manière plus générale, par la presse. Ses bévues, le procès en incompétence sont oubliés. Il faut, cependant, le lire de près pour voir que, s'il est socialiste, comme l'a affirmé François Hollande, il l'est de manière peu conventionnelle.
Il commence, ce qui n'est pas banal, par un long développement sur la dette et sur les entreprises, notamment les PME, avec une proposition qui semble provenir directement des débats participatifs sur un système de caution mutuel qui évite aux patrons de PME d'offrir des garanties sur leurs biens personnels lorsque leur entreprise rencontre des difficultés. Je ne suis pas sûr que cela convainque beaucoup de patrons de PME de voter pour Ségolène Royal (d'autant que les médias n'ont pas beaucoup relayé cette proposition), mais cela indique une approche nouvelle de la société pour une socialiste : non seulement les fonctionnaires et les travailleurs ne sont plus les seuls dont elle se préoccupe mais elle a, de plus, une vision assez réaliste du monde des PME (beaucoup de patrons sont effectivement amenés à offrir leurs biens personnels en garantie lorsque leur entreprise va mal).
On aurait aimé qu'elle aille plus loin dans cette même direction et qu'elle aborde une autre question qui gêne les plus petites PME : celle du lissage des revenus pour éviter les effets de ciseau que connaissent tous ceux qui ont des revenus en montagnes russes (comme l'on paie des impôts sur les revenus des années précédentes, on peut se trouver pris à la gorge pour peu que l'on ait fait une bonne année suivie d'une ou deux mauvaise année, avec des impôts (et cotisations sociales) très élevés à payer les années où l'on a des revenus faibles. On aurait également aimé qu'elle approfondisse sa réflexion économique et qu'elle éclaire mieux les faiblesses de notre économie, avec quelques dizaines d'entreprises très puissantes, très compétitives (Michelin, Dassault, Lagardère, Bouygues; Aventis, Air Liquide, EDF, Renault, Peugeot…) qui ne créent plus d'emplois en France (leur expansion se fait à l'étranger) et une multitude de PME sous-capitalisées, sous-managées qui ne peuvent pas créer d'emplois parce qu'elles n'ont pas les moyens de la croissance. Mais un discours de candidat n'est pas un cours d'économie…
Ségolène Royal insiste également beaucoup sur la réforme de l'Etat, ce qui n'est pas forcément dans la tradition socialiste, elle fait une place très importante aux femmes et aux jeunes, notamment ceux des banlieues, plus présents dans son discours que les travailleurs. Elle insiste sur les logiques du donnant-donnant (des droits et des devoirs) qui dessine une approche nouvelles des valeurs de la gauche. Si elle a repris plusieurs des propositions du programme socialiste, elle n'a certainement pas mis son mouchoir dans sa poche et repris plusieurs de ses propositions antérieures (jurys citoyens, encadrement militaire, révision de la carte scolaire…). Qui peut dire qu'elle manque de caractère et de courage (car il en faut pour expliquer aux fonctionnaires que l'on va moderniser la fonction publique, pour dire aux enseignants que l'on va revoir la carte scolaire…)?
Socialiste, son discours? Peut-être, mais surtout ségoliniste, mais qu'il ait été bien accueilli par les militants montre que la révolution du Parti Socialiste est bel et bien engagée en profondeur. C'est ce que n'avaient sans doute pas vu ses concurrents malheureux au sein du parti socialiste.
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