Au lendemain des élections, lorsque l'on se penchera sur les causes de son échec, si Ségolène Royal échoue, on mettra certainement en avant sa volonté de faire une place à la démocratie participative. On critiquera la mise à l'écart des experts de toutes sortes, comme le faisait hier, sans beaucoup d'élégance Bernard Tapie, et comme le fait, dans le même numéro du Monde, un sociologue qui se plaint de "l'éviction des chercheurs des débats électoraux", éviction, dit-il, "stupide et humiliante." On soulignera l'éloignement des intellectuels qui ont préféré le silence ou Sarkozy à la candidate du Parti Socialiste.
Plus que cette éviction, ce qui me frappe c'est la fragilité de l'expertise de tous ces "sachants", fragilité qui plus que tout autre chose justifie que l'on ne prenne pas pour argent comptant tout ce qu'ils nous disent. Pour rester dans l'actualité, telle que nous la présentent les pages Débats du Monde, je prendrai deux exemples :
- le premier n'a rien à voir avec la politique puisqu'il s'agit de climat. Il y a quelques jours, Serge Galam, très estimable sociophysicien qui applique les lois de la physique au monde social nous expliquait que les prévisions des experts en climatologie étaient très contestables. Rien, expliquait-il en substance, ne permet de dire que le réchauffement climatique est lié à l'activité humaine. Dans les jours qui ont suivi deux climatologues ont démonté son texte montrant qu'il confondait la météorologie (qui fait des prévisions à court terme et se trompe souvent) et la climatologie (qui fait des prévisions à long terme et se trompe beaucoup moins) et qu'il confondait, à propos de Galilée, la rotation de la terre autour du soleil et la forme de la terre (ce qui pour un physicien qui se pique d'épistémologie est un peu gênant) : l'expert disait des sottises ;
- le second a à voir avec la campagne électorale. Raymond Boudon, sociologue estimable, théoricien de la droite depuis longtemps, expliquait du haut de sa science (qui n'est pas mince) que la démocratie participative n'a pas de sens. A preuve : elle n'est pas traduisible en anglais. Là encore, l'expert disait des sottises. Non seulement, l'expression est traduisible en anglais, comme le rappelle Yves Sintomer, dans Le Monde, mais le concept a fait l'objet, tout récemment encore, de débats vifs aux Etats-Unis. Le concept est né de réflexions sur la société civile, sur le rôle des associations et des ONG, mais également de la place prise dans les débats publics des échanges sur internet. Que Raymond Boudon soit passé à coté veut tout simplement dire que son expertise ne lui permet pas de tout voir.
Au travers de ces discussions, c'est le rôle des experts et des intellectuels qui est en cause. On sait depuis longtemps que les intellectuels touche-à-tout disent beaucoup de bêtises et sont parfois dangereux (il suffit de relire ce qui a pu être écrit par des gens intelligents au lendemain de 68 pour frémir à posteriori : s'ils avaient eu le pouvoir que d'horreurs auraient pu être commises au nom de leur expertise!). Les intellectuels qui ne l'ignorent pas se sont pendant des années retiré du champ public (d'où ce silence que l'on a si souvent regretté alors que l'on aurait du s'en réjouir. S'il se taisaient, c'est qu'ils travaillaient et ne parlaient en public que de choses qu'ils connaissaient). Or, l'on voit depuis quelques années, ces mêmes intellectuels, jaloux des succès des essayistes et autres journalistes pressés de revenir sur le devant de la scène et d'afficher leurs opinions sur tout et rien au risque de dire des sottises comme tout un chacun.
En mettant en avant sa démocratie participative, Ségolène Royal a mis des bâtons dans leurs roues, ceci explique peut-être leur dépit…
1 commentaire:
J'aime bien votre analyse sur les experts. Les experts, parce qu'ils ont bien travaillé à l'école, sont autorisés tout au long de leur vie à dire tout et n'importe quoi. Personne n'a le droit de les critiquer, sauf un autre expert
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