jeudi, mars 30, 2006

CPE : jusqu'où ira-t-on dans l'absurde?

La décision du Conseil constitutionnel confirme l'absurdité de toute cette affaire du CPE. L'absence de motivation du licenciement au coeur de ce nouveau contrat (et du CNE) n'a de sens et d'intérêt vu du coté de l'employeur que s'il lui évite de se retrouver devant le juge. C'était bien d'ailleurs, semble-t-il, la principale motivation de ses auteurs qui voulaient protéger les patrons des conséquences des actions en justice engagées par les salariés (25% des licenciements donnent lieu à des actions en justice et les trois-quart se terminent en faveur des salariés). Or que dit le Conseil constitutionnel lorsqu'il valide le texte? Je cite Le Monde : "Sur l'absence de motivation de l'arrêt du CPE pendant les deux premières années, le Conseil a précisé expressément que toute rupture d'un CPE pendant ces deux années pourra être contestée devant le juge, qui pourra dès lors vérifier si celle-ci n'est pas discriminatoire et ne porte pas atteinte aux protections prévues par le code du travail pour certains salariés." Autant dire que rien n'est sur le fond changé et que c'est un coup d'épée dans l'eau.

Le Monde.fr : Le Conseil constitutionnel valide sans réserve le contrat première embauche:

Le problème du livre, ce ne sont pas les petits éditeurs, c'est la diffusion

La tribune libre d'Antoine Gallimard que publie aujourd'hui le Monde des Livres est intéressante, mais je ne suis pas sûr qu'il ait pris tooute la mesure des changements en cours dans le monde de l'édition.
Il a raison de souligner l'impact de la concentration de la distribution sur le marché du livre, mais il aurait fallu, pour être complet et au risque de déplaire aux petits éditeurs avec lesquels il souhaite manifestement se réconcilier après ses propos dans la presse, y ajouter la baisse vertigineuse des coûts de production de livres (ou d'ailleurs, de disques et de films) grâce aux technologies numériques. Il est aujourd'hui possible de produire un livre à quelques centaines d'exemplaires et de le rentabiliser en vendant ce que l'on a imprimé. Il est même possible de produire des livres à l'unité à des coûts pour le lecteur raisonnables. Les techniques d'impression héritées de la xérocopie existent depuis longtemp, ce sont celles qu'utilisent les producteurs de factures en gros volumes (EDF, banques…). Manquaient les fichiers numériques avec les textes. Ils sont aujourd'hui massivement disponibles grâce à internet.
Si tant de jeunes éditeurs se lancent dans l'aventure, c'est que, séduits par un ouvrage ou un auteur, ils pensent pouvoir gagner de l'argent en le mettant sur le marché avec un tirage correspondant à leurs moyens forcément faibles. Ce faisant, ils inondent les libraires de titres nouveaux qui ne sont pas forcément des "me-too products", des doublons de ce qui est publié ailleurs. Reste que les libraires, envahis de livres, ne mettent trop souvent en avant que ceux dont on parle le plus et qu'ils ont donc plus de chance de vendre. Ce sont presque toujours ceux des grandes maisons, non parce qu'elles choisissent mieux (et Antoine Gallimard a sur ce point raison), mais ce sont les seules qui ont les moyens d'entretenir des armées d'attachées de presse (combien de ces professionnels du contact avec les journalistes chez Gallimard? au Seuil, chez La Martinière? chez Flammarion?…).
Comme il parait difficile de revenir sur les progrès techniques de la fabrication, c'est du coté de la diffusion que des progrès devraient être faits. C'est en cours, mais cela se fera malheureusement au dépens des librairies générales. On le sait peu, mais 57% des livres que distribue Amazon sont absents du catalogue de Barnes Nobles, le grand libraire américain, ce qu'un bon observateur des technologies internet a appelé la "long tail". Ce qui veut dire :
- que la concentration de la distribution ne satisfait pas forcément les lecteurs qui sont capables de plus de curiosité et d'audace que ne veulent bien le croire les stratéges de la grande distribution,
- que les outils de "découverte" des titres que les éditeurs électroniques ont mis au point (recherche à partir du contenu, des préférences des précédents lecteurs…) permettent de mieux circuler dans la masse de textes numériques aujoud'hui à portée de tout un chacun pour un clic ou deux.
Ce ne sont pas aujourd'hui les éditeurs, petits ou grands, qui ont à craindre quelque chose de la technologie, ce sont ces distributeurs qui ont chassé les libraires traditionnels et qui pourraient très bien se retrouver demain éliminés eux-mêmes du marché. Ceux d'entre eux qui avaient ouvert des rayons de vente de logiciel ont une idée du scénario qui pourrait toucher aussi bien le livre que le disque et la vidéo.

Un roman blog

Pour se changer les idées et oublier un instant ces sujets "lourds" que sont l'emploi des jeunes ou l'immigration, voici un roman blog, édité par un ingénieur qui travaille chez Google : Chris DiBona. Plutôt que de conserver pour lui son manuscrit, il le publie au fil de l'eau sur internet. Le titre est appétissant (Bruce Napoleon et le vampire vétérinaire), le contenu… je vous laisse juge. Mais on peut rêver. Pourquoi pas un roman collectif, une oeuvre où chacun pourrait apporter sa contribution, ses personnages à la manière de ces murs que générations après générations on couvre de graffitis?

Bruce Napoleon, Vampire Veterinarian: Forward/Author's Note....

mercredi, mars 29, 2006

Gary Becker, la peine de mort et un critique britannique

Il y a quelques années, j'ai publié un article dans le journa Le Monde un article (article que l'on pourrait rapidement retrouver en fouillant dans les archives du journal, mais il est un peu tard pour que je me lance dans cette recherche) critiquant Gary Becker. Depuis, je lis avec un mélange d'intérêt (ce qu'il est écrit est, naturellement, intelligent), d'agacement et d'envie d'en découvre tout ce que publie ce très distingué professeur de Chicago, lauréat du Prix Nobel d'économie (y compris sur le blog qu'il partage avec Richard Posner, autre auteur "agaçant"). Il est vrai qu'il "n'en rate pas une". Dernière de ces inventions : une défense de la peine de mort qui fait douter du sérieux de tout son programme (qui consiste, pour dire les choses simplement, à mettre les outils de l'économie au service de l'analyse des comportements sociaux : mariage, discriminations…).
Je ne suis bien sûr pas le seul dans cet état d'esprit. Geraint Johnes, qui enseigne l'économie à l'université de Lancaster, est dans les mêmes dispositions. Et puisqu'il le fait parfaitement bien, je me contenterai ce soir de citer sa critique de l'argument de Becker sur la peine de mort :
"Thursday, March 16, 2006 Gary Becker provides an interesting defence of capital punishment. His argument hinges on the deterrence effect. While the strength of this effect is a matter of some debate, he argues that even where less than one innocent life is saved as a result of killing a guilty murderer, society may benefit from capital punishment, since the positive value to society of the murderer is likely to be less than that of the innocent victim. "A comparison of the qualities of individual lives has to be part of any reasonable social policy."

This statement is, of course, far from innocuous - especially so if we remove it from the emotive context of capital punishment. It is particularly controversial because it begs the question of who should make the decision about the qualities of individual lives. If different people are to carry different weights in society's welfare function, how should democracy work? Do currently installed governments have a mandate to make decisions on this? Should the governments now in place therefore allocate variable numbers of votes to members of their populations in time for the next elections? Should these be based on criminal records, access to welfare payments, education, gross income, or contributions to party funds? Under such conditions, democratic government would amount to little other than a one party state. So should it be a dictator that decides on the weights? That would be convenient, to be sure, but one dictator's tea is another dictator's coffee.

Unless Becker can tell us how and by whom the comparison of the qualities of individual lives should be made, his argument is no more than subjective opinion - in his view, we should count some people's lives as worth more than others. In the context of capital punishment, his opinion may have a lot of public support. More generally in the construction of social policy his would be one voice amongst many, and each of those voices would like to be able to dictate.

All this is not to suggest that economists can, or should, refrain from making comparisons of the qualities of individual lives. Indeed we cannot avoid doing so, for assigning an equal weight to each individual involves making comparisons just as does the assignment of unequal weights. But reaching a judgement that at the margin one life is worth more or less than another is something that we should do only in the most exceptional of circumstances, and in full cognisance of the implications. For amongst those implications is the undermining of much of our discipline as we know it. Utilitarianism would be out, and with it much of welfare economics would go. Even the invisible hand, which provides the intellectual foundation stone of free market economies, and which assumes that one agent’s welfare is worth the same as another’s, would be seriously compromised.

Now that's a funny thing to come out of Chicago!"

Le projet de loi Sarkozy sur l'immigration

Nicolas Sarkozy présente ce matin en conseil des ministres son projet de loi sur l'immigration. On en connait l'esprit depuis l'interview qu'il a donnée en février dernier au Journal du Dimanche :
- accent mis sur l'immigration économique, avec l'instauration de quotas et priorité donnée aux immigrés disposant des compétences élevées dont l'économie française a besoin,
- régime beaucoup plus rigoureux pour les étudiants avec sélection à l'entrée, création de quotas basés sur les capacités d'accueil et obligation de retourner chez soi à la fin de ses études,
- lutte contre les mariages mixtes, le mariage avec un français ne donnant plus aux immigrés clandestins la possibilité d'obtenir une carte de séjour,
- fin de la "prime" à la clandestinité : 10 ans de séjour irrégulier en France ne donneront plus droit à une carte de séjour,
- regroupement familial rendu plus difficile et soumis à une condition d'insertion,
- rôle accru du Parlement qui devra chaque année définir des objectifs quantifiés.
Ces mesures visent à 1) réorienter l'immigration vers l'économie alors qu'elle s'était depuis une vingtaine d'années concentrée sur le regroupement familial, 2) maîtriser les flux et les ajuster aux capacités d'accueil. Ces deux objectifs ont le mérite de réintroduire l'immigration dans le débat politique dans un registre rationnel. On n'est plus dans la fermeture complète des frontières pronée par le Front National et une partie de la droite. Mais, pour le reste, ces propositions sont extrêmement contestables.
Immigration choisie : la priorité au personnel qualifié
L'idée de base est que nous ne pouvons pas, pour différents motifs, former tous les personnels qualifiés dont nous avons besoin et qu'il est, dans ce cas, utile d'ouvrir le marché du travail.
Cette idée est contestable pour trois motifs :
- nous avons aussi besoin de main-d'oeuvre non-qualifiée ou peu qualifée, comme dans l'agriculture (emplois saisonniers du sud de la France), le bâtiment, le gardiennage, le nettoyage. Nous en avons d'autant plus besoin que notre système éducatif (études obligatoires jusqu'à 16 ans…) rend difficile le recrutement de jeunes français dans ces métiers ;
- il est extrêmement difficile d'évaluer la compétence et les qualifications dans de nombreux métiers. Tous les professionnels du bâtiment disent, par exemple, que les Portugais sont de meilleurs maçons que les Turcs. Ce qui ne tient ni aux personnes, ni aux diplômes (il n'y en a pas), mais aux méthodes de construction des pays d'origine. Mais comment faire un réglement d'un savoir qui relève de l'expérience de quelques patrons et qui peut varier : les Turcs sont peut-être de meilleurs peintres ou plombiers que les Portugais…?
- une main d'oeuvre immigrée peu qualifiée peut augmenter l'offre de travail qualifié indigène. Prenez une diplômée de l'enseignement supérieur qui vient d'avoir un enfant. Elle retournerait volontiers travailler mais elle n'a personne pour garder son bébé. Elle reste donc chez elle. La même pouvant recruter une garde d'enfant immigrée et sans qualification occupera un poste correspondant à ses compétences. La travailleuse immigrée sans qualification a remis sur le marché du travail une française qualifiée.
Le Parlement et les quotas
Nicolas Sarkozy veut confier au Parlement le soin de fixer chaque année des objectifs quantifiés. Là encore, on peut s'interroger : comment le Parlement fera-t-il? Comment pourra-t-il anticiper les besoins de l'économie alors même que les chefs d'entreprise ont du mal à le faire plusieurs semaines à l'avance? On nous parle en permanence de flexibilité et on crée là une rigidité.
On peut par ailleurs craindre deux dérives :
- les débats sur les objectifs devenant un enjeu dans la course à l'échalotte entre démagogues, c'est à qui sera le plus rigoureux,
- la concentration des objectifs sur les quelques secteurs dont les lobbies sont le mieux implantés à l'Assemblée. Les choix ne se feront pas en fonction des besoins de l'économie française mais en fonction du poids électoral de tel ou tel secteur.
Mariages et regroupement familial
80% des titres de séjour sont aujourd'hui délivrés à la suite d'un mariage ou d'un regroupement familial. Ce n'est bien évidemment pas satisfaisant. Mais pour résoudre ce problème, le projet envisage de rendre plus difficile l'accès à une carte de séjour. Le mariage avec un Français n'y donnerait plus droit. Et pour asseoir cette mesure discriminatoire et choquante aux yeux de beaucoup (on pourrait se marier avec un étranger et ne pas avoir le droit de vivre en France avec lui!), le gouvernement donne des chiffres qui sont, il est vrai, surprenants : "La situation du mariage a, de fait, beaucoup évolué, au cours de ces dernières années. Le mariage est en effet devenu un enjeu migratoire majeur, Ainsi, de 1999 à 2003, le nombre des mariages célébrés en France entre des Français et des ressortissants étrangers a progressé de 62 %. En 2005, ils représentaient 50 000 des 275 000 mariages célébrés en France. Dans le même temps, hors de nos frontières, 45 000 autres mariages ont été contractés par nos compatriotes, essentiellement avec des ressortissants étrangers. En définitive, un mariage sur trois est un mariage mixte. Parallèlement, le rapprochement de conjoint constitue le premier motif d'immigration familiale, tandis que pratiquement 50 % des acquisitions de la nationalité française ont lieu par mariage." (Pascal Clément à l'Assemblée Nationale le 22 mars 2006). Ces chiffres posent deux problèmes :
- ils sont trop globaux et ne permettent pas de faire la différence entre ce qui relève des mécanismes d'intégration (le mariage entre conjoints de communautés différentes est depuis très longtemps un mécanisme d'intégration en France) et ce qui est fraude ;
- la fraude existe (un mariage coûterait aujourd'hui à l'immigré qui souhaite régulariser ainsi sa situation 6000€), mais d'où vient-elle sinon de l'impossibilité d'obtenir par d'autres moyens des papiers? Que peut aujourd'hui faire celui qui a envie de rester parce qu'il a trouvé un travail ? Rien ou à peu près. Les textes le condamnent à la clandestinité (c'est-à-dire au travail au noir…) et à la fraude.
Ce n'est pas contre les mariages blancs qu'il faut lutter, mais contre les obstacles qui empêchent ceux qui le souhaitent de s'installer chez nous.
Les étudiants : sélection et retour au pays
Les étudiants étrangers posent un problème, comme le savent tous les responsables des services d'inscription dans les universités. Beaucoup d'éudiants s'inscrivent mais ne suivent pas vraiment les cours. C'est une manière de contourner les dispositions qui bloquent l'entrée des étrangers en France. Là encore la solution serait de lever des octacles inutiles.
Pour ce qui est des étudiants venus suivre des études (il y en a tout de même beaucoup), ces mesures paraissent contradictoires. On les accueillera en fonction des capacités. Ce qui en pratique veut dire qu'ils boucheront les trous, qu'ils pourront étudier dans les disciplines que les jeunes français désertent :
- soit parce qu'il s'agit de disciplines sans intérêt ni avenir : mais alors pourquoi inciter des étrangers à venir les étudier? Ne faudrait-ils pas plutôt réduire l'offre?
- soit parce qu'il s'agit de disciplines dont nous avons besoin que les étudiants français négligent pour d'autres motifs (cas, aujourd'hui, des disciplines scientifiques) : mais pourquoi alors demander aux étudiants que nous aurons formés de rentrer chez eux dès la fin de leur formation?

samedi, mars 25, 2006

Vous voulez délocaliser? Voici une adresse

La délocalisation n'est pas un mythe. Chacun le sait bien, mais il est rare qu'on ait une vision de ce qu'elle signifie exactement. J'ai trouvé tout à fait par hasard un site qui donne des indication assez précises sur ce que l'on peut en attendre. Avec des prix, 650€ pour un modérateur de site web, 850€ pour un développeur qui sont bien sûr plus faibles que les prix français, mais qui suggèrent que les entreprises françaises qui le veulent peuvent se battre : un contrat négocié au Sénégal ne donne pas les garanties d'un contrat négocié en France, les capacités des salariés sénégalais sont certainement excellentes mais il est plus difficile de les contrôler… en un mot : la distance a un prix. Et il est probable qu'il couvre une large partie de l'écart entre les prix pratiqués de ce coté-ci du Sahara et ceux pratiqués au Sud.
Pour ceux que cela intéresse, on trouve sur le site l'adresse de cette société (française) qui s'engage à respecter totalement la confidentialité de ses clients. Elle est installée dans le 11ème arrondissement et… cotée au second marché à Paris.
Si j'en crois une rapide recherche, BD Multimedia, c'est son nom a également des activités dans le secteur pornographique (le sado-masochisme avec des publications et un site dont le nom est comme un clin d'oeil : BDSM Dungeon).

jeudi, mars 23, 2006

A quoi reconnait-on qu'un pays se modernise?

La Chine est certainement un pays qui se modernise. La preuve : ses citoyens se plaignent : plus ils sont riches, plus ils trouvent que leur vie est difficile, comme l'indique ce sondage publié dans la presse chinoise. Ce n'est pas nouveau. Nous connaissons le même phénomène qui n'est pas, après tout, très surprenant : la richesse ne nous est pas donnée, elle est gagnée, acquise à force d'efforts, de stress, d'inquiétude… Les Chinois sont comme nous : ils sont plus riches mais pas plus heureux. De là à en conclure que ce n'est pas une bonne chose de s'enrichir… il faut n'avoir jamais vu de pays pauvres pour le penser.
85% of Chinese complain about more difficult life

mercredi, mars 22, 2006

Si l'on veut vendre, mieux vaut parler la langue de l'acheteur

Les Chinois aussi aiment qu'on parle leur langue comme le suggère ce blog qui explique que des entreprises internationales dont KLM ont eu des soucis avec la justice pour ne pas avoir traduit leur documentation commerciale. Quand on voit tant d'entreprises l'oublier, on se demande ce que leurs dirigeants ont retenu de toutes les publicités qu'ils ont financées qui expliquent que chez eux on se préoccuppe d'abord des clients.

vendredi, mars 17, 2006

C'était comment derrière le rideau de fer?

Le socialisme réel, celui derrière les rideaux de fer ne donne pas lieu à beaucoup de nostalgie, ni chez nous qui ne l'avons au mieux connu qu'à l'occasion de voyages rapides (et pas si bien ficelés qu'on l'a dit, on pouvait se promener et voir beaucoup de choses), ni chez ceux qui l'ont vécu. Il n'est cependant pas inintéressant de le visiter à nouveau comme nous permet de le faire la galerie en ligne qu'a créée un photographe tchèque : Jan Saudek. Il a réuni quelques unes de ses photos depuis le début des années 50. Des photos de qualité qui en disent plus sur l'atmopshère de ces années que bien des phrases. Surtout celles des premières années (les plus récentes, plus osées, sont à mon sens moins intéressantes).

Google, les caches et la protection de la vie privée

Il y a dans la dernière livraison de Time, la lettre d'un lecteur bruxellois, mais avec un nom chinois, qui réagit à l'article que le magazine a consacré à Google. Ses remarques portent sur la censure en Chine. Il dit en gros : les Chinois regardent vers le futur et se moquent de ce qui s'est passé à Tienanmen. Seuls les occideentaux passent leur temps à regarder en arrière. Sans doute a-t-il raison pour la majorité des Chinois, mais en ces matières, ce n'est jamais ce que pense la majorité qui compte.
Reste que cela évoque une autre question, celle des caches, cette fonction qui permet d'accéder à des pages que Google a enregistrées quelques jours ou quelques semaines plus tôt. Cette fonction pose un problème : si je choisis de retirer une page, le cache permettra aux internautes de la consulter, ce qui peut êttre génant.
C'est une fonction qui tient à la manière dont Google gère ses moteurs et il pourrait très bien ne plus les mettre à disposition des internautes. Mais ce serait dommage. Cette fonction est très utile quand le réseau est lent (elle permet d'accéder beaucoup plus vite aux pages recherchées), mais elle peut avoir d'autres usages comme je l'ai tout récemment découvert.
Il y a quelques jours, en le mettant à jour, j'ai par inadvertance effacé la page index (la page de garde si l'on préfère) de mon site principal. Cette fonction cache m'a permis de tout retrouver et de reconstruire rapidement la page disparue (avant d'y penser, j'ai essayé les archives internet qui collectent et conservent tout le web. Mais leur dernier enregistrement de ce site que je mets à jour au moins une fois par semaine datait de janvier).
Les critiques (dont Dany Sullivan, l'un des meillleurs observateurs de Google) mettent en avant des problèmes de protection de la vie privée. A première vue, ils ont un bon argument. Mais je ne suis pas sûr qu'il tienne longtemps la route. Publier un texte sur internet, c'est comme le publier dans un journal. Une fois qu'il est mis en vente il est impossible de le retirer (sauf à faire comme ce lecteur des Dubliners de Joyce qui, horrifié que l'écrivain ait pu parler des vrais habitants de Dublin, avait racheté tous les exemplaires du livre. On était à une époque où les éditeurs ne suivaient pas au jour le jour leurs ventes, sinon, il y aurait certainement eu une seconde édition). Toute la difficulté vient de ce que ces nouveaux outils brouillent les frontières entre le privé et le public. Ce que je mets sur le net est public, même s'il m'arrive de penser que c'est privé (et si ce l'est le plus souvent).

jeudi, mars 16, 2006

Gérard Larcher démissionné

Cela s'est passé sur RTL (la scène est racontée par le Nouvel Observateur). Gérard Larcher est là pour défendre le CPE. Le journaliste lui demande de se lever et de quitter le studio pour illustrer ce qu'est un licenciement sans motif ni entretien préalable. "C'est déconcertant, n'est-ce pas?" ajoute-t-il avant d'inviter le ministre à se rasseoir. Celui commente alors "Vous savez, si je me suis levé, c'était pour vous dire que naturellement quand je vais me lever vous allez renouer le dialogue avec moi. Parce que l'immense majorité des chefs d'entreprise ne sont pas l'image caricaturale de ceux qui congédient." Bien sûr, et heureusement, mais n'a-t-il donc pas compris qu'il suffisait d'une infime minorité de chefs d'entreprises qui se comportent comme des sagouins pour désespérer tout ce que la France compte de salariés inquiets de leur avenir?
Ajoutons, pour être juste, que le ministre aurait pu répondre que les ministres ont des contrats de ce type, qu'il leur arrive souvent d'être "débarqués" sans le moindre préavis par leur patron (premier ministre ou président) ou, plus simplement, par les Français. Mais ce n'est bien évidemment pas une consolation pour qui est menuisier, plombier, vendeur ou employé de bureau…

Outreau, les députés et leur passé

Dans un post tout récent, je m'inquiétais de ce que l'on ne pouvait (pourrai serait plus juste) plus, avec Google et autres moteurs comparables effacer son passé (du moins ce qui de notre passé est devenu public). Or, il est parfois intéressant et utile de connaître le passé de ceux auxquels on a affaire. Je pense à ces députés de la commission de l'Assemblée Nationale qui auditionnent actuellement les acteurs de l'affaire Outreau. Un journaliste aperçu à la télévision s'y est intéressé. Et il a découvert que deux (ou trois) d'entre eux avaient des ennuis avec la justice (pour des affaires qui n'ont évidemment rien à voir avec la pédophilie), que l'un d'entre eux était l'auteur d'un amendement qui a eu pour effet de renforcer la détention préventive… Cela fait sourire puis s'interroger sur l'objectivité des uns et la cohérence de l'autre. On aimerait, dans quelques semaines, entendre le député auteur de l'amendement revenir sur cette question. Regrette-t-il de l'avoir fait passer? le referait-il aujourd'hui? Qu'est-ce qui peut l'avoir fait changer d'avis (ou à l'inverse, qu'est-ce qui l'a amené à ne pas se déjuger)? Ce serait certainement tout aussi intéressant que les auditions de journalistes qui n'ont fait que confirmer ce que chacun savait. Parce qu'après tout si la justice est si malade, c'est aussi un peu de la faute des députés qui votent ses budgets et ne s'interdisent pas toujours la démagogie.

Google, le juge et la protection de la vie privée

Google est actuellement engagé dans un véritable bras de fer avec la justice américaine sur la protection des données des internautes qui consultent ses sites. On sait de quoi il retourne : de la volonté de l'administration Bush de relancer la lutte contre la pornographie. Pour ce faire, elle a demandé des données (à usage essentiellement statistique) aux principaux moteurs de recherche. Google a refusé alors que Yahoo! et Microsoft ont accepté. Cette affaire devrait être jugée dans tous les prochains jours et l'on attend du juge qu'il prenne une décision favorable à l'administration. Mais tel l'arroseur arrosé, voilà que ce juge est lui-même victime d'internautes qui ont eu la curiosité de s'interroger sur son passé et qui ont découvert qu'il avait des soucis avec ses collègues pour s'être fait passer pour le frère de la victime d'un crime raciste en Alabama au tout début des années 60.
L'internaute qui a découvert ces faits a trouvé ces informations sur Google, ce qui ne devrait surprendre personne. Lorqu'il a été découvert, ce mensonge a été jugé assez grave pour retarder sa carrière. Le juge s'est alors excusé. L'information a été publiée. Sans Google, elle serait restée enterrée dans les bibliothèques. Moralité : on ne peut plus rien effacer de son passé. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose, mais peut-on (doit-on) l'éviter?

EXCLUSIVE; Google Judge's questionable past by ZDNet's Russell Shaw -- Within the next few days, U.S. District Court Judge James Ware is expected to order Google to hand over search results from as many as 50,000 websites as well as 5,000 individual Web searches. This would be in an effort on the part of the Bush administration to revive a law intended to shield children [...]

mercredi, mars 08, 2006

La double erreur de Villepin

Dominique de Villepin a commis une double erreur :
- la première a été de confondre gouvernement et préparation de l'élection présidentielle. S'il n'avait pas voulu retirer un point clef du programme de Nicolas Sarkozy, il ne se serait probablement pas lancé dans l'aventure du CPE,
- la seconde a été de trop écouter les patrons et de les croire lorsqu'ils disaient : "Nous ne recrutons pas parce que nous ne sommes pas sûrs de pouvoir licencier en cas de difficulté économique" . C'était aussi oublier que les promesses des patrons de PME sont comme beaucoup d'autres : elles n'engagent que ceux qui les croient. Depuis que le CPE est en route, les mêmes patrons de PME qui vous expliquaient hier qu'il est très difficile de licencier, vous expliquent que ce n'est pas si difficile, qu'on y arrive quand on le veut, que ce n'est pas, en tout cas, cela qui les empêche de recruter, mais la situation économique…
Il va la payer au prix fort..

mardi, mars 07, 2006

Hackers, virus, l'étrange complicité

Cet article qui raconte comment l'universté du Wisconsin a organisé un concours de hackers pour casser les protections d'OS X, le système d'exploitation des Mac montre toute la complexité des évolutions sur le net : ce sont les mêmes qui se battent pour la protection des systèmes qui font tout pour les casser, non pas dans la discrétion et le secret des laboratoires, comme on le faisait traditionnellement, mais en public en organisant des concours. On peut imaginer que ceux là-mêmes qui s'amusent à lancer des virus sont les premiers à répondre à ces concours.

jeudi, mars 02, 2006

Quelle étrange manière de gouverner

Il aura suffi d'une bagarre sur une aire d'autoroute de deux bandes rivales de supporters du Paris-Saint-Germain, des protestations d'entraîneurs dont des vedettes ont été sifflées (Barthez et Mishalak) et, peut-être, d'articles dénonçant les comportements racistes des supporters italiens et espagnols pour que notre ministre de l'intérieur annonce son intention de déposer un nouveau projet de loi pour résoudre ces différents problèmes (dont un au moins n'en est, à ma connaissance, pas un en France : je n'ai jamais entendu dire que les spectateurs des rencontres sportives avaient des comportements racistes). Comme si ces phénomènes étaient nouveaux (les bagarres dans les stades sont sans doute aussi anciennes que les stades. Dans le beau livre qu'il a consacré à la France du 19ème siècle, l'historien américain Egen Weber cite de multiples rapports de préfets se plaignant des bagarres violentes, allant jusqu'à mort d'homme, qui accompagnent les compétitions sportives les plus banales)! Comme si notre arsenal juridique manquait de textes adaptés à ce genre de situation!
Une nouvelle fois, tout se passe comme si nos gouvernants ne savaient gouverner qu'en faisant voter des textes qui sont en général aussitôt oubliés.
Les parlementaires, le Conseil Constitutionnel s'en plaignent, mais rien n'y fait.
Tout cela donne l'impression que nos politiques n'ont le sentiment d'exister qu'en réagissant, devant des micros ou des caméras, au quart de tour au moindre incident, qu'en faisant des discours à l'Assemblée Nationale, qu'en se bagarrant avec l'opposition.
Parler en public leur donne le sentiment d'agir, alors qu'il serait tellement plus simple (mais tellement moins rentable en terme d'audimat!) de gérer leur ministère, de faire travailler leurs collaborateurs, de réfléchir avec les policiers aux meilleures manières de lutter (prévenir) des incidents que la Police connaît sans doute parfaitement bien. Mais évidemment, rien de tout cela ne mène devant les caméras.
On nous parle tout le temps de réforme de l'Etat. La première de ces réformes serait certainement d'amener les politiques à diriger effectivement leur ministère. Alors qu'ils se contentent, le plus souvent, aujourd'hui de ce qu'un proche collègue de notre ministère de l'intérieur, appelle le ministère de la parole.

mercredi, mars 01, 2006

Un archevêque comme on les aime

Il y a quelques années, j'avais été surpris et choqué de lire à la porte d'une église du 8ème arrondissement de Paris que l'on ne distribuerait d'aide alimentaire qu'à ceux qui pouvaient présenter des papiers en règle. L'Eglise qui nous parle en permanence de charité se faisait auxiliaire de police. Ce n'est Dieu merci pas vrai partout. Ce matin, le Los Angeles Times cite l'archevêque de Los Angeles. Ce prélat important (il est à la tête de la plus importante communauté catholique des Etats-Unis) a choisi de défier les autorités et demandé à ses 286 prêtes de prier pour une réforme de la politique d'immigration plus libérale. Parlant des mesures prises, au nom de la lutte contre le terrorisme à la frontière mexicaine, il a déclaré : "The war on terror isn't going to be won through immigration
restrictions," he said, adding that al-Qaida operatives would not trek
through miles of deadly desert to infiltrate the nation.
" Ce qui est, évidemment, le bon sens.
Mahony, c'est son nom, a ajouté qu'il demanderait à ses prêtes de désobéir à la réglementation actuellement en discussion au Sénat américain qui voudrait interdire aux églises et autres organisations charitables de venir en aide aux immigrés sans papiers. "If you take this to its logical, ludicrous extreme, every single
person who comes up to receive Holy Communion, you have to ask them to
show papers
, a-t-il ajouté. It becomes absurd and the church is not about to get into
that. The church is here to serve people. ... We're not about to become
immigration agents. It just throws more gasoline on the discussion and
inflames people.
"