jeudi, décembre 31, 2009

Taxe carbone ; le Conseil Constitutionnel a bien fait

Dans sa dernière intervention de l'année, l'excellent Art Goldhammer, un américain qui tient l'un des meilleurs blogs sur la politique française, critique assez vivement la décision du Conseil Constitutionnel sur la taxe carbone. Je partage en général ses vues, mais je crois que là il se trompe.

Cet impôt était critiquable pour deux raisons majeures :
- il aurait été inefficace, ce qu'Art Goldhammer reconnait,
- il aurait été injuste puisqu'il aurait d'abord sanctionné ceux qui n'ont d'autres solutions que le transport automobile et le chauffage au fuel, c'est-à-dire ceux qui habitent en banlieue loin des centre-villes.

On sait depuis très longtemps que les dépenses de carburant et de chauffage sont peu sensibles au prix : les gens qui ont besoin de se déplacer et de se chauffer continuent de le faire. Un impôt ne fera, dans ces conditions, qu'appauvrir les plus pauvres. 

Si l'on veut effectivement réduire les consommations et modifier les comportements, il faut proposer des alternatives à  nos modes de consommation, des transports en commun, des véhicules plus économes et, surtout, un urbanisme mieux adapté à la nouvelle donne. Or, la taxe carbone ne permet rien de tout cela. C'est pourquoi on peut, on doit la critiquer. La lutte contre le réchauffement climatique passe beaucoup plus dans nos pays par une refonte des politiques d'occupation des sols que par une augmentation des prix déjà très élevés des produits pétroliers. Et tout cela, je le précise, n'a rien à voir avec l'opposition à Nicolas Sarkozy. 

PS J'ai été dés les premiers jours hostile à cette taxe, et pour des motifs qui n'ont que peu à voir avec une quelconque animosité à l'égard de Nicolas Sarkozy, ce que j'ai expliqué dans cette chronique de septembre dernier.

PS bis Bonne année Art et longue vie à votre blog!

mercredi, décembre 30, 2009

Identité nationale : le point de vue d'Aristote

Demander à Aristote un éclairage sur les questions de l'identité nationale peut sembler étrange. Il s'est, cependant, posé la question dans une période qui n'était pas sans rappeler la notre, avec une crise d'identité liée, d'une part, à la globalisation (les cités grecques entouraient toute la Méditerranée, allant jusqu'en Inde et en Afghanistan) et, d'autre part, à la secousse qu'ont été pour la société grecque l'interminable guerre du Péloponnès (qui a duré près de trente ans) et la crise intellectuelle et morale qui a suivi et s'est notamment traduite par la condamnation de Socrate accusé de corrompre les jeunes gens.

Dans son Traité de politique, Aristote consacre un chapitre (III, 3) à l'identité de la cité et deux autres au concept de citoyen (qui l'est, qui ne l'est pas? chap. 1 et 2 du même livre III), deux questions qu'il lie explicitement.

On y trouve des formulations voisines de ce que l'on peut entendre dans les débats organisés par Eric Besson : "sur le citoyen aussi il y a une controverse, puisque tout le monde n'est pas d'accord pour dire du même individu qu'il est citoyen; tel, en effet, qui est citoyen dans une démocratie souvent dans une oligarchie ne sera pas citoyen." (1274 - b, 40).

Il aborde la question centrale quoique non-dite de ces débats qui n'est pas l'immigration mais la citoyenneté des enfants nés en France de parents immigrés. Car, c'est bien à cela que reviennent tous les discours sur l'Islam, la racaille des banlieues et les casquettes à l'envers : ces jeunes gens nés en France de parents (ou de grands-parents) nés à l'étranger peuvent-ils vraiment être Français? "Dans la pratique, écrit-il, on définit un citoyen celui qui est né de deux citoyens et non pas d'un seul, père ou mère; mais il y en a qui demandent plus, par exemple deux aïeux ou trois au plus. Mais à ceux qui posent cette définition politique brute certains objectent : ce troisième ou quatrième aïeul de quel droit sera-t-il citoyen?" Traduit en français moderne : qu'est-ce qui autorise des gens qui sont Français depuis six ou sept générations à contester le droit de l'être à ceux qui ne le sont que depuis une génération?

Toute la difficulté revient, explique-t-il, à savoir si l'on peut être injustement citoyen? Réponse : bien sûr que non. La preuve : il y a de mauvais magistrat (élus, jurés) et jamais on ne s'interroge sur leur appartenance à la cité. Ces jeunes gens qui mettent leur casquette à l'envers, ces jeunes filles qui portent un voile ne respectent peut-être pas les règles usuelles de comportement dans l'espace pubic, mais ils sont citoyens au même titre que n'importe qui d'autre.

Cette discussion sur la citoyenneté en amène, chez Aristote comme chez nous, une autre sur ce qu'est la cité (la nation, en vocabulaire contemporain). On retrouve dans ses propos des questions voisines de celles qui ont agité la classe politique il y a quelques années : fallait-il nous excuser pour les fautes commises par Vichy (thèse de Chirac qui l'a amené à affirmer la complicité de l'état français)? ou, au contraire, refuser de le faire au motif que la République n'a rien à voir avec l'Etat français de Pétain (thèse de Mitterrand)? "Certains, nous dit Aristote, sont d'avis qu'il ne faut pas honorer les contrats du fait que ce n'est pas la cité qui les a passés mais le tyran." Ce qui le conduit à cette question qui nous ramène au débat sur l'identité nationale : "d'après quel critère faut-il dire que la cité est la même ou n'est pas la même mais une autre?"

Ce n'est en tout cas pas "du fait de ses murailles, car on pourrait entourer le Péloponnèse d'une muraille sans en faire pour autant une cité." Ce ne sont pas nos frontières qui font l'identité. Ce n'est pas non plus la race ni la population puisque celle-ci change en permanence (les individus naissent et meurent). C'est la constitution, son organisation qui assurent l'identité de la société. Mais ces constitutions peuvent évoluer, changer.

En changeant de régime en 1940, la France a plus sûrement saccagé son identité qu'en accueillant des étrangers, polonais, espagnols ou italiens. Les débats actuels pourraient nous faire croire le contraire.

Chine : Savoir dire non

L'exécution en Chine de Akmal Shaikh, le passeur de drogue britannique, devrait être l'occasion pour les Européens qui partagent la même horreur de la peine de mort, de dire son fait à la Chine et de lui rappeler nos valeurs. Les britanniques sont furieux à juste titre. Nos dirigeants devraient faire preuve de fermeté et leur apporter un soutien solide. Ils pourraient, par exemple, convoquer l'ambassadeur de Chine dans leurs pays respectifs pour leur enseigner quelques points de morale élémentaire. Comme le dit très justement The Economist, la Chine se comporte en "bad boy" sur trop de fronts : il est temps de rappeler à ses dirigeants que le commerce et les produits bon marché n'excusent pas tout. Ce serait le meilleur service à rendre aux Chinois et à nous-mêmes.

A ne rien dire, on prend tout simplement le risque de laisser la Chine en prendre chaque jour un peu plus à son aise à nos dépens.

mardi, décembre 22, 2009

Le Figaro a aussi des lecteurs antisémites

J'imagine que les journalistes du Figaro lisent les commentaires que leurs articles suscitent sur internet et qu'il leur arrive d'être… mal à l'aise quand, auteur d'un article sur Pie XII, ils lisent ce que l'on peut lire ici. Il suffit de si peu de choses pour donner aux antisémites l'occasion de donner de la voix.

lundi, décembre 21, 2009

Echec de Copenhague : une chance pour Sarkozy?

L'échec de Copenhague pourrait bien se révéler une chance pour Nicolas Sarkozy. Il a été, on le sait, en pointe sur ce dossier. Il a avancé de nombreuses propositions qui n'ont, semble-t-il, même pas été discutées (comme ces fameux financements innovants dont ne parle que la presse française) mais qui avaient l'avantage de lui valoir des sympathies bien au delà de son camp. Il pourrait dans les semaines qui viennent en annoncer d'autres qui auraient le grand avantage 1) de le conforter dans sa position de leader européen sur ce sujet et 2) de lui attirer les faveurs de larges pans de l'opinion en France.

Il pourrait, notamment, pousser à l'instauration de taxes, tarifs et mesures discriminatoires aux frontières de l'Europe à l'égard des produits industriels dont l'empreinte écologique serait trop médiocre. Cela irait contre les règles de l'OMC, mais qui pourrait lui en vouloir :
- de frapper ceux (les Chinois, mais aussi les Américains) qui ont le plus freiné à Copenhague,
- de prendre des mesures protectionnistes susceptibles de protéger l'industrie française (et l'agriculture : hier dans une grande surface de province, j'ai trouvé des haricots blancs venant de Chine à coté de lentilles cultivées en Argentine!)?

Cela lui serait d'autant plus facile que les affaires étrangères sont le domaine par excellence des Présidents français pour des motifs institutionnels : c'est leur chasse gardée, ils ne sont pas, comme les Présidents américains, entravés par le Parlement. Indépendamment de leurs qualités personnelles, cette liberté explique pour beaucoup le poids qu'ils ont dans les affaires internationales.

Des mesures de ce type lui vaudraient une large sympathie allant des protectionnistes classiques, à la FN, aux écologistes. De quoi reconstruire une popularité un peu comme sut faire Chirac avec l'Irak.

samedi, décembre 12, 2009

Clip des jeunes UMP : le corps en politique

Le clip des jeunes de l'UMP est bien plus subtil qu'il apparaît à premier coup si l'on en juge par ce décryptage de Marianne. Pour ma part, je n'avais remarqué que l'épisode Besson (variations sur la veste retournée qui mériterait une explication psychanalytique tant il parait énorme) et le passage avec Sarkozy et Obama, mais il y en avait bien d'autres : effeuillage de la rose, presse aux ordres…

Il est vrai que j'ai une double excuse, tout cela a été conçu de manière quasi subliminale et le premier réflexe est de regarder nos ministres dans leur corps. Trois seulement s'en sortent à peu près bien, Nadine Morano, la seule qui ne soit pas ridicule, dont on comprend que c'est la culture, Jean-Pierre Raffarin qui s'est sans doute souvenu qu'il a chanté dans sa jeunesse dans un orchestre rock, et Valérie Pécresse qui a dû être cheftaine d'une troupe scout. Pour les autres, c'est une catastrophe alors même qu'ils sont souvent plutôt bons à la télévision (ou, en tout cas, pas si mauvais).

Au delà de ce qu'il a de ridicule et de consternant, ce clip révèle sans doute la place nouvelle prise par le corps en politique. On se souvient du pas de coté de Nicolas Sarkozy lors d'un jogging, de ses gestes pour s'approprier la popularité de Dany Boon lors d'une remise de médaille. Autant de gestes qui en disaient autant sur sa personnalité que ses mots. Le cas de Raffarin est intéressant : ce Monsieur Prudhomme sait bouger, il a appris dans sa jeunesse, à l'inverse d'Eric Woerth. L'attitude de Christine Lagarde est elle aussi intéressante : on devine dans ses gestes, dans sa maladresse, une difficulté à aller vers les autres, à prendre le rythme, à être à l'aise avec les autres. Ce n'est pas une politique.

Ce n'est pas tout à fait une première, mais c'est une expérience intéressante qui devrait, au delà de la consternation, enseigner aux politiques que leur corps parle aussi et en dit souvent autant sur eux que de longues phrases. Et qu'en ces temps de médias omniprésents, ils ne peuvent plus le cacher.

vendredi, décembre 11, 2009

Un clip… consternant

Les jeunes UMP ont donc réalisé un clip. Cela s'appelle, parait-il, un lip-dubb. Lip pour lèvres et dubb pour doublage (j'imagine), ce qui pour un parti qui prône le débat sur l'identité nationale laisse déjà rêveur. Nos jeunes UMP seraient-ils donc incapables de parler français et d'inventer, si nécessaire des mots dans notre langue?


Mais au delà de cette déficience lexicale, que penser de ministres s'essayant à cet étrange jeu. Qu'ils sont ridicules? C'est l'évidence. Qu'ils en souffrent? C'est probable. Comment imaginer que Christine Lagarde ait pu prendre plaisir à cet exercice qui la rend grotesque et, plus encore, la révèle telle qu'en elle même : formidablement coincée?

J'en retiendrai pour ma part autre chose : ce genre d'exercice est assez fréquent dans les séminaires qu'organisent les grandes entreprises. Chacun s'y sent un peu ridicule, surtout qui a passé l'âge de prendre plaisir aux soirées du Club Med, mais on s'y prête, par complaisance, parce qu'il parait que cela fait branché, dans le coup. Et on l'oublie aussitôt. Cela ne sort pas des caméscopes des participants.

Que des ministres, et non des moindres, aient accepté de jouer ce jeu consternant pour un clip appelé à être diffusé largement suggère qu'ils ne font plus tellement la différence entre ce qui peut passer lorsque l'on est entre soi (entre militants UMP) et ce que l'on doit aux Français que l'on prétend représenter. Cette absence de respect de soi et, donc, des autres est tout simplement consternant.

mercredi, décembre 09, 2009

Le dernier papier de Guaino?

On dit un peu partout qu'Henri Guaino est de plus en plus isolé à l'Elysée (voir, notamment le papier du Monde sur le départ d'Emmanuelle Mignon de l'Elysée). Je ne sais pas si c'est vrai, mais il a en tout cas perdu beaucoup de son brio s'il est bien, comme on le dit, l'auteur du pensum sarkozien publié hier dans Le Monde (Respectez ceux qui arrivent, respectez ceux qui accueillent).

Cet article sensé réagir aux dérapages répétés des débats sur l'identité nationale est l'exemple même de la mauvaise dissertation : platitude sur truisme, idée générale inconsistante, sujet pas traité On ne sait d'ailleurs meme pas de quoi son auteur parle : des minarets? de la Suisse? de l'Islam? de la tolérance? C'est tellement filandreux et mou que l'on n'a meme pas envie de critiquer.

Ce ratage n'est évidemment pas un hasard. Le gouvernement a ouvert avec ces débats une boite à Pandore et la votation suisse l'a un peu plus encore mis dans l'embarras. Il ne sait comment s'en sortir sans, d'un coté, désespérer ces électeurs de la droite profonde qu'il veut séduire ni, de l'autre, se couper complètement de ces électeurs musulmans qui ne sont probablement pas moins nombreux. La difficulté est d'autant plus réelle que Nicolas Sarkozy est l'un des premiers politiques à avoir vraiment pris la mesure de la diversité de la société française et à en avoir tiré des conséquences positives. Mais il arrive qu'à vouloir être trop habile on se prenne les pieds dans le tapis.

dimanche, décembre 06, 2009

Pascal Dumay et l'incontinence

Frédéric Mitterand vient donc de suspendre Pascal Dumay, le patron du Conservatoire National Supérieur de Musique, soupçonné d'avoir consulté mais aussi, semble-t-il, fait circuler des photos pedo-pornographiques. A l'occasion de cette affaire on apprend incidemment qu'une équipe de gendarme est chargée de surveiller la toile. On aimerait savoir ce qu'elle surveille exactement. Parce qu'après tout, il en va de nos libertés. On découvre également une présomption d'innocence à géométrie variable, mais Frédéric Mitterrand n'avait sans doute pas d'autre solution que cette suspension. Je serais bien surpris qu'on la lui reproche même si, sur le fond, il est un peu gênant de voir le soupçon l'emporter sur toutes autres considérations.

Ce qui me surprend le plus c'est l'attitude de Pascal Dumay s'il est avéré qu'il a consulté et fait circuler des images pédo-pornographiques. Il n'est certainement pas sans savoir que cela suscite une formidable réprobation dans notre société, il sait également qu'il occupe un poste relativement sensible et cependant il continue. On est en plein dans ce qu'Aristote appelait l'incontinence (akrasia) ou faiblesse de la volonté que des philosophes comme Donald Davidson, Amélie Rorty ou Richard Holton, entre bien d'autres, ont cherché à comprendre. Je n'entrerai pas ici dans le détail des analyses des uns et des autres dont on peut trouver un aperçu sur Wikipedia, je voudrais seulement souligner la force des passions, du désir lorsqu'ils sont confrontés à la rationalité et combien, malgré tous nos efforts, ils peuvent nous entraîner à faire le contraire de ce que nous jugeons, par ailleurs, juste et bon.

J'ajouterai, enfin, que grâce à Internet on peut facilement avoir des portraits de Pascal Dumay et que rien, mais vraiment rien sur son visage n'annonce le pervers (on peut également y découvrir que ce pianiste que la presse nous présente comme un grand interprète a quitté le monde de l'interprétation il y a plus de vingt ans pour devenir un fonctionnaire de la musique, mais c'est autre chose). Un mystère, donc. Ou plutôt un fait avec lequel il faut vivre.

L'opposition dans les médias audiovisuels

Une des innovations bienvenues du sarkozysme est le développement (involontaire et certainement pas souhaité) de la critique politique dans les médias audiovisuels. L'émission de Yann Barthès sur Canal + et les éditoriaux de France Inter se situent clairement dans l'opposition au gouvernement. Ces médias nous avaient habitué à plus de respect du pouvoir en place. La critique existait bien autrefois, mais elle était pour l'essentiel confinée dans les émissions satiriques (Bébéte show, Guignols de l'info). Ce n'est plus le cas. Barthès pratique une sorte de sémiologie critique du discours audiovisuel du pouvoir dominant originale. Les éditoriaux de France Inter sont plus dans la tradition de la presse d'opinion, mais les uns et les autres tranchent agréablement avec ce qui se faisait.




Le phénomène n'est pas propre à la France. Mais il a pris chez nous une tournure particulière du fait de la révérence traditionnelle de nos journalistes audiovisuels à l'égard du pouvoir en place.

A quoi est-ce que cela tient? Sans doute à l'effet internet. Les journalistes sont en compétition avec tous ceux qui s'expriment sur ce nouveau média en toute liberté, sans le moindre contrôle. La liberté sur internet les a sans doute désinhibés et incités à multiplier les décryptages et à faire preuve de plus d'audace.

vendredi, décembre 04, 2009

Les effets inattendus du débat sur l'identité nationale

Le débat sur l'identité nationale tournerait-il mal pour la majorité? Les réactions, tant à droite qu'à gauche, au vote suisse sur les minarets et aux réactions de Xavier Bertrand, les réactions du gouvernement suite aux dérapages des débats sont les premiers signes visibles de ce qui apparaitra peut-être demain comme une erreur politique majeure. La majorité est mal à l'aise avec cette thématique et pas seulement parce que tout le monde a compris ses visées électoralistes. Et elle a de bonnes raisons de l'être. Ce débat prend une tournure qui ne lui est pas du tout favorable.

En donnant un espace à l'expression de toutes les xénophobies, il a fait sortir le Front National du trou dans lequel il était. Plusieurs sondages indiquent qu'il remonte dans les intentions de vote pour les régionales au point de rendre difficile voire impossible la reconquête de régions par la droite. On l'avait oublié, la droite l'a remis en selle en reprenant une de ses thématiques préférées.

De l'autre, cette même confusion de l'identité nationale et de la lutte contre l'immigration a requinqué la gauche, lui a donné l'occasion d'afficher ses valeurs, ce qu'a fait Martine Aubry dans son discours d'il y a quelques jours en parlant de la France qu'elle aime. Des valeurs que toute la gauche partage et sur lesquelles il n'y a pas de débat son sein.

mardi, décembre 01, 2009

Le site de Besson, publication raciste?

Il n'y a pas que cela sur le site d'Eric Besson consacré au débat sur l'identité nationale, mais il y a aussi cela :

domi83
30/11/09 à 13:20

Etre Français, c’est se sentir bien dans son pays, sans crainte, ni peur. Etre fier de la France, de nos magnifiques régions, d’attirer tant de touristes. Mais ce qui me peine beaucoup, et je ne suis plus fière d’être française, c’est d’attirer tous ces étrangers qui profitent du social, ces gens là ne travaillent pas !! ils vivent grace aux allocations familiales et autres aides diverses, que nous propres français, nous n’y avons pas droit car nous travaillons. Je paye un impôt social pour la sécu et les services sociaux, mais j’en ai franchement MARRE de devoir travailler et d’être prise pour une vache à lait. QUELLE DEVIENT MOCHE LA FRANCE, J’AI HONTE POUR ELLE ET J’AI HONTE D’ETRE FRANCAISE !! Voilà ma bien triste opinion de la France. QUEL GACHIS

valynette
30/11/09 à 13:14

aux armes citoyens
Regarder ce qui vient de se passer en suisse ! eux au moins le courage de leurs opignons a savoir non aux mosquées et au signe instantatoires de tous ordres. On cri haro sur eux je crois qu’illes s’en fissent comme de l’an 40. Auront nous le même courage et surtout nos politiqes je ne crois pas et pourtant -de 1% de la population suisse est magrébine alors que dire chez nous ou dans certains quartiers on se sent en minorité et ou en permanence l’insulte de ces gens nous sert de garde robes et ou le voile la robe noire et la totla sont aujourd’hui courant (dans ma ville doit se trouver les 2200 emballages complets que soit disant il y a en france).
Pour eux la France n’est qu’un tiroir caisse pu l’on pratique le holdop permanent.

Est-ce bien le rôle d'un ministre que de donner à ce genre de propos l'occasion de s'afficher?

Sur le protectionnisme

Dans mon précédent post à propos des minarets, je parlais du protectionnisme. Je viens à l'instant de découvrir un excellent post de Paul Krugman sur le même sujet dans son blog. Il faut le lire, mais aussi lire les commentaires où l'on découvre :
- que la mondialisation peut être synonyme de constitution de monopoles mondiaux et donc de réduction de la concurrence,
- que le sentiment protectionniste n'est pas inconnu aux Etats-Unis : "We cannot continue to create jobs in China and subtract jobs in the U.S. The next new wave of technology must create jobs here at home" dit un lecteur de Paul Krugman,
- que la protection de l'environnement pourrait passer pour une manière acceptable de faire passer la pilule : " We can trade with them, but only if they abide by the same production rules that we do; otherwise, we become China," dit un autre.

Minarets : Bertrand se trompe

Le vote des Suisses sur les minarets a donné à Xavier Bertrand une idée, une sacrée bonne idée : pourquoi ne pas voter sur les minarets en France? Il n'a pas dit tout à fait cela, il a procédé par allusion : il n'est pas, nous a-t-il dit, "certain que l'on ait forcément besoin de minarets" pour pratiquer l'islam. Mais tout le monde a compris ce qu'il voulait dire.

Tout cela me rappelle cette bourgeoisie bien pensante qui n'est pas antisémite mais qui ne manque jamais l'occasion d'une allusion à la puissance des juifs, à leur goût de l'argent… cette même bourgeoisie qui pense comme Bernanos que le premier tort d'Hitler est d'avoir rendu les antisémites infréquentables (cet écrivain par ailleurs très estimable disait également : "Je ne suis ni antijuif, ni antisémite, mais j'ai toujours cru qu'il y a un problème juif"). Le Figaro, qui n'en manque pas une, en fait son titre ce matin et lancé un sondage sur internet (Faut-il interdire la construction de minarets en France?) avec, lorsque je l'ai consulté, un résultat attendu : 77% des internautes ont répondu par l'affirmative. Tout cela est, bien sûr, très déplaisant. Et stupide.

L'objectif est, bien sûr de rameuter les électeurs du Front National que la politique de Nicolas Sarkozy a éloignés de la majorité. Tout comme les mesures prises contre l'immigration clandestine ou ces débats absurdes sur l'identité nationale. Mais cela repose, je crois, sur une formidable erreur politique. A l'inverse de ce que l'on a si souvent dit, l'électorat du Front National est composite. Il est formé pour une part de gens d'extrême-droite, racistes, antisémites… et pour une autre d'électeurs issus des classes populaires qui ne sont pas spécialement racistes, qui ne le sont en tout cas ni de manière systématique ni de manière idéologique. Ils vivent, plus que la bourgeoisie et les classes moyennes, dans une société mixte et s'en accommodent très bien. S'ils ont voté pour le Front National, c'est qu'il a longtemps été le seul parti à soutenir une politique protectionniste. C'est cela qu'ils appréciaient chez lui et qu'ils ne trouvaient pas ailleurs, ni à gauche ni à droite. Ce n'est pas en agitant l'immigration clandestine ou les minarets que la droite regagnera leurs voix. Ce serait en prenant des mesures protectionnistes ou, à défaut, en développant un discours de ce type. Mais… c'est ce qu'elle ne peut pas faire car ce serait se mettre à dos le Medef et risquer de perdre tous ceux qui dans son électorat profitent ou s'accommodent de la mondialisation, du libre-échange et de l'ouverture des frontières.

jeudi, novembre 26, 2009

L'immigration : un chiffon plus très rouge

Les élections approchent, la majorité a de mauvais sondages. Elle essaie de reprendre la main en agitant le chiffon rouge de l'immigration pour reconquérir cet électorat populaire venu du Front National que son action a déçu : l'interdiction de la burqua sur la voie publique, du voile dans les travées de l'Assemblée nationale, le débat sur l'identité nationale… tout va dans le même sens.

Il y a cependant de fortes chances que cela ne lui serve pas à grand chose. Pour trois motifs :
- la société française d'aujourd'hui n'est plus celle d'il y a quinze ans. Elle a changé dans ses profondeurs, elle a beaucoup évolué sur ces sujets et accepté l'idée que nous étions une société diverse, métisse. L'un des effets inattendus du débat sur l'identité nationale aura été le coming out de tous ces enfants d'immigrés (espagnols, italiens, polonais, algériens…) qui révèlent une ascendance dont ils ne parlaient à peu près jamais. Ce qui relevait du privé, de l'intime est en passe de devenir public, et ceci dans tous les milieux ;
- ces évolutions sont sans doute plus marquées dans les classes populaires que dans les classes moyennes. Tout simplement parce qu'elles vivent plus massivement cette diversité. C'est dans les classes populaires que le métissage se fait le plus naturellement, le plus simplement ;
- le discours de la droite est paradoxal, contradictoire. Nicolas Sarkozy et quelques autres autour de lui, comme Coppé ont compris que la société française a profondément évolué sur ces sujets. Ils en ont d'ailleurs tiré les conséquences en aidant notamment des personnes issues de l'immigration à faire carrière dans la politique. Comment peuvent-ils être pris au sérieux lorsqu'ils tentent de stigmatiser la population issue de l'immigration?

Copenhague : il faut aider le soldat Obama

Comme toute la presse européenne le faisait remarquer ce matin (mais pas forcément la presse américaine), les propositions de Barack Obama sur le climat sont extrêmement décevantes. Très loin de ce qui serait nécessaire et de ce qu'on attendait de lui.

Le plus grave est qu'il est sans doute au plus loin de ce qu'il peut faire tant ses marges de manoeuvre sont réduites : l'opinion américaine est infiniment moins convaincue que l'opinion européenne de la nécessité d'agir, le parlement est travaillé au corps par des lobbies pétroliers dont nous ne mesurons pas ici la puissance, sa volonté de faire avancer ses projets sur l'assurance maladie l'obligent à des concessions avec les élus les plus conservateurs, l'explosion du chômage rend difficile toute concession qui ne soit pas cosmétique. Les chances qu'il avance plus sur ce dossier sont pour toutes ces raisons très minimes. Sauf si l'Europe en pointe sur ce dossier trouve le moyen de l'aider. Mais comment faire?

Utiliser le rapport de force? Il faudrait que l'Europe soit capable de convaincre les pays émergents et les pays en développement de se battre sur ce dossier et de pousser l'Amérique dans un coin. Mais cela parait difficile.

Agiter l'arme du protectionisme, mettre des taxes élevées sur les produits dont l'empreinte écologique est trop mauvaise? C'est difficile et dangereux, même si l'exemple des OGM montre que l'Europe lorsqu'elle est soutenue par son opinion sait marquer des points.

Reste une piste : battre les Américains à leur propre jeu.

On sait qu'ils ont plus que les Européens confiance dans le marché et dans la technologie. Si l'Europe prenait une avance réelle en matière de technologies environnementales, si elle finançait massivement des travaux de recherche dans ce domaine, elle pourrait inciter les autorités américaines à faire des efforts pour éviter que ses industriels ne prennent trop de retard. Il faudrait, au fond, retourner contre les Américains la stratégie du bouclier anti-missile qui a si bien réussi à Reagan contre l'URSS. Pas pour les vaincre et les ruiner, pour les forcer à se lancer dans l'aventure.

Que se passerait-il si à Copenhague, les Européens arrivaient avec un plan de financement très massif des technologies environnementales? Que feraient les Chinois? Resteraient-ils les bras croisés? Et si les Chinois et les Indiens s'y mettaient vraiment, que feraient les Américains? Créer une concurrence internationale sur les technologies environnementales serait sans doute la meilleure manière de les inciter à se lancer dans la bataille contre le réchauffement climatique. Mais en avons nous les moyens?

mercredi, novembre 18, 2009

Le CNRS publie plus que l'Académie des sciences de Chine et que Harvard

C'est le Canard Enchaîné qui le fait savoir : d'après un institut espagnol, Scimago, le CNRS serait la première institution savante mondiale pour le nombre de publications devant l'Académie des Sciences chinoises, l'Académie des Sciences russes mais aussi les grandes universités américaines (Harvard vient en quatrième position avec deux fois moins de publications que le CNRS). On trouve ces chiffres qui surprennent un peu ici. Ils sont tirés d'une base de données de l'éditeur Elsevier qui recense les publications dans 17000 revues savantes. La période analysée est récente : 2003 à 2007.

Je ne sais pas comment interpréter ces résultats, ni si les comparaisons avec les universités américaines ont beaucoup de sens (Harvard + l'université de Californie + Ann Arbor publient plus que le CNRS. Paris VI, la première université française n'arrive qu'en 71ème position) mais ils invitent à revisiter les remarques récurrentes sur les chercheurs qui ne travaillent pas, sur la bureaucratie au CNRS (ou à l'INSERM classé en 14ème position) ou sur la méfiance des chercheurs français à l'égard de la mesure de leurs efforts par le nombre de publications…

Le soleil nous boude, mais il brille à l'étranger

Nicolas Sarkozy est en Arabie Saoudite, pour un voyage que l'on dit semi-privé tandis que François Fillon se fait huer par les maires et les élus locaux à Paris. Deux poids, deux mesures? Non, une illustration de ce qu'est la politique au plus haut niveau en France : difficile à l'intérieur des frontières, souvent brillante à l'extérieur. Nicolas Sarkozy n'est pas le premier président à partir à l'étranger pour goûter un peu de répit et quelques succès. Et, pour dire vrai, il y réussit plutôt bien (Europe, G20, demain peut-être Copenhague…). Tout comme, d'ailleurs, ses prédécesseurs qui n'ont pas manqué, eux non plus, d'accumuler les déboires dans l'hexagone.

Ce grand écart entre des difficultés récurrentes à l'intérieur et des succès à l'extérieur est, me semble-t-il, une particularité française qui tient probablement à ce que la politique étrangère y fait moins débat chez nous qu'ailleurs. Cela tient sans doute à une tradition d'indépendance nationale qui unit gauche et droite dans la volonté de se démarquer des Etats-Unis, dans la volonté partagée par tous, à gauche comme à droite, de maintenir un certain rang dans le monde, ce qui suppose ouverture aux problèmes des autres et activisme diplomatique, dans un pacifisme de façade (de façade puisque nos soldats se battent depuis longtemps un peu partout) qui évite les aventures trop risquées. Cela tient aussi à des institutions qui font des affaires étrangères un domaine réservé que le Président peut labourer comme il l'entend sans l'obligation de s'expliquer devant les parlementaires.

Le tout rend cette politique relativement efficace : le Président sait qu'il peut compter sur l'opinion et cela renforce ses positions dans les négociations avec ses partenaires. Tout le contraire des Présidents américains qui doivent en permanence négocier avec les parlementaires et une opinion tentée par le renfermement sur elle-même.

Et comme cette politique est assez efficace, elle produit des succés dont profitent des Présidents qui souffrent bien plus sur la scène nationale. Pas étonnant, dans ces conditions, qu'il leur arrive de préférer l'Arabie Saoudite au Congrès des maires.

Ségolène Royal : la bonne élève des médias

Non, Ségolène Royal n'est pas folle, incontrolable, caractérielle comme tant de commentateurs le suggèrent. Elle est plus simplement, comme d'ailleurs Nicolas Sarkozy, une enfant très douée des médias et de la télévision. Elle est devenue très habile dans l'art de les attirer. Elle sait leur plaire. Et pas seulement parce qu'elle est jolie et souriante. Comment mieux faire parler de soi qu'en grattant le PS où cela fait mal et en taclant avec une redoutable habileté son ancien second? Elle sait construire un de ces spectacles qui amusent et enchantent les journalistes politiques qui s'intéressent moins au fond ("parler d'éducation, quel ennui!") qu'aux tactiques, manoeuvres, coups d'estoc et d'esbrouffe. Si son esclandre de Dijon lui a valu d'être présente toute la journée d'hier à la radio et à la télévision, c'est qu'il illustrait une très jolie manière de renvoyer à sa place (au second rang) un jeune ambitieux. C'était presque un cas d'école et je ne serais pas surpris que d'autres demain s'en inspirent pour casser un concurrent.

Elle fait cela d'autant mieux que chacun lui reconnaît une véritable intuition politique : que ce soit sur l'alliance avec le modem, la taxe carbone ou sur le passe contraception, elle sait toucher juste. Cela ne fait malheureusement ni une stratégie politique, ni un programme ni un projet.

Occuper l'espace médiatique avec talent, c'est bien, encore faudrait-il que cela ne se fasse pas aux dépens de sa prochaine candidature à la candidature. Parce qu'après tout : qui peut aujourd'hui dire que nous serions mieux gouvernée si elle était à l'Elysée? Alors même que c'est la seule idée qui pourrait lui en ouvrir les portes.

Si l'on était de ses proches, on lui recommanderait un peu de jeûne médiatique…

jeudi, novembre 12, 2009

De quelques nuances de l'anticapitalisme

Libé a publié il y a quelques jours un intéressant sondage de Viavoice sur l'éclatement de la gauche en plusieurs familles : social-libéral, anticapitaliste, écologiste, étatiste… Le fait marquant est, cette année, "l’installation massive de la galaxie antisystème écologiste", qui se nourrit de l’effritement des quatre familles identifiées dans les précédentes enquêtes. Ses membres placent l’environnement au cœur des politiques publiques mais se disent aussi "proches" à 95% des idées anticapitalistes.

Les écologistes sont donc anticapitalistes mais pas de la manière dont le sont les électeurs proches du NPA. La différence porte, bien sûr, sur les thèmes : ils se soucient plus de l'environnement que des questions sociales, même s'ils ne négligent pas celles-ci, mais pas seulement. Il me semble que leur anticapitalisme n'est pas de la même nature. Les anticapitalistes traditionnels à la NPA, disons pour simplifier les marxistes, critiquent le capitalisme, les entreprises capitalistes pour ce qu'elles sont et ce qu'elles font. Elles leur reprochent d'exploiter les salariés, de s'enrichir sur leur dos, de leur faire une vie impossible, de leur imposer des cadences infernales… Toutes critiques qu'il est facile de documenter. Il suffit de se promener dans quelques usines…

Les écologistes reprochent aux entreprises moins ce qu'elles font que ce qu'elles pourraient faire. Leurs critiques portent moins sur leurs actes que sur leur potentiel de nuisance. Nul ne sait si les antennes de téléphonie mobile sont un risque pour la santé, mais le fait même qu'elles puissent en présenter un suffit à militer pour leur interdiction et à condamner les entreprises qui les installent. Même chose avec les OGM, les déchets nucléaires (dont nul ne sait si nous saurons demain les traiter) ou le vaccin contre la grippe qui suscite aujourd'hui tant de méfiance : nul ne peut prouver qu'il est inutile ou inefficace (voire même dangereux), il suffit cependant qu'il soit produit par des laboratoires privés pour qu'on les soupçonne d'avoir fait passer dans cette affaire les intérêts de leurs actionnaires avant ceux de la collectivité. Les écologistes ne condamnent pas des actes (où sont les documents, les déclarations… qui montreraient que les laboratoires ont monté cette opération vaccin pour arrondir leurs fins de mois?) mais du possible. C'est toute la logique du principe de précaution.

Cette nuance dans l'anticapitalisme a probablement d'ores et déjà un impact sur les stratégies des uns et des autres. La cible n'est pas la même, ce ne sont plus les entreprises qui exploitent les ouvriers que visent les écologistes, mais l'Etat qui contrôle et délivre éventuellement les autorisations de commercialisation des produits. Ce ne sont plus les salariés victimes de l'exploitation qu'ils tentent de mobiliser mais les consommateurs et les citoyens. Il ne s'agit plus, comme chez les marxistes à la NPA, de militer pour une modification de la composition du capital des entreprises (introduction de l'Etat, des salariés dans le système de gouvernance…) mais d'exercer un contrôle fin sur les activités de l'entreprise (ses produits, ses technologies…).

Il ne suffit pas de se reconnaître dans l'anticapitalisme pour être d'accord sur tout.

Lettres à Aube

Au moment où on ne parle que de la désolante polémique créée par Eric Raoult (le droit de réserve des Goncourt), je voudrais signaler la sortie chez Gallimard d'un livre remarquable, sans doute l'un des plus beaux publiés cette année : les lettres qu'André Breton a adressées à sa fille Aube (quel joli prénom!). C'est tout simple, des lettres d'un père à sa fille aimée, mais c'est infiniment troublant. On y découvre, outre cet amour paternel qui surprend un peu de la part d'un homme qu'on imaginait plutôt en statue de sel, une intimité délicate plutôt désargentée, la chasse au papillon, le souci des études d'une enfant, des réves remplis de vers de Musset, l'attention à l'égard des autres. C'est un livre qui se lit comme un recueil de poèmes et qui fait un peu honte. On aimerait tant avoir écrit d'aussi belles lettres à ses enfants.

La campagne de vaccination commence

La campagne de vaccination du public contre la grippe commence aujourd'hui dans une atmosphère étrange. Si l'on en croit les sondages, les Français ne veulent pas se faire vacciner, doutent de l'innocuité de ce vaccin, s'interrogent sur les adjuvants.

Sans doute en ira-t-il autrement lorsque la presse annoncera les premiers cas de grippe mortelle. Cette méfiance intrigue cependant. On peut y voir l'échec d'une campagne de publicité gouvernementale maladroite ou plus simplement victime de la communication tous azimuts d'un exécutif qui ne sait pas nous laisser une seconde en paix.

Mais on peut aussi y voir un signe de notre relation compliquée avec la technologie, de notre méfiance à son égard. Et, en ce sens, cet échec serait à rapprocher des batailles contre le nucléaire, les antennes de téléphonie mobile, les OGM. On retrouve effectivement chez les adversaires de la vaccination des arguments qui servent contre ces autres techniques : avidité des grands groupes industriels, faiblesse des controles réalisés par des laboratoires financés par l'industrie.

Mais on peut également y voir l'inverse, une sorte de lassitude de l'opinion à l'égard de toutes ces menaces qu'on nous annonce chaque matin : cette grippe vient après les déchets nucléaires, le réchauffement climatique, les effets pervers des OGM ou des antennes de téléphonies mobile… On y croit un petit peu, assez pour se faire peur dans nos conversations de bureau, mais pas suffisamment pour se protéger.

Entre les deux, je ne sais que choisir. Peut-être y a-t-il des deux.

vendredi, novembre 06, 2009

Eric Besson va-t-il gagner son pari?

Eric Besson semble en passe de gagner son pari grâce… à la presse et, d'abord, à celle de gauche. Après Libération qui regrettait, dès le lendemain de l'annonce de ce débat, que la gauche refuse de s'y associer (éditorial de Laurent Joffrin), c'est au tour du Monde d'expliquer, dans un autre éditorial, que "plutôt que d'alimenter le vain débat sur l'opportunité du débat (…) il nous parfait plus utile d'aller d'emblée au fond de l'affaire : quels sont les traits de l'identité nationale?" On voit bien l'intérêt pour les journaux : cela fait de la matière à articles qui ne coûtent pas très cher à produire. Chacun peut y aller de son commentaire et les rédactions peuvent solliciter jusqu'à plus soif tous ces auteurs, experts, intellectuels, lecteurs, qui ne demandent pas de rémunération. Mais je ne suis pas sûr que l'intérêt des journaux fasse celui des lecteurs.

On aimerait recommander à tous ceux qui entreprennent de s'interroger sur l'identité nationale de relire le Jean-Paul Sartre de la question juive. Ce n'est évidemment pas en nous regardant dans un miroir que nous trouverons notre identité, c'est en écoutant ce que les autres, ceux qui nous regardent de l'extérieur, ont à nous dire sur ce que nous sommes. Si traits communs il y a, seuls des regards étrangers peuvent le discerner. Nous en sommes incapables, sauf à penser qu'être Français se résume à quelques imbécilités jusqu'alors réservées aux supporters des clubs de foot et de rugby, genre Marseillaise, drapeau et coq gaulois.

Pour conclure, une anecdote. Je me trouvais il y a quelques années à l'aéroport de Séoul. A l'autre bout du grand hall où j'attendais mon avion, se trouvait un groupe d'une vingtaine de jeunes filles autour de deux bonnes soeurs. D'où j'étais, je ne pouvais pas distinguer leur visage, pas plus les entendre, juste voir leurs gestes, leurs mouvements. C'étaient incontestablement des Françaises. Par curiosité, je me suis rapproché. C'étaient effectivement des Françaises, mais toutes nées en Corée et amenées en France bébé parce qu'orphelines. Leur francité s'exprimait dans leurs manières de se tenir, de mettre la main sur la hanche, de se projeter dans la conversation vers leur interlocutrices, de rire…

Je n'avais pu deviner leur francité que parce que, plongé depuis quelques temps, en Asie, je reconnaissais soudain ce que je n'avais pas vu depuis longtemps : des Français ensemble. Elles auraient pu porter un voile ou une burqua qu'elles n'en seraient pas moins restées pleinement françaises.

lundi, novembre 02, 2009

Chirac, lui, n’a pas d’amis.

Phrase terrible de Charles Pasqua à propos de Chirac : "Chirac, lui, n’a pas d’amis." Tout le contraire de Mitterrand qui en avait rangé tant dans tous ses tiroirs et de Nicolas Sarkozy qui confond si souvent amitié et relations. Mais Pasqua a sans doute raison : comme le disait un jour Sarkozy, Chirac est tout le contraire de ce que l'on croit, une brillante intelligence (et non pas un benêt inculte comme on s'est si souvent amusé à le décrire) d'une grande dureté (rien du sympathique bonhomme qu'on a longtemps cru). Comment aurait-il pu faire pareille carrière autrement?

Les nouveaux habits du débat public

Le débat sur l'identité nationale qu'organise la droite succède au référendum sur la poste qu'avait organisé la gauche… Personne n'ose le dire, mais tout cela relève de la même tactique : créer des événements qui incitent ses partisans à s'exprimer de manière bruyante pour donner à ses propositions ou à des politiques un peu plus de poids et de légitimité. Prenons le référendum sur la poste. 2 millions de Français ont participé à une votation sur la privatisation du service public. 95% se sont déclarés contre. Surprise? Seuls les plus opposés aux projets du gouvernement (et il faut dire qu'ils étaient nombreux) se sont déplacés. Les autres, les indifférents n'ont pas pris cette peine. La même chose se produira avec le débat sur l'identité nationale. Qui ira dans les préfectures et les sous-préfectures? Qui prendra le temps de discuter de la francité de la burqua, du chant de la marseillaise une fois par an ou autres âneries? sinon ceux qui sont déjà convaincus que l'identité nationale est menacée et qu'il faut la défendre contre les barbares qui ne chantent pas le chant national dans les stades.

Tous ces débats ont les mêmes caractéristiques :
- on en connaît les conclusions avant même qu'ils aient débuté (il faut maintenir la poste dans le service public, la burqua n'est pas française, il faut chanter la marseillaise…),
- ils ont l'allure du débat démocratique, de cette démocratie participative dont parlait Ségolène Royal, mais en sont tout le contraire puisque n'y participent que ceux qui partagent les conclusions initiales de leurs organisateurs,
- ils ont pour objet de donner une certaine légitimité populaire à des décisions qui suscitent une forte opposition,
- ils valent moins par les propositions qui en sortent (elles sont déjà écrites) que par le nombre de ceux qui y ont participé. Eric Besson ne convaincra vraiment que s'il fait mieux que les organisateurs de la votation sur la poste.

L'organisation du débat sur l'identité nationale est en général interprétée comme une opération pour reconquérir les voix d'extrême-droite. Il est en ce sens à rapprocher des Etats généraux que veut organiser le ministre de l'industrie dont on sait déjà qu'ils recommanderont toute une série de mesures protectionnistes qui visent à satisfaire un électorat ouvrier victime des délocalisations (il fallait entendre l'autre soir Estrosi à la télévision répéter jusqu'à plus soif le mot "ouvrier" pour deviner la cible). Le souci tactique est évident. Mais on peut aussi y voir la volonté de légitimer une politique qui se heurte à une opposition qui a su prendre de nouvelles formes avec, notamment, les micro-mobilisations sur des cas concrets que le RESF (Réseau Education sans frontière) réussit très régulièrement. Disons le simplement : les politiques de reconduite à la frontière qui séduisent tant la droite de la droite ne passent pas dans l'opinion. L'objet du débat sur l'identité nationale est de leur donner la légitimité qui leur manque.

mardi, octobre 27, 2009

Ostracisme de masse : au tour de la génétique?

Pasca Riché vient de publier dans Rue 89 un très intéressant papier sur l'utilisation de la génétique à droite avec des propos de Hortefeux à propos de l'affaire Sarkozy proprement stupéfiants. Il souligne combien cet appel à la génétique est récurrent à droite (il cite plusieurs propos tout aussi étonnants de Nicolas Sarkozy) et attribue tout cela à l'influence de la nouvelle droite.

Hypothèse plausible. qui fait penser que ces propos s'inscrivent dans une vieille tradition de l'ostracisme de masse qui prend des visages différents selon les périodes mais ne disparait jamais complètement. Cette histoire est certainement très complexe, mais j'imagine que l'on pourrait la réduire a gros traits en ces quelques étapes :
- dans l'antiquité grecque, le climat fabriquait des barbares que l'on pouvait réduire en esclavage avec la meilleure conscience du monde (brutes lorsque nés dans des pays trop froids, mollassons lorsque nés dans des pays trop chauds il leur manquait la faculté délibératrice qui distinguait les grecs)) ;
- plus tard, le sang a permis à l'aristocratie de justifier ses privilèges et sa domination sur un peuple qui manquait justement de ce sang : "bon sang ne saurait mentir" ;
- au XVIIIème siècle, quand les peuples commencent à s'émanciper émerge la notion de race et, avec elle, le racisme qui autorise, au nom de la supériorité de la race blanche, massacres de masse et esclavage ;
- le nazisme a porte un coup mortel au racisme (ce qui ne veut pas dire qu'il ne subsiste pas, mais plus personne n'ose en faire une théorie positive). Le voilà donc remplacé par cette "théorie" des gênes qui permet tout à la fois de justifier les positions acquises (je l'ai dans les gênes), la transmission à ses enfants (ils ont les mêmes gênes) mais aussi de sélectionner au plus tôt (dès le plus jeune âge, à quand des analyses génétiques à la naissance) les individus susceptibles de devenir dangereux et de les traiter (emprisonner, castrer…) avant qu'ils ne passent à l'acte.

On remarquera que dans tous les cas (sauf peut-être dans celui de l'aristocratie) la science est convoquée pour justifier ce qui n'est qu'idéologie.

samedi, octobre 24, 2009

Dynasties politiques

L'affaire Jean Sarkozy a mis l'éclairage sur un phénomène que les politologues connaissent bien, celui des dynasties politiques. On sait que beaucoup de nos politiques sont des enfants de politiques. On pense aux Debré (Michel, Jean-Louis, Bernard), aux Joxe (Louis, Pierre), aux Jeanneney (Jean, Jean-Michel), aux Laurent (Paul, Pierre, Michel) ou aux Seguy au PC, aux Le Pen… le phénomène est fréquent chez nous, mais peut-être plus encore aux Etats-Unis.

Pareto, Mosca, Michels et tous les théoriciens de l'élitisme en ont, en leur temps, parlé. Trois jeunes économistes, Pedro & Ernesto Dal Bó et Jason Snyder, viennent de reprendre le dossier. Ils ont publié, il y a un peu plus de deux ans, un papier, Political dynasties, qui montre, à partir de données américaines, que ces dynasties sont fréquentes dans cette grande démocratie. On pense aux Bush, aux Kennedy, mais il n’y a pas qu’eux, loin s’en faut. Et ils s’interrogent sur les raisons de cela.

On peut avancer plusieurs hypothèses :
- la première est qu’il y aurait dans ces familles des gênes qui rendraient particulièrement aptes à l’exercice de responsabilités politiques. C’est une thèse qui nous était jusqu’à présent un peu étrangère et dont on a pu deviner l’émergence en France ces derniers jours. Il fallait lire les réactions de la presse, je ne parle même pas des politiques, au lendemain de la déclaration télévisée du jeune Jean pour voir combien l’idée était implicite dans de nombreux commentaires admiratifs : c’était "tel père tel fils…” à longueur de colonnes ;
- la seconde est le népotisme pur : la nomination d’un de ses enfants est une manière pour l’élu d’affirmer son pouvoir, de s’imposer face à ses adversaires politiques, c’est une marque de son pouvoir : “je suis élu, je fais ce que je veux” ;
- la troisième est que le pouvoir engendre le pouvoir.

Partant d'une analyse statistique sophistiquée Pedro et Ernesto Dal Bó et Jason Snyder retiennent cette dernière hypothèse : tout se passe comme si les élus construisaient au fil des années un capital, leur nom, leur réseau… qu’ils transmettent à leurs enfants. Plus quelqu’un a de pouvoir, plus il dure dans le pouvoir, plus il y a de chance qu’un de leurs enfants en hérite.

Ce phénomène dynastique choque nos sensibilités démocratiques. Ces trois auteurs montrent cependant qu'il a eu des effets inattendus. Il a notamment contribué à favoriser la montée en puissance des femmes dans la politique. Et, effectivement, beaucoup de femmes politiques sont des héritières. Comme Martine Aubry, Roselyne Bachelot qui a hérité de la circonscription de son père, Françoise de Panafieu, fille de François Missoffe et, bien sûr, Marine Le Pen. 31% des parlementaires femmes américains sont, d'après leurs calculs, des héritiers contre seulement 8% des hommes. Ce qui éclaire d’un jour un peu blême les progrès de la féminisation de la politique.

A l'inverse de ce que le cas Jean Sarkozy pourrait faire penser cela ne permet pas aux héritiers d’entrer dans la carrière plus jeune. Ce qui confirme que cette affaire est exceptionnelle et va bien au delà des pratiques ordinaires.

Ces trois auteurs montrent enfin, et ce n'est pas le moins surprenant, que la tradition dynastique, ce qu’ils appellent le biais dynastique, est plus forte dans le monde politique que dans la plupart des autres professions.

vendredi, octobre 23, 2009

Une faute politique majeure : la réforme de la taxe professionnelle

Si on a aimé l'affaire Jean Sarkozy, on va adorer la réforme de la taxe professionnelle. Car avec la suppression de cet "impôt imbécile", son père prend un risque politique considérable. Telle qu'elle a été conçue, cette réforme va mettre la droite à feu et à sang.

Cette réforme imaginée pour favoriser l'investissement industriel laisse, d'abord, de coté les professions libérales (les 700 000 travailleurs indépendants sous le régime des BNC) qui continueront de payer cette taxe. Médecins, infirmiers libéraux, experts-comptables, géomètres, kinésithérapeutes… il s'agit, pour l'essentiel d'électeurs de la droite qui pourraient très bien se venger lors des prochaines régionales.

Ensuite, et surtout, cette réforme suscite les plus extrêmes réserves (et ce n'est sans doute qu'un euphémisme!) chez les élus locaux, maires, conseillers généraux, régionaux qui savent mieux que quiconque que cette taxe représente 50% des recettes des collectivités territoriales.

L'Etat s'est, naturellement, engagé à compenser par transfert des impôts les recettes perdues Mais qui peut vraiment le croire? Une loi de finance promulguée en 1995 prévoyait de consacrer plus de 17,8 milliards de francs, soit 2, 8 milliards d’€ à la compensation de la taxe professionnelle. Dans la loi de finances pour 2009, cette compensation est passée à 582 millions d'euros, soit cinq fois moins.

Mais il n'y a pas que les montants, il y a aussi les affectations. Les élus territoriaux peuvent à bon droit craindre que l'Etat ne profite de ces transferts pour pousser ses projets qui ne sont pas forcément les leurs (zones franches, quartiers en difficulté…). En un mot, ils peuvent craindre de perdre une partie de leur liberté d'action.

Ils peuvent également craindre la perte d'un outil de négociation important. Lorsqu'une entreprise industrielle veut s'installer, il n'est pas rare qu'elle rencontre des oppositions de tous ceux qui craignent des nuisances. Les maires favorables à ces implantation pouvaient les défendre au nom de l'emploi et des recettes qu'elle pouvaient apporter ("avec la taxe professionnelle que va payer cette entreprise, nous allons pouvoir construire une piscine, réduire les impôts locaux…"). Ce sera impossible avec des transferts venus de l'Etat. D'où, probablement des problèmes d'aménagement du territoire pour les années à venir.

Sur le plan économique, cette réforme n'est pas plus convaincante. Elle repose sur l'idée que des entreprises moins imposées investiraient plus. Mais c'est mal comprendre le fonctionnement des entreprises qui :
- choisissent leurs investissements en fonction de leurs débouchés et non des taux d'imposition,
- savent parfaitement jouer des différentiels entre taux d'imposition. Faut-il le rappeler, dans un groupe international, il suffit de demander à la filiale installée dans un pays à imposition élevée de vendre à un prix faible à une filiale installée dans un pays avec peu d'impôt pour réduire ses bénéfices là où ils sont le plus imposés et les augmenter là où l'Etat est moins gourmand.

mercredi, octobre 21, 2009

"Les commentateurs, ils commentent…"

"Les commentateurs, ils commentent. Moi je suis du côté des acteurs, donc j'agis" (Nicolas Sarkozy à Saint-Dizier, le 20 octobre)

Phrase qui en dit long sur les ambitions de Nicolas Sarkozy : il aimerait rester dans l'histoire comme celui qui a agi, qui a transformé la société française.Mais il n'est pas sûr qu'il réussisse par la faute de la méthode qu'il a choisie.

On le sait, il est en permanence sur le front. C'est à lui qu'il revient d'annoncer toutes les réformes, il intervient sur tous les sujets au risque de lasser. Qui l'écoute encore? qui se souvient de ce qu'il nous disait la semaine dernière sur la jeunesse? sur la réforme des lycées? Ce zapping permanent laisse l'opinion désorientée, sceptique… Mais ce n'est pas le plus grave. A tout prendre à son compte, il retire à ses ministres le bénéfice de leurs efforts, il les démobilisent : pourquoi se donneraient-ils le mal de mener à bien n'importe laquelle de ses réformes dés lors qu'ils n'en tireront aucun bénéfice politique? Et comme cela n'avance pas, il intervient directement dans la gestion des ministères, prend des sanctions à l'égard des hauts fonctionnaires qui ne sont pas assez dociles (hier les préfets, demain qui d'autre?), au risque de rendre impossible toute action suivie. Une réforme, petite ou grande, bien ou mal acceptée de l'opinion, demande de la constance, un travail continu, de longue haleine or c'est ce dont il se prive, leur préférant de longs discours qui lui assurent un passage au journal de 20 heures et de textes soumis au Parlement dans la précipitation, au risque d'être inapplicables.

Peut-être devrait-il relire Henri Fayol qui dénonçait en 1920 dans un rapport d'une extrême férocité toutes les faiblesses de l'administration des PTT et de sa gestion par les politiques. Il y trouverait matière à réflexion. Ce rapport n'est pas à ma connaissance disponible sur internet mais on le trouve dans toutes les bonnes bibliothèques.

lundi, octobre 19, 2009

Petite leçon de vocabulaire

Nos professeurs d'anglais nous mettaient toujours en garde contre les faux-amis, ces mots qui se ressemblent en français et en anglais avec cependant un sens tout à fait différent. L'affaire Jean Sarkozy m'a donné l'occasion d'en découvrir un nouveau que je ne connaissais pas.

Dans un article du Times online sur cette affaire, Charles Bremmer, le correspondant parisien de ce journal, commente un papier du Monde sur le phénomène de cour. Il y parle de "courtiers", ce qui en anglais veut dire "courtisan". Le meme mot veut dire en français "intermédiaire", ce que l'on traduit en anglais par "middleman" ou par "broker". Voilà pour notre faux-ami.

"Courtier" vient manifestement du français "cour". Mais pourquoi diable les britanniques n'ont-il pas emprunté notre "courtisan"? Est-ce que le concept s'est développé dans les deux pays indépendamment? Cela valait bien une recherche dans quelques dictionnaires en ligne.

Le Merriam-Webster date "courtier" du 14ème siècle. Le trésor de la langue française ne donne pas d'occurrence du mot "courtier" antérieure au 19ème siècle, alors que le mot "courtisan" viendrait de "courtisien" (on se rapproche de l'anglais) mot utilisé au 14 ème siècle pour décrire les membres de la cour du pape Clément V. "Courtisan" serait apparu en français au XVème siècle dans un ordonnance de Louis XI.

Mais autre surprise, le féminin de "courtier" est en anglais "courtesan", ce qui est proche de notre "courtisan", alors que "courtisane", qui viendrait de l'italien "cortigiana", a pris chez nous très tôt, dès le 16ème siècle (chez Ronsard), le sens de femme galante.

Autre bizarrerie, les phénomènes de cour semblent être, si l'on en croit Wikipedia, un effet réservé à la France de Louis XIV et à quelques empires ou royaumes exotiques (la Chine, la Turquie…). Comme si la couronne britannique y avait échappé. L'article sur Ann Boleyn semble confirmer cette influence française : "Anne's education in France proved itself in later years, inspiring many new trends among the ladies and courtiers of England."

On s'y perd… délicieusement.

Pour terminer ces quelques vers de Banville, poète bien oublié que seuls les lexicographes lisent encore, que cite leTrésor de la langue française :

Oh! si quelqu'un lisait sous vos regards baissés
Tous les impurs désirs dont vous vous enlacez,
Courtisanes
d'esprit, filles dont le corps chaste
Est comme un champ de fleurs que l'ouragan dévaste!

BANVILLE, Les Cariatides, Les Baisers de pierre, 1842, p. 55.

dimanche, octobre 18, 2009

Comme en Corée du Nord?

Je ne sais pas grand chose de Christian Estrosi, sinon qu'il est ministre de l'industrie, mais l'entendre dire à propos de la visite surprise de Nicolas Sarkozy à Gandrange : "Je crois que ce soir, les seules manifestations qu’il peut y avoir en Moselle, ce sont des manifestations de joie autour d’un gouvernement, autour d’un président de la République qui sait redonner de l’espérance et qui démontre que la France est une grande puissance industrielle qui n’a pas baissé les bras" incite à beaucoup d'indulgence à l'égard de la Corée du Nord et de son groupe dirigeant.

samedi, octobre 17, 2009

Sarkozy(s) : quand le grotesque le dispute à l'insupportable

Je disais ici même il y a quelques jours mon inquiétude pour ces élus UMP obligés de défendre la candidature de Jean Sarkozy à la tête de l'EPAD alors qu'ils n'en pensent pas moins. Cela devient chaque jour un peu plus lourd, un peu plus pénible. Voilà que les mêmes se retrouvent dans l'obligation de concourir à qui sera le plus flagorneur.

Nous avions eu Isabelle Balkany parlant, à propos de ce jeune homme, du "meilleur d'entre nous." Eric Besson en remet une couche dans une interview donnée à Libération : "Ce garçon regorge de talents. Il va vite, très vite. Je prends date avec vous, s’il poursuit en politique, il ira très loin, il n'a pas besoin de grand monde pour le faire. Beaucoup de fées se sont penchées sur son berceau, je l’ai remarqué dès que j’ai fait sa connaissance.

Quand un joueur éclate sur un terrain de foot à 16 ou 17 ans, vous ne vous demandez pas s’il a tous les titres de noblesse, vous ne le laissez pas sur le banc de touche. Lui, son talent est éclatant au sens propre du terme. Je pense qu’il a des ambitions fortes et des atouts."

Et ce qui vaut pour le fils vaut également pour le père dont Jean-François Copé nous disait il y a quelques jours qu'il méritait plus le Nobel de la Paix qu'Obama!!

Réalisent-ils le ridicule de ce qu'ils disent? On ne fait pas pire en Corée du Nord, en Haïti, au Gabon, en Syrie… dans toutes ces dictatures où la violence du pouvoir est telle que l'on ne peut se maintenir en place qu'en léchant les bottes du chef suprême.

Mesurent-ils le mauvais tour qu'ils jouent à ceux qu'ils louent ainsi? Que le jeune Sarkozy soit fort, c'est indiscutable. Il suffit d'avoir vu son interview d'il y a quelques jours sur France 3 pour s'en convaincre. Mais faut-il le lui dire et le lui répéter au risque de casser ce qui pourrait devenir une belle machine politique?

Ont-ils donc à ce point perdu le sens commun qu'ils ne voient pas que ces propos choquent tous les bords, à gauche, bien sûr, mais aussi à droite. Qu'ils mettent, en les tenant, à mal l'un des principes fondateurs de notre société?

vendredi, octobre 16, 2009

Les publicitaires sont des imbéciles

Que les publicitaires soient des imbéciles qui prennent leurs clients pour des crétins et nous prennent, nous, les cibles de leurs publicités, pour des idiots n'est certainement pas un scoop. Je me suis toujours demandé ce que pouvaient penser les patrons de l'industrie automobile, des publicités érotiques censées vendre leurs véhicules. Mais je me suis plus souvent encore demandé par quelle perversion de l'esprit on pouvait espérer vendre à des Français en leur parlant anglais.

Une enquête tout récemment réalisée en Allemagne dont les résultats viennent d'être publiés dans le Spiegel ("Geschmack dreht dich um") montre que j'avais raison de m'interroger. Un quart seulement des personnes interrogées (des Allemands censés mieux parler anglais que les Français) comprennent le sens des publicités. L'article cite notamment des publicités d'Opel (Explore the City limits) et de Youtube (Broadcast yourself). On aimerait avoir une étude comparable en France. Cela nous éviterait bien des lois inutiles et inappliquées.

PS Il y a quelques années, j'ai été amené à animer une réunion de responsables de sociétés informatiques sur l'externalisation de la production informatique que certains appelaient alors "outsourcing". Près de la moitié de la discussion a consisté à chercher à distinguer les deux concepts. De l'art de couper les cheveux en quatre…

mercredi, octobre 14, 2009

Pédophilie, l'invention d'une nouvelle norme

L'un des effets de l'affaire Polanski-Mitterrand aura été de mettre en lumière combien la norme qui fait de la pédophilie l'horreur absolue est récente. Comme on l'a dit et répété à l'envie, et comme la diffusion sur le net d'extraits d'émissions, comme celle d'Apostrophe avec Gabriel Mazneff et Daniel Cohn-Bendit le confirme, jusqu'au début des années 80, la pédophilie n'était pas diabolisée. C'était une perversion parmi beaucoup d'autres. Le retournement semble s'être fait au tout début des années 80. Regarder comment les choses se sont passées peut éclairer la manière dont se construisent les normes sociales. Le processus est manifestement complexe.

A la fin des années 70 et au tout début des années 80 apparaît, dans la foulée du mouvement de libération de l'homosexualité (l'homosexualité cesse d'être un délit en France en juillet 1982 avec la suppression de l'article 332-1 du code pénal) et de levée de la censure sur les production pornographiques (loi de 1975 sur le classement des films X qui lève en réalité toute censure), un mouvement qui tend à dédiaboliser la pédophilie. Quelques écrivains la banalisent dans des livres qui présentent les relations sexuelles entre adultes et enfants avec une certaine complaisance. C'est le cas de Tony Duvert (L'enfant au masculin), de Gabriel Matzneff, mais aussi de Guy Hocquenghem (Les petits garçons, livre qui retrace l'affaire du Coral). Un philosophe, René Schérer, publie un livre (Emile perverti ou des rapports entre l'éducation et la sexualité) qui dénonce l'exclusion du désir dans la relation enseignante. Des psychologues et des éducateurs mettent en avant l'autonomie des enfants.

C'est dans ce contexte que Daniel Cohn-Bendit fait les déclarations qui lui sont aujourd'hui reprochées. Mais il n'est pas le seul. On en trouve de similaires dans d'autres textes et déclarations contemporaines. Dans un livre interview publié en 1983, le psychologue canadien Roch Duval dit, pour s'en offusquer, "l'autre soir, j'ai vu et entendu à la télévision un psychologue reconnu défendre avec opiniâtreté la pédophilie ; il est allé jusqu'à affirmer le plus sérieusement du monde que même les tous jeunes enfants ont "le droit de vivre leur sexualité"." Pour ces éducateurs et psychologues, c'est la liberté des enfants qui est en cause.

Des organisations se mettent en place qui militent pour l'abaissement de la majorité sexuelle à 13 voire 11 ans. Ce faisant, ces organisations radicalisent la revendication du CUARH (Comité d'Urgence Anti-Répression Homosexuelle) qui demande dans son manifeste de 1980 "l'abrogation immédiate de l'alinéa 3 de l'article 331 du code pénal, qui fixe à dix-huit ans l'âge licite pour les relations homosexuelles, alors qu'il est de quinze ans pour les relations hétérosexuelles."

Ce mouvement a une certaine visibilité. Gabriel Matzneff et Cohn-Bendit s'expriment sur le sujet dans les médias, notamment dans les émissions littéraires de Bernard Pivot, mais aussi dans la presse écrite. Plusieurs intellectuels de renom (dont Michel Foucault, Philippe Sollers…) signent en 1977 une pétition demandant l’abrogation de plusieurs articles de la loi sur la majorité sexuelle et la dépénalisation de toutes relations consenties entre adultes et mineurs de moins de quinze ans. La même année, Le Monde publie une lettre ouverte signée de Jack Lang, Bernard Kouchner, Michel Bon, André Glucksman qui prend la défense de trois Français accusés d'avoir eu des relations sexuelles avec des garçons et des filles de 13 et 14 ans. Libération publie, en 1979, une autre pétition en défense d'un certain Gérard R qui vit avec des jeunes filles de 6 à 12 ans. Puis, quelques mois plus tard, une longue lettre de Jacque Dugué dans laquelle on peut lire des phrases qui nous paraissent aujourd'hui intolérables : "Un enfant qui aime un adulte, sait très bien qu'il ne peut pas encore donner, aussi, il comprend et il accepte très bien de recevoir. C'est un acte d'amour. C'est une de ses façons d'aimer et de le prouver. Ce fut le comportement avec moi des quelques garçons que j'ai sodomisés."

C'est l'affaire du Coral en 1982 qui donne un coup d'arrêt à ce mouvement. Le Coral était une petite exploitation agricole du Gard qui accueillait quelques adolescents en grandes difficultés psychologiques dans une structure appliquant les principes de l'antipsychiatrie (voir sur cette affaire, ce papier de Libération : Trois nouvelles inculpations dans l'affaire du lieu de vie Coral). Un de ses jeunes animateurs (il a à l'époque 21 ans) accuse de nombreuses personnalités politiques ou intellectuelles, souvent orientées à gauche, de participer à des orgies avec les adolescents. Les enquêtes de police montrèrent qu'elles étaient innocentes, mais des relations sexuelles "sans violence, ni contrainte" entre les mineurs et les animateurs ont été mises à jour. Plusieurs des animateurs du centre sont condamnés à des peines légères (trois ans de prison avec un ou deux ans de sursis). A l'occasion de cette affaire sont inquiétés des intellectuels, René Schérer et Gabriel Matzneff qui avaient témoigné, en 1979, en faveur de Jacques Dugué, pédophile accusé (faussement, semble-t-il) d'avoir monté un réseau pédophile international.

Pourquoi ce coup d'arrêt? On peut, je crois, avancer plusieurs raisons :
- l'affaire du Coral a, d'abord, considérablement affaibli la thèse du consentement : il s'agissait de très jeunes adolescents psychologiquement fragiles, plusieurs autistes, pour lesquels il est difficile d'avancer qu'ils aient été consentants. Les accusations font état d'un réseau de personnalités, ce qui conforte la thèse d'une exploitation des enfants ;
- le vieillissement de la génération 68, la plus susceptible de porter ces thèses. Au début des années 80, les étudiants de 68 ont une trentaine d'années, sont parents et donc plus sensibles aux risques que peuvent courir leurs propres enfants ;
- la revendication de non-discrimination à l'encontre des parents homosexuels en matière de droit de garde, de visite et d'hébergement de leurs enfants qui venait immédiatement après la dépénalisation a incité la communauté homosexuelle à se démarquer de la revendication pédophile (comment faire avancer cette revendication si, par ailleurs, on entretient le doute sur l'exploitation sexuelle des enfants?) ;
- la dépénalisation de la pornographie invitait à fixer de nouvelles limites. La dépénaliser ne voulait pas dire la supprimer mais seulement en déplacer les frontières. La banalisation de la pornographie s'est faite au nom de la liberté des partenaires consentants : chacun peut vivre comme il l'entend dés lors qu'il ne fait pas de tort à autrui. Le consentement est la pierre angulaire de cette dépénalisation. Ce n'est pas un hasard si le premier argument contre la pédophilie est que les enfants ne peuvent en aucun cas donner leur consentement.

Depuis, la pédophilie n'a pas quitté l'actualité. Elle est devenue l'image même de l'horreur la plus intégrale, à l'occasion de plusieurs affaires qui ont effrayé l'opinion : affaire Dutroux en Belgique, affaire Outreau en France, mais aussi procès des prêtres pédophiles aux Etats-Unis.

Toutes ces affaires ont en commun de réveiller les images :
- de l'ogre qui mange les enfants (les coupables ne sont plus des pervers qui relèvent de la psychiatrie mais des monstres),
- du violeur en série (la plupart des affaires mettent en cause des pédophiles qui ont une longue histoire de violences à l'égard des enfants),
- des mauvais parents qui abandonnent ou, pire encore, vendent leurs enfants,
- et de plus ou moins avérés réseaux internationaux (on retrouve cette idée tant dans l'affaire Dutroux que dans l'affaire Outreau)

Toutes, enfin, gravement en cause des institutions chargées de protéger les enfants : l'école, l'église mais aussi la justice. De toutes ces institutions c'est la justice qui a, avec l'église, payé le prix le plus lourd. Les cas de pédophilie l'ont révèlée incompétente par excès d'insouciance comme en Belgique, ou par excès de brutalité comme en France, incapable de les traiter de manière satisfaisante. L'exaspération de l'opinion, la volonté de répondre à l'émotion populaire ont, par ailleurs, amené les politiques à multiplier les mesures qui, sous couvert de protéger des délinquants sexuels, réduisent les marges de liberté de chacun : textes sur les récidivistes, mesures prises pour s'assurer que demain ils ne recommenceront pas, projets de castration chimique…

L'enjeu de cette nouvelle norme est donc double. Il y a la figure de l'enfant qui est forcément une victime parce qu'il ne peut être consentant, qui n'a pas toute sa raison, a peur de l'adulte, ne sait pas lui dire non. Et celle du criminel dont on doute qu'il puisse être amendable et qu'il faudrait donc maintenir sous contrôle tout au long de sa vie.

mardi, octobre 13, 2009

Jean Sarkozy : une torture pour les responsables de l'UMP

A quoi reconnait-on une mauvaise décision? Aux contorsions que doivent faire ses avocats pour la justifier. A commencer par celui qui l'a prise, comme le souligne Pascal Riché dans cet excellent post. Mais on pense surtout à tous ces élus de l'UMP assez fortunés pour être sollicités par la presse, qui doivent défendre une mesure qui les choque certainement autant que n'importe qui d'autre. Les voilà obligés de dire le contraire de ce qu'ils pensent et de ce qu'ils jugent justes. Les voilà condamnés à faire des analogies douteuses avec Jean-Christophe Mitterrand ou Claude Chirac (qui l'un et l'autre étaient au cabinet de leur père, ce qui n'est pas la même chose), qui en sont réduits à tresser les louanges d'un garçon dont le seul mérite est de s'être fait élire dans une circonscription tellement acquise à l'UMP qu'une chèvre y gagnerait les élections.

Beaucoup doivent aujourd'hui maudire ce Président qui fait i peu de cas de leur confort moral.

lundi, octobre 12, 2009

Nicolas Sarkozy doit garder Frédéric Mitterrand

Marine Le Pen poursuit son offensive contre F.Mitterrand avec cette fois-ci un petit film auquel celui-ci a participé il y a une dizaine d'années (en lisant un texte d'Albert Camus). Ce faisant, elle renoue avec la plus détestable des pratiques de l'extrême-droite des années 30 : les attaques ad hominem. Ce film n'a rien de choquant même si son script (un petit garçon d'une dizaine d'années veut voir la grosse bite de son copain Rachid et lui offre des bonbons) peut prêter à l'amalgame. Pour certains, cette nouvelle affaire devrait inciter Nicolas Sarkozy à mettre fin de la carrière ministérielle de Frédéric Mitterrand. Il me semble qu'il devrait faire exactement le contraire, le maintenir à son poste et trouver les mots pour condamner ces campagnes de déstabilisation. De son point de vue, il n'a pas grand chose à perdre : le mal auprès de ses électeurs, si mal il y a, est déjà fait. Du notre : nous avons tout à gagner à ce qu'il ne cède pas. Ce serait la meilleure manière d'éviter que se reproduise ce genre de campagne détestable.

dimanche, octobre 11, 2009

Polanski-Mitterrand : l'histoire d'une norme en construction

Les deux affaires Polanski-Mitterrand traitent en réalité du même sujet : de ce qui est acceptable ou pas dans nos comportements sexuels. Que le débat ait été si vif, qu'il ait opposé, front contre front, des gens de génération différente, montre qu'il s'agit de bien autre chose que d'une affaire de politique. Il y avait en jeu, derrière, toute la question de la norme en matière de comportements sexuels.

Celle-ci a profondément changé ces dernières années, comme je l'ai montré dans Pourquoi tant de pornographie sur le net?

La pornographie qui était hier encore interdite, censurée, est devenue objet de consommation courante. L'homosexualité est à ce point acceptée que les politiques ne s'en cachent plus. On parle librement de l'adoption d'enfants par les homosexuels. Les lesbiennes, hier encore invisibles ne se cachent plus.

La nouvelle frontière est devenue l'enfance et ce qui va avec (l'inceste et violence). S'il y a une chose qui est censurée, devenue proprement inadmissible, ce sont les relations entre un adulte et un enfant qui ne peut, dit la nouvelle norme, jamais être consentant, qui est donc forcément forcé, violé.

Cette nouvelle norme ne fait pas vraiment problème, nul ne s'y oppose, sinon peut-être dans la clandestinité. Mais elle est récente, très récente. Et cela a pour conséquence :
- que l'on trouve assez facilement dans les textes littéraires, chez Gide, Proust, Pierre Louys, Montherlant bien plus que chez Frédéric Mitterrand, des allusions à des amours pédophiles,
- que certains qui ont vécu avant que cette norme ne s'impose peuvent avoir tenu (comme Cohn-Bendit ou Frédéric Mitterrand) des propos équivoques.

Ce débat devrait renforcer cette nouvelle norme, contribuer à la rendre plus visible et surtout mieux partagée. Après tout, Polanski, bien loin de se justifier, s'est surtout excusé. Même chose pour Frédéric Mitterrand dont le texte est surtout une longue plainte (qui ne traite pas d'amours pédophiles mais d'amours tarifés qui ne vont jamais sans une certaine violence).

Chaque fois qu'une nouvelle norme émerge, se pose la même question : que faire de ceux qui ont exprimé dans le passé une norme différente? Faut-il les interdire, les censurer?

La question vaut surtout pour les grands textes littéraires. Je doute que l'on expurge Gide ou Proust. Jamais on n'a, à ma connaissance, censuré Aristote pour ses analyses de l'homosexualité présentée dans Politiques (II, 9, 1269b) comme une manière d'éviter le pouvoir des femmes dans les sociétés militaristes. Il en ira de même pour nos écrivains.

Pour les contemporains qui ont tenu des propos équivoques, les choses sont certainement plus compliquées. Ils n'ont d'autre choix que de contribuer à renforcer cette norme par leurs excuses et de s'en faire les meilleurs propagandistes. Au prix d'une mauvaise conscience lourde à porter et de quelques reniements qui ne sont pas sans conséquences : penser que des enfants ne peuvent être consentants, c'est leur enlever un peu de leur liberté et les renvoyer dans cette zone incertaine où les mettait déjà Aristote lorsqu'il leur retirait la faculté délibératrice. Tout le débat sur les valeurs de 1968 dont parle Bayrou porte, en fait, là-dessus.

samedi, octobre 10, 2009

Népotisme

Jean Sarkozy à la tête de l'EPAD? Je m'en suis frotté les yeux, je me suis demandé si ce n'était pas un poisson d'avril. Mais non, cela parait vrai. Le jeune fils du Président (23 ans) va présider un établissement qui, nous explique Le Monde, a réalisé en 2008 un chiffre d'affaires d'1 milliard d'euros et dégageait 350 millions de bénéfices grâce à la commercialisation des mètres carrés de bureaux du quartier d'affaires. Ce qui fait beaucoup d'argent et donne beaucoup de pouvoir. Tant d'argent que l'on se demande s'il n'y a pas derrière cette promotion éclair le désir de contrôler une cagnotte en vue des prochaines élections présidentielles. Mais quels qu'en soient les motifs, cette élection à l'unanimité, vrai fait du prince, ne devrait pas améliorer l'image d'un Président devenu inaudible tant les polémiques qui choquent son électorat de base se multiplient.

Polanski, Mitterand et la pédophilie

La condamnation de la pédophilie paraissait affaire entendue. Elle est devenue objet de débat d'une manière étrange, véhémente, compliquée comme le montre ce dialogue étonnant entre Alain Finkielkraut et Yves Michaud sur France Inter à propos de l'affaire Polanski où l'on entend l'un de nos "imprécateurs" préférés s'interroger sur l'âge auquel on cesse d'être enfant (la jeune fille l'était-elle encore à treize ans…), sur ce qu'est un viol (la jeune fille avait une vie sexuelle active…), sur l'amalgame que l'on peut faire entre Outraux et une soirée un peu arrosée à Hollywood…

L'affaire Mitterrand donne, par ailleurs, l'occasion de réflexions qui tournent de questions voisines, comme dans ce commentaire sur le site d'Art Goldhammer où l'on peut lire ce qui sonne comme une évidence : "there is probably not a colonel in the French army who has not indulged in some questionable sexual escapade abroad. Even the supposedly "puritanical Americans" tend to run wild when serving abroad." et "I have spent enough time in the Third World to know that, for me, the unconscionable thing is the way in which the juxtaposition of wealth and abject poverty at once creates temptations and opportunities and subdues moral compunctions."

Au delà du corporatisme des élites qu'elles révèlent (mais ce n'est pas une surprise), ces affaires jettent un coin dans le consensus sur la pédophilie qui nourrit tant de propositions sur la censure sur internet et l'aggravation des peines. C'est sans doute ce qu'on en retiendra.

jeudi, septembre 24, 2009

"Je ne prononce plus mon nom au téléphone…"

Le dérapage de Brice Hortefeux n'en finit pas de faire des vagues. Il a amené Le Monde à demander à un de ses journalistes d'origine maghrébine, Mustapha Kessous, de raconter son quotidien, ces mille humiliations qu'il subit régulièrement parce qu'il s'appelle Mustapha plutôt que Claude ou Robert Cela fait bien longtemps que je ne prononce plus mon prénom quand je me présente au téléphone).

On savait les poids des discriminations dans le logement ou le travail, mais quoi qu'ayant longuement travaillé sur ce sujet, je n'avais pas mesuré combien elles pouvaient être diffuses. Mustapha Kessous raconte comment on le prend, lorsqu'il va interviewer quelqu'un au nom du Monde, pour un videur de boite de nuit, un vigile, un chauffeur… Comment, lors d'un examen dans une école de journalisme, on lui pose ce qu'il appelle gentiment de "drôles de questions." Ces humiliations ne sont pas le fait des seuls petits blancs comme on a trop tendance à le croire, mais de tous, des intellectuels, de membres de la classe moyenne…

Ce témoignage est accablant. Il met en évidence la différence entre ceux qui se trouvent victimes de ces petites humiliations et ceux qui y échappent. Il suffit, cependant, d'en avoir été une ou deux fois victime pour mesurer ce que cela peut produire de colère et, plus encore, d'interrogations sur ce que l'on est, sur ce que l'on vaut ("suis-je donc si insignifiant que l'on puisse me prendre pour un vigile?").

Ce témoignage révèle aussi la situation particulièrement difficile de ceux qui ont joué pleinement le jeu, qui ont un emploi et une position sociale, qui ont, en un mot, réussi. Ils ne peuvent utiliser aucun des mécanismes de défense qui protègent les jeunes des banlieues (vivre dans un milieu où l'on est majoritaire, faire des discriminations une excuse pour ses échecs ou une arme contre le système…) et sont plus encore que les plus démunis victimes de ces humiliations à répétition. Et, de ce point de vue, le fait d'être journaliste, de faire un métier qui expose sans cesse à voir de nouveaux visages, à rencontrer de nouveaux interlocuteurs, complique les choses. Mieux vaut, sans doute, être informaticien dans une grande entreprise.

A lire Mustapha Kessous, on mesure mieux la gravité des propos de Hortefeux. S'ils sont, comme je l'ai dit ailleurs, plus le signe d'une arrogance de classe que du racisme, ils contribuent à entretenir ces discriminations, ces petites humiliations qui font souffrir des gens qui ne le méritent pas. Pour ce seul motif, Nicolas Sarkozy a eu tort de ne pas forcer Hortefeux à la démission. Cela aurait montré qu'il y a des propos qui ne sont pas tolérables en République, même présentés sous forme de blague.

mercredi, septembre 23, 2009

Le bon score des écologistes, les faiblesses du PS

Comment interpréter le bon score des écologistes au premier tour de la législative partielle dans l'ancien fief de Christine Boutin dans les Yvelines (un peu plus de 20% contre 15% pour le candidat du PS)? Comme un accident lié à la circonscription (conservatrice), à l'abstention? C'est la thèse des socialistes. "Depuis l'été, toutes les élections partielles ont montré une progression de la gauche et du PS et un effritement des Verts par rapport aux européennes, commentait, Christophe Borgel, secrétaire national chargé des élections au PS depuis juin. L'élection de Rambouillet est un cas à part", ajoutait-il d'après Le Monde. J'y verrais plutôt le signe que quelque chose s'est cassé entre le PS et ses électeurs qui ont aujourd'hui le choix, avec le Modem et les écologistes. Ce quelque chose, ce sont, bien sûr, les bagarres qui depuis la dernière campagne présidentielle font l'essentiel de l'actualité du PS, mais c'est plus.

C'est aussi son incapacité à innover, à apporter des idées nouvelles sur la manière de gouverner. Nous venons de traverser, nous sommes en plein dans une crise économique profonde. Où sont les propositions du PS pour en sortir, pour redécoller? Si elles existent, elles sont bien cachées. Les écologistes ont un projet, des idées, loin du productivisme de la gauche classique mais dont on commence à voir qu'elles ne sont pas incompatibles avec une certaine croissance. Que Renault veuille se reconstruire autour de la voiture électrique est sans doute, et tout aussi paradoxal que cela puisse paraître, la preuve de leur sérieux. Ils avaient raison avant tout le monde.

C'est également son déficit moral. On a beaucoup reproché à Ségolène Royal ses réactions lors de la publication de ce livre qui rapportait les tricheries lors de l'élection de Martine Aubry. Sans doute a-t-elle agacé les militants qui ne voulaient plus entendre parler de cette affaire. Mais qu'en pensent les électeurs du PS? Est-on sûr qu'ils sont aussi indulgents que les militants avec les tricheurs? J'en doute un peu. Ségolène Royal a eu raison de demander des sanctions. C'était la meilleure manière de retrouver cet ascendant moral qui conduit au succès. On ne peut pas prétendre incarner la vertu (et on attend de nos dirigeants qu'ils l'incarnent, ce que fait à sa manière, paradoxale, Nicolas Sarkozy lorsqu'il se porte partie civile dans l'affaire Clearstream) et fermer les yeux devant cette sorte de tricherie.

jeudi, septembre 17, 2009

Mais qu'est-ce donc que le Modem?

Le Figaro titre ce matin sur "les tractations secrètes entre PS et Modem". De quoi énerver un peu plus ceux qui préfèreraient une alliance du PS et de la gauche radicale. Mais au delà de ces discussions sur les alliances, peut-être faudrait-il s'interroger sur le Modem. Que représente-t-il vraiment? Tout le monde pense aux électeurs de Bayrou à l'élection présidentielle. Mais qui étaient-ils? d'où venaient-ils? De la droite? du centre? ou… de la gauche? Des enquètes sur le sujet ont sans doute été réalisées. Je n'en ai pas connaissance mais, si j'en juge par les électeurs que j'ai rencontrés, c'étaient, tous, des transfuges de la gauche, des gens qui auraient voté à gauche si le candidat avait été Dominique Straus-Khan ou Laurent Fabius. Je ne voudrais pas généraliser, mais le succès du Modem a été, pour une bonne part, une réaction à la candidature de Ségolène Royal, une manière de lui dire non sans pour autant voter Nicolas Sarkozy. Cela ne fait certainement pas une force politique, juste un rassemblement de circonstances. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas nouer des alliances avec le modem, mais plus simplement qu'il ne faut pas en attendre grand chose.

mercredi, septembre 16, 2009

ADN : merci Brice!

C'est Eric Besson (que le monde présente ce soir comme premier ministrable!) que l'on crédite de l'abandon des tests ADN pour le controle du regroupement familial. Mais est-ce bien à lui que l'on doit cette bonne nouvelle? N'est-ce pas plutôt à Brice Hortefeux? Je m'explique : pour faire oublier les déclarations racistes de son plus ami de quarante ans et ministre de l'intérieur, pour faire retomber la pression chez ces enfants d'immigrés qu'il aimerait bien attirer dans son camp, Nicolas Sarkozy se devait d'envoyer un signe. L'abandon des tests ADN a fait l'affaire. Tant mieux pour tous ceux qui auraient été soumis à cette effrayante mesure et tant pis pour les candidats UMP au poste de François Fillon si cela a fait monter d'une marche Besson sur l'échelle des premiers ministrables.

lundi, septembre 14, 2009

Brice Hortefeux n'est pas raciste, il est de droite, classique…

Les remarques douteuses de Brice Hortefeux continuent d'alimenter la polémique. Et pour de bonnes raisons : il y a des propos qu'un ministre devrait s'interdire de prononcer.

Toute la défense de ses amis consiste à dire qu'il n'est pas raciste. Ils ont certainement raison. Et il est vrai que l'on a tendance à dégainer un peu rapidement les accusations de racisme et d'antisémitisme. Reste que ces propos ne sont pas insignifiants, comme en témoignent les réactions qu'ils suscitent. Ils nous disent en fait beaucoup sur le personnage et, au delà, sur ceux qui nous gouvernent.

Si Hortefeux n'est pas raciste, il s'est montré en cette affaire arrogant, suffisant et condescendant. On aurait parlé autrefois à son propos de morgue : il y a lui et ceux de sa classe, les enfants de Neuilly, de cette bourgeoisie de droite pas forcément extrême qui se sent tellement au dessus du lot, et les autres, toujours un peu méprisables, les pauvres, les mal nés, que l'on peut insulter sans risque puisqu'il suffit d'un sourire, d'un mot gentil pour les flatter.

C'est ce monde de la droite classique qui nous gouverne. C'est ce que nous révèle (confirme) cette affaire. Ni plus ni moins.

"Rétablir la vérité" ou se mettre à dos les journalistes?

Ségolène Royal qui ne manque une occasion de parler de Désir d'avenir et de son site, vient d'annoncer une transformation de celui-ci avec notamment, l'introduction d'une rubrique "Rétablir la vérité". Ce qui n'est pas vraiment une surprise puisqu'on ne compte plus les messages dans lesquels elle veut justement "rétablir la vérité". Il y a quelques semaines (une ou deux, pas plus), il s'agissait de la mission que lui avait confiée le PNUD. Puis il y a eu la signature de la taxe carbone (ou plutôt sa non signature de ce texte de Nicolas Hulot). Et, il y a quelques jours, son envie supposée de porter plainte après les révélations sur les tricheries lors de l'élection de Martine Aubry.

J'ai écouté l'émission sur France Inter où elle parlait de ces tricheries et j'ai effectivement été surpris lorsque j'ai lu dans la presse qu'elle voulait porter plainte. Elle a parlé de justice mais n'a à aucun moment dit qu'elle irait en justice, malgré l'insistance des journalistes à le lui faire dire. Elle n'a pas non plus dit le contraire. Elle a expliqué qu'elle réservait sa décision. En l'espèce, donc, la presse est allée un peu vite en affaire. Mais doit-elle s'en prendre à la presse? N'est-elle pas pour partie au moins responsable de ces à peu près?

Ségolène Royal semble avoir faite sienne une des tactiques rhétoriques préférées de François Mitterrand : l'ambiguïté. C'était pour lui une manière de donner du temps au temps, de retarder le moment de la décision, de laisser les autres, amis et adversaires, s'avancer et lui donner l'avantage de trancher en dernier. Cette tactique lui fut souvent utile, mais parfois aussi nuisible. Je me souviens de l'avoir entendu, dans les années soixante, refuser de condamner l'intervention américaine au Vietnam. Il ne la soutenait pas mais il ne la condamnait pas non plus. J'imagine qu'il voulait alors envoyer un signe aux Américains que son alliance avec le Parti communiste effrayait. Mais il arrive que trop de subtilité nuise : les Américains sont restés effrayés et tous ceux, notamment parmi les jeunes, qui étaient violemment hostiles à la guerre du Vietnam ont compris qu'il la soutenait. C'était avant 1968.

Je crains que Ségolène Royal ne se trouve dans cette même position et que les à peu près qu'elle souhaite corriger soient surtout le résultat d'une certaine maladresse dans la communication :
- elle a bien reçu une mission du PNUD, mais pas tout à fait celle qu'elle annonçait triomphalement. Et elle s'est fait taper sur les doigts.
- elle a certainement raison sur le fond de refuser de glisser les tricheries sous le tapis. Les électeurs ne pourront faire confiance au PS que s'il montre sa capacité à se moderniser, à se rénover et à en finir avec ces pratiques douteuses. On conçoit qu'elle cherche à faire pression sur la direction pour la forcer à agir, mais elle ne peut attendre des journalistes qu'ils entrent dans son jeu.

L'ambiguïté a un prix : celui d'être mal comprise et de voir ses propos déformés. Elle le paie aujourd'hui. Et ce n'est pas en s'en prenant aux journalistes qu'elle résoudra le problème, c'est en travaillant sa communication. En évitant les à peu près, les ambiguïtés qui la mettent régulièrement en porte à faux. A vouloir "rétablir la vérité" elle risque surtout de voir passées aux crible toutes ses affirmations. C'est un risque qu'aucun politique ne peut longtemps courir sans risque de se voir démenti, comme le suggère chaque matin une rubrique de Libération consacrée à corriger les à peu près et les petits mensonges des uns et des autres.

mercredi, septembre 09, 2009

Martine Aubry, Julien Dray et… Aristote

La lecture des quelques bonnes (et très affligeantes) pages du livre d'Antonin André et Karim Rissouli sur l'élection de Martine Aubry où l'on apprend que celle-ci a été massivement truquée m'ont fait penser à Julien Dray et à Aristote.

On sait que le philosophe grec a proposé une morale de la vertu. Dans ses traités (Ethique à Nicomaque, Ethique à Eudème), il explique que la vertu et le vice sont le produit de l'éducation mais aussi des habitudes. "Ce sont, dit-il, à l'origine et tout du long, les mêmes actes qui entraînent dans chaque cas l'apparition et la disparition d'une vertu." "C'est en exécutant ce que supposent les contrats qui regardent les personnes que nous devenons, les uns, justes, les autres, injustes." "En un mot il y a similitude entre les actes et les états qui en procèdent" (Ethique à Nicomaque, II, 1, 1103 a-1103b). Dit autrement, et de manière plus familière, qui prend l'habitude de voler des oeufs finira par voler un boeuf. Ce qui m'amène à rapprocher ce qu'André et Rissouli nous disent de l'élection de Martine Aubry des comportements de Julien Dray. Si le député de l'Essonne s'est comporté de manière aussi imprudente (pour ne pas dire aussi peu vertueuse), c'est peut-être qu'il a pris, tout au long de sa carrière politique, de mauvaises habitudes, qu'il a pris celle de ne plus faire la différence entre ce qui est convenable, juste, et ce qui ne l'est pas, qu'il est devenu, pour reprendre le vocabulaire d'Aristote, intempérant, ce qui expliquerait qu'il ait été, comme tant d'autres avant lui, surpris qu'on puisse le mettre en cause (on sait qu'Aristote distingue l'intempérant qui fait mal sans mauvaise conscience de l'incontinent qui fait mal en ayant mauvaise conscience). Ce ne serait pas, dans ce scénario, le sentiment d'impunité qui expliquerait ses dérives mais de mauvaises habitudes qui ont transformé son caractère.


Au delà des personnes qui peuvent être jugées et condamnées (et si le PS est aujourd'hui visé, il est probable que les mêmes phénomènes se rencontrent dans d'autres formations politiques), ce sont les institutions qui favorisent ou tolèrent ces pratiques qu'il faudrait revoir. La meilleure manière d'empêcher les dérives à la Dray est d'imposer la transparence dans le fonctionnement des partis politiques, dans leur financement (ce qui a commencé) mais aussi dans leurs procédures internes. La gauche s'interroge sur la meilleure manière de désigner son candidat à la prochaine élection présidentielle. Ce pourrait être l'occasion d'inventer des procédures qui incitent à la vertu.