dimanche, mai 22, 2005

Quand avoir des opinions est une composante du bien-être

La campagne référendaire a confirmé une tendance que l’on observe depuis quelques années : avoir une opinion est devenu une composante du bien-être au même titre que la santé, une bonne éducation ou la qualité de la vie. Les débats sur la constitution, les discussions acharnées entre amis, entre collègues de bureau, dans les familles… est un symptôme d’un phénomène qui, pour n’être pas complètement nouveau, se révèle chaque jour un peu plus prégnant : le désir de chacun de nous d’affirmer haut et fort ses opinions, de les voir portées sur la place publique. Des opinions qui sont, en général, originales, différentes (ou jugées telles) de celles du voisin, ce qui fait que nous avons de plus en plus de mal à nous retrouver dans les programmes et propositions des candidats aux élections. Ce n’est pas du relativisme, comme on le dit parfois, mais de l’assurance : mes idées valent bien celles de mon voisin ! Et elles méritent tout autant que les siennes d’être affichées et défendues en public.
C’est ce phénomène qui a amené un certain nombre d’électeurs à s’abstenir aux dernières élections présidentielles au motif qu’aucun candidat de les représentait vraiment. C’est ce même phénomène qui amène des jeunes (et moins jeunes) gens à participer à des manifestations avec leurs propres pancartes et calicots au motifs que les slogans des grandes organisations ne portent pas vraiment leurs revendications. Les partis, les syndicats, les élus (députés ou syndicalistes…) ne disent pas exactement ce qu’ils aimeraient entendre, d’où leur initiative : ils ne s’engagent plus dans un parti, dans un syndicat, mais pour une idée.
Tout cela contribue naturellement à la crise de la représentation politique qui ne vient pas, comme on le dit souvent, de la faiblesse des politiques mais des attentes nouvelles des citoyens, de cette idée, de plus en plus ancrée dans notre société, qu’avoir des opinions, les exprimer et les afficher est une composante essentielle de notre bien-être. Ce n’est pas une idée fausse, ce n’est pas non plus une idée critiquable, reste à trouver le moyen de concilier ce légitime désir d’avoir des opinions et les arbitrages entre opinions divergentes sans lesquels on ne peut gouverner.
Certains pensent que le suffrage à la proportionnelle pourrait être une solution. Il aurait l’avantage d’ouvrir l’éventail des opinions, mais on connaît ses limites : la recherche d’un compromis ne se fait plus, comme dans le scrutin majoritaire, dans la tête des électeurs, mais dans les coulisses au lendemain des élections entre élus, ce qui est la porte ouverte à toutes les tractations et trahisons. La solution reste à inventer.

mercredi, mai 18, 2005

Quand un député travailliste répond vertement à un sénateur américain

Il ya quelques années, Woody Allen avait réalisé un film où on le voyait se dresser contre Mac Carthy et son tribunal. J'ai oubllié le titre de ce film, mais je me souviens bien de cette scène où on le voyait apostropher son accusateur et le renvoyer à ses manipulations de la vérité. C'est ce à quoi on vient d'assiter aux Etats-Unis à propos de l'affaire de la nourriture contre le pétrole. On sait que le Sénat américain, dans le cadre d'une campagne contre l'ONU, a lancé une enquête sur les détournements de l'argent versé au gouvernement irakien dans le cadre du programme pétrole contre nourriture dans les dernières années du régime de Saddam Hussein. Pasqua est menacé dans cette affaire ainsi qu'un russe, quelques américains et un ex-député travailliste, George Blister, récemment réélu, qui lui a décidé de ne pas se laisser faire (sans doute parce qu'il n'a rien à se reprocher!). Toujours est-il qu'il s'est rendu à Washington, qu'il a répondu à ses accusateurs et qu'il leur a infligé une belle volée de bois vert. Pour ceux que cela intéresse, voici un site où l'on peut en entier son intervention. Un modèle du genre.
Pour accéder au texte, il faut aller la page : George Galloway Blisters the US Senate

samedi, mai 14, 2005

Les Temps Modernes votent oui

Il y a dans la dernière livraison des Temps Modernes (numéro de mars-juin 2005) un article absolument remarquable de Robert Redeker sur la constitution européenne et ses enjeux. C’est, à ce jour, ce que j’ai lu de mieux sur le sujet. L’auteur milite violemment pour le oui avec des arguments très forts. C’est d’autant plus remarquable que l’on serait plutôt tenté de classer cette revue du coté de l’extrême-gauche. Mais ce n’est pas la seule exception à la règle qui voudrait que la gauche de la gauche est forcément anti-européenne : Alternatives économiques s’est aussi prononcé pour le oui.
On trouvera dans la même livraison de cette revue un article que je leur ai donné sur la Torture en Irak qui (excusez ce moment d’auto-promotion) me paraît plutôt bien venu.

vendredi, mai 13, 2005

Back to Irak! Dès 2002, Bush et Blair s'étaient entendus…

C'est dans la presse américaine (le papier qui suit vient du Los Angles Times), dans la presse britannique (et cela fait scandale et n'arrange pas l'image de Tony Blair auprès de ses critiques) mais pas vraiment dans la presse française (je n'ai en tout cas rien lu là-dessus) et c'est dommage. Il apparait que Blair et Bush se sont entendus dés 2002, soit un an avant, sur l'invasion de l'Irak. Et l'on voit bien qu'alors les autorités britanniques ne croient pas une seconde que Saddam présente le moindre danger pour le monde.
On le devinait, on en a, semble-t-il, maintenant la preuve.

Indignation Grows in U.S. Over British Prewar Documents

Critics of Bush call them proof that he and Blair never saw diplomacy as an option with Hussein.

By John Daniszewski
Times Staff Writer

May 12, 2005

LONDON — Reports in the British press this month based on documents indicating that President Bush and Prime Minister Tony Blair had conditionally agreed by July 2002 to invade Iraq appear to have blown over quickly in Britain.

But in the United States, where the reports at first received scant attention, there has been growing indignation among critics of the Bush White House, who say the documents help prove that the leaders made a secret decision to oust Iraqi President Saddam Hussein nearly a year before launching their attack, shaped intelligence to that aim and never seriously intended to avert the war through diplomacy.

The documents, obtained by Michael Smith, a defense specialist writing for the Sunday Times of London, include a memo of the minutes of a meeting July 23, 2002, between Blair and his intelligence and military chiefs; a briefing paper for that meeting and a Foreign Office legal opinion prepared before an April 2002 summit between Blair and Bush in Texas.

The picture that emerges from the documents is of a British government convinced of the U.S. desire to go to war and Blair's agreement to it, subject to several specific conditions.

Since Smith's report was published May 1, Blair's Downing Street office has not disputed the documents' authenticity. Asked about them Wednesday, a Blair spokesman said the report added nothing significant to the much-investigated record of the lead-up to the war.

"At the end of the day, nobody pushed the diplomatic route harder than the British government…. So the circumstances of this July discussion very quickly became out of date," said the spokesman, who asked not to be identified.

The leaked minutes sum up the July 23 meeting, at which Blair, top security advisors and his attorney general discussed Britain's role in Washington's plan to oust Hussein. The minutes, written by Matthew Rycroft, a foreign policy aide, indicate general thoughts among the participants about how to create a political and legal basis for war. The case for military action at the time was "thin," Foreign Minister Jack Straw was characterized as saying, and Hussein's government posed little threat.

Labeled "secret and strictly personal — U.K. eyes only," the minutes begin with the head of the British intelligence service, MI6, who is identified as "C," saying he had returned from Washington, where there had been a "perceptible shift in attitude. Bush wanted to remove Saddam, through military action, justified by the conjunction of terrorism and [weapons of mass destruction]. But the intelligence and the facts were being fixed around the policy."

Straw agreed that Bush seemed determined to act militarily, although the timing was not certain.

"But the case was thin," the minutes say. "Saddam was not threatening his neighbors, and his WMD capacity was less than that of Libya, North Korea or Iran."

Straw then proposed to "work up a plan for an ultimatum to Saddam" to permit United Nations weapons inspectors back into Iraq. "This would also help with the legal justification for the use of force," he said, according to the minutes.

Blair said, according to the memo, "that it would make a big difference politically and legally if Saddam refused to allow in the U.N. inspectors."

"If the political context were right, people would support regime change," Blair said. "The two key issues were whether the military plan worked and whether we had the political strategy to give the military plan the space to work."

In addition to the minutes, the Sunday Times report referred to a Cabinet briefing paper that was given to participants before the July 23 meeting. It stated that Blair had already promised Bush cooperation earlier, at the April summit in Texas.

"The U.K. would support military action to bring about regime change," the Sunday Times quoted the briefing as saying.

Excerpts from the paper, which Smith provided to the Los Angeles Times, said Blair had listed conditions for war, including that "efforts had been made to construct a coalition/shape public opinion, the Israel-Palestine crisis was quiescent," and options to "eliminate Iraq's WMD through the U.N. weapons inspectors" had been exhausted.

The briefing paper said the British government should get the U.S. to put its military plans in a "political framework."

"This is particularly important for the U.K. because it is necessary to create the conditions in which we could legally support military action," it says.

In a letter to Bush last week, 89 House Democrats expressed shock over the documents. They asked if the papers were authentic and, if so, whether they proved that the White House had agreed to invade Iraq months before seeking Congress' OK.

"If the disclosure is accurate, it raises troubling new questions regarding the legal justifications for the war as well as the integrity of our own administration," the letter says.

"While the president of the United States was telling the citizens and the Congress that they had no intention to start a war with Iraq, they were working very close with Tony Blair and the British leadership at making this a foregone conclusion," the letter's chief author, Rep. John Conyers Jr. of Michigan, said Wednesday.

If the documents are real, he said, it is "a huge problem" in terms of an abuse of power. He said the White House had not yet responded to the letter.

Both Blair and Bush have denied that a decision on war was made in early 2002. The White House and Downing Street maintain that they were preparing for military operations as an option, but that the option to not attack also remained open until the war began March 20, 2003.

In January 2002, Bush described Iraq as a member of an "axis of evil," but the sustained White House push for Iraqi compliance with U.N. resolutions did not come until September of that year. That month, Bush addressed the U.N. General Assembly to outline a case against Hussein's government, and he sought a bipartisan congressional resolution authorizing the possible use of force.

In November 2002, the U.N. Security Council approved a resolution demanding that Iraq readmit weapons inspectors.

An effort to pass a second resolution expressly authorizing the use of force against Iraq did not succeed.

*

Times staff writer Paul Richter in Washington contributed to this report.

jeudi, mai 12, 2005

Immigration clandestine : quand donc comprendront-ils donc que durcir les textes ne sert à rien ?

Dominique de Villepin vient d’annoncer de nouvelles mesures pour lutter contre l’immigration clandestine. Ce ne sont pas les premières. Tous les 15 mois, à peu près, un ministre de l’intérieur annonce un nouveau plan pour renforcer les frontières et renvoyer les clandestins chez eux. Et chacun le sait bien : ce plan ne règlera rien. Dans dix, douze ou quinze mois (tout dépend de la durée de ce gouvernement ou du prochain), un nouveau plan, qui s’affichera comme plus dur encore fera pendant quelques jours encore la une de l’actualité, avant qu’un ministre un peu plus raisonnable décide de régulariser les gens déjà là.

Il serait temps que nos ministres de l’intérieur comprennent que leurs politiques bien loin de résoudre le problème des migrations clandestines ne font que les aggraver.

En refusant de donner des papiers aux clandestins déjà présents en France (ils seraient d’après ce qu’on lit dans la presse 200 000), on les force au travail clandestin ou à la délinquance de survie. Le premier fait tout aussi sûrement concurrence aux salariés en place que les Polonais de la circulaire Bolkenstein. Quant à la seconde, elle nourrir un peu plus le réflexe anti-immigrés.

En renforçant les frontières, on augmente le nombre de clandestins. Ce n’est pas un paradoxe, mais la réalité que l’on peut observer et comprendre pour peu que l’on réfléchisse deux secondes. Que se passe-t-il lorsque l’on ferme les frontières ? Retire-t-on aux réfugiés politiques et économiques l’envie d’émigrer ? Non. Les incite-t-on à aller ailleurs ? Ce serait possible si d’autres pays démocratiques et développés ouvraient leurs frontières, mais on sait que ce n’est pas le cas.

Les immigrés qui souhaitent venir viennent donc toujours, mais comme c’est plus difficile, ils font appel à des passeurs, à des professionnels qui savent comment traverser les frontières (il y a toujours possibilité) et qui font payer leurs services. Plus le passage est difficile, plus ces services coûtent cher (plusieurs dizaines de milliers de francs il y a quelques semaines, plus encore demain). Les immigrés n’ont souvent pas les moyens de payer le passage. Ce sont donc leurs futurs employeurs qui le financent en échange d’un remboursement sous forme de travail pendant quelques mois ou quelques années. On pensait interdire leur entrée dans nos pays riches, on enrichit des mafias et l’on crée du travail servile ! Beau résultat, mais il n’y pas que cela.

La fermeture des frontières transforme notre pays en « piège à immigrés ». Elle retient chez nous ceux qui sont déjà entrés et qui pourraient si elles étaient ouvertes aller tenter leur chance ailleurs. Comment sortiraient-ils pour aller voir leur famille, chercher du travail ou refuge ailleurs alors qu’ils savent bien qu’ils ne pourront pas rentrer ? Et elle incite ceux qui ne viendraient que pour visiter leur famille à s’installer durablement. Français ou étrangers en règle, riches ou pauvres, bien introduits ou démunis devant les formalités administratives, tous ceux qui ont de la famille à l’étranger savent combien ce type de mesure favorise l’immigration définitive. Il est si difficile d’obtenir un visa pour venir passer quelques jours de vacances dans sa famille en France qu’une fois ce visa obtenu il est tentant de rester ici. Cela fait de nouveaux clandestins qui auraient largement préféré rentrer chez eux si on leur en avait laissé la possibilité.

Les mesures de Dominique de Villepin sont inutiles, inefficaces et contre-productives. On en rirait s’il ne s’agissait de gens qui souffrent.

Pour ceux que ce sujet intéresse, il y a mon livre "Plaidoyers pour l'immigration" où j'explique tout cela dans le détail aux éditions Les points sur les i

Externalisation de la torture

Dans un papier qui doit prochainement paraître dans les Temps Modernes, j’analyse les mécanismes qui ont amené les Américains à pratiquer la torture en Irak (et ailleurs) dans les jours qui ont suivi l’invasion. J’y montre qu’il ne s’agit ni des bavures de quelques soldats perdus, ni d’un plan organisé de l’administration américaine, mais d’une dérive morale de la société américaine qui date de bien avant le 11 septembre. La possibilité de torturer a été longuement discutée et justifiée par des intellectuels de toutes sortes (philosophes, théologiens…) et de tous horizons bien avant l’entrée des troupes américaines en Irak. Dans ce papier, je fais allusion à l’externalisation de la torture, une pratique que confirment les organisations internationales comme l’indique ce papier de David Johnston dans le New-York Times du 12 mai 2005 : Terror Suspects Sent to Egypt by the Dozens, Panel Reports.
La dernière phrase de cet article dit l’essentiel : « Other Clinton and Bush administration officials have said concerns about Cairo's methods were balanced by the reality that for some detainees, there were no options. »


WASHINGTON, May 11 - The United States and other countries have forcibly sent dozens of terror suspects to Egypt, according to a report released Wednesday by Human Rights Watch. The rights group and the State Department have both said Egypt regularly uses extreme interrogation methods on detainees.

The group said it had documented 63 cases since 1994 in which suspected Islamic militants were sent to Egypt for detention and interrogation. The figures do not include people seized after the attacks of September 2001 who were sent mainly by Middle East countries and American intelligence authorities.

The report said the total number sent to Egypt since the Sept. 11 attacks could be as high as 200 people. American officials have not disputed that people have been sent to countries where detainees are subjected to extreme interrogation tactics but have denied that anyone had been sent to another country for the purpose of torture. Among other countries to which the United States has sent detainees are Jordan, Morocco, Saudi Arabia, Yemen and Syria.

Joe Stork, deputy Middle East director at Human Rights Watch, said sending someone to a country where he was likely to be tortured was banned under international law. "Egypt's terrible record of torturing prisoners means that no country should forcibly send a suspect there," he said.

The United States began sending terror suspects to Egypt in the mid-1990's when the practice, known formally as rendition, began to play a larger role in counterterrorism, according to officials from the Clinton administration.

But since September 2001, the transfers have accelerated in part because Egypt has been willing to accept the detainees as part of its effort to root out Islamic militants inside Egypt, a campaign that has extended to countries where extremists have taken refuge. Almost all those sent to Egypt are Egyptian citizens or were born there, the report said.

Although torture is forbidden under Egyptian law, the country has long been criticized by the State Department for a poor human rights record, most recently in a Feb. 28 annual report by the agency that concluded, "Torture and abuse of detainees by police, security forces and prison guards remained common and persistent."

Human rights groups have been even harsher. The Egyptian Organization for Human Rights, a nongovernmental group, reported in May 2004 that it had uncovered 292 cases of torture between 1993 and 2003, of which 120 led to death.

President Bush said in March that the government demanded assurances that suspects would not be tortured before they were sent to other countries. Porter J. Goss, the director of central intelligence, testified on March 17 that more safeguards were now in effect than existed before Sept. 11, 2001.

Other Clinton and Bush administration officials have said concerns about Cairo's methods were balanced by the reality that for some detainees, there were no options.

J'ai un homonyme

J’ai un homonyme… Un cinéaste pas très connu mais que je rencontre régulièrement sur Google…
Ce n’est pas le seul Bernard Girard, il y a aussi un mathématicien, un joueur d’échec genevois, un fonctionnaire québecois et un accordéoniste, mais c’est le plus célèbre. Quoique… Le New-York Times en disait quelques mots aujourd’hui :
"Though little is written of director Bernard Girard's career before the making of Dead Heat on a Merry-Go-Round (1966), Girard had been in Hollywood since the early 1950s, first as a screenwriter (among his credits was the 1952 Joan Crawford vehicle This Woman is Dangerous) then as a TV producer/director. His true feature-film bow was 1957's Ride Out For Revenge, followed by the bleak juvenile delinquent flick The Party Crashers (1958): the latter film represented the cinematic swan songs of two of Hollywood's most tragic personalities, Frances Farmer and Bobby Driscoll. One of Girard's better pre-Dead Heat projects was A Public Affair (1962), a terse, low-budget indictment of big-city political corruption."