La campagne référendaire a confirmé une tendance que l’on observe depuis quelques années : avoir une opinion est devenu une composante du bien-être au même titre que la santé, une bonne éducation ou la qualité de la vie. Les débats sur la constitution, les discussions acharnées entre amis, entre collègues de bureau, dans les familles… est un symptôme d’un phénomène qui, pour n’être pas complètement nouveau, se révèle chaque jour un peu plus prégnant : le désir de chacun de nous d’affirmer haut et fort ses opinions, de les voir portées sur la place publique. Des opinions qui sont, en général, originales, différentes (ou jugées telles) de celles du voisin, ce qui fait que nous avons de plus en plus de mal à nous retrouver dans les programmes et propositions des candidats aux élections. Ce n’est pas du relativisme, comme on le dit parfois, mais de l’assurance : mes idées valent bien celles de mon voisin ! Et elles méritent tout autant que les siennes d’être affichées et défendues en public.
C’est ce phénomène qui a amené un certain nombre d’électeurs à s’abstenir aux dernières élections présidentielles au motif qu’aucun candidat de les représentait vraiment. C’est ce même phénomène qui amène des jeunes (et moins jeunes) gens à participer à des manifestations avec leurs propres pancartes et calicots au motifs que les slogans des grandes organisations ne portent pas vraiment leurs revendications. Les partis, les syndicats, les élus (députés ou syndicalistes…) ne disent pas exactement ce qu’ils aimeraient entendre, d’où leur initiative : ils ne s’engagent plus dans un parti, dans un syndicat, mais pour une idée.
Tout cela contribue naturellement à la crise de la représentation politique qui ne vient pas, comme on le dit souvent, de la faiblesse des politiques mais des attentes nouvelles des citoyens, de cette idée, de plus en plus ancrée dans notre société, qu’avoir des opinions, les exprimer et les afficher est une composante essentielle de notre bien-être. Ce n’est pas une idée fausse, ce n’est pas non plus une idée critiquable, reste à trouver le moyen de concilier ce légitime désir d’avoir des opinions et les arbitrages entre opinions divergentes sans lesquels on ne peut gouverner.
Certains pensent que le suffrage à la proportionnelle pourrait être une solution. Il aurait l’avantage d’ouvrir l’éventail des opinions, mais on connaît ses limites : la recherche d’un compromis ne se fait plus, comme dans le scrutin majoritaire, dans la tête des électeurs, mais dans les coulisses au lendemain des élections entre élus, ce qui est la porte ouverte à toutes les tractations et trahisons. La solution reste à inventer.
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