lundi, février 26, 2007

Et si Le Pen n'avait pas ses 500 signatures?

Tout le monde ou à peu près préférerait que Le Pen ait ses 500 signatures, et on peut parier qu'il les aura. L'argument avancé est simple : en arrivant au second tour lors de la précédente élection présidentielle il a montré qu'il représentait un courant important de l'opinion. Ce que confirment régulièrement les sondages.

Soit, mais l'élection présidentielle a été conçue pour élire une personne et, avec elle, une équipe capables de diriger la France. Les difficultés que rencontre Le Pen disent long sur ce que pensent en vérité les Français de sa capacité à diriger la France. Si le Front National était, avec ses résultats à la dernière présidentielle, un parti comme les autres, il n'aurait aucun mal à trouver des élus qui le parrainent. S'ils n'en trouvent pas, c'est que les électeurs ne lui font pas confiance pour gérer leur commune. Ils ne le prennent tout simplement pas au sérieux. Ils peuvent voter pour ses candidats lorsqu'ils savent qu'ils ont peu de chance d'être élus, ils évitent de le faire là où ce serait possible. Qui croit, en effet, que le programme du FN et de son président pourrait régler n'importe lequel de nos problèmes?

Ce qui vaut pour le Front National vaut pour tous les petits partis qui rencontrent des difficultés dans la collecte des signatures.

Le refus des maires de parrainer Le Pen et consort n'est que preuve qu'ils ont du bon sens : il n'est pas souhaitable que des gens dont personne ne pense qu'ils ont (eux et leur équipe) la capacité de diriger la France soient candidats. Si le Front National réussissait à s'imposer dans des élections locales, il en irait naturellement tout autrement…

vendredi, février 23, 2007

Trop de fonctionnaires?

Réduire le nombre de fonctionnaires est l'une des pièces maîtresses du programme de Nicolas Sarkozy. Je cite le Figaro : "Il compte ne pas remplacer un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, ce qui représenterait 450 000 personnes. La France retrouverait en 2012 le nombre de fonctionnaires de 1992, « quand François Mitterrand était président de la République et où personne ne disait que la France était sous administrée ».

Nicolas Sarkozy précise également les domaines où il entend concentrer son action. «L’administration générale des Douanes a autant d’agents aujourd’hui (20.000) qu’elle en avait en 1980. Or, depuis cette date, il n’y a plus de frontières », fait-il valoir. Il souhaite également fusionner certaines administrations : l’ANPE avec l’Unedic et les maisons de l’emploi, et la Direction générale des impôts avec la comptabilité publique."

Je sais bien que les propos de campagne incitent à simplifier, mais tout de même… Le sujet mériterait une analyse un peu plus fine. Après tout, les 5 millions de fonctionnaires font autant d'électeurs qui sont, on peut au moins le supposer, à peu près informés de ce qui se passe dans leur environnement de travail.

On remarquera que Nicolas Sarkozy ne parle que de la fonction publique d'Etat (3 millions de fonctionnaires) et ne dit rien des deux autres : la fonction publique territoriale (1, 750 000 fonctionnaires) et la fonction publique hospitalière (850 000 fonctionnaires). Or, si problème il y a, il est moins dans le nombre de douaniers ou de telle autre catégorie, que dans les dysfonctionnements de cette organisation. Or, c'est là que se trouvent les marges de manoeuvre. Plusieurs phénomènes mériteraient d'être explorés avant de donner des chiffres à l'emporte-pièce.

Les effectifs de la fonction publique territoriale progressent rapidement (+ 3% en 2002, + 1,6% en 2003), ce qui n'est pas choquant dans un contexte de décentralisation, mais devient problématique lorsqu'il n'y a pas réduction équivalente des effectifs dans la fonction publique d'Etat, ce qui veut tout simplement dire que l'on fabrique des doublons.

Comme toute organisation, la fonction publique d'Etat résiste à tout ce qui pourrait réduire son pouvoir, et d'abord à la décentralisation qui la menace directement. L'une de ses armes préférées, dans cette bataille, est la création de règles, de normes qui lui permettent de conserver son pouvoir de contrôle sur l'activité de la fonction publique territoriale mais aussi de maintenir son emploi.

On dit beaucoup que les fonctionnaires ne font rien. C'est inexact. Ils travaillent. Et s'ils sont si nombreux, c'est que les élus leur donnent du travail. L'explosion réglementaire et législative, dénoncée par le Conseil d'Etat, est la première raison de cet excédent de fonctionnaire d'Etat. Et cette explosion est le fait des élus. Nous avons autant de fonctionnaires parce que nous sommes mal gouvernés. Et de ce point de vue, le bilan de Nicolas Sarkozy, avec ses lois répétées sur l'immigration, est plutôt mauvais.

Les emplois sont d'autant plus nombreux qu'ils sont mal distribués. Est-il, pour ne prendre que cet exemple, normal qu'il y ait trois fois plus de policiers par habitant à Paris que dans la lointaine banlieue? On tient là un des facteurs de la croissance des effectifs : pour augmenter les effectifs là où ils manquent, on a recruté là où on aurait pu redéployer. Mais qui est responsable de ce dysfonctionnement, sinon les élus locaux qui se battent bec et ongle pour conserver les effectifs de policiers même lorsque ceux-ci sont en surnombre? Et les gouvernements qui leur cèdent? Ce qui est vrai de la police l'est de bien d'autres domaines.

La fonction publique a un absentéisme supérieur au secteur privé. C'est vrai dans les trois fonctions publiques, mais surtout dans la fonction publique territoriale (voir, là-dessus, les chiffres de l'IFRAP). Lutter contre permettrait certainement de produire autant avec des effectifs réduits. Mais on remarquera le silence de Nicolas Sarkozy (et des élus en général) sur cette question. Le sujet est tabou! Il est vrai qu'un absentéisme trop élevé est le symptome d'un management déficient. Et qui dirige les collectivités publiques territoriales, sinon les élus de droite comme de gauche?

Vouloir réduire le nombre de fonctionnaires n'est pas en soi une mauvaise chose lorsque le sureffectif est le résultat d'une mauvaise organisation ou d'un mauvais management. Encore faut-il travailler sur les causes, sinon on risque de jeter le bébé avec l'eau du bain, de dégrader la qualité des services publics sous couvert de faire des économies.

jeudi, février 22, 2007

Nous, socialistes et Français de gauche…

Nous, socialistes et Français de gauche… ainsi commence une diatribe anti-Royal d'une pleine page publiée dans Libération et signée Spartacus, collectif de 30 hauts fonctionnaires en activité dans l'administration centrale…

Sur le fond, les motifs qui les amènent à préférer François Bayrou à Ségolène Royal sont plutôt banals : ils reprochent à la candidate socialiste son programme, son souci de proximité ("Mme Royal compte donc gérer la France comme on gère une région ou un département en créant toujours plus de charges pour la collectivité"), ce que l'on a beaucoup entendu et qu'on entendra sans doute souvent encore. C'est la forme qui interroge. Que veut donc dire ce "Nous, socialistes et Français de gauche…" anonyme?

Il y a deux façons de juger des positions politiques d'un individu : par ses propos ou ses actes passés, par ses positions actuelles. Si les mots ont un sens, le positionnement des auteurs de ce texte, tel qu'il transparait dans cet article, en fait des gens du centre. Ce seraient donc leurs actes passés qui leur permettraient de se dire de gauche. Peut-être est-ce le cas, mais comment le savoir s'ils restent anonymes? Comme vérifier qu'ils ne sont pas un banal sous-marin d'une officine de communication financée par l'UDF?

L'UDF n'étant pas très riche j'imagine qu'il s'agit plutôt de quelques amis qui ont un jour, dans leur jeunesse, voté à gauche et qui, depuis, parent de cette couleur toutes leurs positions politiques. Mais alors se dire de gauche n'est qu'un effet rhétorique…

On comprend que des (hauts, ils le précisent, ce qui permet de douter de la profondeur de leurs convictions de gauche) fonctionnaires, attachés à l'éfficacité et habitués aux alternances aspirent au centrisme qui donne aux experts la main. Sa victoire leur permettrait de poursuivre leurs projets sans hiatus ni contorsions, mais qu'ils nous le disent, plutôt que de se cacher derrière un masque qui leur va si mal.

mercredi, février 21, 2007

Les journalistes et la blogosphère

Les journalistes prennent mal la concurrence que leur fait le web là où on l'attendait, sans doute le moins, du coté des commentaires et des éditoriaux. Il est vrai qu'on ne voit pas bien à la lecture d'éditoriaux et de beaucoup de blogs, la valeur ajoutée des premiers sur certains des seconds. Souvent, les opinions des bloggers valent bien celles des experst attitrés. D'où l'exaspération de ceux-ci.

Exaspération d'autant plus vive que les internautes n'hésitent pas à critiquer la presse, à écrire noir sur blanc ce que beaucoup pensaient plus ou moins. Ce qui pousse la presse à un examen de conscience dont témoignent, entre autres choses, les papiers des journalistes du Monde qui accompagnent les candidats en campagne. On aîmerait que ce travail d'introspection se poursuive et que les journalistes nous expliquent comment se font les informations, on voudrait qu'ils décortiquent la fabrique de l'information, qu'ils nous éclairent sur le jeu trouble de la communication et de la presse.

Que sortira-t-il de tout cela? Sans doute un bien, pour peu que les journalistes se mettent vraiment au travail. Puisque concurrence il y a, puisqu'ils ont des compétences (c'est leur métier et non pas un hobby comme pour nous) et des réseaux que nous n'avons pas, ils peuvent produire une information qui les distingue des internautes. Si c'est bien ce qui se passe, bien loin de faire du tort à la presse traditionnelle, internet aura contribué à l'améliorer. A moins que tout ceci ne soit que du "wishful thinking."

vendredi, février 16, 2007

Bayrou ou la stratégie du dindon… de la farce

L'hypothèse du troisième homme qui verrait Bayrou (et non pas Le Pen) au second tour face à Sarkozy (l'hypothèse qu'il se retrouve face à Ségolène Royal n'est aujourd'hui envisagée par personne) étant de plus en plus souvent évoquée dans la presse, il convient de s'interroger sur ce qui pourrait se passer dans cette hypothèse.

Bonne nouvelle pour François Bayrou : il aurait de bonnes chances de l'emporter, les électeurs de gauche qui ne veulent surtout pas de Nicolas Sarkozy et qui lui sont gré de ses attaques contre l'actuel gouvernement s'ajoutant aux électeurs de droite qui ne veulent pas non plus du ministre de l'intérieur à L'Elysée, cela pourrait faire une majorité anti-sarko. Mais une fois élu que fera-t-il?? ou, plutôt, que pourra-t-il faire?

Dans la foulée des élections présidentielles, il doit y avoir des élections législatives qui seront certainement très disputées, chaque camp voulant rattraper une élection perdue pour les uns par la faute d'une candidate maladroite, volée pour les autres par des chiraquiens revanchards. Sans doute verra-t-on quelques seconds couteaux rejoindre à toute vitesse l'UDF, mais les pesanteurs de la politique sont telles que la bataille se jouera entre le PS et ses alliés et l'UMP.

Quelque que soit celui qui l'emporte, François Bayrou sera amené à choisir le patron de la formation gagnante qui fera, naturellement, la politique pour laquelle il aura été élue. Et Bayrou pourra se retirer à l'Elysée en dindon de la farce condamné à jouer les rois fainéants.

Pour qu'il en aille autrement, il faudrait que les deux partis soient à égalité, qu'il y ait autant de députés d'un coté que de l'autre, que la solution soit si inextricable qu'il n'y ait, comme en Allemagne il y a quelques mois, d'autre solution qu'un gouvernement d'union nationale. Avouons que c'est peu probable et que l'on ne voit pas bien qui pourrait le diriger, le seul ayant autorité et légitimité pour le faire étant, du fait de son élection, à l'Elysée. Là encore, François Bayrou serait le dindon de la farce.

Cette impasse stratégique est le fait de nos institutions. Bayrou ne pourrait donc s'en sortir qu'en les changeant rapidement, en organisant, par exemple, un référendum sur une sixième république qui modifierait les règles du jeu, réduirait le rôle des grands partis et faciliterait l'émergence de forces centristes. Des élections législatives à un seul tour avec une forte dose de proportionnelle pourrait être l'une de ces solutions…

jeudi, février 15, 2007

La démocratie participative et les experts

Au lendemain des élections, lorsque l'on se penchera sur les causes de son échec, si Ségolène Royal échoue, on mettra certainement en avant sa volonté de faire une place à la démocratie participative. On critiquera la mise à l'écart des experts de toutes sortes, comme le faisait hier, sans beaucoup d'élégance Bernard Tapie, et comme le fait, dans le même numéro du Monde, un sociologue qui se plaint de "l'éviction des chercheurs des débats électoraux", éviction, dit-il, "stupide et humiliante." On soulignera l'éloignement des intellectuels qui ont préféré le silence ou Sarkozy à la candidate du Parti Socialiste.

Plus que cette éviction, ce qui me frappe c'est la fragilité de l'expertise de tous ces "sachants", fragilité qui plus que tout autre chose justifie que l'on ne prenne pas pour argent comptant tout ce qu'ils nous disent. Pour rester dans l'actualité, telle que nous la présentent les pages Débats du Monde, je prendrai deux exemples :

- le premier n'a rien à voir avec la politique puisqu'il s'agit de climat. Il y a quelques jours, Serge Galam, très estimable sociophysicien qui applique les lois de la physique au monde social nous expliquait que les prévisions des experts en climatologie étaient très contestables. Rien, expliquait-il en substance, ne permet de dire que le réchauffement climatique est lié à l'activité humaine. Dans les jours qui ont suivi deux climatologues ont démonté son texte montrant qu'il confondait la météorologie (qui fait des prévisions à court terme et se trompe souvent) et la climatologie (qui fait des prévisions à long terme et se trompe beaucoup moins) et qu'il confondait, à propos de Galilée, la rotation de la terre autour du soleil et la forme de la terre (ce qui pour un physicien qui se pique d'épistémologie est un peu gênant) : l'expert disait des sottises ;

- le second a à voir avec la campagne électorale. Raymond Boudon, sociologue estimable, théoricien de la droite depuis longtemps, expliquait du haut de sa science (qui n'est pas mince) que la démocratie participative n'a pas de sens. A preuve : elle n'est pas traduisible en anglais. Là encore, l'expert disait des sottises. Non seulement, l'expression est traduisible en anglais, comme le rappelle Yves Sintomer, dans Le Monde, mais le concept a fait l'objet, tout récemment encore, de débats vifs aux Etats-Unis. Le concept est né de réflexions sur la société civile, sur le rôle des associations et des ONG, mais également de la place prise dans les débats publics des échanges sur internet. Que Raymond Boudon soit passé à coté veut tout simplement dire que son expertise ne lui permet pas de tout voir.

Au travers de ces discussions, c'est le rôle des experts et des intellectuels qui est en cause. On sait depuis longtemps que les intellectuels touche-à-tout disent beaucoup de bêtises et sont parfois dangereux (il suffit de relire ce qui a pu être écrit par des gens intelligents au lendemain de 68 pour frémir à posteriori : s'ils avaient eu le pouvoir que d'horreurs auraient pu être commises au nom de leur expertise!). Les intellectuels qui ne l'ignorent pas se sont pendant des années retiré du champ public (d'où ce silence que l'on a si souvent regretté alors que l'on aurait du s'en réjouir. S'il se taisaient, c'est qu'ils travaillaient et ne parlaient en public que de choses qu'ils connaissaient). Or, l'on voit depuis quelques années, ces mêmes intellectuels, jaloux des succès des essayistes et autres journalistes pressés de revenir sur le devant de la scène et d'afficher leurs opinions sur tout et rien au risque de dire des sottises comme tout un chacun.

En mettant en avant sa démocratie participative, Ségolène Royal a mis des bâtons dans leurs roues, ceci explique peut-être leur dépit…

mercredi, février 14, 2007

Le mépris de Bernard Tapie

Le Monde publie ce soir sur son site une interview de Bernard Tapie qui respire le mépris de Ségolène Royal (et avec elle des femmes) et des électeurs à un point qui laisse presque sans voix. Quelques extraits :

- "Le "je" utilisé en permanence m'inquiète car en bordurant, comme elle semble le faire, les DSK, Fabius, Jospin et autres Kouchner, elle rend son inexpérience personnelle plus flagrante et dangereuse. Tu ne gagnes pas la Champion's League avec une équipe de deuxième division ! Or mis à part [Jean-Louis] Bianco [directeur de campagne de Ségolène Royal], ce ne sont pas ceux qui l'entourent aujourd'hui qui pourront lui permettre de surmonter les difficultés que la France connaît."

- "Elle a été ministre, députée, elle est présidente de région, et elle ne sait pas de quoi souffrent les gens? Mais on ne construit pas la France de l'avenir en faisant le tour des cafés du commerce, en réunissant deux cents à trois cents pékins dans un préau pour leur demander quels sont leurs problèmes. Ces débats participatifs, c'est le contraire de ce que réclament les gens en souffrance, ils veulent des réponses, des solutions."

- "Les socialistes ont choisi Ségolène Royal, exclusivement sur la foi des sondages. Ce n'était pas mon choix : tu ne passes pas de journaliste à La Montagne à directeur de la rédaction du Monde. Ça ne remet pas en cause son intelligence, sa bonne foi, mais il y a des responsabilités qui ne s'improvisent pas. Pour être le premier des français, il faut avoir accompli un autre parcours."

Tout cela est détestable, grossier et antipathique (les journalistes de la Montagne, les gens qui ont participé aux réunions participatives, ceux, tous ceux qui ont une opinion et ont envie de la faire entendre apprécieront). Mais Tapie n'est pas le seul. Beaucoup d'autres ex-Mitterandistes se sont prononcés pour Nicolas Sarkozy. J'ai même entendu Roger Hanin expliquer qu'il voterait pour lui parce que c'était un homme de gauche (oui! de gauche!).

Je sais bien qu'Hanin n'est pas un analyste politique de premier plan, mais cela laisse tout de même rêveur. Que des gens plutôt bien informés puissent prendre pour un homme de gauche un candidat qui propose de supprimer l'impôt sur les successions, une mesure conservatrice s'il en est une, fait douter de notre intelligence ou de notre bon sens : sommes-nous donc si naïfs qu'il suffit de citer les noms de Jaurès ou de Blum dans un discours pour être qualifié d'homme de gauche? Si c'est cela être de gauche, alors ce mot n'a plus beaucoup de sens.

lundi, février 12, 2007

L'étonnant discours de Madame Royal

Le discours du 11 février de Ségolène Royal a été bien reçu par les militants socialistes et, de manière plus générale, par la presse. Ses bévues, le procès en incompétence sont oubliés. Il faut, cependant, le lire de près pour voir que, s'il est socialiste, comme l'a affirmé François Hollande, il l'est de manière peu conventionnelle.

Il commence, ce qui n'est pas banal, par un long développement sur la dette et sur les entreprises, notamment les PME, avec une proposition qui semble provenir directement des débats participatifs sur un système de caution mutuel qui évite aux patrons de PME d'offrir des garanties sur leurs biens personnels lorsque leur entreprise rencontre des difficultés. Je ne suis pas sûr que cela convainque beaucoup de patrons de PME de voter pour Ségolène Royal (d'autant que les médias n'ont pas beaucoup relayé cette proposition), mais cela indique une approche nouvelle de la société pour une socialiste : non seulement les fonctionnaires et les travailleurs ne sont plus les seuls dont elle se préoccupe mais elle a, de plus, une vision assez réaliste du monde des PME (beaucoup de patrons sont effectivement amenés à offrir leurs biens personnels en garantie lorsque leur entreprise va mal).

On aurait aimé qu'elle aille plus loin dans cette même direction et qu'elle aborde une autre question qui gêne les plus petites PME : celle du lissage des revenus pour éviter les effets de ciseau que connaissent tous ceux qui ont des revenus en montagnes russes (comme l'on paie des impôts sur les revenus des années précédentes, on peut se trouver pris à la gorge pour peu que l'on ait fait une bonne année suivie d'une ou deux mauvaise année, avec des impôts (et cotisations sociales) très élevés à payer les années où l'on a des revenus faibles. On aurait également aimé qu'elle approfondisse sa réflexion économique et qu'elle éclaire mieux les faiblesses de notre économie, avec quelques dizaines d'entreprises très puissantes, très compétitives (Michelin, Dassault, Lagardère, Bouygues; Aventis, Air Liquide, EDF, Renault, Peugeot…) qui ne créent plus d'emplois en France (leur expansion se fait à l'étranger) et une multitude de PME sous-capitalisées, sous-managées qui ne peuvent pas créer d'emplois parce qu'elles n'ont pas les moyens de la croissance. Mais un discours de candidat n'est pas un cours d'économie…

Ségolène Royal insiste également beaucoup sur la réforme de l'Etat, ce qui n'est pas forcément dans la tradition socialiste, elle fait une place très importante aux femmes et aux jeunes, notamment ceux des banlieues, plus présents dans son discours que les travailleurs. Elle insiste sur les logiques du donnant-donnant (des droits et des devoirs) qui dessine une approche nouvelles des valeurs de la gauche. Si elle a repris plusieurs des propositions du programme socialiste, elle n'a certainement pas mis son mouchoir dans sa poche et repris plusieurs de ses propositions antérieures (jurys citoyens, encadrement militaire, révision de la carte scolaire…). Qui peut dire qu'elle manque de caractère et de courage (car il en faut pour expliquer aux fonctionnaires que l'on va moderniser la fonction publique, pour dire aux enseignants que l'on va revoir la carte scolaire…)?

Socialiste, son discours? Peut-être, mais surtout ségoliniste, mais qu'il ait été bien accueilli par les militants montre que la révolution du Parti Socialiste est bel et bien engagée en profondeur. C'est ce que n'avaient sans doute pas vu ses concurrents malheureux au sein du parti socialiste.

dimanche, février 11, 2007

Heures supplémentaires : discipliner les salariés ou les augmenter?

C'est l'une des conséquences inattendues des 35 heures : les salariés qui se plaignent de salaires trop faibles pourraient, noux explique Nicolas Sarkozy qui en a fait un des points forts de son programme, gagner plus en travaillant plus, c'est-à-dire en faisant des heures supplémentaires.

Il suffirait donc, en somme, de lever les plafonds des heures supplémentaires pour que tout le monde soit content : les employeurs (fin des 35 heures), les salariés (des revenus plus élevés). C'est, naturellement, un peu plus compliqué que cela. Il faut, en effet, bien voir que les heures supplémentaires sont à la discrétion de l'employeur, c'est lui qui en décide et les salariés ne peut les refuser. Et c'est là que le bât blesse : sous couvert d'enrichir les salariés, ce mécanisme va surtout renforcer la domination de l'employeur en lui donnant un nouveau moyen de dsicipliner les salariés.

Il suffit d'avoir vécu quelques semaines dans une usine ou dans l'un de ces établissements dans lesquels on utilise les heures supplémentaires pour voir comment les choses peuvent se passer.

Prenons le cas d'un atelier de 100 personnes. L'employeur a besoin de 100 heures de plus pour répondre à une commande. Il peut les partager entre ses 100 salariés (1 heure de plus chacun), il peut également choisir de les affecter à 20 (avec pour chacun 5 heures de plus), 25 (avec pour chacun 4 heures supplémentaires), 50 salariés (avec pour chacun 2 heures de plus) qu'il a aura choisis en toute discrétion. Dit autrement, l'employeur peut utiliser les heures supplémentaires pour les refuser à ceux qu'il veut sanctionner pour indiscipline, esprit critique… C'est ce qui se fait de manière courante dans les entreprises de toutes sortes, la décision étant, dans celles d'une certaine taille prise par le management de proximité.

Ce n'est bien évidemment pas comme cela que l'on augmentera les salaires. S'ils sont si faibles, ce n'est pas, comme on nous le répète matin midi et soir de la faute des 35 heures, c'est plus simplement que le rapport de force n'a jamais été plus en faveur des employeurs. La seule augmentation qui vaille est celle du salaire horaire, mais elle ne pourra être obtenue que lorsque nous aurons des organisations syndicales plus puissantes capables de mener des combats pour les obtenir. L'augmentation du SMIC que propose la gauche n'est qu'un palliatif sympathique mais probablement illusoire dans un environnement réglementaire dans lequel les entreprises ont, grâce aux contrats de travail précaires et à la sous-traitance, de nombreux moyens d'y échapper (voir là-dessus mon papier dans Personnel : Le Smic, un instrument émoussé?). De ce point de vue, les propositions de Ségolène Royal sur les syndicats me paraissent plus intéressantes que sa reprise du mot d'ordre de Laurent Fabius.

dimanche, février 04, 2007

Les blogs, la rumeur

On a beaucoup dit que la blogosphère favorisait le développement de rumeurs. L'actualité récente fait penser que les choses sont un peu plus complexes. S'il est vrai que la blogosphère accélère la diffusion d'informations contrôlées, il faut ajouter qu'elle en modifie profondément la nature.

La blogosphère fait sortir la rumeur de l'univers des échanges verbaux, ce qui change beaucoup de choses :

- alors qu'il est à peu près impossible de savoir d'où vient la rumeur qui circule dans les conversations, il est relativement facile d'identifier les sources des rumeurs sur le web,

- alors qu'il est à peu près impossible de saisir la rumeur, invisible à qui n'est pas partie prenante des conversations, il est très facile d'accéder à la rumeur sur internet qui est écrite et au vu et su de tout le monde : la victime est plus tôt informée,

- alors que la rumeur verbale vaut par sa clandestinité, la rumeur sur internet, parce qu'elle est écrite, prend une existence nouvelle, l'écriture lui donne une existence nouvelle, elle peut être reprise dans la presse, ce qui donne aux victimes la possibilité de la combattre, de démentir de faire intervenir la justice, de prouver leur innocence.

Pour tous ces motifs, et à l'inverse de ce qui est souvent dit, internet ne multiplie pas les rumeurs, il en change la nature. On en a récemment eu, à l'occasion de la campagne présidentielle plusieurs exemples : les impôts de Ségolène Royal, ses amants…

Dans les deux cas, la publicité faite sur internet à des informations sans fondement a permis aux victimes de réagir très vite, de démentir des informations fausses, d'identifier les responsables de leur diffusion (des gens proches de l'UMP), de les dénoncer et, éventuellement, de les poursuivre en justice. Résultat : des rumeurs qui auraient pu circuler pendant des mois sans être démenties sont mortes dans l'oeuf.

jeudi, février 01, 2007

Le ralliement d'André Glucksman fait pschiit

Le ralliement, il y a quelques jours, d'André Glucksman à Nicolas Sarkozy a décidément fait pschiit. Il suffit de lire la blogosphère pour en juger. La plupart des bloggueurs n'en ont même pas parlé, comme en témoigne ce sondage impitoyable de Technorati :


Autant dire que tout le monde, ou presque, s'en moque. Faut-il ajouter que ceux qui ont parlé de ce ralliement, bien loin d'être aimables avec Glucksman et Sarkozy, ont rappelé que tous deux étaient favorables à l'intervention américaine en Irak, ce qui n'est évidemment pas de nature à aider Nicolas Sarkozy dans sa campagne.

La blogosphère se révèle en cette occasion, comme en d'autres lors de cette campagne électorale un formidable révélateur de l'opinion qui fonctionne de manière originale : en posant des questions, les sondeurs aident les personnes qu'ils interrogent à se former une opinion (ne serait-ce qu'en choisissant entre plusieurs options), le web témoigne de toout autre chose : de l'intérêt que l'on a à avoir une opinion sur un sujet : si l'on n'en pense rien, on n'en parle pas, un point c'est tout. Ce ralliement est un non événement parce que personne n'a d'opinion dessus.

Grosse gaffe à l'Elysée sur le nucléaire iranien

On est dans la saison des gaffes et des lapsus. Après celles de Ségolène Royal si amplement commentées et celles de Nicolas Sarkozy, si discrètement annoncées par la presse (souvenez-vous : quand il disait de Tony Blair qu'il était des notres, avant de se reprendre et de dire qu'il était des leurs), voici celle, énorme, de Jacques Chirac qui, face à la presse internationale, s'est pris les pieds dans le nucléaire iranien.

Voici l'histoire telle que la raconte ce matin le New-York Times :

PARIS, Jan. 31 — President Jacques Chirac said this week that if Iran had one or two nuclear weapons, it would not pose a big danger, and that if Iran were to launch a nuclear weapon against a country like Israel, it would lead to the immediate destruction of Tehran.

The remarks, made in an interview on Monday with The New York Times, The International Herald Tribune and Le Nouvel Observateur, a weekly magazine, were vastly different from stated French policy and what Mr. Chirac has often said.

On Tuesday, Mr. Chirac summoned the same journalists back to Élysée Palace to retract many of his remarks.

Mr. Chirac said repeatedly during the second interview that he had spoken casually and quickly the day before because he believed he had been talking about Iran off the record.

“I should rather have paid attention to what I was saying and understood that perhaps I was on the record,” he said.

Question : qu'est-ce qui est le plus grave? un Président en exercice qui s'emmêle les pieds sur un sujet aussi sensible devant des journalistes de la presse internationale? un candidat qui commet un lapsus à la sortie d'un entretien qui s'est bien passé (Sarkozy et Blair)ou une candidate qui dit en riant dans une conversation privée ce que beaucoup de Français auraient dit dans des circonstances voisines (je fais naturellement allusion à ses propos sur la Corse)?

Sauf à imaginer que Jacques Chirac ait voulu, par ce biais, venir au secours de la candidate en difficulté, il faut bien reconnaître que nul n'est à l'abri des gaffes. Ou, plutôt, que les frontières entre le privé et le public, le "on the record" et le "off the record" sont devenues si ténues, si fragiles, que la moindre imprécision devient affaire d'Etat. Peut-être conviendrait-il de rendre aux politiques le droit à l'erreur, à l'hésitation, au changement d'opinion. Sarkozy l'a revendiqué dans son discours. Il a eu raison.