jeudi, novembre 26, 2009

L'immigration : un chiffon plus très rouge

Les élections approchent, la majorité a de mauvais sondages. Elle essaie de reprendre la main en agitant le chiffon rouge de l'immigration pour reconquérir cet électorat populaire venu du Front National que son action a déçu : l'interdiction de la burqua sur la voie publique, du voile dans les travées de l'Assemblée nationale, le débat sur l'identité nationale… tout va dans le même sens.

Il y a cependant de fortes chances que cela ne lui serve pas à grand chose. Pour trois motifs :
- la société française d'aujourd'hui n'est plus celle d'il y a quinze ans. Elle a changé dans ses profondeurs, elle a beaucoup évolué sur ces sujets et accepté l'idée que nous étions une société diverse, métisse. L'un des effets inattendus du débat sur l'identité nationale aura été le coming out de tous ces enfants d'immigrés (espagnols, italiens, polonais, algériens…) qui révèlent une ascendance dont ils ne parlaient à peu près jamais. Ce qui relevait du privé, de l'intime est en passe de devenir public, et ceci dans tous les milieux ;
- ces évolutions sont sans doute plus marquées dans les classes populaires que dans les classes moyennes. Tout simplement parce qu'elles vivent plus massivement cette diversité. C'est dans les classes populaires que le métissage se fait le plus naturellement, le plus simplement ;
- le discours de la droite est paradoxal, contradictoire. Nicolas Sarkozy et quelques autres autour de lui, comme Coppé ont compris que la société française a profondément évolué sur ces sujets. Ils en ont d'ailleurs tiré les conséquences en aidant notamment des personnes issues de l'immigration à faire carrière dans la politique. Comment peuvent-ils être pris au sérieux lorsqu'ils tentent de stigmatiser la population issue de l'immigration?

Copenhague : il faut aider le soldat Obama

Comme toute la presse européenne le faisait remarquer ce matin (mais pas forcément la presse américaine), les propositions de Barack Obama sur le climat sont extrêmement décevantes. Très loin de ce qui serait nécessaire et de ce qu'on attendait de lui.

Le plus grave est qu'il est sans doute au plus loin de ce qu'il peut faire tant ses marges de manoeuvre sont réduites : l'opinion américaine est infiniment moins convaincue que l'opinion européenne de la nécessité d'agir, le parlement est travaillé au corps par des lobbies pétroliers dont nous ne mesurons pas ici la puissance, sa volonté de faire avancer ses projets sur l'assurance maladie l'obligent à des concessions avec les élus les plus conservateurs, l'explosion du chômage rend difficile toute concession qui ne soit pas cosmétique. Les chances qu'il avance plus sur ce dossier sont pour toutes ces raisons très minimes. Sauf si l'Europe en pointe sur ce dossier trouve le moyen de l'aider. Mais comment faire?

Utiliser le rapport de force? Il faudrait que l'Europe soit capable de convaincre les pays émergents et les pays en développement de se battre sur ce dossier et de pousser l'Amérique dans un coin. Mais cela parait difficile.

Agiter l'arme du protectionisme, mettre des taxes élevées sur les produits dont l'empreinte écologique est trop mauvaise? C'est difficile et dangereux, même si l'exemple des OGM montre que l'Europe lorsqu'elle est soutenue par son opinion sait marquer des points.

Reste une piste : battre les Américains à leur propre jeu.

On sait qu'ils ont plus que les Européens confiance dans le marché et dans la technologie. Si l'Europe prenait une avance réelle en matière de technologies environnementales, si elle finançait massivement des travaux de recherche dans ce domaine, elle pourrait inciter les autorités américaines à faire des efforts pour éviter que ses industriels ne prennent trop de retard. Il faudrait, au fond, retourner contre les Américains la stratégie du bouclier anti-missile qui a si bien réussi à Reagan contre l'URSS. Pas pour les vaincre et les ruiner, pour les forcer à se lancer dans l'aventure.

Que se passerait-il si à Copenhague, les Européens arrivaient avec un plan de financement très massif des technologies environnementales? Que feraient les Chinois? Resteraient-ils les bras croisés? Et si les Chinois et les Indiens s'y mettaient vraiment, que feraient les Américains? Créer une concurrence internationale sur les technologies environnementales serait sans doute la meilleure manière de les inciter à se lancer dans la bataille contre le réchauffement climatique. Mais en avons nous les moyens?

mercredi, novembre 18, 2009

Le CNRS publie plus que l'Académie des sciences de Chine et que Harvard

C'est le Canard Enchaîné qui le fait savoir : d'après un institut espagnol, Scimago, le CNRS serait la première institution savante mondiale pour le nombre de publications devant l'Académie des Sciences chinoises, l'Académie des Sciences russes mais aussi les grandes universités américaines (Harvard vient en quatrième position avec deux fois moins de publications que le CNRS). On trouve ces chiffres qui surprennent un peu ici. Ils sont tirés d'une base de données de l'éditeur Elsevier qui recense les publications dans 17000 revues savantes. La période analysée est récente : 2003 à 2007.

Je ne sais pas comment interpréter ces résultats, ni si les comparaisons avec les universités américaines ont beaucoup de sens (Harvard + l'université de Californie + Ann Arbor publient plus que le CNRS. Paris VI, la première université française n'arrive qu'en 71ème position) mais ils invitent à revisiter les remarques récurrentes sur les chercheurs qui ne travaillent pas, sur la bureaucratie au CNRS (ou à l'INSERM classé en 14ème position) ou sur la méfiance des chercheurs français à l'égard de la mesure de leurs efforts par le nombre de publications…

Le soleil nous boude, mais il brille à l'étranger

Nicolas Sarkozy est en Arabie Saoudite, pour un voyage que l'on dit semi-privé tandis que François Fillon se fait huer par les maires et les élus locaux à Paris. Deux poids, deux mesures? Non, une illustration de ce qu'est la politique au plus haut niveau en France : difficile à l'intérieur des frontières, souvent brillante à l'extérieur. Nicolas Sarkozy n'est pas le premier président à partir à l'étranger pour goûter un peu de répit et quelques succès. Et, pour dire vrai, il y réussit plutôt bien (Europe, G20, demain peut-être Copenhague…). Tout comme, d'ailleurs, ses prédécesseurs qui n'ont pas manqué, eux non plus, d'accumuler les déboires dans l'hexagone.

Ce grand écart entre des difficultés récurrentes à l'intérieur et des succès à l'extérieur est, me semble-t-il, une particularité française qui tient probablement à ce que la politique étrangère y fait moins débat chez nous qu'ailleurs. Cela tient sans doute à une tradition d'indépendance nationale qui unit gauche et droite dans la volonté de se démarquer des Etats-Unis, dans la volonté partagée par tous, à gauche comme à droite, de maintenir un certain rang dans le monde, ce qui suppose ouverture aux problèmes des autres et activisme diplomatique, dans un pacifisme de façade (de façade puisque nos soldats se battent depuis longtemps un peu partout) qui évite les aventures trop risquées. Cela tient aussi à des institutions qui font des affaires étrangères un domaine réservé que le Président peut labourer comme il l'entend sans l'obligation de s'expliquer devant les parlementaires.

Le tout rend cette politique relativement efficace : le Président sait qu'il peut compter sur l'opinion et cela renforce ses positions dans les négociations avec ses partenaires. Tout le contraire des Présidents américains qui doivent en permanence négocier avec les parlementaires et une opinion tentée par le renfermement sur elle-même.

Et comme cette politique est assez efficace, elle produit des succés dont profitent des Présidents qui souffrent bien plus sur la scène nationale. Pas étonnant, dans ces conditions, qu'il leur arrive de préférer l'Arabie Saoudite au Congrès des maires.

Ségolène Royal : la bonne élève des médias

Non, Ségolène Royal n'est pas folle, incontrolable, caractérielle comme tant de commentateurs le suggèrent. Elle est plus simplement, comme d'ailleurs Nicolas Sarkozy, une enfant très douée des médias et de la télévision. Elle est devenue très habile dans l'art de les attirer. Elle sait leur plaire. Et pas seulement parce qu'elle est jolie et souriante. Comment mieux faire parler de soi qu'en grattant le PS où cela fait mal et en taclant avec une redoutable habileté son ancien second? Elle sait construire un de ces spectacles qui amusent et enchantent les journalistes politiques qui s'intéressent moins au fond ("parler d'éducation, quel ennui!") qu'aux tactiques, manoeuvres, coups d'estoc et d'esbrouffe. Si son esclandre de Dijon lui a valu d'être présente toute la journée d'hier à la radio et à la télévision, c'est qu'il illustrait une très jolie manière de renvoyer à sa place (au second rang) un jeune ambitieux. C'était presque un cas d'école et je ne serais pas surpris que d'autres demain s'en inspirent pour casser un concurrent.

Elle fait cela d'autant mieux que chacun lui reconnaît une véritable intuition politique : que ce soit sur l'alliance avec le modem, la taxe carbone ou sur le passe contraception, elle sait toucher juste. Cela ne fait malheureusement ni une stratégie politique, ni un programme ni un projet.

Occuper l'espace médiatique avec talent, c'est bien, encore faudrait-il que cela ne se fasse pas aux dépens de sa prochaine candidature à la candidature. Parce qu'après tout : qui peut aujourd'hui dire que nous serions mieux gouvernée si elle était à l'Elysée? Alors même que c'est la seule idée qui pourrait lui en ouvrir les portes.

Si l'on était de ses proches, on lui recommanderait un peu de jeûne médiatique…

jeudi, novembre 12, 2009

De quelques nuances de l'anticapitalisme

Libé a publié il y a quelques jours un intéressant sondage de Viavoice sur l'éclatement de la gauche en plusieurs familles : social-libéral, anticapitaliste, écologiste, étatiste… Le fait marquant est, cette année, "l’installation massive de la galaxie antisystème écologiste", qui se nourrit de l’effritement des quatre familles identifiées dans les précédentes enquêtes. Ses membres placent l’environnement au cœur des politiques publiques mais se disent aussi "proches" à 95% des idées anticapitalistes.

Les écologistes sont donc anticapitalistes mais pas de la manière dont le sont les électeurs proches du NPA. La différence porte, bien sûr, sur les thèmes : ils se soucient plus de l'environnement que des questions sociales, même s'ils ne négligent pas celles-ci, mais pas seulement. Il me semble que leur anticapitalisme n'est pas de la même nature. Les anticapitalistes traditionnels à la NPA, disons pour simplifier les marxistes, critiquent le capitalisme, les entreprises capitalistes pour ce qu'elles sont et ce qu'elles font. Elles leur reprochent d'exploiter les salariés, de s'enrichir sur leur dos, de leur faire une vie impossible, de leur imposer des cadences infernales… Toutes critiques qu'il est facile de documenter. Il suffit de se promener dans quelques usines…

Les écologistes reprochent aux entreprises moins ce qu'elles font que ce qu'elles pourraient faire. Leurs critiques portent moins sur leurs actes que sur leur potentiel de nuisance. Nul ne sait si les antennes de téléphonie mobile sont un risque pour la santé, mais le fait même qu'elles puissent en présenter un suffit à militer pour leur interdiction et à condamner les entreprises qui les installent. Même chose avec les OGM, les déchets nucléaires (dont nul ne sait si nous saurons demain les traiter) ou le vaccin contre la grippe qui suscite aujourd'hui tant de méfiance : nul ne peut prouver qu'il est inutile ou inefficace (voire même dangereux), il suffit cependant qu'il soit produit par des laboratoires privés pour qu'on les soupçonne d'avoir fait passer dans cette affaire les intérêts de leurs actionnaires avant ceux de la collectivité. Les écologistes ne condamnent pas des actes (où sont les documents, les déclarations… qui montreraient que les laboratoires ont monté cette opération vaccin pour arrondir leurs fins de mois?) mais du possible. C'est toute la logique du principe de précaution.

Cette nuance dans l'anticapitalisme a probablement d'ores et déjà un impact sur les stratégies des uns et des autres. La cible n'est pas la même, ce ne sont plus les entreprises qui exploitent les ouvriers que visent les écologistes, mais l'Etat qui contrôle et délivre éventuellement les autorisations de commercialisation des produits. Ce ne sont plus les salariés victimes de l'exploitation qu'ils tentent de mobiliser mais les consommateurs et les citoyens. Il ne s'agit plus, comme chez les marxistes à la NPA, de militer pour une modification de la composition du capital des entreprises (introduction de l'Etat, des salariés dans le système de gouvernance…) mais d'exercer un contrôle fin sur les activités de l'entreprise (ses produits, ses technologies…).

Il ne suffit pas de se reconnaître dans l'anticapitalisme pour être d'accord sur tout.

Lettres à Aube

Au moment où on ne parle que de la désolante polémique créée par Eric Raoult (le droit de réserve des Goncourt), je voudrais signaler la sortie chez Gallimard d'un livre remarquable, sans doute l'un des plus beaux publiés cette année : les lettres qu'André Breton a adressées à sa fille Aube (quel joli prénom!). C'est tout simple, des lettres d'un père à sa fille aimée, mais c'est infiniment troublant. On y découvre, outre cet amour paternel qui surprend un peu de la part d'un homme qu'on imaginait plutôt en statue de sel, une intimité délicate plutôt désargentée, la chasse au papillon, le souci des études d'une enfant, des réves remplis de vers de Musset, l'attention à l'égard des autres. C'est un livre qui se lit comme un recueil de poèmes et qui fait un peu honte. On aimerait tant avoir écrit d'aussi belles lettres à ses enfants.

La campagne de vaccination commence

La campagne de vaccination du public contre la grippe commence aujourd'hui dans une atmosphère étrange. Si l'on en croit les sondages, les Français ne veulent pas se faire vacciner, doutent de l'innocuité de ce vaccin, s'interrogent sur les adjuvants.

Sans doute en ira-t-il autrement lorsque la presse annoncera les premiers cas de grippe mortelle. Cette méfiance intrigue cependant. On peut y voir l'échec d'une campagne de publicité gouvernementale maladroite ou plus simplement victime de la communication tous azimuts d'un exécutif qui ne sait pas nous laisser une seconde en paix.

Mais on peut aussi y voir un signe de notre relation compliquée avec la technologie, de notre méfiance à son égard. Et, en ce sens, cet échec serait à rapprocher des batailles contre le nucléaire, les antennes de téléphonie mobile, les OGM. On retrouve effectivement chez les adversaires de la vaccination des arguments qui servent contre ces autres techniques : avidité des grands groupes industriels, faiblesse des controles réalisés par des laboratoires financés par l'industrie.

Mais on peut également y voir l'inverse, une sorte de lassitude de l'opinion à l'égard de toutes ces menaces qu'on nous annonce chaque matin : cette grippe vient après les déchets nucléaires, le réchauffement climatique, les effets pervers des OGM ou des antennes de téléphonies mobile… On y croit un petit peu, assez pour se faire peur dans nos conversations de bureau, mais pas suffisamment pour se protéger.

Entre les deux, je ne sais que choisir. Peut-être y a-t-il des deux.

vendredi, novembre 06, 2009

Eric Besson va-t-il gagner son pari?

Eric Besson semble en passe de gagner son pari grâce… à la presse et, d'abord, à celle de gauche. Après Libération qui regrettait, dès le lendemain de l'annonce de ce débat, que la gauche refuse de s'y associer (éditorial de Laurent Joffrin), c'est au tour du Monde d'expliquer, dans un autre éditorial, que "plutôt que d'alimenter le vain débat sur l'opportunité du débat (…) il nous parfait plus utile d'aller d'emblée au fond de l'affaire : quels sont les traits de l'identité nationale?" On voit bien l'intérêt pour les journaux : cela fait de la matière à articles qui ne coûtent pas très cher à produire. Chacun peut y aller de son commentaire et les rédactions peuvent solliciter jusqu'à plus soif tous ces auteurs, experts, intellectuels, lecteurs, qui ne demandent pas de rémunération. Mais je ne suis pas sûr que l'intérêt des journaux fasse celui des lecteurs.

On aimerait recommander à tous ceux qui entreprennent de s'interroger sur l'identité nationale de relire le Jean-Paul Sartre de la question juive. Ce n'est évidemment pas en nous regardant dans un miroir que nous trouverons notre identité, c'est en écoutant ce que les autres, ceux qui nous regardent de l'extérieur, ont à nous dire sur ce que nous sommes. Si traits communs il y a, seuls des regards étrangers peuvent le discerner. Nous en sommes incapables, sauf à penser qu'être Français se résume à quelques imbécilités jusqu'alors réservées aux supporters des clubs de foot et de rugby, genre Marseillaise, drapeau et coq gaulois.

Pour conclure, une anecdote. Je me trouvais il y a quelques années à l'aéroport de Séoul. A l'autre bout du grand hall où j'attendais mon avion, se trouvait un groupe d'une vingtaine de jeunes filles autour de deux bonnes soeurs. D'où j'étais, je ne pouvais pas distinguer leur visage, pas plus les entendre, juste voir leurs gestes, leurs mouvements. C'étaient incontestablement des Françaises. Par curiosité, je me suis rapproché. C'étaient effectivement des Françaises, mais toutes nées en Corée et amenées en France bébé parce qu'orphelines. Leur francité s'exprimait dans leurs manières de se tenir, de mettre la main sur la hanche, de se projeter dans la conversation vers leur interlocutrices, de rire…

Je n'avais pu deviner leur francité que parce que, plongé depuis quelques temps, en Asie, je reconnaissais soudain ce que je n'avais pas vu depuis longtemps : des Français ensemble. Elles auraient pu porter un voile ou une burqua qu'elles n'en seraient pas moins restées pleinement françaises.

lundi, novembre 02, 2009

Chirac, lui, n’a pas d’amis.

Phrase terrible de Charles Pasqua à propos de Chirac : "Chirac, lui, n’a pas d’amis." Tout le contraire de Mitterrand qui en avait rangé tant dans tous ses tiroirs et de Nicolas Sarkozy qui confond si souvent amitié et relations. Mais Pasqua a sans doute raison : comme le disait un jour Sarkozy, Chirac est tout le contraire de ce que l'on croit, une brillante intelligence (et non pas un benêt inculte comme on s'est si souvent amusé à le décrire) d'une grande dureté (rien du sympathique bonhomme qu'on a longtemps cru). Comment aurait-il pu faire pareille carrière autrement?

Les nouveaux habits du débat public

Le débat sur l'identité nationale qu'organise la droite succède au référendum sur la poste qu'avait organisé la gauche… Personne n'ose le dire, mais tout cela relève de la même tactique : créer des événements qui incitent ses partisans à s'exprimer de manière bruyante pour donner à ses propositions ou à des politiques un peu plus de poids et de légitimité. Prenons le référendum sur la poste. 2 millions de Français ont participé à une votation sur la privatisation du service public. 95% se sont déclarés contre. Surprise? Seuls les plus opposés aux projets du gouvernement (et il faut dire qu'ils étaient nombreux) se sont déplacés. Les autres, les indifférents n'ont pas pris cette peine. La même chose se produira avec le débat sur l'identité nationale. Qui ira dans les préfectures et les sous-préfectures? Qui prendra le temps de discuter de la francité de la burqua, du chant de la marseillaise une fois par an ou autres âneries? sinon ceux qui sont déjà convaincus que l'identité nationale est menacée et qu'il faut la défendre contre les barbares qui ne chantent pas le chant national dans les stades.

Tous ces débats ont les mêmes caractéristiques :
- on en connaît les conclusions avant même qu'ils aient débuté (il faut maintenir la poste dans le service public, la burqua n'est pas française, il faut chanter la marseillaise…),
- ils ont l'allure du débat démocratique, de cette démocratie participative dont parlait Ségolène Royal, mais en sont tout le contraire puisque n'y participent que ceux qui partagent les conclusions initiales de leurs organisateurs,
- ils ont pour objet de donner une certaine légitimité populaire à des décisions qui suscitent une forte opposition,
- ils valent moins par les propositions qui en sortent (elles sont déjà écrites) que par le nombre de ceux qui y ont participé. Eric Besson ne convaincra vraiment que s'il fait mieux que les organisateurs de la votation sur la poste.

L'organisation du débat sur l'identité nationale est en général interprétée comme une opération pour reconquérir les voix d'extrême-droite. Il est en ce sens à rapprocher des Etats généraux que veut organiser le ministre de l'industrie dont on sait déjà qu'ils recommanderont toute une série de mesures protectionnistes qui visent à satisfaire un électorat ouvrier victime des délocalisations (il fallait entendre l'autre soir Estrosi à la télévision répéter jusqu'à plus soif le mot "ouvrier" pour deviner la cible). Le souci tactique est évident. Mais on peut aussi y voir la volonté de légitimer une politique qui se heurte à une opposition qui a su prendre de nouvelles formes avec, notamment, les micro-mobilisations sur des cas concrets que le RESF (Réseau Education sans frontière) réussit très régulièrement. Disons le simplement : les politiques de reconduite à la frontière qui séduisent tant la droite de la droite ne passent pas dans l'opinion. L'objet du débat sur l'identité nationale est de leur donner la légitimité qui leur manque.