mardi, janvier 31, 2012

Augmentation de la CSG : un taux record de taxation de l'épargne

La Tribune a disparu, dans sa version papier. C'était un bon journal, pas trop à droite, ce qui pour un journal économique n'est pas si fréquent, avec des informations et des analyses souvent originales. Il continue d'exister sur internet et de publier des analyses originales comme celle-ci de Philippe Mabille sur les hausses de la CSG décidées par Nicolas Sarkozy dont je retiens les passages suivants :

- "Avec la hausse de deux points de la CSG sur les revenus financiers, Nicolas Sarkozy porte au niveau record de 39,5% la taxation de l'épargne. Soit onze points de mieux en cinq ans... De quoi faire fuir les capitaux et dissuader les Français de financer l'économie. C'est donc sous Nicolas Sarkozy et une majorité de droite que la taxation des revenus financiers aura le plus fortement augmenté au cours de notre histoire, subissant un choc fiscal sans précédent, même quand la gauche était au pouvoir."

-  "En annonçant son intention de relever de 2 points la CSG sur les produits financiers, en complément de la hausse de 1,6 point du taux normal de TVA ( à 22,1%), pour financer la baisse de 13 milliards d'euros des cotisations patronale de la branche Famille, le chef de l'Etat (…) procède à un tour de passe-passe improvisé et dangereux pour le financement de l'économie française, de la façon la plus injuste qui soit de surcroît. Pas sûr d'ailleurs qu'il parvienne à convaincre sa majorité UMP de voter un tel coup de massue fiscal à la veille des échéances présidentielles et législatives."

- "Cette hausse de la CSGi concernera en effet la quasi totalité des placements (dividendes, intérêts d'obligations, y compris celles émises par l'Etat, assurance-vie, sicav et FCP, épargne salariale, livrets et comptes sur livrets et autres comptes à terme) et donc tous les épargnants, les gros comme les petits, notamment les retraités aux revenus modestes qui vivent des revenus de leur épargne. Seuls le livret A et le Livrets de Développement Durable y échapperont. De ce point de vue, le projet annoncé par François Hollande d'aligner la taxation du capital sur celle des autres revenus comme les salaires, en leur appliquant le barème de l'IR apparaît plus équitable, puisque le prélèvement sera progressif en fonction du revenu. Les petits patrimoines seront donc moins taxés que les gros."

- "Cette hausse de la CSG sur les revenus financiers est d'autant plus étonnante qu'elle entre en totale contradiction avec l'affichage, purement factice il est vrai, de la fiscalité entre la France et l'Allemagne. Vaccinée depuis la fin des années 1980 contre tout excès de taxation du capital (qui avait à l'époque fait fuir les capitaux massivement au Luxembourg), notre voisin taxe de façon beaucoup plus légère les épargnants."

- "Certes, la gauche veut elle aussi augmenter lourdement les impôts, mais la structure qu'elle envisage est beaucoup plus cohérente avec une stratégie de convergence avec l'Allemagne, puisqu'au lieu d'augmenter la CSG et la TVA, elle veut alourdir l'impôt sur le revenu et baisser l'impôt sur les sociétés sur les PME et les bénéfices réinvestis. A tout prendre, le Medef, qui a applaudi discrètement la TVA sociale Sarkozy, ferait peut-être bien de refaire ses calculs... En faisant financer les déficits sociaux par l'alourdissement de la fiscalité de l'épargne et de la TVA, Nicolas Sarkozy prend le double risque de faire chuter la consommation, seul moteur de la croissance et de provoquer une vague d'évasion fiscale qui pénaliserait gravement le financement de l'économie par l'épargne nationale. Il est peu probable que la compétitivité de la France en sortira améliorée."

- "Les 3 ou 4 points de baisse de charges dont va bénéficier l'industrie risquent d'être annulés par une hausse de leur coût d'accès au capital. Sans oublier le cadeau fiscal gigantesque fait au passage aux banques, qui ne sont pas assujetties à la TVA, mais payent une taxe sur les salaires, et sont parmi les plus concernées par l'allégement de cotisations familiales vu les niveaux de revenus concernés (jusqu'à 2,4 Smic)..."

lundi, janvier 30, 2012

Sur la guerre contre la finance

Dans son discours du Bourget François Hollande a dit vouloir interdire aux banques de traiter avec des paradis fiscaux ou des établissements situés dans ceux-ci. Ailleurs dans son discours il a dit (et répété, à plusieurs reprises depuis) que les grandes entreprises savaient comment échapper à l'impôt.

Le sujet est évidemment crucial, mais il en a si peu dit que l'on peut craindre que ses déclarations ne soient que paroles en l'air destinées à séduire le peuple de gauche alors même que là est l'une des clefs de cette guerre contre la finance qu'il annonce vouloir engager, bien plus sans doute que du coté des banques.

A-t-il pris la mesure du rôle que jouent les paradis fiscaux dans l'économie mondialisée, qui va bien au delà des seules banques, et de l'implication des grandes entreprises internationales ? Il faut, pour le faire, entrer dans le détail des politiques d'entreprise. Prenons Apple. Cette entreprise a des réserves de trésorerie considérables, supérieures à celles des Etats-Unis. Or, près des deux tiers de celles-ci (soit 64 Mds$) sont conservés à l'étranger pour éviter d'être taxé à 35% si elles étaient rapatriées aux Etats-Unis (si Apple rapatriait ses réserves aux Etats-Unis, elle verserait 22 Mds$ au fisc américain!). Combien les entreprises du CAC 40 conservent-elles ainsi à l'abri du fisc?

Comme l'expliquait il y a quelques années Alternatives Economiques, les paradis fiscaux sont un des piliers du capitalisme moderne. Les entreprises dont les produits sont mondiaux évitent de rapatrier leurs bénéfices, elles les stockent là où les taux d'imposition sont les plus faibles.

Et c'est de là qu'elles investissent dans les pays émergents : en 2008, les dix premières sources des investissements étrangers en Chine ont été Hong Kong, les Îles Vierges britanniques, Singapour, le Japon, la Corée du Sud, les Etats-Unis, puis les îles Caiman, les Samoa, Taïwan et Maurice. Les îles vierges britanniques ont plus investi en Chine que les Etats-Unis, les îles Caïman et Samoa plus que n'importe quelle économie européenne! C'est l'argent des impôts que les grandes entreprises ne paient pas aux pays dans lesquels elles opèrent ou dans ceux dont elles viennent qui servent à financer leurs délocalisations. Et ceci est vrai des grandes entreprises d'où qu'elles viennent. Beaucoup d'entreprises chinoises sont installées aux îles vierges britanniques pour ce motif.

Dans un registre voisin, Pak et ses coauteurs ont calculé, dans un article publié en 2003 que 4% du PIB grec était détourné et transféré à l'étranger pour échapper à l'impôt des sociétés. Quand on sait la sévérité de l'austérité imposée aux Grecs, on se dit qu'il y a là un dossier qui mériterait de plus longs développements.

Un certain nombre de mesures ont été prises dans le cadre du G20, sans grand effet, semble-t-il. Des régions françaises se sont également engagées dans la bataille, ce qui tend à prouver que cette guerre contre la finance n'est pas une invention de dernière minute. Mais avec quels résultats? Ce serait intéressant de le savoir. Pour ne prendre que cet exemple la majorité élue en Ile-de-France s'était engagée, en 2010, à la demande des Verts, à ce que la région ne fasse plus appel à des banques disposant de filiales dans les paradis fiscaux. Qu'en est-il aujourd'hui? "En Ile-de-France, d'après un communiqué d'Europe-Ecologie publié en juin 2011, cet engagement a déjà donné des résultats très probants. Ainsi fin 2010, le Crédit Foncier de France et la Caisse d’épargne et de prévoyance Ile-de-France Paris ont ainsi du apporter la preuve qu’ils n’étaient pas implantés dans les Etats ou Territoires non coopératifs. La Société Générale a d’ores et déjà assuré de fournir ces éléments durant l’année 2011. Cette exigence de transparence était essentielle dans ce processus de lutte contre les établissements financiers exerçant des activités dans des zones internationales de non-droit. Toutefois, certains éléments de « reporting » pays par pays se font encore attendre, signe de certaines résistances des institutions financières." C'était il y a sept mois. La campagne présidentielle pourrait être l'occasion de faire le bilan de ces premières escarmouches et de réfléchir à la meilleure manière d'étendre ces initiatives à d'autres secteurs que la banque.




Nicolas Sarkozy : bricolage de dernière minute

Les mesures proposées hier soir donnent, à la relecture, le sentiment de l'improvisation, du bricolage de dernière minute. Il fallait répondre à François Hollande, on a donc improvisé des mesures sur le logement, la jeunesse que l'on a ajouté à une vieille lune, l'augmentation de la TVA, et à une très vieille revendication du MEDF, le transfert des négociations au niveau de l'entreprise.

La plupart paraissent soit condamnées d'avance (comme cette mesure le logement qui va se heurter à l'opposition d'à peu près toutes les collectivités locales qui ne voudront pas revoir leur Plan d'Occupation des Sols sans un minimum de réflexion), soit des coups d'épée dans l'eau (les déclarations martiales sur l'alternance qui ne s'interroge pas une seconde sur les résistances des employeurs), soit encore la porte ouverte à une bataille frontale contre les organisations syndicales dont les contrats emploi-productivité signeraient la mort puisque, sans plus de pouvoir sur la gestion de l'entreprise, le choix de ses investissements, ils n'auraient pour seule fonction, en période de crise, que d'aider les employeurs à convaincre les salariés d'augmenter leur durée de travail et de baisser leurs salaires.

Quant à la TVA sociale… qui peut croire que cette petite augmentation suffira à diminuer de manière significative le coût du travail.

On a, à relire ce discours, le sentiment que Nicolas Sarkozy aborde cette campagne électorale sans biscuits, sans programme, sans s'y être vraiment préparé. Sinon, peut-être, sur le plan du comportement et des manières puisqu'il a évité tout ce qui rend d'ordinaire ses interventions insupportables.

PS. Un peu plus de 16 millions de Français l'ont donc regardé hier. Mais ce matin, quasi silence sur les antennes, peu de commentaires, pas de défilé des réactions enthousiastes de ses partisans et des protestations de ses adversaires. Un presque non événement qu'on aura oublié dans les 48 heures.

L'Allemagne pas si exemplaire que cela…

Les auteurs du blog OWNI ont eu l'idée de confronter les comparaisons avec l'Allemagne qu'a faites Nicolas Sarkozy hier soir avec les statistiques officielles. Disons, pour faire simple, qu'il a forcé le trait quand il ne s'est tout simplement pas trompé.

dimanche, janvier 29, 2012

Nicolas Sarkozy aura rassuré ses partisans, mais…

Nicolas Sarkozy a ce soir, certainement, rassuré ses partisans même s'il a laissé transparaître une certaine lassitude en fin d'émission. Il s'est déclaré (et montré) déterminé et a affiché une tactique de campagne : coller au programme de son opposant chaque fois que possible. Il l'a fait sur le logement, le financement de l'industrie, l'emploi des jeunes.

Mais s'il a rassuré les uns, il devrait également avoir beaucoup inquiété sur d'autres points :
- sur le plan social, en annonçant la possibilité, grâce à des accords d'entreprise, de déroger à la durée légale du travail mais aussi semble-t-il à d'autres règles, permettant notamment aux entreprises de négocier des baisses de salaire, ce qui annonce des lendemains sanglants dans des entreprises qui n'ont pas d'organisation syndicale ou des organisations si faibles qu'elles seront incapables de négocier quoi que ce soit ;
- sur le plan industriel en faisant porter l'essentiel de l'effort de compétitivité sur le seul coût du travail alors même que la comparaison avec l'Allemagne le prouve : c'est moins une affaire de coût du travail qu'une affaire de spécialisation et d'organisation du tissu industriel ;
- sur le logement avec une proposition qui devrait faire hurler toutes les collectivités locales qui tentent de préserver une certaine qualité de vie sur leur territoire.

On se demande, par ailleurs, si ces mesures peuvent être efficaces : pourquoi les entreprises qui refusent de recruter aujourd'hui des jeunes en alternance le feraient-elles plus demain? Pourquoi les entreprises travaillant dans des secteurs protégés ne profiteraient-elles pas de l'augmentation de la TVA pour augmenter leurs marges?

On remarquera enfin qu'il n'a cité qu'une fois le mot justice (à propos des fonctionnaires qui méritaient qu'une partie des économies réalisées avec le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux leur soit reversée), mot qui est revenu si souvent dans la bouche de François Hollande. La ligne de démarcation entre la gauche et la droite est, malgré la tentative de coller à l'adversaire, claire et nette.

Marine Le Pen en meeting

Grâce aux chaînes d'information continue ont peut assister en direct à quelques uns des meetings des candidats à l'élection présidentielle. Aujourd'hui, celui de Marine Le Pen à Perpignan. Spectacle intéressant qui éclaire sur la personnalité de la candidate du Front National, très à l'aise, parfois amusante, empruntant volontiers des trucs aux comiques spécialistes du stand-up, mais aussi et surtout sur son public et sur ce qu'il attend. 

Son discours était entièrement consacré au travail et à son programme économique (vraiment très flou). Elle fut très applaudie chaque fois qu'elle s'en est pris à l'immigration, aux syndicats, qu'elle a stigmatisé les fraudes sociales, illustrées par les Mercédès des Roms, qu'elle a fait la promotion de l'apprentissage et qu'elle a expliqué qu'il fallait réserver les aides sociales, à commencer par les allocations familiales, aux Français. La salle était infiniment plus froide (pour ne pas dire glaciale) quand elle parlait d'augmenter les salaires les plus faibles, lorsqu'elle expliquait que le coût du travail n'est pas un problème et que le baisser ne servirait à rien. 

C'était à Perpignan, région où le Front National est depuis longtemps bien implanté sans vieille tradition ouvrière. En irait-il de même dans le Nord? Ce serait à vérifier. Reste que l'on a bien le sentiment que son public est plus d'artisans et de petits patrons que d'ouvriers. Public sensible à son discours sur les valeurs du travail, mais plus sceptique sur une hausse des salaires et sur sa vision de l'entreprise. Ce qui laisse à Nicolas Sarkozy qui milite pour une baisse du coût du travail un espace à reconquérir.

vendredi, janvier 27, 2012

Juppé trahi par les siens

Ce n'est pas la gauche qui est le plus critique avec Alain Juppé, ce sont ses amis ou, plutôt, ses anciens amis, des chiraquiens anti-sarkozystes comme Thierry Desjardins ou Jean-François Probst. Je les trouve bien sévères. Juppé a été agressif et un peu de mauvaise foi? c'est vrai, et il a permis à François Hollande de montrer sa pugnacité, mais il n'a pas démérité. Plusieurs de ses questions étaient pertinentes même si ses réponses sur la TVA sociale ont surpris par leur imprécision. Le projet n'est donc pas plus avancé? Et même si s'il a à plusieurs reprises donné le sentiment d'avoir intégré la défaite de son candidat.

Petite revue de la presse étrangère…

Arthur Goldhammer signale l'article que Die Zeit, le grand journal allemand, consacre à François Hollande. Le papier est assez banal, mais la phrase d'accroche surprend : "Einst als Langweiler verspottet, soll der Sozialist Hollande nun Frankreichs neuer Präsident werden." ce qui veut, en gros dire : "longtemps considéré comem un raseur, le socialiste veut être élu Président." Raseur, Hollande? ennuyeux? On lui a longtemps reproché plutôt le contraire, de blaguer trop souvent, de faire trop d'humour.

Tous les journalistes étrangers n'ont pas cette vision étrangement déformée du candidat socialiste. Le Daily Telegraph propose un résumé tout à fait fidèle de ses propositions et des réactions qu'elles suscitent à droite.

Le Times de Londres s'inquiète surtout des répercussions sur la place financière londonienne et souligne que le maire de Londres, le premier ministre britannique et plusieurs responsables économiques ont dit leur inquiétude : "The Prime Minister, the Mayor of London and British business chiefs were taken aback by Mr Hollande’s plans, claiming that they would damage financial centres. Mr Johnson (le maire de Londres) accused him of “political vindictiveness”.

Le Guardian met sur son site des extraits de la conférence de presse en VO avec sous-titres, le tout accompagné d'un article de Pierre Haski qui souligne la dimension socio-démocrate de son programme et s'amuse, comme toute la presse britannique de la vraie-fausse citation de Shakespeare.

Le Financial Times qui rappelle, dans un article étrangement sobre, que la droite s'en est également pris aux banques, souligne qu'il y a souvent loin des mots aux actes et publie la lettre d'un professeur de l'INSEAD, Theo Vermaelen, pour qui la perspective de voir Hollande arriver au pouvoir aurait été une raison suffisante de dégrader la note de la France. Le Wall Street Journal s'inquiète lui aussi des banques et met en perspective le projet de séparer les activités de dépôt et de marché. Gageons qu'il publiera vite dans ses pages Opinions quelque pamphlet sanglant.

Le New-York Times offre un compte-rendu fidèle des propos de François Hollande et de quelques unes des réactions de l'opposition, ce qui donne cependant une drôle d'impression comme dans ce passage : "Mr. Hollande said he would raise the income tax bracket for those making more than 150,000 euros a year (about $197,000) to 45 percent from 40 percent, cap tax deductions for individuals at 10,000 euros a year (about $13,000), increase taxes on bank profits and create a financial-transaction tax — the last also a promise of Mr. Sarkozy. The head of Mr. Sarkozy’s center-right political party, Jean-François Copé, said Mr. Hollande’s promises were a “fiscal clobbering of the middle class." Qui lit vite se dit que les classes moyennes en France sont bien riches…

Dans l'ensemble, donc, les lecteurs de la presse "sérieuse", ceux au moins que la politique française intéresse ont une vision assez juste et pas du tout caricaturale des propositions de François Hollande. C'est sans doute le signe qu'il ne fait pas très peur même alors même que l'on observe, depuis quelques jours, une tentative de la part de plusieurs grands dirigeants conservateurs européens, britannique, allemand ou espagnol, de venir au secours de Nicolas Sarkozy.

jeudi, janvier 26, 2012

Dimanche soir, sur six chaines…

Dimanche soir, Nicolas Sarkozy parlera donc simultanément sur six chaines de télévision, TF1, France 2, I-Télé, BFM TV, LCI et les chaines parlementaires! Dans quel autre pays démocratique serait-ce possible?  Comme nous ne sommes pas encore au pays de Big Brother, nous pourrons faire autre chose, sortir, lire, regarder un film, nul ne nous forcera à assister à l'entretien d'une heure, mais comment ne pas avoir le sentiment d'être cerné?

On se demande qui a pu avoir cette idée farfelue qui parait, au delà du ridicule, une erreur de communication.

On nous dit que Nicolas Sarkozy veut la "jouer modeste", cette invasion des écrans dit tout le contraire. Et on peut compter sur ses adversaires pour dénoncer cette privatisation de l'espace public, cette "nationalisation" éphémère des télévisions privées. On nous annonce qu'il va renverser la table et faire des propositions décoiffantes, mais tout le monde (ou presque) les ayant entendues de sa bouche, il n'y aura pas ce travail d'infusion qui, au travers des annonces, des reprises dans les jours qui suivent dans la presse, fait évoluer l'opinion. De quoi parlera-t-on le lendemain? de ses propositions ou de son occupation des télévisions?

Cette mesure est si exceptionnelle, qu'on peut d'ores et déjà imaginer qu'il va dramatiser la situation. Il y a dans cette volonté de toucher tous les Français quelque chose de la communication en temps de guerre. Mais où est l'ennemi?  François Hollande a désigné les marchés financiers. Difficile pour Nicolas Sarkozy de reprendre l'argument. Il lui reste l'Etat social, ces cotisations sociales qui ruinent, nous dit-on, notre compétitivité. Mais l'argument a tant servi qu'on a envie de soupirer et de dire : encore…

mardi, janvier 24, 2012

"Si l’on veut être aimé dans le futur, il faut couper.”

Le Monde attribue cette phrase à Nicolas Sarkozy évoquant sa carrière après une défaite aux prochaines présidentielles. Défaite qui le mettrait dans la même situation que Valery Giscard d'Estaing, à ceci près qu'il semble vouloir s'y préparer, qu'il aimerait, nous dit-on, gagner de l'argent. Mais pourra-t-il être aimé dans le futur? C'est une ambition que l'on comprend mais qu'il n'est pas si facile à accomplir. Mitterrand et Chirac ont réussi cela, chacun à leur manière, mais d'autres ont échoué. Qui aime Pompidou? ou Giscard d'Estaing, même si derrière le ridicule du vieux monsieur qui écrit des romans à l'eau de rose se dessine une réhabilitation d'un septennat qui sut aérer une France que le gaullisme et le pompidolisme avaient tellement enfermée dans la naphtaline.

Le personnage pourra émouvoir et peut-être susciter quelque sympathie chez ceux qui se souviendront de son dynamisme, de ses échecs amoureux, de sa capacité à entraîner ses pairs dans des aventures militaires, mais que restera-t-il de son bilan? La dégradation de la France s'est sous son quinquennat accélérée, en partie de son fait, en partie par la faute de la crise, beaucoup parce qu'il a agi à contre-temps, n'ayant pas anticipé une catastrophe qu'il était peut-être difficile de prévoir. Beaucoup aussi parce que, à l'inverse de De Gaulle ou Mitterrand, il ne s'est pas placé dans la longue durée. Où sont ses grands travaux, ses réalisations qui laisseront sa marque? A quel musée, à quelle bibliothèque pourra-t-on donner son nom? Que resterait-il dans nos mémoires de Pompidou, le mal aimé, s'il n'avait imposé Beaubourg? Laquelle de ses réformes résistera à l'usure du temps? Celle sur les retraites devra être renégociée, celle sur l'Université n'a pas, c'est le moins qu'on puisse dire, encore porté beaucoup de fruits, pour le reste, on peine à voir…

Il est vrai qu'il n'est pas battu et qu'une improbable victoire arrachée de main de maître pourrait lui valoir d'entrer dans le dictionnaire des grands artistes de la politique, mais qu'en ferait-il?  dans quel état laisserait-il la France après cinq nouvelles années, si elles sont aussi chaotiques que les cinq dernières?

Cette question de l'après se pose d'ailleurs pour de nombreux politiques qui quittent la scène jeunes après avoir occupé les plus hautes fonctions. Elle se pose également pour DSK. Que faire? La tournée des conférences grassement rémunérées comme Clinton et Blair? C'est rémunérateur mais probablement un peu désespérant.

Il est un modèle que tous ces politiques devraient méditer, et peut-être suivre, celui de Schumpeter qui après avoir été ministre des finances a écrit les livres que l'on sait. S'il en a le goût, Nicolas Sarkozy pourrait, une fois passées l'amertume et la déception des premiers mois, amorcer une réflexion sur le pouvoir, son exercice, la personnalité du leader. Son expérience difficile, paradoxale lui donneraient certainement matière à nous enrichir. Mais il est, encore une fois, bien loin d'être battu.

Nicolas Sarkozy prêt à quitter la politique?

C'est ce que suggère Ouest-France reprenant une phrase citée par les journalistes du Monde.fr : « En cas d’échec, j’arrête la politique. Oui, c’est une certitude » aurait-il ainsi déclaré, interrogé sur son éventuelle incapacité à obtenir un second mandat présidentiel. Le chef de l’Etat se dirait même lucide sur la fin de sa carrière. « De toute façon, je suis au bout. Dans tous les cas, pour la première fois de ma vie, je suis confronté à la fin de ma carrière. »

Remarque en l'air? signe d'épuisement? Drôle de manière, en tout cas, de débuter une campagne électorale qui ne devrait pas rassurer ses partisans. Un candidat qui fait sienne l'hypothèse de l'échec, qui pense déjà à l'après, qui s'y prépare en un mot, ne se met pas dans les meilleures conditions pour l'emporter. Mais peut-être n'est-ce qu'un bref passage à vide? Les images le montrant dérivant sur une pirogue en Guyane tandis que Hollande faisait un tabac à Paris donnent cependant à ces quelques mots une certaine substance.

lundi, janvier 23, 2012

Hollande dans ses habits de président

Je signalais hier le coté patriotique du discours de François Hollande, son appel répété à l'identité de la gauche, la laïcité, la République, l'égalité… L'analyse du vocabulaire que propose ce matin Libération confirme cette première impression :


Mais il y avait évidemment bien plus dans ce discours. Il y avait, d'abord, symbole fort, cette foule énorme, joyeuse, colorée, réactive, qui manquait jusqu'à présent aux meetings de François Hollande, il y avait également la réunion de tous les dirigeants socialistes dont les visages étaient plutôt souriants, même Laurent Fabius paraissait heureux. Il y eut ensuite, cet effet de surprise qui a pris de court l'UMP dont les réactions ont été très en dessous de ce que l'on pouvait attendre. Depuis deux jours, on nous promettait un discours personnel, vague et sans trop d'annonces. François Hollande a fait tout le contraire : il a nourri un discours personnel de nombreuses mesures dont plusieurs paraissaient complètement nouvelles. Le secret aura été bien gardé.

Discours ancré à gauche nous dit-on? Sans doute. Mais avec des mesures qui ne devraient guère choquer les spécialistes, la séparation des activités de dépot et d'investissement est demandée depuis de nombreux mois par de nombreux économistes, et une thématique que l'on entend ailleurs : les industriels ne sont pas les derniers à contester la prééminence des marchés. Si Hollande s'est ancré à gauche, il l'a fait avec des thèmes fédérateurs.

Et sans jamais citer Nicolas Sarkozy (plus tard sur TF1, comme on le lui faisait remarquer, il faisait comme si tout cela c'était déjà du passé), il a marqué sa différence : simplicité, cohérence, respect et… autorité. Une autorité affichée dans le ton mais aussi dans la rumeur : on dit qu'il a écrit tout sel ce discours, ce qui serait bien sûr une autre manière de se distinguer et de s'envoler.

On a évidemment envie de le comparer à François Mitterrand. Il en a quelques manières de tribun, mais son style est tout différent, il est bien moins dans le charme et la séduction, et s'il lui arrive d'être flou il n'est jamais ambigu. Son discours d'hier était, par ailleurs, bien plus charpenté et structuré que beaucoup de ceux de François Mitterrand.  Il serait d'ailleurs amusant de comparer son style et celui de Mélenchon autre héritier de Mitterrand.

dimanche, janvier 22, 2012

Hollande et l'identité nationale

Ségolène Royal avait, en 2007, joué du drapeau bleu blanc rouge, Hollande a cette fois-ci construit tout son discours autour de la France, autour de ce que l'on aimerait appeler, si Nicolas Sarkozy, n'avait démonétisé le mot, notre identité nationale. Il l'a fait avec finesse, commençant par l'affirmation de la laïcité (qui, inscrite dans la Constitution, nous protégerait de toutes les tentations d'évoquer les racines chrétiennes de l'Europe que l'on devine ici ou là et pas forcément en France), concluant par une longue litanie sur l'égalité en passant par des rappels de notre histoire et par une jolie formule sur son goût des gens qui n'était pas sans rappeler Chirac qu'il a évoqué lorsqu'il a parlé de la Corrèze. On nous avait dit qu'il fendrait l'armure, il me semble qu'il l'a fait autant que possible, en parlant de son père et de sa mère, et qu'il ne ferait pas un catalogue de mesures, il nous a donné du grain à moudre. Mais c'est cette dimension patriotique qui m'a le plus frappé, il a voulu réveiller le sentiment national. Un discours réussi, en ce qu'il devrait réveiller les ardeurs socialistes (bien présentes au Bourget) et gêner ses adversaires immédiats, moins sur sa gauche que sur sa droite, ce qu'il semble avoir réussi si j'en juge par les réactions mitigées de Benhamias, le bras droit de Bayrou.

vendredi, janvier 20, 2012

Mélenchon, Le Pen et les classes populaires…

Jean-Luc Mélenchon peut-il encore monter dans les sondages? François Hollande y aurait tout intérêt pour peu que cette progression dans le sondage se fasse au dépens de Nicolas Sarkozy, d’un coté, et de Martine Le Pen, de l’autre. Ce qui supposerait que l'ex-sénateur socialiste séduise des voix populaires (pas forcément ouvrières) que Nicolas Sarkozy a déçues et que Marine Le Pen attire. Son repositionnement, l’arrêt des attaques frontales contre François Hollande et son offensive contre le FN visent bien cela. Mais peut-il réussir?

Cela ne va pas de soi.

Parce qu’il lui arrive de se comporter en populiste, on l’a souvent comparé à Marine Le Pen. Sa clientèle n’est cependant pas la même. La sienne vient, pour l’essentiel, du secteur public, protégé, personnels de santé, personnel des collectivités locales, enseignants… qui s’opposent au capitalisme pour des motifs idéologiques, mais aussi parce qu’ils souffrent de la dégradation des services publics, de la réduction de leurs budgets et du manque d’effectifs…

Celle de Marine Le Pen est toute différente. L’héritière de Montretout séduit ouvriers et employés installés dans de petites villes qui sont doublement menacés : non seulement leurs emplois sont fragiles mais s’ils le perdent ils n’ont, du fait, de l’étroitesse des marchés du travail locaux, peu de chance d’en trouver un autre.

Les uns et les autres en appellent à l’Etat pour les protéger. Mais ils n’en attendent pas la même chose. Les premiers veulent surtout qu’il affecte plus largement ses recettes aux services au public. Les seconds veulent conserver ce qu’ils ont. Et c’est à cela que répond Marine Le Pen avec son programme ultra-protectionniste.

Melenchon peut-il rassurer cette France qui travaille dans les zones industrielles des petites villes dans des entreprises d’autant plus menacées qu’elles manquent de ressources financières et de compétences managériales pour retrouver le chemin de la croissance? Ce sera difficile. Ce le sera d’autant plus qu’il ne peut compter sur le soutien même indirect des organisations syndicales absentes de ces PME. Mais sa virulence peut être efficace dans les vieilles régions industrielles, dans le Nord, en Lorraine, en France-Comptén dans le pays de Montbéliard, là où les traditions ouvrières, syndicalistes, communistes ou socialistes, ont laissé des traces et nourri des générations de travailleurs. Sa virulence, son opposition radicale aux thèses anti-immigrés du FN (et de Nicolas Sarkozy) peut séduire dans des régions dont la population ouvrière est largement issue de l’immigration. Même s’il n’emporte pas l’adhésion d’une majorité, son offensive pourrait en faire douter quelques uns, suffisamment pour freiner l’irrésistible ascension de Marine Le Pen dans ces vieilles régions industrielles.

Restera, quels que soient les résultats de l’élection, à trouver des solutions pour ces salariés. Ni Mélenchon ni Le Pen n’en ont à l’évidence. Ce sera à l’élu d’en trouver.

jeudi, janvier 19, 2012

Inégalités et mobilité sociale ; nous avons des progrès à faire!

C'est une conférence (avec ici les graphiques) d'Alan Krueger, un économiste qui a travaillé pour Barack Obama avant de retourner à Princeton, qui devrait faire quelque bruit chez les économistes mais qui pourrait aussi nourrir nos débats politiques. On y trouve un graphique qui associe inégalités des revenus et mobilité sociale :


On lit ce graphique de la manière suivante plus un pays est en haut, à droite plus ses inégalités sont grandes, plus il est à droite en haut plus la mobilité intergénérationnelle y est faible, plus les revenus des enfants dépendent de ceux des parents. Que les inégalités soient très fortes aux Etats-Unis n'est pas une information nouvelle, que la mobilité sociale y soit aussi faible est, par contre, moins connu. Mais oublions un instant les Etats-Unis et regardons l'Europe. On trouve en bas à gauche, les pays du Nord : faible inégalité et plus grande mobilité et en haut à droite, pas très loin des Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Nous avons des efforts considérables à faire tant pour réduire les inégalités que pour aider la mobilité sociale.

On remarquera que l'Allemagne qu'on nous présente comme un modèle l'est effectivement : les inégalités y sont plus faibles que chez nous et la mobilité sociale plus importante.

Le diesel Hollande…

On le sent bien, la campagne de Hollande patine. Les journalistes et l'opposition mettent l'accent sur le flou de ses propositions, mais c'est probablement de bonne tactique (qu'aurait-on dit s'il avait présenté son programme économique deux jours avant la perte du triple A?). Non, ce qui donne cette impression de flottement c'est qu'il ne suscite pas, à l'inverse de Ségolène Royal en 2007,  d'enthousiasme. Il ne crée pas ce mouvement qui donne envie de se battre pour lui. Il est bon orateur (excellent même), il a réussi à mettre le PS au pas malgré quelques incidents ici ou là, mais il ne passionne pas. Il y a chez lui quelque chose de ces diesels qui roulent bien et ne coûtent pas cher mais ronronnent et ennuient les amateurs de belles voitures.

Cela tient sans doute à sa personnalité et à son positionnement : un président normal n'excite pas vraiment les foules. A l'inverse de Ségolène Royal, de Nicolas Sarkozy, de Jean-Luc Mélenchon ou, bien sûr, de Marine Le Pen, il ne clive pas. Si personne n'est tombé amoureux de lui, personne non plus ne le déteste. En ce sens, il rappelle le Chirac de la dernière période. Est-ce un handicap ? Cela ne l'aide sans doute pas à enrayer sa longue glissade dans les sondages mais il bénéficie de la prime de celui qui a le plus de chance de l'emporter à gauche. Et les sondages le suggèrent, ce pourrait être un atout pour le second tour face à Sarkozy. Encore faut-il y arriver. Mais, ne serait-ce que pour nous donner un peu plus l'envie de le défendre, il aurait intérêt à trouver quelque additif à mélanger à son carburant.

L'exemple de Nixon?

On reproche beaucoup à François Hollande mais aussi à François Bayrou de rester discrets sur leur programme. On pourrait faire le même reproche à Nicolas Sarkozy : si quelqu'un a compris en quoi consistait son projet de TVA sociale, qu'il le dise!




Mais l'exemple vient de loin et de… haut (je ne suis pas sûr que cet adjectif convienne vraiment, mais à défaut…), je veux dire de Nixon, si j'en juge par ce rappel de ses "secret plans" pour en finir avec la guerre du Vietnam en 1968, avec la levée du contrôle des prix en 1972… qui agaçaient (le mot est faible) les commentateurs mais ont trouvé grâce auprès des théoriciens de la stratégie. "The American citizenry, écrivait par exemple Steven Kerr, l'auteur d'un formidable article sur les incitations (On the folly of rewarding A while hopping for B), wants its candidates for public office to set forth operative goals, making their proposed programs "perfectly clear" specifying sources and use of funds, etc. However, since operative goals are lower in acceptance, and since aspirants  to public office need acceptance (from at least 50.1 percent of the people), most politicians prefer to speak only of official goals, at least until after the election." Dit autrement, tout le monde est convaincu que l'austérité sera au rendez-vous et l'accepte, mais un détail trop précis des mesures proposées pour réduire les déficits reviendrait à couper l'herbe sous les pieds du candidat. D'où ce sentiment étrange de flou et d'incertitude qui entoure ce début de campagne.

Quand le vice paie…

On sait que depuis Mandeville et Adam Smith le capitalisme et le vice font bon ménage. Le moindre escroc peut aujourd'hui espérer tirer quelques sous de ses mésaventures en en faisant un livre ou un scénario. Voilà, dans le même genre d'idées, que le Huffington Post, un journal en ligne que personne ne connaissait en France vient de se faire une publicité gratuite dans tous les médias en recrutant comme directrice éditoriale Anne Sinclair. Qu'elle ait les compétences pour l'emploi, nul n'en doute, mais aurait-elle été choisie si son mari n'avait occupé si longtemps la première page des journaux? On peut en douter…

mercredi, janvier 18, 2012

La crise et les super yachts

C'est la Tribune qui nous l'apprend : jamais les super yachts ne se sont mieux vendus. On en a vendu 263 en 2011 dans le monde contre 204 un an plus tôt. A eux seuls, ils représentent un chiffre d'affaires de 2,5 milliards d'euros. De quoi se mettre en colère? Oui mais de quoi, surtout, s'inquiéter. Quand les super riches achètent des Rolls et des yachts de très grande taille c'est qu'ils préfèrent dépenser leur argent pour leurs plaisirs (et le prestige), plutôt que pour s'enrichir. C'est qu'ils n'ont plus confiance dans l'avenir et se comportent comme ces pauvres qui ont si peu confiance dans le leur qu'ils dépensent ce qui leur reste plutôt que d'épargner. Vivement des difficultés pour les industriels du très grand luxe pour nous rassurer!


Imbécile brutalité

La campagne suit son bonhomme de chemin avec chaque jour un peu plus de fébrilité (et de brutalité) du coté de la majorité. Voilà que Gérard Longuet, crétin avéré depuis que, ministre de la Défense, on peut juger de ses prestations publiques, politique à l'éthique défaillante, facho bien introduit depuis qu'il a épousé la soeur de Bolloré, compare Hollande au capitaine du Concordia. Nadine Morano dont la finesse n'est pas la première qualité est enfoncée. Les socialistes demandent des excuses? Ils ont tort. On le leur reprochera. Et on les accusera d'être, à cause même de ces excuses, aussi coupables que leurs adversaires. Pourquoi ne se contentent-ils pas, à l'image de Fabius, de souligner l'indécence et la bêtise de la comparaison?

Le mystère Bayrou

Il y a un mystère Bayrou. Voilà un candidat qui n'est plus neuf, qui a montré ses limites et ses faiblesses, qui en a de nouvelles et qui cependant remonte très vite dans les sondages, au point que certains commencent à l'imaginer au second tour où il aurait, il est vrai, de bonnes chances de l'emporter tant contre Sarkozy (la gauche le préférerait sans difficultés) que contre Hollande (la droite le préférerait sans doute au candidat PS). Ses limites sont pourtant bien connues. Il est seul et sans troupes, son programme est du plus grand flou, pour ne pas dire invisible. Et s'il gagnait les élections, on ne sait avec qui il gouvernerait ni comment il ferait pour constituer une majorité aux législatives qui suivront l'élection présidentielle. Devra-t-il gouverner avec un PS qui aura gagné les élections? avec une coalition gauche droite? avec un bout de l'UMP? Et cependant, les sondages montrent qu'il progresse dans l'opinion. Sans doute est-il le candidat de ceux que les autres ne satisfont pas. En 2007, il avait attiré des voix socialistes que Ségolène Royal gênait. Et il l'avait fait battre en facilitant le report au second tour de ces voix sur Nicolas Sarkozy. Il pourrait très bien, cette fois-ci, servir de solution de rechange aux électeurs de droite qui ne supportent plus Nicolas Sarkozy, sa personne, ses scandales et sa politique droitière. Il se retrouverait une nouvelle fois dans la position de celui qui fait et défait les rois mais toujours sans la possibilité d'en profiter. Sauf à faire ce qu'il a refusé à Ségolène Royal en 2007 : passer un deal avec l'un ou l'autre candidat.

mardi, janvier 17, 2012

Dégradé? Une affaire d'honneur?

Le toujours excellent Arthur Goldhammer s'amuse dans un récent post de l'erreur d'un internaute français qui confond "downgraded" et "degraded" mot qui renvoie en anglais aux notions d'honneur et d'humiliation, ce qui lui permet de souligner le glissement de sens observé dans la presse française ces derniers jours qui rappelle ce sens de l'honneur dont d'Iribarne faisait une caractéristique du tempérament français. Il est vrai que la dramatisation de la perte du triple A se colore chez nous d'un sentiment d'humiliation que je ne me souviens pas d'avoir trouvé dans les réactions américaines à la même dégradation il y a quelques mois. En se faisant le défenseur intransigeant mais incapable du triple A Sarkozy aurait donc commis une erreur tactique (en mettant en avant une notation qui n'intéressait il y a quelques mois encore personne), et une faute politique en faisant d'une mesure technique une question d'honneur. Mais gageons qu'il saura vite faire oublier ce faux pas en annonçant de nouvelles réformes comme cette suppression de la cinquième semaine de congés payés dont il était question hier.

lundi, janvier 16, 2012

Hollande, Sarkozy, deux tactiques, deux gestions du temps

Plus on avance dans la campagne, plus on voit se dessiner deux tactiques, deux manières de gérer le temps que les réactions à la crise du AAA a une nouvelle fois illustré. D'un coté, Nicolas Sarkozy multiplie les annonces, les projets, les promesses de réforme comme s'il était assuré de remporter l'élection, comme si le temps ne lui était pas compté, de l'autre, François Hollande évite de trop s'avancer, reste sur le plan des principes et se garde de trop s'engager sur des projets détaillés. Le premier prend le risque de passer pour brouillon et inconsistant, le seconde pour flou et incertain.

Il y a là deux manières de maîtriser le temps. Nicolas Sarkozy parie sur l'oubli : il fait tant de promesses que nous oublierons, pense-t-il, celles d'hier et d'avant-hier. François Hollande veut, à l'inverse et à la manière de Mitterrand (qui utilisait cependant une autre technique, l'ambiguïté), se réserver le droit de trancher plus tard, au moment qu'il jugera opportun.

Le premier prend le risque d'être en permanence démenti, le second celui d'être accusé de manquer de réactivité, d'être trop prudent. La faiblesse de Sarkozy est que nous savons qu'il ne tient pas ses promesses, qu'il y a beaucoup de vent derrière tous ses discours, celle de Hollande est qu'il ne nous a pas encore montré qu'il savait trancher, décider.


samedi, janvier 14, 2012

Fonctionnaires, à vos portefeuilles!

Un passage des déclarations du préfet Gaudin à propos du scandale de l'IGS dans le Monde d'hier (Les policiers de l'IGS conservent tout mon soutien) devrait retenir l'attention de tous ceux qui se piquent de rechercher des solutions pour lutter contre le déficit de l'Etat :

"Est-il normal que Claude Bard, qui coordonnait l'enquête en 2007, et qui est aujourd'hui à la tête de l'IGS, ait défrayé un expert sur ses deniers personnels? 
"Ce fonctionnaire a été appelé dans le cadre d'une réquisition liée à une enquête judiciaire pour analyser la manière dont étaient traités certains dossiers d'étrangers à la Préfecture de police. Il est parfaitement qualifié pour cette mission en sa qualité de chef du bureau des étrangers d'une grande préfecture, celle du Rhône. Il fallait bien quelqu'un qui ait à la fois expérience et recul. S'agissant des défraiements liés à son déplacement, M. Bard les a tout simplement directement réglés afin de lui éviter une avance. Bien loin de constituer une anomalie, il s'agit d'un cas exemplaire de bonnes relations entre fonctionnaires."

Si je comprends bien M.Gaudin, il est naturel et normal qu'un fonctionnaire paie de sa poche les dépenses professionnelles d'un collègue. Plus même : ce serait un cas exemplaire, ce qui veut sans doute dire un exemple à suivre… Pourquoi, en effet, l'Etat rembourserait-il des frais si les collègues s'en chargent? On pourrait ainsi régler le problème de la dette : demander aux fonctionnaires de cotiser pour financer leurs déplacements…

L'explication est naturellement grotesque. On en rirait, d'autant plus volontiers que Michel Gaudin n'a rien d'un comique troupier, si l'on ne devinait derrière ce "cas exemplaire de bonnes relations entre fonctionnaires" une caisse noire sur laquelle Claude Bard s'est probablement remboursé.

vendredi, janvier 13, 2012

La fin du triple A

Les rumeurs confirment ce que l'on craignait depuis plusieurs semaines : fin du triple A pour la France, dégradée semble-t-il (mais ce ne sont encore que des rumeurs) plus que ses voisins. Il va nous falloir penser la dette. Certains ont déjà commencé comme Nathalie Sarthou-Lajus, auteur d'une Ethique de la dette (PUF, 1997) qui explique que la dette est fondatrice du lien social ou, de manière plus inattendue Friedrich List, économiste allemand du 19ème siècle, théoricien du protectionisme et grand ennemi des classiques, de Smith et Say, qui écrivait : "la dette dont le fardeau accable (la Hollande et les Pays-Bas) n'est qu'une suite d'efforts excessifs pour maintenir leur indépendance et il dans la nature des choses que le mal atteigne un point où il devienne insupportable, et où l'incorporation dans une plus grande nationalité leur semble à eux-mêmes désirable et nécessaire" (Système National d'Economie Politique, p.298). List était partisan d'une grande Allemagne qui regroupe le Danemark et les Pays-Bas, mais ce fut aussi un défenseur ardent du Zollverein, l'union douanière qui a donné naissance à l'Allemagne.

Près d'un tiers des Français d'accord avec les idées du FN? Voire…

Il faut se méfier des titres des journaux, même des meilleurs. Le Monde titrait hier "Près d'un tiers des Français adhèrent aux idées du Front National" en présentation des résultats d'un sondage de TNS-Sofres, interprétation qu'une lecture plus attentive invite à nuancer.

A le lire dans le détail, on découvre bien des éléments qui soulignent :
- le pessimisme des électeurs de l'UMP : 38% des sympathisants du parti majoritaire pensent que Marine Le Pen sera présente au second tour de l'élection présidentielle, score élevé qui suggère que beaucoup doutent de la capacité de leur candidat à rassembler la droite,
- et la porosité entre l'électorat de l'UMP et le Front National : pour 46% d'entre eux, Marine Le Pen est la représentante d'une droite patriote attachée aux valeurs traditionnelles et ils sont 45% à penser que l'UMP devrait faire des alliances électorales avec le FN (de circonstance pour 38% d'entre eux, globale pour 7%). Alliance qui pourrait justifier l'entrée de ministres FN dans un gouvernement de droite pour 33% des partisans de l'UMP,

Mais on découvre également que l'adhésion aux idées du FN, quoiqu'en progression, reste faible (11%), même à droite : 50% des sympathisants UMP adhèrent aux constats qu'exprime Marine Le Pen mais pas aux solutions qu'elle propose. Solutions qui auraient même plutôt tendance à reculer dans l'opinion :
- préférence nationale dans l'emploi (22% contre 45% en 1991),
- suppression de l'euro (30% contre 34% il y a un an),
- rétablissement de la peine de mort (33% contre 45% en 2000),
- l'immigration (49% des personnes interrogées pensent qu'il y a trop d'immigrés en France, ils étaient 59% en 2000).

Seul thème du FN en progression dans l'opinion : la place de l'Islam. 51% des personnes interrogées trouvent qu'on lui accorde trop de droit contre 43% en 2010. Mais est-ce un thème propre au FN? Les débats sur l'identité nationale et la politique de Claude Guéant montrent qu'il est bien partagé à droite.



mercredi, janvier 11, 2012

Pouvoir d'achat, TVA sociale et quotient familial

Les propositions sont à préciser de part et d'autre mais le débat fiscal qu'on nous promettait pour la présidentielle est engagé avec, d'un coté, le gouvernement qui milite pour une TVA sociale et, de l'autre, la gauche qui propose une transformation du quotient familial.

On sait encore peu de choses des projets socialistes, mais Les Echos citent une étude du Trésor qui en éclaire les effets : "la direction du Trésor vient de consacrer une note de 150 pages aux effets à attendre d'une telle réforme. Elle ne l'a évidemment pas fait pour le PS, mais pour le Haut Conseil de la famille, rattaché à Matignon. L'intérêt de ces simulations est qu'elles collent parfaitement avec le projet socialiste : les scénarios étudiés ont été calibrés pour assurer un rendement constant pour l'Etat -ce qui est l'objectif visé par François Hollande. Le Trésor a en fait simulé plusieurs scénarios (réduction d'impôt, abattement sur le salaire imposable, etc). Parmi eux, c'est celui du PS qui réduit le plus les inégalités : le crédit d'impôt est en effet le seul à bénéficier aux non-imposables. Dans l'hypothèse où l'Etat reverserait l'intégralité des gains aux ménages, le crédit d'impôt s'élèverait à 607 euros par enfant, calcule le Trésor. La réforme aurait des effets massifs : la moitié la plus riche de la population reverserait 3,5 milliards d'euros à la moitié la plus pauvre. Dans le détail, elle ferait près de 5 millions de gagnants (à hauteur de 829 euros par an en moyenne) et un peu moins de 4,5 millions de perdants (à hauteur de 931 euros en moyenne). Pour près de deux tiers des ménages, la réforme serait neutre. Les gagnants se situeraient parmi les ménages gagnant jusqu'à 3 SMIC (soit 4.200 euros brut par mois). L'impact serait défavorable au-delà. Les pertes seraient considérables pour les familles de plus de trois enfants aux revenus élevés. Elles perdraient jusqu'à 1.692 euros pour chacun des deux premiers enfants, 3.384 euros pour chacun des suivants, calcule le Trésor."

En clair, cette mesure conduirait à une augmentation du pouvoir d'achat des ménages gagnant jusqu'à 3 SMIC (on retrouve les 4000€ dont parlait en 2007 François Hollande). Soit, exactement l'inverse de l'effet produit par la TVA sociale qui augmenterait, si elle était mise en place, les coûts de la plupart des produits de consommation courante et réduirait d'autant le pouvoir d'achat de ceux qui dépensent l'essentiel de leurs revenus (soit ceux dont le revenus sont, justement, inférieurs à 4000€). Je sais bien que le gouvernement présente son projet comme une arme anti-délocalisation, un argument qu'Olivier Bouba-Olga avait efficacement déconstruit en 2007. Non seulement, la TVA sociale ne permettra pas de rapatrier les emplois perdus mais elle conduira à une augmentation des prix, les entreprises étant surtout soucieuses dans les périodes d'incertitude économique de consolider leurs comptes.

Derrière des débats techniques sur la fiscalité, c'est donc la question du pouvoir d'achat qui est en cause. La gauche privilégiant celui des plus modestes qui dépensent tous leurs revenus, la droite les plus aisés qui épargnent quand ils ne consomment pas des produits de luxe. En 2007, Nicolas Sarkozy s'était présenté comme le candidat du pouvoir d'achat. Cela lui sera, cette fois-ci, plus difficile.

Un Président de gauche pour une France de droite?

Lorsqu'ils interprètent les sondages, les observateurs ont les yeux fixés sur l'écart entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, écart qui se resserre au premier tour mais reste toujours élevé au second. Il en est un autre qui n'est pas moins intéressant : celui entre les voix qui se portent sur les candidats de gauche, Mélenchon, Joly, Hollande, Arnaud (41% d'après le dernier sondage de BVA) et celles qui se portent sur les candidats de droite, Sarkozy, Le Pen,  Villepin : 45% qui montent à 56% si l'on y ajoute les voix des électeurs de Bayrou qui sont probablement dans leur majorité des électeurs de droite que Nicolas Sarkozy a déçus. Hollande est en tête mais la majorité des Français penche plutôt à droite.


Si François Hollande est élu au second tour, il le devra plus aux divisions de la droite qu'aux forces de la gauche. Ces divisions sont profondes mais elles ne sont pas une garantie. Qu'il inquiète trop les électeurs de droite et ceux-ci se retourneront vers leur candidat "naturel". Les Français ont clairement envie de changer de président, ils n'ont pas forcément envie de gauche. Il en allait autrement en 1981…

mardi, janvier 10, 2012

Thierry Desjardins, que l'on connait pour son blog qui rappelle à qui l'ignorerait que l'antisarkoysme se porte bien à droite vient de publier un livre portrait de Dominique de Villepin dont il semble avoir fait son héros pour cette campagne présidentielle.


On y apprend beaucoup de choses (inutiles) sur son nom et sa particule qui n'a rien de vraiment aristocratique. On y découvre qu'il est plus un émigré qu'un Français ordinaire (né au Maroc, élevé au Vénézuela où il aura comme condisciple Anne Wiazemski), ce qui explique peut-être son image rêvée, idéale de la France. Diplomate, il continue de vivre à l'étranger. On découvre également qu'il s'est séparé de sa femme (pour vivre avec une journaliste comme tant d'autres? l'auteur ne nous le dit pas) et l'on y retrouve de multiples piques contre Sarkozy que Desjardins égraine régulièrement dans son blog, mais guère de révélations. On devine seulement, derrière le récit effarant des coups bas et affaires de la droite ces cinq dernières années, pour qui Thierry Desjardins roule. 

La police roumaine contrôle les Roms à Paris

Ils sont 25 officiers de police roumains, élégants et polyglottes, qui, depuis novembre et jusque fin février, patrouillent dans les rues de Paris, accompagnés de deux collègues français, à la recherche des Roms, jeunes ou moins jeunes qui mendient dans les rues. "Pour savoir qui les met dans la rue", m'expliquaient hier les deux policiers français qui en accompagnait un au coin du boulevard Saint-Michel et du Boulevard Saint-Germain avant de m'inviter à bavarder avec ce collègue "qui parle 5 langues". Cet "officier de police roumain" (ainsi se présenta-t-il lorsque je lui demandais s'il était policier) m'expliqua gravement que les Roms, quoique nés en Roumanie, donnent vraiment de son pays "une mauvaise image". Lorsque je lui fis remarquer qu'ils étaient citoyens européens et avaient donc le droit de circuler librement au sein de l'UE, il ne l'a pas contesté même s'il n'aurait sans doute pas fallu beaucoup insister beaucoup pour lui faire dire que les Roms n'étaient pas vraiment roumains. Est-ce ma présence, notre conversation? la jeune mendiante n'a pas demandé son reste et est aussitôt partie.

Question : avons nous vraiment besoin du soutien de policiers roumains pour faire circuler quelques mendiants dans les rues de Paris?